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25 novembre 2019 1 25 /11 /novembre /2019 17:55

Depuis quelque temps maintenant, une vague de «dérapages», de « phrases choc », de « clashs », de « badbuzz », de « polémiques » etc. tourne en boucle dans les médias dominants. Cette richesse dans le vocabulaire contraste tristement avec la misère morale et politique de celles et ceux qui saturent l'espace médiatique par leurs propos haineux. Les journalistes, les philosophes, les écrivains, les hommes et les femmes politiques etc. se précipitent et se succèdent sur les plateaux de télévision et les stations de radio pour déverser leur haine de classe sur une partie de la population notamment la fraction la plus vulnérable, les femmes musulmanes. Elles doivent être, au nom de la laïcité et de la libération des femmes, pourchassées, humiliées, stigmatisées et livrées à la vindicte populaire. La surenchère de propos ignobles, encadrés par des présentateurs réactionnaires, fait rage. Mais derrière ces « dérapages », spontanés ou contrôlés, pour faire parler de soi et faire le buzz... se cache la classe dominante. Car les idées ne tombent pas du ciel comme la pluie. Elles sont l'expression générale de la réalité économique et sociale des hommes et des femmes vivant en société. Comme disaient Marx et Engels «les idées dominantes d'une époque n'ont jamais été que les idées de la classe dominante» (1).

 

En ces temps de crise, les valeurs dont se targue encore la république bourgeoise s’effondrent lentement sous la pression des changements économiques et avec eux toute cette construction idéologique : droit de l’homme, laïcité, démocratie, État de droit, égalité entre citoyens, liberté de culte etc. Elles sont remplacées aujourd'hui par la propagation d'autres « valeurs » comme la haine, l'islamophobie, la xénophobie, la misogynie, la démagogie, la délation, etc. Il s'agit là des ingrédients essentiels utilisés ou plus précisément instrumentalisés par la classe dominante pour, en dernière analyse, maintenir les privilèges et les richesses entre ses propres mains.

 

Mais pour pouvoir imposer sa politique en temps de crise, la bourgeoisie a besoin non seulement de gouvernements autoritaires, mais aussi de tromper les masses populaires pour obtenir leur passivité voire leur complicité. Il lui faut des boucs émissaires capables de détourner la colère des masses des vrais problèmes et du combat politique. La stigmatisation du musulman aujourd'hui comme, toute proportion gardée, du juif hier, correspond à cette nécessité pour la classe dirigeante d'occulter sa propre responsabilité dans la situation économique et sociale désastreuse que connaît la France et son incapacité à sortir le pays de la crise. Elle attise la haine religieuse à travers ses hommes politiques, ses journalistes, ses intellectuels, ses philosophes etc. afin de dresser les citoyens les uns contre les autres pour les diviser et pour mieux attirer, tel un prestidigitateur habile, l'attention de la population sur le voile, la construction des mosquées, les jupes longues, le burkini, la viande hallal etc. Il faut donc construire cet ennemi à force d'images et de phrases haineuses pour cimenter une population traumatisée par les différents plans d'austérité et dégoûtée par le comportement d’une classe politique corrompue et totalement soumise aux intérêts d’une minorité de très riches. Ce faisant la classe dominante déforme et travestit la réalité.

 

Mais cette prolifération et ce développement fulgurant dans l'espace médiatique de ces « dérapages/ commentaires/dérapages... » constituent, dans une certaine mesure, les symptômes d'une société en crise profonde qui glisse progressivement et insidieusement vers un régime encore plus autoritaire que celui qui est déjà en place (2). On ne compte plus, dans l'espace médiatique, le nombre de débats sur le port du voile, de tribunes, d'éditoriaux et de chronique sur l'islam. Les mots et les « théories » utilisés sont souvent vides de sens mais toujours chargés de haine. Avec ces « dérapages » à répétition, on assiste à un processus irrésistible de résignation, de dépolitisation et de fascisation des esprits.

 

C'est dans ce cadre qu'il faut peut-être comprendre cette omniprésence et cette audience démesurée donnée à l'idéologie d'extrême droite dans les grands médias. Par exemple, sur BFM-TV, Cnews, France Info et LCI, on compte 161 invitations des représentants du Rassemblement national sur une période de moins de 3 mois : «Sur la période allant du 1er janvier au 17 mars 2019, on ne dénombre pas moins de 161 invitations sur BFM-TV, Cnews, France Info ou LCI, soit plus de deux apparitions par jour en moyenne. (...) Cette omniprésence des représentants du parti d’extrême-droite s’accompagne d’un traitement médiatique tout en complaisance à l’égard de Marine Le Pen» (3). Les idées et les thèmes fétiches et obsessionnels de ce parti comme l'immigration, l'islam, le voile, les banlieues, le terrorisme, la sécurité etc, sont ainsi, grâce au matraquage des grands médias, légitimés, banalisés et intériorisés.

Rappelons pour mémoire que dans les années 80 par exemple les journalistes traitaient autrement Jean-Marie Le Pen, le père de Marine (4). Autrefois indésirable et peu fréquentable, le parti d'extrême droite est devenu aujourd'hui l'objet de toutes les convoitises médiatiques.

 

Aujourd'hui, le capitalisme en crise produit et continuera à produire des «valeurs» de haine, de xénophobie, d’islamophobie, de délation etc. C'est à ce système qu'il faut s'attaquer et à la minorité d'oppresseurs qui dresse les citoyens les uns contre les autres jouant sur leurs préjugés nationaux et religieux et non aux femmes, aux travailleurs immigrés, aux réfugiés quelque soit leur confession.

 

Mohamed Belaali

 

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(1)https://www.marxists.org/francais/marx/works/1847/00/kmfe18470000b.htm

(2)Voir la répression exercée sur le Mouvement des Gilets jaunes par le gouvernement Macron http://www.belaali.com/2019/11/gilets-jaunes-une-annee-de-combat-et-d-espoir.html

(3)https://www.acrimed.org/Les-chaines-tele-deroulent-le-tapis-rouge-devant

(4)https://www.ina.fr/video/CAB85106298

 

 

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