«Une société de vigilance voilà ce qu’il nous revient de bâtir (…). C’est tout simplement savoir repérer à l’école, au travail, dans les lieux de culte, près de chez soi les relâchements, les déviations, ces petits gestes qui signalent un éloignement avec les lois et les valeurs de la République» (1). Ainsi s'exprimait Emmanuel Macron lors de la cérémonie nationale d'hommage aux victimes de l'attaque du 3 octobre 2019 à la Préfecture de Police de Paris.
Le régime de Vichy est de retour, sous une autre forme et dans d'autres conditions. Le musulman remplace le juif. Cet appel à «bâtir une société de vigilance» intervient juste après un «débat» à l'Assemblée nationale sur l'immigration. Les musulmans, les travailleurs immigrés, leurs enfants et leurs petits enfants sont montrés du doigt. Il faut les surveiller. Car il vaux mieux prévenir que guérir. Il faut envoyer des lettres anonymes, des missives délatrices ou téléphoner directement aux autorités compétentes qui se chargeront par la suite de mener des enquêtes, d'effectuer des contrôles, de procéder aux arrestations et éventuellement à des expulsions.
L'islamophobie viscérale ou circonstancielle, peu importe, elle est encouragée par la plus haute autorité de l'Etat ; elle est officielle. Le pouvoir trouvera toujours à sa disposition des hommes et des femmes, de «bons et braves citoyens» pour dénoncer leurs semblables afin de construire cette «société de vigilance».
Mais derrière toute cette agitation macronienne se cache une réalité que la classe dominante tente d'occulter. En temps de crise économique, la bourgeoisie a toujours besoin d'inventer, de fabriquer des boucs émissaires. Les musulmans remplacent aujourd'hui en quelque sorte, dans des conditions très différentes et toute proportion gardée, les juifs d'hier. La brutalité, la haine, le racisme, la xénophobie, l'islamophobie, la délation etc. sont des éléments essentiels que la classe dominante instrumentalise pour maintenir, vaille que vaille, l’accumulation et la concentration de la richesse entre les mêmes mains.
Il ne s'agit pas d'un problème religieux ou ethnique, mais d'un problème social et politique. La bourgeoisie n'attaque pas l'Islam en tant que tel, mais l'utilise comme elle utilise le terrorisme, qu' elle a par ailleurs largement contribué à créer (2), pour mieux masquer sa propre responsabilité dans la situation économique et sociale désastreuse dans laquelle se trouve la France aujourd'hui. La désignation d'un bouc émissaire permet aussi de détourner les masses populaires des vrais problèmes qui les rongent au quotidien.
Cet appel à la délation, à la dénonciation de tout ce qui ressemble de près ou de loin à un musulman, à une musulmane (le port de barbe, du voile, pratique rigoriste de l'Islam etc. selon la liste de Castaner) (3) qui sont évidemment tous et toutes potentiellement terroristes, tombe au « bon » moment pour ce pouvoir aux abois. Sa politique de classe est de plus en plus contestée. Il faut, vaille que vaille, éviter une jonction des luttes, une fraternité et une solidarité de toutes celles et ceux qui se battent contre cette politique au service exclusif des plus riches. Il faut diviser pour mieux régner et dominer. Le « tous ensemble » fait peur à Macron, serviteur zélé des puissants. En montrant du doigt les musulmans, le pouvoir non seulement déforme et travestit la réalité, mais surtout espère créer cette «union nationale» qui lui fait cruellement défaut.
Mohamed Belaali
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(1)https://www.elysee.fr/emmanuel-macron/2019/10/07/ceremonie-nationale-dhommage-aux-victimes-de-lattaque-du-3-octobre-2019-a-la-prefecture-de-police-de-paris1)
(2)http://www.belaali.com/2014/11/le-terrorisme-produit-authentique-de-l-imperialisme.html
(3)Avec un peu d'humour : http://www.topito.com/top-meilleur-tweet-signaleunmusulman