Un homme vient de mourir. La République lui rend un hommage royal : journée de deuil national, honneurs militaires, drapeaux en berne, minute de silence etc. Son corps est béni par l’Archevêque et les évêques. Les grands, les riches, les célébrités de ce monde, visages graves, se prosternent devant le cercueil du puissant porté par des gardes républicains. Accablée par le chagrin, la classe politique au pouvoir ne peut contenir son émotion. Les écoles, les parcs, les places, les rues, les musées porteront le nom du puissant défunt. Les médias, qui à longueur de jour et de nuit exaltent ses qualités, sont unanimes : c'était un génie, un grand homme, plein de générosité et d'amour pour le petit peuple.
Mais pour que la classe dominante puisse célébrer ainsi la mort de l'un de ses fidèles serviteurs, il faut qu'une autre classe meure dans l'anonymat, l'indifférence et pour les plus pauvres, dans l'indignation et l'humiliation. Leur mort comme leur vie est une misère silencieuse. Pour les classes inférieures, la mort est presque une consolation. Et comme disait Baudelaire «C'est la Mort qui console, hélas ! et qui fait vivre ; C'est le but de la vie ». Dans la société de classes, les dominés sont, dans leur vie comme dans leur mort, méprisés et dépouillés de leur humanité. Ils sont l'incarnation d'une société inhumaine.
Mohamed Belaali