Parmi les camarades du groupe Missak Manouchian, Rino Della Negra. Footballeur et résistant, Rino a été exécuté par les Nazis le 21 février 1944 à l'âge de 20 ans.
Fils d'immigrés italiens, Rino est né à Vimy dans le Pas-de-Calais le 18 août 1923. Ses parents avaient fui le régime fasciste de Mussolini. La famille de Rino, dont le père était ouvrier briquetier, changeait souvent de région à la recherche d'emploi. En 1926, les Della Negra s'installent à Argenteuil, dénommé à l'époque "la banlieue rouge", dans le quartier de Mazagran où vivait une importante communauté italienne.
A 14 ans, Rino Della Negra devient ouvrier-ajusteur dans les usines Chausson d’Asnières. Le jeune Rino fréquentait en même temps le Football Club d’Argenteuil. En 1942, il est repéré et recruté en tant qu'ailier droit par le prestigieux Red Star Club de Saint Ouen. En cette même année, le Red Star remporte sa cinquième Coupe de France.
Très marqué par la culture antifasciste qui régnait dans la communauté italienne et par l'ambiance des luttes ouvrières de l'usine, Rino refuse le Service du travail obligatoire (STO) et entre dans la résistance. Il rejoint le glorieux groupe des Francs-tireurs partisans-Main-d’œuvre immigrée (FTP-MOI) de Manouchian sous le nom de code "Robin". Tout en jouant avec le Red Star, il participe à plusieurs actions armées : "exécution du général Von Apt, 4 rue Maspero ; 10 juin, attaque du siège central du Parti fasciste italien, rue Sédillot ; 23 juin, attaque de la caserne Guynemer à Rueil. Sa dernière action eut lieu le 12 novembre 1943 avec l’attaque de convoyeurs de fonds allemands, en compagnie de Robert Witchitz, au 56 rue de La Fayette" (1)
Blessé, Rino est arrêté, interrogé et torturé par la police française et par la Gestapo. Il est ensuite jugé par une cour martiale allemande avec les "terroristes de l'Affiche rouge" le 17 février 1944.
Le 21 février 1944, Rino est exécuté au Mont-Valérien avec ses camarades du groupe Manouchian. Dans une ultime lettre, Rino écrivait à son petit frère ces quelques phrases simples : "Je veux t’envoyer un dernier petit mot pour que tu réconfortes de ton mieux Maman et Papa. (...) Embrasse bien fort tous ceux que je connaissais. Tu iras au Club Olympique Argenteuillais et embrasse tous les sportifs du plus petit au plus grand. Envoie le bonjour et l’adieu à tout le Red Star." (2)
Rino Della Negra est enterré avec Manouchian au cimetière d’Ivry-sur-Seine dans le Carré des Fusillés,
Aujourd'hui encore son nom résonne dans le stade Bauer (3) dont une plaque commémorative en son honneur a été inaugurée en 2004. Le conseil municipal de Saint-Ouen a décidé en 2020 de donner le nom de Rino Della Negra à une rue de la ville dans le quartier des Docks. Une autre rue à Argenteuil où sa famille s'était installée en 1926 porte également son nom.
Rino Della Negra était bien plus qu'un footballeur. Il était avant tout un militant antifasciste sincère et courageux. Le fascisme, déguisé dans ses nouveaux habits, est aujourd'hui au seuil du pouvoir. Le ventre du capital est encore capable d'enfanter la bête immonde pour paraphraser Brecht. En ces temps de crises économiques, sociales et écologiques, la bourgeoisie aux abois n'hésite pas à s'allier avec des forces obscurantistes et à détourner la colère populaire des véritables problèmes en ciblant prioritairement les immigrés et leurs enfants. Rino Della Negra ouvrier et fils d'ouvrier immigré a pu écrire en France l'une des plus belles pages de la résistance en s'engageant dans une lutte à mort contre le fascisme. Son combat n'a jamais été aussi actuel qu'aujourd'hui.
Mohamed Belaali
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(1) https://fusilles-40-44.maitron.fr/spip.php?article22069
(2) https://collectifredstarbauer.wordpress.com/rino-della-negra/
(3) https://www.redstar.fr/2022-05-23/bauer/bauer-3/