Nous vivons une étrange époque. Elle se présente comme un ensemble de contradictions des plus diverses et des plus criantes.
Ainsi, des socialistes qui se déclarent socio-libéraux, d’autres, libéraux et socialistes à la fois ; d’autres encore sont heureux de voir le contenu ultralibéral de leur rapport appliqué par le gouvernement ; des libéraux qui haïssent l’Etat mais qui l’implorent lorsque leurs intérêts sont menacés et se servent abondamment dans ses caisses ; un parlement qui ne représente que lui-même ou presque, mais qui décide pour tous conformément aux directives de l’exécutif ; un président qui puise sa force dans sa faiblesse et son impopularité ; une petite bourgeoisie étouffée par la grande, envoie ses salariés occuper les ports, bloquer les routes ; une minorité se soigne dans les hôpitaux les plus prestigieux de la république (Val-de-Grâce, Pitié Salpetrière etc.) entourés de meilleurs médecins et bénéficie des progrès de la science et de la médecine, alors qu’une majorité des citoyens a de moins en moins les moyens pour se soigner (franchises médicales, déremboursement des médicaments, menaces sur la prise en charge intégrale des maladies longue durée etc.) ; l’idéologie dominante s’impose de plus en plus à l’école au détriment de l’esprit critique remplacé par le gavage et le dressage ; la propagande et l’endoctrinement ont remplacé l’information dans les grands médias, le faux est devenu vrai et la différence entre ce qui est juste et ce qui est erroné reste difficile à établir.
L’importance de la baisse du pouvoir d’achat pour l’immense majorité de la population n’a d’égal que les augmentations prodigieuses des revenus de quelques uns, voire d’un seul, le président de la république. Pour lui, tout augmente : salaire (172 %), dotation du chef de l’Etat (29 % entre 2006 et 2007), dépenses de l’Elysée (8.4% en 2007, et 200 % prévue pour 2008) (1) etc. En même temps, on supprime par milliers les postes d’enseignants, de sapeurs-pompiers, d’infirmières, d’assistantes sociales, bref des emplois au service des citoyens notamment les plus démunis d’entre eux qui ne peuvent payer, dans le privé, les services équivalents : au moins 30 000 non-remplacements de fonctionnaires en 2009 (dont 13 500 dans l’Education Nationale), soit 7 000 de plus qu’en 2008 (2).
Mr Sarkozy aime l’argent (3), le luxe, et étale ostensiblement, dans une république affaiblie, les fastes d’un pouvoir quasi monarchique. Il aime aussi les riches et méprise celles et ceux qui ne le sont pas. C’est une faiblesse ou plutôt un complexe de classe alors qu’il est présenté comme le président de tous les français. Le Fouquet’s, le yacht de son ami Bolloré, qui signe contrat après contrat avec l’Etat de la république (4), les vacances dans une station balnéaire pour milliardaires à New Hampshire (payées par deux riches familles), ou encore celles passées au bord du Nil à deux pas du temple pharaonique au Old Winter Palace sont autant de symboles et de signes de reconnaissance et d’allégeance à l’égard de cette classe qui a réussi à le porter au pouvoir avec les voix d’une partie importante du peuple. Et c’est là que réside la force des médias qui arrivent à faire rêver tout en anesthésiant une large frange de la population. Le rêve au lieu d’être force de changement, devient ici source de soumission aux puissants. On comprend mieux dans ces conditions le désir de Mr Sarkozy de vouloir nommer lui-même le président de France Télévisions. Les autres grands médias sont déjà entre les mains de ses amis (Bouygues, Bernard Arnault, Dassault, de Rothschild, Lagardère etc.).
Mais les symboles ne suffisent pas. Il faut des actes concrets. Et ce fut, entre autres, la loi publiée au journal officiel le 22 août 2007 intitulée paradoxalement loi en faveur du travail, de l’emploi et du pouvoir d’achat (TEPA). Or l’essentiel des mesures de ce « paquet fiscal » concerne non pas le travail mais le capital : diminution de l’impôt de solidarité sur la fortune, allègement des droits de succession, plafonnement du bouclier fiscal etc. Ces immenses cadeaux sont accordés aux grands patrons, aux banquiers et autres hommes d’affaires tout en expliquant aux citoyens que les caisses de l’Etat sont vides et que les déficits publics sont chroniques ! « La France est en déficit depuis trente-quatre ans. Il faut arrêter la fuite en avant. C’est une question d’efficacité et de morale » déclarait Mr Fillon (5).
Mr Sarkozy et Mr Hortefeux son ministre, pour afficher leur patriotisme et pour gagner les voix d’une partie de la population imbibée d’idées xénophobes, organisent contre les sans papiers, rafles, chasse à l’homme, interpellation au domicile, brutalité physique et verbale, humiliations en tout genre etc. Pendant ce temps là, le pouvoir tolère qu’une partie de la bourgeoisie planque scandaleusement son magot en Suisse, au Liechtenstein ou ailleurs pour échapper au fisc.
La destruction quasi quotidienne des avancées sociales petites et grandes ( Les retraites, les trente-cinq heures, le service minimum, mesures contre les chômeurs, augmentation sans contre partie du temps de travail des cadres, mesures en faveur des grandes surfaces et contre le petit commerce et l’artisanat etc.) montrent à quelle enseigne ce pouvoir désire anéantir tout ce qui a été arraché de haute lutte par des générations successives.
Cette période historique, toute peinte en noir, risque de durer longtemps tant les forces du progrès sont tétanisées et n’opposent pour ainsi dire aucune résistance d’envergure.
Mohamed Belaali
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(1) http://www.liberation.fr/actualite/...
(2) Le Monde, édition du 9 juillet 2008
(3) Voir le travail de Renaud Dély et Didier Hassoux dans « Sarkozy et l’argent roi », Calmann-Lévy
(4) http://www.bakchich.info/article111...
(5) Déclaration du premier ministre sur RTL, mercredi 9 juillet, cité par Le Monde du 9 juillet 2008