Une fois encore le cas de Haïti vient de démontrer d'une manière éclatante combien l'humanitaire est au service du capital. Tous les pays impérialistes, grands et petits, se sont précipités comme des vautours, au nom de l'humanitaire, sur la tragédie de ce petit pays.
Que voit-on sous nos yeux? D'un côté l'armée américaine, avec ses boys surarmés, qui se déploie dans les rues de Port-au-Prince, qui contrôle l'aéroport de la capitale haïtienne et tous les axes stratégiques. De l'autre, des survivants, hommes, femmes et enfants hagards, affamés et assoiffés qui errent à la recherche d'un introuvable point d'eau, d'une introuvable nourriture. Les uns cherchent à occuper le pays, les autres tentent,vaille que vaille, à survivre au milieu des cris des blessés et des cadavres jonchés à même le sol ou enfouis sous des bâtiments effondrés. Si les troupes américaines sont arrivées dès les premières heures du séisme, la population, elle, attend toujours dans des conditions inhumaines cette fameuse «aide humanitaire». Huit jours après le séisme, des centaines de milliers de sans-abris vivent dans des campements improvisés ou comme le dit l'Organisation Internationale pour les Migrations (OIM) « dans des abris de fortune, sans accès à des réseaux d’eau». La rapidité des vols des avions et la rotation des hélicoptères militaires contraste avec la lenteur des secours. Dans les petites villes avoisinantes de la capitale haïtienne, «l'aide humanitaire» est totalement absente.
Et c'est la population elle- même, à mains nues puisqu'elle manque de tout, qui a procédé aux secours d'urgence loin des caméras et du battage médiatique hypocrite. C'est cette même population c'est à dire des rescapés, dans le dénuement total, qui luttent contre la mort, qui sont traités par les grands médias occidentaux de pillards, de bandits, d'émeutiers etc. Ce sont peut-être ces «émeutiers» des quartiers populaires que les américains et leurs caniches européens craignent le plus. Car l'émeute peut se transformer en révolte et celle-ci en résistance à l'occupant.
Barack Obama en compagnie de Bill Clinton et même de Bush promet au peuple haïtien de rester à ses côtés «aujourd'hui, demain et à l'avenir». Les GI ne sont donc pas prêts à quitter le sol de ce pays qu'ils occupent au nom de l'humanitaire mais en toute illégalité.
ONG, entreprises multinationales, artistes, sportifs de haut niveau, hommes et femmes politiques sont ainsi enrôlés dans cette sinistre opération coordonnée par un commandement militaire. «La coopération s’opère à tous les niveaux sous la conduite du Pentagone, seul capable d’assurer le rôle de leader(...) le contrôle est laissé au militaire, subordonnant l’acteur civil et humanitaire» disait Stéphane Sisco membre du Conseil d’administration de Médecins du Monde(1). Aujourd'hui à Haïti rien n'échappe à l'œil vigilent du Pentagone. C'est lui qui contrôle, coordonne, dirige et refoule; il est le maître de la situation.10 000 soldats, des navires de guerre dont un porte-avion nucléaire, des hélicoptères en tout genre une base militaire permanente au nord de Port-au Prince etc. sont à la disposition du général Ken Keen qui n'est que l' exécutant des ordres du pentagone.
L'aide humanitaire est évidemment la mission officielle de cette armada : «Notre mission est de fournir une assistance humanitaire", déclarait à L'AFP le colonel Pat Haynes. C'est d'ailleurs le président de l'USAID, agence gouvernementale américaine d'aide au développement, qui a accompagné samedi 16 janvier 2010 Hillary Clinton dans son voyage à Haïti pour accomplir cette noble mission humanitaire. «Nous travaillons de concert avec la constellation d'organisation non gouvernementales qui s'efforcent depuis des années d'améliorer la vie du peuple haïtien.(...) L'argent afflue à la Croix-Rouge et dans d'autres organisations humanitaires» soulignait de son côté Barack Obama président des États-Unis dans un texte publié par Newsweek et Le Monde du 20 janvier 2010.
Les multinationales dont la brutalité exercée sur leurs propres salariés est quotidienne( exploitation, conditions de travail insupportables etc) se métamorphosent en entreprises philanthropiques et envoient, dans un élan de générosité, des millions d'euros ou de dollars aux pauvres haïtiens. Ainsi des banques comme la Société Générale ou le Crédit Agricole, après avoir distribué à leurs dirigeants et «collaborateurs» de substantiels bonus et autres stock options, se sont engagées à envoyer 1 million d'euros aux sinistrés du tremblement de terre. France Telecom, dont la direction des relations humaines a poussé au suicide nombre de ses salariés, a lancé par le biais de sa filiale Orange et en collaboration avec les autres opérateurs Mobile une campagne de récolte de dons par SMS. EADS, célèbre groupe aéronautique pour ses scandales financiers, prête à l'association Action contre la faim un gros porteur A 340 pour porter secours aux haïtiens.
Pour ces entreprises et pour bien d'autres qui participent à cette grande messe humanitaire, le drame haïtien est utilisé, avec beaucoup de cynisme, comme opération de relations publiques. L'humanitaire constitue, pour elles, une aubaine qui leur permet, à peu de frais, d'améliorer leur image de marque bien ternie par des scandales multiples et par leur attitude inhumaine vis à vis de leurs propres salariés.
Quant aux grands médias, notamment la télévision, la tragédie haïtienne est un show rentable qui permet d'augmenter l'audimat et d'engranger des recettes publicitaires en exploitant, eux-aussi, la compassion et la générosité des téléspectateurs. Elle leur permet, par ailleurs, de ne pas parler ou de ne pas montrer les luttes sociales qui éclatent ici ou là.
L'humanitaire sert de paravent aux visées hégémoniques impérialistes. Il exploite cyniquement les sentiments altruistes et de solidarité des citoyens pour servir, en dernière analyse, les intérêts d'une classe sociale minoritaire, mais qui possède tous les pouvoirs.
Mohamed Belaali
-----------------------------
(1) Mohamed Belaali « L'humanitaire au service du capital»:http://www.legrandsoir.info/L-humanitaire-au-service-du-capital.html