Socrates Brasileiro Sampaio de Sousa Vieira de Oliveira vient de nous quitter à l'âge de 57 ans. Socrates était un talentueux et élégant joueur de football. Il était également médecin diplômé de la prestigieuse faculté de San Paulo. Mais il était avant tout un militant. Jusqu'à sa mort, il n'a jamais renié ses convictions progressistes. Il a toujours dénoncé le «foot-business» et l'utilisation par la classe dominante de ce sport populaire pour servir ses intérêts économiques et idéologiques.
Contrairement à la plupart des footballeurs brésiliens, Socrates n'a pas courbé l'échine face à la dictature militaire (1964-1985) qui sévissait au Brésil. Bien au contraire, en utilisant son talent de grand joueur, il a fondé au sein de son équipe Corinthians de San Paolo la «Démocratie Corinthiane». Ce système qui permettait aux joueurs de prendre totalement en charge le destin de leur club, était une expérience audacieuse comparativement à la gestion en vigueur dans tous les autres clubs du monde basée uniquement et strictement sur la réalisation du profit. C'était également une manière de dénoncer le contrôle et la mainmise de la dictature non seulement sur le football, sport populaire par excellence au Brésil, mais aussi sur tout un peuple. Ce fait unique dans l'histoire récente du football, dominée par la corruption, le dopage et les scandales en tout genre, était un acte politique courageux, d'autant plus que cette terrible dictature, soutenue par les États-Unis, ne tolérait aucune contestation aussi symbolique soit-elle.
Socrates et ses camarades transformaient les stades en lieux de contestation de la dictature. Nulle publicité idiote payée par telle ou telle marque sur leurs maillots, mais seulement des slogans politiques contre la junte militaire.
S'il est difficile de déterminer la part de cette équipe courageuse dans le renversement de la dictature, on peut néanmoins dire qu'elle y a largement contribué en utilisant la magie du football.
«Quand Lula est arrivé au pouvoir, il y a eu une liste de ‘ministrables’ qui a circulé, et j’étais dedans, mais j’ai pris les devants, et j’ai dit ‘non’. Je ne crois pas trop à la politique institutionnelle»(1) confessait Socrates. Il avait une autre conception du combat politique.
Puisse le combat de Socrates servir d'exemple aux nouvelles générations de sportifs pour débarrasser le sport non pas d' une quelconque dictature militaire, mais d'une autre dictature beaucoup plus dangereuse, celle de l'argent.
Mohamed Belaali
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