«L'émancipation de la classe ouvrière doit être l’œuvre des travailleurs eux-mêmes».
K. Marx
Le rejet massif de l'austérité exprimé par le peuple grec le 5 juillet 2015 a été suivi immédiatement par l'acceptation d'un nouveau plan d'austérité encore plus extrême que les précédents (1) ! Le «non» est ainsi transformé en «oui» et la résistance en soumission. La séparation entre les aspirations du peuple et les discours de ses dirigeants est totale : « Nous n’avons ni l’intention ni la possibilité de vous tromper. De soustraire aujourd’hui votre vote et l’utiliser après les élections comme chèque en blanc. Et nous n’avons pas la possibilité de vous tromper parce que SYRIZA c’est vous» avait déclaré pourtant avec force Alexis Tsipras le 17/01/2015 (2). Il est étrange qu'un parti qui se nomme lui-même coalition de la gauche radicale et qui prétend, pour mener sa politique, s'appuyer uniquement sur le peuple souverain le trompe à ce point : «Nous ne nous appuyons ni sur des entrepreneurs ni sur des banquiers ni sur des propriétaires de médias. Nous nous appuyons sur vous. Ni sur l’oligarchie, ni sur les grandes familles. Sur le peuple souverain»(3). Ces formules hypnotiques répétées ont soulevé un immense espoir chez un peuple humilié et écrasé par des plans d'austérité sans fin, appliqués avec un zèle singulier par la droite et la social-démocratie. Le peuple grec a voté alors majoritairement le 25 janvier 2015 pour Syriza, le parti qui a promis la fin de l'austérité : « Le peuple grec souverain a délégué aujourd’hui un mandat clair, fort, et sans ambiguïté. La Grèce tourne la page. La Grèce laisse derrière elle la politique désastreuse de l’austérité» (4).
Après avoir tout accepté et tout renié à Bruxelles le 13 juillet 2015, Alixis Tsipras déclarait «j'ai signé un accord auquel je ne crois pas » ! Il assume pourtant la responsabilité de ce mémorandum pour, disait-il, éviter tout désastre au pays. Il demande alors au parlement et surtout aux partis qu'il combattait hier encore le Pasok et la Nouvelle démocratie de voter ce nouveau plan d'austérité le plus brutal et le plus violent que la Grèce n'ait jamais connu. Son appel a été entendu. Le 16 juillet,
ce « catalogue des horreurs », selon l'expression même des fonctionnaires qui ont participé aux « négociations », a été adopté par une large majorité (229 voix pour, 64 contre et 6 abstentions). Il faut souligner que 32 députés de la gauche radicale ont voté contre et 6 se sont abstenus. Le comité central de Syriza a rejeté quant à lui majoritairement (109 sur 201 membres) ce plan d'austérité. L'accord a été adopté donc grâce aux partis qui faisaient de l'austérité la priorité des priorités !
Pendant que les députés discutaient à l'intérieur du parlement, des milliers de manifestants anti-austérité affrontaient les forces de l'ordre à l'extérieur. Et si la lutte s’aiguisait, le gouvernement Syriza/Anel ferait-t-il appel aux troupes pour mater les révoltes populaires ?
Après le Pasok et la Nouvelle Démocratie, c'est le tour maintenant de Syriza d'appliquer, dans des conditions autrement plus difficiles, les mesures d'austérité dictées par la classe dominante européenne.
En fait les dirigeants de Syriza, en bons réformateurs et petits bourgeois qu'ils sont, n'ont jamais remis réellement en cause le capitalisme, source des malheurs du peuple grec et de tous les peuples. Ils n'ont pas compris que la tendance générale de ce système n'est pas d'améliorer les conditions d'existence des travailleurs et des salariés en général, mais de les dégrader. Au lieu de s'attaquer aux racines du mal, ils préfèrent mener une guerre d'escarmouche contre les conséquences du régime sans jamais œuvrer en même temps à sa transformation. Les problèmes économiques, sociaux et politiques que connaît la Grèce sont les effets de la crise du capitalisme et non les causes.
Les dirigeants de Syriza ne se conduiront jamais en révolutionnaire mais en réformistes.
Logiques avec eux-mêmes, les dirigeants de Syriza ont accepté les institutions de l'Union européenne, sa monnaie et son marché uniques espérant ainsi les changer de l'intérieur ou tout du moins les moraliser. Or l'Union européenne et la zone euro non seulement sont amorales comme le capitalisme, mais elles ne sont pas réformables. Les politiques économiques, dont l'austérité n'est qu'une dimension parmi d'autres, sont intimement liées à la nature de classe de l'Union. Les intérêts des oppresseurs et ceux des opprimés sont irrémédiablement antagonistes. C'est une illusion de croire que l'Europe, telle qu'elle est construite, va se métamorphoser par on ne sait quel miracle en une Europe démocratique, sociale, solidaire, écologique et tutti quanti. La reddition de la petite bourgeoisie grecque montre d'une manière éclatante combien cette idée de vouloir changer l'ensemble des institutions européennes de l'intérieur est erronée et dangereuse. Vouloir rester, vaille que vaille, dans l'Union européenne et la zone euro pour « négocier » des réformes ne peut conduire qu'à la situation dramatique que connaît la Grèce aujourd'hui.
L'Union européenne et la zone euro sont des constructions non démocratiques et une véritable dictature du capital qui inflige aux peuples européens des souffrances insupportables et les prive de toute autonomie, de toute souveraineté. Dans cette Europe là, les travailleurs sont ainsi transformés en esclaves condamnés à travailler sans relâche sous les ordres des créanciers, spéculateurs, usuriers et autres parasites du monde entier. Toute la construction européenne n'a qu'un seul objectif, servir les intérêts des puissants. Le cas de la Grèce est un exemple éloquent à cet égard. Dans ces conditions quel est l'intérêt des travailleurs et de l'ensemble des salariés à rester dans l'Union européenne et la zone euro ? Aucun. Il faut donc rompre définitivement avec cette construction hideuse.
Mais il ne suffit pas de comprendre que le changement est nécessaire pour le rendre possible.
Pour réaliser ce changement historique, il faut une force matérielle et sociale organisée sans laquelle aucune évolution qualitative n'est possible. La petite bourgeoisie incarnée par la direction de Syriza a montré d'une manière éclatante , alors qu'elle avait une grande partie de la population derrière elle, qu'elle était incapable d'affronter la classe dominante européenne toute puissante. Seule la classe ouvrière, produit authentique de la bourgeoisie, a objectivement intérêt à se préparer à cette lutte que lui impose le capital. Malheureusement la classe ouvrière européenne est dans un état de division et de faiblesse tel, qu'il lui très difficile de relever le défi. Les politiques d’austérité imposées par la bourgeoisie ne font que préparer d’autres crises plus violentes et moins prévisibles avec toutes les conséquences terribles pour les travailleurs. La classe ouvrière même divisée et affaiblie par un chômage de masse n'a d'autres choix que de se dresser contre la dictature du capital si elle ne veut pas que sa situation matérielle déjà dégradée ne s’aggrave encore davantage. Mais ce combat de longue haleine ne peut être mené efficacement que dans l'unité de l'ensemble des travailleurs.
Prolétaires de toute l'Europe unissez-vous.
M.B
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