Montres de luxe, costumes sur mesure payés par des richissimes amis, travail non identifiable de l'épouse et des enfants, mise en examen pour détournement de fonds publics, mensonges sur la valeur réelle du patrimoine, refus de se rendre devant les juges etc., voilà quelques unes des caractéristiques du trio préféré de la bourgeoisie française pour l'élection présidentielle. Et il ne s'agit là que de l'arbre qui cache la jungle des magouilles et des scandales financiers en tout genre d'une partie de la classe politique sans foi ni loi qui s'agrippe de toutes ses forces à ses privilèges. Macron, Le Pen et Fillon qui peuvent paraître différents dans leur style, leurs mots d'ordre et leurs discours, partagent en réalité le même fond commun, servir les puissants.
Les citoyens sont ainsi fortement incités à choisir un président de la République parmi ces personnages grotesques et corrompus. Plus les dates des élections s'approchent, plus ces «chiens de garde» du capital aboient à longueur de journée et de nuit dans les médias. La propagande et l’endoctrinement deviennent permanents, intenses, futiles et cyniques. Les moyens de communication de masse, notamment la télévision, sont ainsi utilisés massivement par la classe dominante pour tromper et anesthésier une population déjà traumatisée et démobilisée par le chômage et la précarité.
Marine Le Pen est assurée, selon les sondages fabriqués de toutes pièces, de participer au second tour alors que les citoyens n'ont pas encore voté. Peu importe, il faut qu'elle soit, vaille que vaille, au deuxième tour.
Son parti est présenté par les médias comme un parti normal, un parti somme toute comme tous les autres. Son nationalisme xénophobe et antisémite est édulcoré et banalisé : le musulman remplace le juif, «la race germanique» devient «français de souche», «La grande Allemagne», c'est «la grandeur de la France» et la République a pris la place du «Reich» (1). Les mots utilisés par le père comme «l'immigration massive et sauvage» ou «les chambres à gaz ne sont qu'un détail de l'histoire» sont adoucis. Marine, sa fille, parle plutôt de communautarisme, de laïcité, du terrorisme islamique etc. (2). Mais il ne s'agit là que des mots qui travestissent la réalité pour mieux masquer la vraie nature de ce parti dangereux. Si le Front national est partout dans les médias aujourd'hui, c'est que la classe dominante, en période de crise, a besoin d'instrumentaliser ce genre d'organisations pour, en dernière analyse, maintenir l’accumulation et la concentration de la richesse entre les mêmes mains. Elle a besoin d'inventer des boucs émissaires qui lui permettent d’occulter sa responsabilité dans la situation économique et sociale désastreuse que connaît la France aujourd’hui.
Pour reconquérir une «opinion publique» traumatisée par les différents plans d’austérité des gouvernements Sarkozy/Hollande et dégoûtée par le comportement d’une classe politique corrompue et totalement soumise aux intérêts d’une minorité de très riches, la bourgeoisie française invente des ennemis et montre du doigt l’Immigré, le Musulman, le Noir, le Réfugié, le Sans-papiers etc. comme responsables de tous les maux de la France. La fabrication des boucs émissaires permet également de décharger la colère populaire sur les victimes de la crise tout en épargnant ses véritables responsables.
L'hydre Front national remplit aussi une autre fonction pour la classe dominante, servir d'épouvantail pour mieux placer à la tête de l'Etat un autre président qui servira, dans des conditions plus apaisées, ses intérêts.
François Fillon est le candidat de cette vieille bourgeoisie française conservatrice et catholique peu attirée par l'extrême droite. Une partie des classes populaires trompée par le discours démagogique de Marine Le Pen ne se reconnaît pas dans la rhétorique du châtelain. Par contre, son combat pour des valeurs traditionnelles (contre le mariage homosexuel, contre l’interruption volontaire de grossesse et l’adoption, contre «la théorie du genre» etc.), ses convictions religieuses qu'il étale à la moindre occasion lui attirent la sympathie d'une droite réactionnaire qui aimerait faire tourner la roue de l'histoire en arrière. Manif pour tous, Sens commun et tous les réseaux de la droite catholique se mobilisent pour l'homme aux costumes à 50 000 euros.
Cependant ses valeurs conservatrices ne correspondent pas vraiment à son programme économique ultra-libéral (3) qui plaît au patronat et à une droite plus ouverte sur les évolutions de la société (4).
Fillon et la bourgeoisie qu'il représente vivent dans un autre monde. Leur vénération pour l'argent et le profit les rend imperméables aux injustices, aux inégalités et à l’irrationalité du capitalisme qui produit en même temps richesses pour une minorité et misère pour la majorité de la population. Ils exigent des autres des sacrifices qu'ils sont incapables d'appliquer pour eux-mêmes.
Le progrès social, la sécurité sociale, les services publics etc. ne sont pour eux que des mots vides de tous sens. Fillon le janséniste aime l'argent, le luxe mais méprise les classes populaires à qui il promet une austérité thatchérienne. Manoir, montres de luxe, costards de luxe, voitures de sport, etc. sont exhibés fièrement alors qu'une frange de la population, hélas, de plus en plus grande vit dans la misère et la détresse. Quel contraste entre les valeurs proclamées par la République et les pratiques réelles de ses dirigeants !
Macron se distingue nettement des deux autres candidats préférés par la bourgeoisie surtout que Marine Le Pen et François Fillon fleurtent avec Moscou. Emmanuel, atlantiste et européiste, est paré de toutes les vertus : il est jeune, beau, intelligent, compétent, pragmatique, charismatique, moderne et tutti quanti... Mais cette richesse dans le vocabulaire contraste avec la misère morale et politique de ce pur produit du patronat, ennemi du peuple et du progrès. Derrière cette image joviale de Macron, se cache en réalité le visage hideux de la finance.
Emmanuel Macron a tout pour lui, l'argent des chefs d'entreprises et des banquiers, les médias, les instituts de sondage, les économistes, les intellectuels, les hauts fonctionnaires, les fondations, les think tank, et bien sûr les hommes notamment ceux, nombreux, qui sont à la fois «socialistes» et «macronistes» à l'image du plus célèbre d'entre-eux, Manuel Valls (5). Victor Hugo parlait de Napoléon (le petit) en ces termes: «M. Louis Bonaparte a réussi. Il a pour lui désormais l’argent, l’agio, la banque, la bourse, le comptoir, le coffre-fort, et tous ces hommes qui passent si facilement d’un bord à l’autre quand il n’y a à enjamber que de la honte» (6).
Son programme économique ressemble, pour l'essentiel, étrangement à ce que les gouvernements successifs appliquent depuis belle lurette : baisse de l'impôt sur les sociétés (de 33,3 % à 25%), réduction des charges pour les entreprises, flexibilité accrue du marché du travail, assouplissement de la loi sur les 35 heures, réduction des dépenses publiques, suppression de 120 000 postes de fonctionnaires, suppression de l'Impôt de solidarité sur la fortune et, dans un autre domaine, davantage d'autonomie pour les établissements scolaires pour ne citer que ces quelques propositions (7).
On trouve également dans le programme de Macron cette idée intéressante, la collaboration de classe :«Concilier les attentes des salariés, des dirigeants et des actionnaires» (8). l'Etat «macronien» veut donc «concilier» les contradictions de classes pour mieux détourner les travailleurs et les salariés en général de ce combat de classe contre classe. Or les classes dans le système capitaliste sont inconciliables. L’entente des classes est une chimère, une rêverie produite et entretenue par les classes exploiteuses. Elle est contredite chaque jour par les faits.
Triste France ! Les puissants s'apprêtent à mettre à la tête d'une République affaiblie un homme qui, si par malheur est élu, prolongera l’œuvre de destruction et de liquidation entamée par Sarkozy et Hollande de ce qui reste encore des avancées sociales arrachées de haute lutte aux patrons par des générations successives de travailleurs. Macron appliquera avec zèle et dévouement une politique de paupérisation systématique des classes populaires et l’enrichissement d’une minorité de puissants. Il se présente comme un prestidigitateur habile attirant et fixant par un tour extraordinaire l’attention des classes populaires sur les quelques aspects plutôt positifs de ses promesses électorales pour mieux cacher sa véritable mission, servir la classe dominante.
Macron, Le Pen, Fillon trois ennemis du peuple et du progrès. Leur mission essentielle est de servir encore et toujours les puissants. Pour les plus démunis, pour les travailleurs, ils n'ont absolument rien à offrir à part les mensonges, les promesses, les illusions et la répression en cas de résistance et de révolte. La démocratie bourgeoise, même si elle reste utile pour arracher quelques avancées économiques et sociales, ne peut jamais traduire la volonté réelle et les aspirations profondes de la majorité des travailleurs et des salariés en général. Macron ne peut rien faire d'autre que d'exécuter les ordres de l'Union européenne, de la finance internationale, des multinationales, bref de ceux qui l'ont créé et propulsé sur le devant de la scène politique. Ce sont eux qui détiennent la réalité du pouvoir. Le Président, le Gouvernement et le parlement ne sont que des paravents derrière lesquels se cachent les véritables détenteurs du pouvoir. Ils ne sont que les gestionnaires des intérêts de la classe dominante. Et comme disait Marx et Engels il y a longtemps «Le gouvernement moderne n'est qu'un comité qui gère les affaires communes de la classe bourgeoise toute entière» (9).
Mohamed Belaali
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(1)http://lmsi.net/Du-programme-electoral-du-parti
(2)Voir sur ce sujet « Marine Le Pen prise aux mots. Décryptage du nouveau discours frontiste» de Cécile Alduy et Stéphane Wahnich.
(3)https://www.fillon2017.fr/projet/
(5)Voir entre autre :
https://www.legrandsoir.info/l-arnaque-emmanuel-macron-de-a-a-z.html
(6))Victor Hugo : « Napoléon le Petit ». Réédité chez Actes Sud (2007), par Jean-Marc Hovasse.
(7)https://en-marche.fr/emmanuel-macron/le-programme
(8)Voir objectif 3 https://en-marche.fr/emmanuel-macron/le-programme/entreprises
(9)K Marx, F Engels : «Manifeste du parti communiste ».