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14 juillet 2017 5 14 /07 /juillet /2017 16:51

Triste anniversaire ! Il y a un an, le 19 juillet 2016, un jeune homme de 24 printemps est mort entre les mains de la police, bras armé de l’État. Il s'agit d'Adama Traoré. Comme d'habitude, la police, la justice et les médias dominants ont nié cet assassinat. Ainsi le parquet annonçait qu'Adama n'avait pas subi de violence et qu'il souffrait «d'une infection très grave touchant plusieurs organes»(1). Aujourd'hui, une contre-expertise vient de contredire les assertions du procureur Yves Jannier (2). Adama Traoré est mort le jour de son anniversaire par asphyxie. Il ne s'agit pas d'une bavure policière, mais d'une brutalité qui met fin à la vie.

 

Le cas d'Adama n'est qu'un exemple parmi des centaines d'autres. La liste des victimes de la violence étatique est trop longue. Ceux et celles qui ont un peu de «courage» et de curiosité peuvent plonger dans cet univers macabre en consultant ce document (3). Et il ne s'agit là que des victimes connues et répertoriées. D'autres morts viendront, hélas, s'ajouter à cette interminable liste. Selon le rapport de l'Association des chrétiens pour l'abolition de la torture (ACAT), «Ces cinq dernières années, on compte en moyenne un décès par mois (14 décès en 2014, 10 en 2013, 19 en 2012, et 9 en 2011 et 2010)» (4). Il s'agit d'un véritable système qui reproduit ces crimes et favorise l'impunité des fonctionnaires de police. En France, il est très difficile pour les familles des victimes d'obtenir la condamnation d'un policier. La police, la justice et les grands médias déforment les faits, cachent les preuves et renvoient la responsabilité sur la victime. Le cas, entre autres, de Rémi Fraisse est éloquent à cet égard. Ni mise en examen, ni condamnation, mais un non-lieu requis par le procureur pour clore le dossier (5). Les policiers poursuivis par la justice dans le cas de la mort de Zyed et Bouna ont été relaxés. L'affaire de la mort de M. Marega, celle d'Ali Ziri et de B.Tandia se sont terminées là encore par un non-lieu (6). On peut ainsi multiplier les exemples de ces crimes restés sans châtiment.

Les rares poursuites judiciaires aboutissent souvent à des sanctions dérisoires par rapport à la gravité des faits. Les fonctionnaires de police reconnus coupables sont condamnés avec beaucoup de clémence. C'est le cas par exemple du policier qui a tué Amine Bentounsi en lui tirant une balle dans le dos. Le meurtrier reconnu coupable, mais condamné à cinq ans de prison... avec sursis. Il a fallu cinq ans de combat pour arracher cette condamnation très symbolique : «Cinq ans. Ça nous a pris cinq ans pour en arriver à cette condamnation, somme toute symbolique. Cinq ans de larmes, parce que la mort d’un fils, d’un petit frère, dans ces circonstances, c’est quelque chose qui ne s’efface pas» disait la sœur d'Amine (7).

Les deux policiers qui ont matraqué à mort Malik Oussekine en décembre 1986 ont été condamnés, là encore à de la prison avec sursis. La vie de ces jeunes ne mérite même pas un jour de prison dans le pays des droits de l'homme.

La population ne réalise pas l'ampleur des crimes perpétrés par l’État à travers sa police. Car les jeunes des quartiers populaires sont pour ainsi dire invisibles dans le champs politique et médiatique (sauf pour les stigmatiser) alors que le discours du gouvernement, de la justice et des syndicats comme Alliance est omniprésent.

 

La violence policière est d'abord une violence d’État. Elle est banalisée et même légitimée par le discours médiatique et institutionnalisée à travers la police. La mission essentielle de la police n'est pas la sécurité publique mais le maintien de l'ordre politique, garanti par l’État, instrument d'oppression de la classe dominante. La répression exercée sur les jeunes des cités et sur le mouvement social dans sa globalité montre bien que le rôle confié par la bourgeoisie à la police est de briser toute contestation, toute résistance à l'ordre établi aussi minime soit-elle. C'est dans ce cadre qu'il faut comprendre toute cette surenchère sécuritaire, cette militarisation de la police et ce renforcement extraordinaire de ses pouvoirs (8).

 

L’État français est incapable d'adopter la moindre mesure contre les fonctionnaires de police. La mise en place par exemple d'un simple récépissé de contrôle a été vite enterrée par François Hollande et Manuel Valls. Les jeunes sont mis dans une position telle que la moindre contestation se transforme en outrage ou en rébellion qui sont lourdement condamnés par la justice. «(...) les outrages et rébellions sont un moyen pour les policiers d’anticiper une plainte pour violence policière. Si la victime dépose plainte, ce sera la parole du policier contre celle du plaignant – dans la plupart des cas, un jeune. Or, les magistrats ont très largement tendance à considérer que ce sont les policiers qui disent la vérité» (9).

 

Quand on ne les assassine pas, les jeunes des banlieues affrontent au quotidien les contrôles aux faciès, les insultes racistes, les fouilles aux corps, les palpations, les crachats, le tutoiement et toutes sortes de provocations et d'humiliations : «Pour te montrer qu’ils te dominent, ils te donnent des petits coups dans les parties intimes avec leur talkie-walkie» confie un jeune des cités populaires (10). Le viol avec matraque de Théo s'il reste un exemple rare, n'est cependant pas exceptionnel (11). Les policiers sont formés et élevés par l’État dans la haine et le mépris de cette partie de la population paupérisée et marginalisée par une bourgeoisie qui n'a plus besoin de leur force de travail. Les enfants et les petits enfants des travailleurs immigrés affrontent également un système judiciaire qui les condamne promptement et injustement à de lourdes peines de prison. L’État a tendance à faire des jeunes des cités les ennemis de la société qu'il faut combattre. La brutalité policière n'est qu'un aspect parmi tant d'autres de cette volonté de la bourgeoisie d'exclure une partie de la population devenue, pour elle, inutile. Cette exclusion spatiale (quartiers périphériques) et sociale (chômage, précarité...) s'accompagne souvent par des explications culturalistes et essentialistes fournies par les intellectuels de la classe dominante (12).

 

Police, justice, médias et hommes politiques sont unis, sans jamais le reconnaître évidemment, dans leur croisade contre les jeunes des cités populaires. Ce sont eux qui attisent la haine entre citoyens pour mieux les diviser en jouant sur les préjugés nationaux, raciaux et religieux. Ce sont eux qui fabriquent des coupables et présentent les jeunes des cités comme responsables des malheurs de la France pour mieux masquer la faillite économique, sociale et morale de la bourgeoisie toute puissante qu’ils servent. Les jeunes des quartiers défavorisés subissent plus que toute autre catégorie sociale les ravages du chômage, de la précarité et les souffrances de l'humiliation. Cette insécurité et cette violence permanentes exercées sur cette fraction vulnérable et fragile de la société par une bourgeoisie arrogante et brutale, montrent à l'évidence que leur colère, leur révolte et leur combat sont légitimes. La bonne société bourgeoise qui s’indigne à intervalles réguliers de la violence des jeunes des quartiers ouvriers s’accommode très bien de la brutalité, autrement plus profonde, des vautours de la finance internationale. Leurs morts, nombreux et anonymes, ne sont ni reconnus et encore moins décorés par cette hypocrite république bourgeoise.

 

Les jeunes des cités populaires doivent se battre main dans la main avec tous les opprimés, et ils sont très nombreux dans la France d'aujourd'hui, contre cet État bourgeois source de leur oppression et de leur division.

 

 

Mohamed Belaali

 

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(1)http://www.lemonde.fr/police-justice/article/2017/07/04/le-deces...

(2)https://www.mediapart.fr/journal/france/060717/une-contre-expertise

(3)https://www.bastamag.net/Homicides-accidents-malaises-legitime-defense-50-ans-de-morts-par-la-police

Voir également :

http://atouteslesvictimes.samizdat.net/?page_id=692

(4)https://www.acatfrance.fr/public/rapport_violences_policieres_acat.pdf

(5)https://www.mediapart.fr/journal/france/230617/le-parquet-requiert-un-non-lieu-l-affaire-remi-fraisse-etouffee?

(6)http://www.lemonde.fr/societe/article/2013/03/28/violences-policieres-la-justice-prononce-trois-non-lieux-successifs_3149679_3224.html

(7)https://a-louest.info/Condamnation-du-policier-qui-a-tue-Amine-Bentounsi-d-une-balle-dans-le-dos-086

(8)https://www.legifrance.gouv.fr/affichTexte.do?cidTexte=JORFTEXT000034104023&categorieLien=id

(9)http://tempsreel.nouvelobs.com/rue89/rue89-le-grand-entretien/20111203.RUE6106/pourquoi-la-bac-a-des-manieres-rudes-et-humiliantes.html

(10)http://www.lemonde.fr/violences-policieres/article/2017/02/16/a-aulnay-sous-bois-les-controles-violents-c-est-notre-quotidien_5080694_5078781.html

(11)https://www.bastamag.net/Les-violences-et-sevices-sexuels-perpetres-par-des-policiers-en-France-une

(12)Voir entre autres :

http://lmsi.net/Misere-du-culturalisme#nh1

 

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