«Nous, médecins, rappelons notre attachement viscéral au secret professionnel. C’est pourquoi nous refusons le fichage des Gilets jaunes blessés arrivant aux urgences. De même que nous nous opposons à tout autre fichage des patients sans leur consentement, visant à une transmission des données en dehors de l’hôpital à des fins autres que médicales » (1). Ainsi commence le texte de cent médecins qui refusent le fichage des Gilets jaune blessés.
La bourgeoisie française non satisfaite d'avoir éborgné et mutilé des Gilets jaunes, exige maintenant qu'ils soient fichés lorsqu'ils arrivent blessés aux urgences. Ce fichage, réclamé par le pouvoir, se fait évidemment sans le consentement des patients. La bourgeoisie veut ainsi transformer la science médicale et les médecins en complices, en simples supplétifs de la police. Le secret professionnel, la déontologie et l’éthique médicale n'ont de valeur que lorsqu'ils servent ses propres intérêts. Précisons que toute transgression du secret professionnel peut entraîner des poursuites pénales ou disciplinaires. L'article R. 4127-4 du code de la santé publique dit clairement que «toute personne prise en charge par un professionnel, un établissement, un réseau de santé ou tout autre organisme participant à la prévention et aux soins a droit au respect de sa vie privée et du secret des informations la concernant». «Ce qu'on nous demande de faire est illégal, un médecin n'a pas à ficher ses patients », s'insurge un médecin urgentiste de l'AP-HP (2). Mais pour cette classe, la loi c'est toujours la loi du plus fort. Pour elle, les Gilets jaunes ne sont pas des blessés, des patients, mais des opposants qu'il faut réprimer, traquer, ficher même dans les hôpitaux. Réclamer la justice fiscale et sociale dans la France d'aujourd'hui est une revendication devenue insupportable pour la classe dirigeante. Les barrières juridiques s'effacent progressivement laissant place à un régime autoritaire ne tolérant aucune opposition, aucune contestation populaire d'envergure comme c'est le cas en ce moment avec les Gilets jaunes.
Mais le fichage des blessés « jaunes » n'est que le symptôme, parmi tant d'autres, de la société capitaliste d'aujourd'hui. Le fichage n'est pas une dérive, mais une politique volontariste d'un système qui, pour se maintenir et se perpétuer, a besoin d'étendre sa surveillance, son contrôle sur l'ensemble des citoyens notamment les plus pauvres et les plus conscients d'entre-eux. Les contrôles, facilités par les technologies du numérique, se généralisent et touchent tous les domaines.(3).
Ce fichage « jaune » dont les médias bourgeois ne parlent plus, est en soi une autre forme de violence (4) faite aux Gilets jaunes et à tous les mouvements sociaux. Le but non avoué de ce silence est de rendre toute cette violence d'Etat invisible, inexistante. On ne parle plus du fichage des blessés « jaunes » comme on ne parle plus de l'humiliation collective des jeunes de Mantes-la-Jolie, de Zineb Redouane, des yeux crevés, des mains arrachées, des centaines de signalements déposés à l'IGPN sans résultat, des mensonges répétés du pouvoir etc.etc. Dans l'immédiat, il faut créer chez les citoyens un sentiment, une impression que tous ces événements n'ont pour ainsi dire jamais existé. La bourgeoisie tentera par la suite de les effacer de la mémoire collective qui représente toujours une menace, un danger pour les régimes autoritaires. Il lui sera plus facile plus tard de réécrire sa propre vérité, légitimant et perpétuant son pouvoir.
Mohamed Belaali
----------------------------------------
(1)https://reporterre.net/Cent-medecins-refusent-le-fichage-des-Gilets-jaunes-blesses
(3) Il existe d'innombrables articles sur ce sujet. Voir entre autres :
https://www.uspsy.fr/IMG/pdf/le_Fichage_des_patients_en_psychiatrie_LLPF_no195.pdf