Le 24 juillet 2024 le premier ministre israélien Benjamin Netanyahou a reçu devant les deux chambres réunies du Congrès américain plusieurs ovations debout tout le long de son discours.
Même dans son propre pays, où il est plutôt contesté, Netanyahou ne pouvait rêver d' un tel accueil. Il n' y a qu'un seul pays au monde où le dirigeant israélien est accueilli et salué avec autant d'égards et d'honneurs. Il s'agit des États-Unis. Aucun autre dirigeant étranger dans l'histoire récente de ce pays n'a été aussi considéré et acclamé comme le premier ministre israélien.
Pourtant Netanyahou, son gouvernement et son armée sont en train de mener une véritable guerre d'extermination. Les chiffres parlent d'eux-mêmes : 40 000 morts déjà en dix mois seulement dont la moitié sont des femmes et des enfants selon le ministère de la Santé à Gaza. Et ce nombre augmente sans cesse. Pour la revue médicale britannique de référence The Lancet, ce bilan est largement sous-estimé. Elle avance le chiffre de 186 000 victimes directes et indirectes (1).
La Cour internationale de justice (CIJ) dans son ordonnance du 26 janvier 2024 reconnaît de son côté un risque de génocide à Gaza (2). Mais Netanyahou dans son discours devant le Congrès, affirmait sans vergogne : "la guerre à Gaza présente l’un des taux les plus faibles de pertes entre combattants et non-combattants de l’histoire des guerres urbaines. (...) La semaine dernière, je me suis rendu à Rafah. J’ai demandé au commandant sur place : « Combien de civils ont été tués ? » Il m’a répondu : « Premier ministre, pratiquement aucun. À l’exception d’un seul incident, où des éclats d’une bombe ont touché un dépôt d’armes du Hamas et tué involontairement deux dizaines de personnes, la réponse est pratiquement aucune»" (3).
Et c'est contre ce même Netanyahou que la Cour pénale internationale (CPI) a lancé un mandat d'arrêt pour les crimes de guerre et les crimes contre l’humanité commis dans la bande de Gaza. Parmi ces crimes, la Cour cite : "Le fait d’affamer délibérément des civils comme méthode de guerre en tant que crime de guerre, en violation de l’article 8-2-b xxv du Statut" (4) . Or toujours dans son discours très applaudi par les deux chambres du parlement américain, Netanyahu déclarait : "le procureur de la Cour pénale internationale a honteusement accusé Israël d’avoir délibérément affamé la population de Gaza. C’est un non-sens total. Il s’agit d’une pure affabulation. Israël a permis à plus de 40 000 camions d’aide d’entrer à Gaza. Cela représente un demi-million de tonnes de nourriture, soit plus de 3 000 calories pour chaque homme, femme et enfant de Gaza. Si des Palestiniens de Gaza ne reçoivent pas assez de nourriture, ce n’est pas parce qu’Israël la bloque, c’est parce que le Hamas la vole" (5).
Netanyahu ne s'est pas contenté de commettre un génocide, il a détruit quasiment toutes les écoles, les universités, les mosquées et les hôpitaux de Gaza qui servaient d'abris à une population rendue sans abri. Aujourd'hui selon l'Office de secours et de travaux des Nations unies pour les réfugiés de Palestine (UNRWA), Gaza est devenue un champ de ruines où les familles palestiniennes luttent pour la survie dans des conditions inhumaines.
Toutefois, cette moderne barbarie est d'abord le fait des Etats-Unis. Netanyahu est leur pure créature même si Israël est un produit du colonialisme britannique. Sa cruauté et sa sauvagerie n'ont rien à envier à celles de ses maîtres américains qui l'ont façonné à leur image. Les massacres de civils sans défense, vite transformés en acte d'héroïsme, sont encensés et acclamés au Congrès. Il faut dire que les Etats-Unis ont une longue et terrible tradition dans l'oppression et l'asservissement des peuples. Poussé par la recherche effrénée du profit, l'impérialisme américain tente de soumettre tous les peuples de la planète. L'histoire des Etats-Unis n'est en dernière analyse que pillage des richesses des nations par la violence, caractéristique fondamentale du capitalisme. Ils ont mené des guerres dans la péninsule coréenne, au Vietnam, en Syrie, au Yémen, au Panama et en Somalie. L'Amérique a ravagé et détruit des nations et des pays entiers comme l'Afghanistan, la Yougoslavie, l'Irak et la Lybie. Elle impose à tous les pays qui refusent son hégémonie et son despotisme, des embargos et des sanctions les plus violents et les plus inhumains (Cuba, Venezuela, Iran, Irak...). Aujourd'hui, les Etats-Unis grâce à leur supériorité militaire et leur bras armé l'OTAN (Organisation du Traité de l’Atlantique Nord) vont jusqu'à menacer les intérêts vitaux des puissances comme la Chine et la Russie (Taïwan, Ukraine).
L'occupation israélienne de la terre palestinienne et le génocide en cours à Gaza font partie intégrante de ce processus d'expansion américaine pour dominer par la violence les autres peuples de la planète. Israël est au cœur de cet ordre néocolonial américain. La guerre menée conjointement par l'Etat sioniste et les Etats-Unis contre les palestiniens et les peuples de la région est une guerre impérialiste et non comme le prétendait Netanyahu dans son discours devant le Congrès "'un choc entre la barbarie et la civilisation" (6). Car l'Etat sioniste est la base avancée des Etats-Unis dans une région qui constitue encore aujourd'hui le plus grand réservoir de pétrole du monde. Le général américain Alexander Haig disait :"Israël est le plus grand porte-avions de l'Amérique, il est insubmersible, il ne transporte aucun soldat américain et il est situé dans une région cruciale pour la sécurité nationale des États-Unis" (7). Il n'est pas étonnant dans ces conditions qu'Israël reste le pays au monde qui reçoit le plus d'aide américaine. Et si l'Etat sioniste se permet aujourd'hui de mépriser tous les peuples de la planète, de défier toutes les institutions internationales, d'être au-dessus des lois et des résolutions des Nations Unies, c'est uniquement grâce aux Etats-Unis. Et c'est Joe Biden qui disait récemment à Tel Aviv : "Je le dis depuis longtemps : si Israël n’existait pas, il faudrait l’inventer" (8).
Netanyahou sait qu'il peut compter sur l'Amérique pour obtenir les moyens nécessaires pour achever en toute quiétude "le travail" qu'il a commencé en octobre 2023 à Gaza. Avant la fin de son discours, il a lancé un appel pressant aux parlementaires américains : " Donnez-nous les outils plus rapidement, et nous finirons le travail plus rapidement" (9).
Il semble que son appel a été entendu. Juste après son retour en Israël, Netanyahou fort des encouragements du Congrès a non seulement poursuivi ses massacres dans la bande Gaza, mais il a ordonné de surcroît des attaques ciblées au Liban et en Iran.
L'un des pires massacres a été commis le 10 août 2024 à l'école Tabeen à Gaza (voir la vidéo ici ) (10). Chaque jour ou presque on compte de nouveaux morts. Aucune limite n'a donc été tracée par l'administration américaine à sa volonté d'exterminer les palestiniens et d'étendre la guerre à toute la région. Bien au contraire, les Etats-Unis ont même déployé un sous-marin nucléaire (USS Georgia) et un porte-avion (USS Abraham Lincoln) au Moyen-Orient qui se rajoutent aux autres navires de guerre envoyés fin juillet en Méditerranée (11). Le 13 août 2024, les américains ont approuvé une nouvelle série de vente d'armes à Israël d'un montant de 20 milliards de dollars (12).
"Nous nous battrons jusqu’à la victoire. La victoire de la liberté sur la tyrannie, la victoire de la vie sur la mort, la victoire du bien sur le mal. Tel est notre engagement solennel" disait Netanyahou devant les parlementaires américains toutes tendances confondues. Pour les palestiniens cela signifie concrètement encore d'insupportables souffrances et de morts. Pour les peuples de la région cela va se traduire également par davantage de destructions, de désolation et de déplacement de populations.
La volonté hégémonique implacable de la classe dirigeante américaine et la détermination de Netanyahou à vouloir exterminer les palestiniens, obstacle vivant à la réalisation du "Grand Israël", mettent à nouveau cette région tourmentée au bord de l'embrasement et menace du même coup la paix dans le monde. L'impérialisme et le sionisme se trouvent ainsi unis dans un même combat pour défendre leur "civilisation" commune : "Ensemble, nous défendrons notre civilisation commune. Ensemble, nous assurerons un avenir brillant à nos deux nations" déclarait Netanyahou devant le Congrès. Il a été ovationné.
Mohamed Belaali
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(1)https://www.thelancet.com/action/showPdf?pii=S0140-6736%2824%2901169-3
(2)https://www.icj-cij.org/fr/node/203447
(3) https://fr.timesofisrael.com/texte-integral-de-lallocution-de-benjamin-netanyahu-devant-le-congres/
(5)https://fr.timesofisrael.com/texte-integral-de-lallocution-de-benjamin-netanyahu-devant-le-congres/
(6)Op.cit.
(9)Op.cit.
(12)https://www.middleeasteye.net/news/us-approves-new-20-billion-worth-weapons-sales-israel