«La France dont je rêve est une France qui ne laisse tomber personne, une France qui est comme une famille où le plus faible, le plus vulnérable, le plus fragile a droit à autant d’amour, autant de respect, autant d’attention que le plus fort» affirmait Sarkozy le 22 avril 2007. Cette belle déclaration contraste violemment avec la réalité de la France d'aujourd'hui :chômage de masse, paupérisme, suicides au travail et dans les prisons, destruction systématique du service public, répression des mouvements sociaux, contrôle et surveillance des citoyens, propagande nationaliste, grande souffrance infligée aux sans papiers, népotisme, médias aux ordres, etc. etc.
En deux ans et demi de pouvoir quasi absolu de Sarkozy, la situation économique, sociale et politique de la France s'est nettement dégradée et va continuer, hélas, à s'aggraver : «on s'attendait au pire, ce fût pire» disait un anonyme.
Mois après mois, année après année le chômage poursuit inlassablement son ascension. Le salarié, devenu chômeur, perd toute existence et toute reconnaissance sociale. Fragilisé et sans ressources matérielles suffisantes, il accepte toute offre d'emploi pour survivre. Cette insécurité sociale fait de lui un être totalement soumis aux exigences du capital. C'est là l'une des fonctions essentielles du chômage: créer des conditions objectives permettant la soumission du travail au capital.
La flexibilité, la précarité, le démantèlement du code du travail et la remise en cause du droit de grève n'ont d'autres objectifs que de soumettre totalement le salarié au patron. Poussé par la bourgeoisie qui l'a hissé à la tête de l'État, Sarkozy s'attaquera systématiquement à tout ce qui protège de près ou de loin le salarié, le livrant ainsi sans défense aucune au patronat.
A l'usine comme au bureau, le salarié doit donc subir le despotisme du profit : produire toujours plus dans un laps de temps de plus en plus réduit. Pour atteindre cet objectif, c'est-à-dire pour intensifier le travail humain, les propriétaires du capital vont pousser le salarié jusqu'aux limites extrêmes de ses facultés physiques et intellectuelles en s'appuyant sur une horde de directeurs, managers et autres collaborateurs armés de «new management». Stress, dépressions et autres violences psychologiques vont se multiplier et s'accélérer. Le salarié ainsi pressuré, méprisé, humilié, atomisé et isolé va utiliser le suicide comme ultime moyen de protestation contre le capital. Les victimes des accidents du travail, elles, sont tout simplement considérées par Sarkozy comme des privilégiés. Il faut donc taxer leurs maigres indemnités. Cette mesure a été adoptée par l'Assemblée Nationale le 13 novembre 2009. Les économies ainsi réalisées sur le dos d' hommes et de femmes que le travail a amputé d'une partie d'eux-mêmes, seront certainement prodiguées aux banquiers, aux industriels et autres bourgeois créateurs d'emplois, n'est-ce-pas ?
Le salarié est ainsi cerné de toute part. Occupant un emploi, il subit le diktat d'un patronat en position de force à cause du chômage de masse et protégé de surcroît par un État que Sarkozy a entièrement mis à sa disposition. Chômeur, il survit avec une indemnité de plus en plus faible ce qui accentue sa dépendance vis à vis du capital d'autant plus qu'il livre en même temps une concurrence acharnée à tous les autres chômeurs.
Mais notre salarié peut également devenir travailleur pauvre alternant activité et chômage avec des salaires et des indemnités de misère. Chômeur ou travailleur, il est de plus en plus pauvre. Face à lui se dresse une insolente et puissante richesse, celle d'une minorité de possesseurs du capital, qui le domine. Cette paupérisation du salariat est une caractéristique fondamentale du capitalisme.
Appauvri et menant une existence précaire, notre salarié tombe malade. Il hésite,comme des millions de ses concitoyens, à se faire soigner tellement les frais qui restent à sa charge sont lourds. Il sait par exemple qu'il doit payer sur chaque boîte de médicaments 0,50 euros, que la liste des médicaments qui étaient jusqu'alors remboursés à 100 % et qui ne le sont plus est de plus en plus longue et que les honoraires des médecins ne cessent d'augmenter. Il constate également que l'État abandonne progressivement l'hôpital public au profit des cliniques privées dont l'unique but est de faire du profit. Sarkozy est également déterminé à vouloir fermer les blocs opératoires réalisant moins de 1500 interventions chirurgicales par an et les maternités qui pratiquent moins de 100 actes chirurgicaux. La chirurgie est un acte médical coûteux que les plus démunis ne peuvent s'offrir dans les cliniques privées. Seul l'hôpital public leur reste accessible. En fermant une partie des blocs opératoires du public, Sarkozy force les patients à se diriger vers le privé. Or plus de 80 % des chirurgiens des cliniques commerciales sont en secteur 2 c'est-à-dire en dépassement d'honoraires souvent très importants. Sarkozy compte aussi, à partir de 2010, augmenter le forfait hospitalier qui passera de 16 à 18 euros par jour somme qui, ajoutée aux autres frais restant à la charge des patients, exclut la partie de la population qui a le plus besoin de soins, comme notre salarié, car plus vulnérable que les autres catégories sociales.
De tout cela, notre salarié ressent une profonde injustice et un vague sentiment de révolte le traverse. Craintif, il ne veut pas perdre son emploi en affrontant par exemple la direction. Il reste néanmoins admiratif de ses camarades qui, pour crier leur colère contre cette injustice et pour améliorer leur triste sort, sacrifient régulièrement une partie de leur salaire déjà faible en se mettant des journées entières en grève. Il sait aussi que Sarkozy, pour défendre les intérêts de la classe qu'il représente, utilise systématiquement la force brutale pour étouffer la moindre manifestation et la moindre contestation. Même lorsqu'il se déplace, il exige des préfets et des responsables de la police, sous peine de sanctions, d'éloigner le plus possible les citoyens mécontents de sa politique et de leur confisquer tracts, pancartes et autres banderoles. En vrai autocrate, il ne supporte aucune contestation populaire. Si la plupart des présidents de la République aimaient et cherchaient même le contact avec la population, ne serait-ce que pour soigner leur image dans l'opinion publique, Sarkozy, lui, a peur des citoyens. Contre eux, il mobilise tout l'appareil répressif de l'État.
Combien de manifestants ont été brutalisés, humiliés et traduits devant les tribunaux pour avoir crié leur indignation et leur colère contre les dérives d'un homme qui concentre tous les pouvoirs entre ses mains? On se souviendra longtemps de ce professeur de philosophie arrêté et trainé devant le tribunal de police pour avoir simplement crié...«Sarkozy, je te vois»! Combien de syndicalistes, de militants associatifs, de défenseurs de sans papiers ou de simples citoyens qui refusent de courber l'échine n'ont pas été confrontés à la violence policière depuis que Sarkozy est au pouvoir?
Sarkozy utilise également la technologie la plus moderne pour contrôler et surveiller les citoyens. La vidéosurveillance par exemple est devenue l'obsession et «la priorité absolue» de son gouvernement(1). «la priorité absolue» n'est donc pas de lutter contre le chômage ou contre la misère qui ronge une frange de plus en plus grande de la population, mais de surveiller les citoyens! Ainsi 20 000 caméras sont déjà installées dans les rues de France et Sarkozy espère atteindre les 60 000 en 2011. La surveillance et le contrôle des mouvements des citoyens s'étendront même «aux parties communes des habitations, transport, commerce» etc.(1). D'autres pratiques se généralisent et se banalisent comme les prélèvements d'ADN, la surveillance du Net ou encore le fichage de la population. Car le contrôle doit être total !
Mais cette véritable guerre que la bourgeoisie mène sans répit contre le reste de la population n'est que le reflet de cette lutte de classes qu'elle nie obstinément tout en l'exerçant au quotidien.
Pour se consoler, notre salarié sait qu'il y a des situations pires encore que la sienne. Il pense plus particulièrement aux travailleurs sans-papiers, même s'il avoue qu'il lui arrive de les considérer comme des concurrents. Parfois il sent même qu'il est attiré par les idées de ses ennemis de classe( xénophobie, racisme etc.), mais il sait au fond de lui même qu'un travailleur même sans- papiers reste un travailleur. Et c'est en côtoyant Moussa, Nadia et Mamadou, travailleurs sans-papiers, qu'il est devenu sensible à leur drame. C'est alors qu'il a appris que les Sarkozy, Hortefeu, et autres Besson reconduisaient manu militari les sans-papiers afghans dans leurs pays en guerre, arrachaient «les enfants, qui hurlaient de terreur(...)à leurs parents pour obliger ces derniers, qui s'y refusaient, à sortir des locaux d'hébergement du centre de rétention» (2), traquaient les enfants de sans-papiers à l'intérieur comme à l'extérieur des écoles maternelles etc. etc. Combien de vies humaines Sarkozy et son clan ont-ils brisées? Sarkozy, Hortefeu et Besson auront-ils un jour le courage de publier ces statistiques comme ils publient régulièrement et fièrement celles des expulsions?
En écrivant ces lignes, on apprend qu'un travailleur sans-papiers Mohamed Ida, s'est suicidé mardi 17 novembre 2009 dans sa cellule de la maison d’arrêt de Borgo en Corse (3).
Mais Sarkozy doit éprouver un singulier plaisir à caresser les idées d'une frange de la population xénophobe et raciste en infligeant cette grande souffrance à des hommes et des femmes sans défense. Cette lâcheté n'a d'égal que les voix de celles et de ceux dont l'acte politique se réduit à la haine de l'autre. Et pour entretenir cette partie de la population, qui ne bénéficie d'ailleurs aucunement de la politique de Sarkozy mais utile au moment du vote, la bourgeoisie utilise en ce moment toute la puissance de l'État pour mener une véritable propagande nationaliste, baptisée «Grand débat sur l'identité nationale» qui rappelle les moments les plus sombres de l'histoire de France.
Épuisé après une journée de travail bien chargée, notre salarié s'assoit devant le petit écran pour se détendre. Il voit défiler devant lui une avalanche d'images et de commentaires sur le mur de Berlin diffusées depuis plus d'une semaine. Il commence alors à douter de la sincérité de cette forme particulière d 'information. En la répétant inlassablement, celle-ci devient une plate tautologie et se transforme par la suite en une vulgaire et grossière propagande à la gloire de l'ordre établi. La classe dominante cherche par le biais des grands médias à dresser de véritables murs dans le cerveau des gens les empêchant ainsi de voir et de réagir au-delà des limites de la propagande. Ces images à répétition lui rappellent celles de l'affaire Clearstream, de Grégory, du colon de Johnny, du décès de Michael Jackson, de la grippe A, des matchs de foot et leurs résultats, de la météo, d'une liste interminable de faits divers et bien sûr de la figure omniprésente de Sarkozy. Il constate également une quasi-absence d'images et de commentaires sur les murs que la bourgeoisie construit un peu partout dans le monde, comme celui de Ceuta, celui installé par les États-Unis à la frontière avec la Mexique, celui qui sépare les chiites des sunnites en Irak ou encore celui qui encercle la population palestinienne et enferme, paradoxalement, la société israélienne. Le même silence s'abat sur les luttes sociales, sur la souffrance des chômeurs, les suicides dans les prisons, la brutalité légale et illégale pendant les gardes à vue dans les commissariats, le drame des sans-papiers etc.
Le zèle que les journalistes des grands médias déploient pour propager les idées de la classe dominante qui les emploie contraste tristement avec le mutisme qu'ils opposent à toute résistance et toute contestation de l'ordre établi. Leur soumission au pouvoir économique et politique incarné à la tête de l'État par Sarkozy n'a jamais été aussi totale.
Sous le régime de Sarkozy, produit de la lutte des classes aujourd'hui en France, la domination et la répression sont plus directes et plus brutales. Le seul mérite de Sarkozy , si l'on peut dire, c'est d'avoir démystifié l'État républicain, la démocratie, la liberté de la presse, la séparation des pouvoirs, les droits de l'homme et bien d'autres concepts de l'idéologie bourgeoise dont la fonction principale est de masquer la violence des rapports d'exploitation capitaliste.
Mohamed Belaali
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(1) Le Monde du 13 novembre 2009
(3)http://www.ldh-france.org/Suicide-d-un-sans-papier-a-la