« C’est toujours nous les travailleurs qui payons » disait une manifestante grecque. « Même s’ils nous terrorisent, les mesures ne passeront pas » scandaient les grévistes. Qu’est ce qui se trame contre la classe ouvrière et les couches populaires en Grèce ? Les mesures d’austérité décidées par le gouvernement grec et adoptées par le parlement sont approuvées par la Commission européenne, la Banque Centrale Européenne, le FMI, les agences de notation et saluées par l’ensemble des gouvernements européens. Ce plan est dirigé contre les classes populaires grecques. Par contre les industriels, les banquiers et autres parasites financiers c’est à dire les vrais responsables de la crise économique que connaît la Grèce, ne sont nullement concernés par ce plan dit d’austérité.
L’aristocrate Christine Lagarde tenait absolument à saluer les décisions prises par le gouvernement grec : « Je rends hommage à la lucidité et au réalisme du gouvernement grec et au caractère tangible du dispositif mis en place. [...] Si ça n’avait été que des mesures marginales ou structurelles probables, on aurait pu être sceptique, mais là c’est du dur, c’est du tangible ». « C’est un signal très important envoyé aux marchés pour qu’ils regagnent confiance dans la Grèce mais aussi dans l’euro » renchérit Angela Merkel [1].
Les bourgeoisies européennes et leurs institutions se congratulent et se félicitent mutuellement pour avoir réussi à faire adopter par le Pasok ( le Parti socialiste grec dirigé par Georges Papandréou au pouvoir) un plan économique intitulé « mesures d’urgence pour faire face à la crise financière » destiné à réaliser près de 5 milliards d’euros sur le dos des classes populaires. La TVA, qui passe de 19 à 21 %, est un impôt sur la consommation payé essentiellement par les pauvres qui ne peuvent épargner. Les plus riches ne sont donc pas vraiment concernés par cette hausse. Le parti socialiste au pouvoir va également réduire de 30 % le 13ème mois et de 60 % le 14ème mois de salaire des fonctionnaires. Ce sont toujours les salaires et jamais les profits qui sont touchés. Le plan prévoit également le gel des pensions de retraite du privé comme du public. Le carburant qui a connu une hausse de près de 25 centimes par litre en février, augmente à nouveau de 8 centimes pour le litre d’essence et de 3 centimes pour celui du diesel. Seules les couches populaires vont supporter les conséquences dramatiques de ces mesures injustes. C’est une véritable guerre que le gouvernement déclare non pas à la dette comme il le prétend, mais à l’ensemble des classes populaires. Les marchés financiers, eux, se frottent les mains : « le soulagement est évident sur les marchés monétaires depuis que la Grèce a annoncé ses mesures d’austérité supplémentaires » déclare un spécialiste du Crédit Agricole [2].
La réponse de la population fut immédiate et massive : en moins d’une semaine, le 5 et le 11 mars, deux journées de grève générale dans tout le pays sans parler des grandes manifestations du 23 et 24 février 2010. Ouvriers, employés, enseignants, retraités, infirmières, marins, journalistes, étudiants, se sont retrouvés côte à côte dans les rues d’Athènes et des autres villes grecques pour crier leur colère contre ce plan d’austérité. Les services publics étaient paralysés, les avions cloués au sol, les trains bloqués à la gare, les navires étaient à l’ancre, les banques travaillaient au ralenti etc. Face à cette résistance populaire, le gouvernement n’a offert comme seule et unique réponse, la répression ! Une véritable lutte de classe se déroule sous nos yeux en Grèce. D’un côté une minorité de riches menée par le parti socialiste au pouvoir soutenu par toutes les bourgeoisies européennes et leurs institutions, de l’autre, le peuple grec guidé par la classe ouvrière et ses organisations légitimes. Les premiers, responsables de la ruine du pays, s’accrochent à leurs privilèges, les seconds c’est à dire l’immense majorité de la population se battent pour maintenir leur niveau de vie et leurs acquis sociaux qu’ils ont arraché de haute lutte. Le combat que mène en ce moment le peuple grec est riche d’enseignements. Il met en exergue le fait que les intérêts des classes populaires sont diamétralement opposés à ceux du gouvernement et du parlement. Cette lutte a une portée qui dépasse largement le cadre grec. Elle concerne l’ensemble des travailleurs européens. De l’issue de la résistance grecque dépendra celle des travailleurs des autres pays de l’Union qui ne vont pas tarder à subir à leur tour des plans similaires. Car la situation grecque ne diffère pas vraiment de celle de l’Espagne, du Portugal, de l’Irlande etc. Les événements qui se déroulent aujourd’hui en Grèce, se développeront peut-être demain sur tout le continent.
Le combat du peuple grec jette une lumière éclatante sur les sombres objectifs de l’Union Européenne. Il s’agit d’une construction au service exclusif des entreprises, des banques, des compagnies d’assurance, bref au service du capital. Les bourgeoisies européennes sont unies contre la classe ouvrière et déterminées à lui faire supporter tout le fardeau de la crise du capitalisme dont elles sont responsables. Mais les politiques économiques récessives qu’elles sont amenées à appliquer risquent d’aggraver davantage la situation économique, exigeant de nouvelles mesures encore plus dures. La confrontation avec les couches populaires devient, dans ces conditions, inévitable. La classe ouvrière européenne doit se préparer à ces nouveaux combats. Les gouvernements européens au solde de la bourgeoisie, eux, ne reculeront devant rien pour imposer leur volonté et briser la résistance populaire. L’ unité de la classe ouvrière est donc une nécessité vitale.
Mohamed Belaali