«Keep America great!» dit Trump. Regardons de plus près cette prétendue «grandeur» de l'Amérique : près de 2 000 000 de personnes infectées par le covid-19, plus de 100 000 morts, des cadavres jetés dans des fosses communes creusées par des prisonniers dans la ville de New York, des chômeurs par millions avec des indemnités dérisoires, des soupes populaires avec leurs files d'attente interminables distribuées dans tout le pays, des infrastructures sanitaires défaillantes, une assurance maladie quasi inexistante, un racisme toujours présent qui s'étend même à d'autres couches de la société (1) et choque le monde entier par sa brutalité et sa barbarie (2), des ventes d'armes à feu qui ont doublé (3), un président irresponsable et incompétent...Voilà le triste visage de l'Amérique révélé au grand jour par le coronavirus. Et pour mieux cacher cette situation honteuse qui résume à elle seule toutes les tares de la société américaine, le milliardaire Trump passe son temps à tweeter et à inventer des boucs émissaires externalisant ainsi sa gestion criminelle de la pandémie, le tout à quelques mois des élections de novembre 2020. Étrange président qui tire sa force de sa faiblesse, qui justifie son échec présent contre le virus par des victoires futures, qui puise sa science médicale dans le charlatanisme (4) et sa popularité dans le mépris qu'il inspire.
La première puissance est ainsi incapable de soigner et de protéger ses propres citoyens dont une partie souffrait déjà de maladies chroniques et d'obésité (5) et a fortiori incapable d'apporter la moindre assistance aux autres pays du monde. Non seulement les États-Unis n'apportent aucune aide aux autres nations, mais empêchent des pays comme Cuba, dont le système de santé est l'un des plus efficaces au monde, d'envoyer ses brigades en blouses blanches partout à travers le monde pour combattre le terrible virus (6).
Alors que la pandémie est planétaire, les États-Unis n'envisagent aucune aide ni aucune coopération avec les autres nations en matière de recherche d'un vaccin par exemple pour combattre cette maladie mortelle. Ils sont restés sourds à toute forme de solidarité internationale. L'Amérique n'a pas pris non plus la tête d'une coalition contre le virus comme elle sait bien le faire lorsque il s'agit d'envahir militairement les autres pays. Autant elle est prompte à semer la mort un peu partout à travers le monde pour défendre ses intérêts économiques et stratégiques, autant elle est totalement impuissante lorsqu'il s'agit de sauver des vies humaines. «On observe dans la crise actuelle une absence totale de leadership américain» constate le politologue Matthew Kavanagh (7).
Certains vont jusqu'à penser que «nous sommes peut-être en train de vivre le moment où la puissance géopolitique va se détourner des États-Unis et de leurs alliés» (8).
Il est donc manifeste que les États-Unis sont incapables de jouer pour longtemps le rôle de leadership mondial. Désormais ils ne peuvent plus, comme par le passé, imposer aux autres nations leur vision du monde.
Pour mieux détourner l'opinion mondiale et masquer sa responsabilité dans la gestion criminelle de la pandémie, l'administration Trump invente, sur fond des élections de novembre, des boucs émissaires. Ainsi le président des États-Unis a décidé de punir l'Organisation Mondiale de la Santé (OMS) alors en pleine bataille contre la pandémie en lui retirant sa contribution financière «sous prétexte qu’elle a gravement failli dans la gestion de la pandémie et qu’elle en a dissimulé la propagation» (9). Le 29 mai 2020, Trump rompt définitivement ses relations avec l'OMS (10).
Les conséquences de cette décision peuvent se révéler à court terme dramatiques notamment pour les pays pauvres dont le système de santé dépend en partie de l'OMS. La revue scientifique médicale The Lancet affirme que «la décision du président Trump de nuire à une agence dont le seul but est de protéger la santé et le bien-être des peuples du monde est un crime contre l'humanité» (11).
Mais l'ennemi principal des États-Unis reste la Chine. Dès le début de la crise sanitaire, Trump parlait du «virus chinois», expression qu'il utilisait ad libitum (12). En accusant la Chine, Trump non seulement externalise son propre échec, mais cela lui permet de se présenter comme un «sauveur», un «chef de guerre» contre un ennemi puissant et dangereux qui a laissé «échapper» volontairement le virus d'un laboratoire de Wuhan que Mike Pompeo appelle d'ailleurs «le virus de Wuhan». Il n'en faut pas plus pour exciter sa base et la mettre en ordre de bataille surtout si ce qualificatif de «chinois» s'accompagne de l'indignation des militants des droits de l'homme, des anti-racistes... Peu importe s'il n'existe aucune preuve, jusqu'à aujourd'hui, pour corroborer ces accusations. Le président américain veut même «limiter l’entrée des ressortissants chinois sur son territoire». L'administration Trump va encore plus loin. Elle veut faire payer la Chine pour tous les dégâts causés par le coronavirus non seulement aux États-Unis mais dans le monde entier ! (13).
Mais pour sa réélection, qui reste la priorité absolue, Trump ne se contente pas d'attaquer la Chine,
il faut aussi et surtout que l'économie redémarre. La crise économique et son corollaire le chômage de masse peuvent entraver sérieusement cette réélection. Les mesures de restriction constituent pour lui des obstacles qu'il faut éliminer quitte à sacrifier des dizaines de milliers de vies humaines. Il multiplie alors ouvertement les appels à la révolte contre le confinement (14). Des manifestants, certains les armes à la main, sont descendus dans la rue dans plusieurs Etats répondant ainsi aux appels de rébellion de Trump (15). Alors que le virus est hors de contrôle, Trump ordonne aux américains de reprendre le travail.
Pendant ce temps, la pandémie continue à ravager le pays. Le seuil des 100 000 morts est franchi sachant que le nombre réel des contaminations et des décès est beaucoup plus élevé (16). Mais Trump est déjà en campagne électorale et promet aux américains «une année incroyable, économiquement.(...)l’année prochaine va être une très grande année. Il y a une énorme demande. Vous le voyez avec le marché boursier» (17). Il transforme ainsi sa défaite actuelle sur le plan sanitaire avec toutes ses conséquences par une victoire future sur le plan économique.
Il ne s'agit pas de rendre Trump seul responsable de cette situation ni de lui attribuer des forces extraordinaires qu'il ne possède pas. Les événements qui se déroulent actuellement sous nos yeux aux États-Unis ne se sont pas produits comme un éclair dans un ciel sans nuages. Ils sont le produit des rapports de classes que la crise sanitaire et économique ont exacerbés. Ce qui se passe aujourd'hui aux États-Unis n'est ni un problème local ni national mais un problème social qui touche, avec évidemment d'énormes différences de degré mais jamais d'essence, tous les pays où règne la loi du profit.
Mohamed Belaali
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(3)https://www.nytimes.com/interactive/2020/04/01/business/coronavirus-gun-sales.html
(5)https://www.nytimes.com/2018/03/23/health/obesity-us-adults.html
(6)http://www.belaali.com/2020/04/hommage-a-l-aide-medicale-internationale-de-cuba.html
(8)http://www.slate.fr/story/189642/covid-19-trump-fin-leadership-americain-chine
(9)https://www.lemonde.fr/idees/article/2020/04/16/trump-et-l-oms-un-jeu-dangereux_6036778_3232.html
(10)https://www.20minutes.fr/monde/2789419-20200530-video-coronavirus-donald-trump-coupe-ponts-oms
(11)https://www.thelancet.com/journals/lancet/article/PIIS0140-6736(20)30969-7/fulltext
(12)https://factba.se/search#chinese%2Bvirus
(14)https://www.liberation.fr/direct/element/trump-appelle-a-la-revolte-contre-le-confinement_112465/
(16)https://www.france24.com/fr/20200527-covid-19-les-%C3%A9tats-unis-passent-la-barre-des-100-000-morts