« Mon crime le plus grand est d'être une femme libre à une époque où l'on ne tolère que les esclaves.» N Al-Saadawi
Figure emblématique de l'émancipation des femmes, Nawal Al-Saadawi s'est éteinte le 21 mars 2021 au Caire à l'âge de 89 ans. Elle est née le 27 octobre 1931 près du Caire dans une famille musulmane de la bourgeoisie moyenne. Si elle a été excisée à l'âge de six ans, ses parents lui ont offert toutefois le privilège, réservé souvent dans cette Égypte traditionnelle aux garçons, d'accéder au savoir en l'inscrivant à l'école.
Nawal Al-Saadawi est diplômée de la faculté de médecine du Caire et de l'Université de Columbia à New-York où elle restera près de 10 ans. Médecin psychiatre, elle s'occupait des comportements névrotiques liés notamment à la sexualité.
Dès 1958, Al-Saadawi publie son premier roman Mémoires d’une femme docteur où elle dénonce entre autres les violences conjugales. En 1969 elle écrit La femme et le sexe qui lui coûtera sa place de directrice générale au ministère de la Santé et sera condamnée par toutes les autorités religieuses d’Égypte.
En 1982, Al-Saadawi créa l'Association de solidarité des femmes arabes (AWSA) qui sera dissoute par le gouvernement égyptien en 1991. En 1984, elle publie Mémoires de la prison des femmes et Douze femmes dans Kanater, où elle relate son expérience douloureuse de son séjour en prison : «C'est au cours de mon incarcération à la prison des femmes de Kanater, en septembre 1981, que m'est venu l'idée d'écrire une pièce sur mon expérience. Ce que j'étais en train de vivre dans cette salle commune, réservée aux détenues politiques, était unique pour moi. J'étais là, avec onze autres détenues, parce que Sadate avait décidé d'en finir avec toute l'opposition et de faire taire toutes les voix qui ne concordaient pas avec la sienne. C'est dans cette optique qu'il fit arrêter, le 2 septembre 1981, 1536 hommes et femmes de toutes les tendances politiques, considérés dangereux pour son régime.» (Kanater)
Cette femme courageuse qui ne s'est jamais reniée était combattue tant par le pouvoir politique que par les fanatiques religieux. Elle a «réussi» si l'on peut dire à faire l'unanimité contre elle.
Nawal Al-Saadawi a écrit au total une cinquantaine d'ouvrages en arabe et traduits dans plusieurs langues. Ses livres dénoncent tous non seulement le patriarcat, mais aussi le système qui le nourrit et l'entretient, le capitalisme. Dans La face cachée d’Eve, publié en 1982 elle écrivait : «Nous, femmes de pays arabes, réalisons que si nous sommes encore esclaves, encore opprimées, ce n’est pas parce que nous appartenons à l’Orient, ni parce que nous sommes arabes ou membres de sociétés musulmanes mais en vertu du système patriarcal de classe qui a dominé le monde depuis des centaines d’années».
Mohamed Belaali