Plus de cent mille personnes sont mortes du covid 19 en France (1) dans l'indifférence quasi générale. L'accumulation des morts, jour après jour, nous laisse insensibles et impuissants. Le gouvernement et les médias nous ont préparés et habitués à assister en spectateurs passifs à cette macabre comptabilité quotidienne. Ces dizaines de milliers de vies humaines disparues, ces morts sans visages sont ainsi réduits à de simples et abstraites statistiques. La vie des défunts, la souffrance de leurs proches s'effacent pour ainsi dire devant les chiffres égrenés au quotidien par les nouveaux croque-morts lors des «points sanitaires». Cette déshumanisation nous empêche du même coup de briser cette résignation et de se dresser contre un pouvoir dont la gestion criminelle est indirectement responsable de cette hécatombe. Car il fait passer les bénéfices des entreprises avant la santé et la vie de la population. Cyniquement Macron tentera par tous les moyens, pour mieux masquer sa responsabilité, de récupérer cette tragédie.
Ces cent mille morts disparus dans la solitude sont en quelque sorte le miroir d'une société marchande qui a perdu ses repères humains; il ne lui reste comme guide et comme horizon ultime que le profit. Derrière le Coronavirus qui tue, se cache un autre virus beaucoup plus mortel, le virus du profit.
La gestion de la pandémie par Macron est pour le moins chaotique : ni confinement véritable, ni campagne de vaccination digne de ce nom. Mais derrière cette impréparation, ces hésitations, ce tâtonnement, ces décisions contradictoires et ces mensonges, se cache une ferme volonté de sauver «quoi qu'il en coûte» l'économie c'est-à-dire le profit des entreprises au détriment de la santé et de la vie de la population (2). La santé pour ce pouvoir n'est qu'une marchandise, un vulgaire article de commerce qui se vend et s'achète sur le marché des soins. Il faut absolument que l'économie continue à tourner avec ou sans mesures de confinement. Bien que vous soyez confinés, il faut quand même aller travailler ! Résultat de cette vision et de cette gestion : 100 000 morts et plus de 5 millions de cas confirmés, plaçant ainsi la France parmi les pays les plus touchés au monde par le Coronavirus (3) ! Et le nombre de décès ainsi que celui des personnes infectées ne cesse, hélas, d'augmenter. Les hôpitaux, dans de nombreuses régions, sont débordés et le personnel soignant épuisé. Les places dans les services de réanimation commencent à manquer. Les opérations jugées non urgentes sont déprogrammées et les autres patients sont délaissés. Pourtant, Macron disait avec un certain cynisme «Nous sommes en guerre. Toute l’action du gouvernement et du Parlement doit être désormais tournée vers le combat contre l’épidémie, de jour comme de nuit» (4). Mais le «chef de guerre » capitule en rase campagne laissant ainsi le personnel soignant et leurs patients seuls et sans moyens de défense face à leur ennemi mortel, le Coronavirus.
C'est dans ces conditions que les directeurs médicaux de crise de l'Assistance publique-Hôpitaux de Paris se préparent à trier les patients malgré la promesse de Macron de porter dans les prochains jours, la capacité des hôpitaux à 10 000 lits : «Dans cette situation de médecine de catastrophe où il y aura une discordance flagrante entre les besoins et les ressources disponibles, nous serons contraints de faire un tri des patients afin de sauver le plus de vies possibles. Ce tri concernera tous les patients, Covid et non Covid, en particulier pour l'accès des patients adultes aux soins critiques (…) Le tri des patients a déjà commencé puisque des déprogrammations médicales et chirurgicales importantes nous ont déjà été imposées et que nous savons pertinemment que celles-ci sont associées à des pertes de chances et des non-accès aux soins pour certains patients. Ces déprogrammations vont devoir s'intensifier dans les jours qui viennent» (5).
Les patients aujourd'hui en France risquent de mourir faute de moyens ! Une partie des malades sera ainsi sacrifiée sur l'autel de l'austérité. Car ce constat tragique est le résultat de décennies de politiques d'austérité et des processus de privatisation imposés par l'Union Européenne et appliqués avec zèle par les gouvernements successifs. L'hôpital public aujourd'hui manque de tout. Et c'est dans ces conditions que l'ensemble du personnel soignant affronte courageusement ce terrible virus. Et rien ne présage, malheureusement, la remise en cause de ces politiques (6).
Malgré cette situation sanitaire dramatique, Macron fait le fanfaron et assume sa «stratégie» :
«Nous avons eu raison de ne pas reconfiner la France à la fin du mois de janvier parce qu’il n’y a pas eu l’explosion qui était prévue par tous les modèles (…) Je peux vous affirmer que je n’ai aucun mea culpa à faire, aucun remords, aucun constat d'échec» (7).
Mais les faits sont têtus. Le virus est devenu hors contrôle dès le mois de mars 2021. Et Macron a été contraint d'intervenir à la télévision pour la septième fois. Il annonce avec une certaine mise en scène de nouvelles mesures qui ressemblent étrangement à celles déjà prises (8).
Après ce discours, comme après tous les autres, des hommes et des femmes vont mourir dans le silence pour que l'économie continue de tourner. Ils seront présentés non pas comme des personnes à part entière, mais comme des chiffres dans les statistiques des «autorités de santé».
Le profit s'est ainsi installé entre les vivants et les morts rendant leurs liens de plus en plus inhumains.
Mohamed Belaali
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(2) https://www.spdei.fr/wp-content/uploads/2020/05/Coronavirus-MINEFI-10032020.pdf
(3)https://gisanddata.maps.arcgis.com/apps/opsdashboard/index.html#/bda7594740fd40299423467b48e9ecf6
(4) https://www.elysee.fr/emmanuel-macron/2020/03/16/adresse-aux-francais-covid19
(7)https://www.lemonde.fr/politique/article/2021/03/26/covid-emmanuel-macron-annonce-de-nouvelles-mesures-a-court-terme_6074489_823448.html
(8)https://www.elysee.fr/emmanuel-macron/coronavirus-covid-19