«C'est cette loi qui établit une corrélation fatale entre l'accumulation du capital et l'accumulation de la misère, de telle sorte qu'accumulation de richesse à un pôle, c'est égale accumulation de pauvreté, de souffrance, d'ignorance, d'abrutissement, de dégradation morale, d'esclavage, au pôle opposé, du côté de la classe qui produit le capital même». Karl Marx
La France, dans le cadre d'un capitalisme en crise, tend lentement vers un régime que personne ne sait encore comment qualifier. Mais peu importe les adjectifs et les qualificatifs. Tous les ingrédients d'une décomposition sociale, politique et morale sont bien présents : chômage, précarisation et ubérisation du travail, guerre contre toutes les avancées sociales, gestion criminelle de la pandémie, corruption d'une grande partie de la classe politique, menace publique de putsch, persécution des musulmans etc. etc.
Les associations caritatives et les banques alimentaires qui fleurissent un peu partout comme la misère d'ailleurs qui leur permet d’exister et de se développer sont un autre signe de cette régression sociale généralisée. Cette situation non seulement perdure, mais se dégrade encore de jour en jour. Et toute révolte d'envergure est impitoyablement réprimée. La répression sauvage et les châtiments corporels d'un autre âge infligés aux Gilets jaunes (mains arrachées, yeux crevés, visages défigurés, crânes fracassés etc.) en est un exemple éloquent et affreux à la fois. Car la richesse doit rester, vaille que vaille, concentrée entre les mains d'une seule et même classe sociale.
La France, pays riche, compte aujourd'hui des millions de smicards, de travailleurs pauvres,
d'esclaves modernes travaillant pour des plateformes comme Uber ou Deliveroo, de «sans-papiers» surexploités où « le temps de travail atteint son maximum et le taux de salaire son minimum », de chômeurs dont on ne cesse de diminuer les indemnités (1), bref des millions d'hommes et de femmes broyés par la machine capitaliste.
Pendant ce temps là et malgré la crise, « les dividendes distribués aux actionnaires des entreprises françaises du CAC40 ont littéralement explosé » (2). Les esclaves du capital par contre, eux, ne reçoivent que le strict minimum nécessaire à la reproduction de ces mêmes dividendes. Un système qui produit sans trêve richesse pour les uns et misère pour les autres ! Cette misère n'a d'égal que la richesse accumulée par une minorité de très riches (3) et qui aime de surcroît étaler ostensiblement son goût pour le luxe, l'apparat, le cérémonial... Car pour qu'une classe puisse vivre dans le luxe, il faut qu'une autre classe vive dans le dénuement et l'asservissement.
Les puissants, insatiables, se nourrissent toujours à l'instar des vampires, du sang du peuple des travailleurs.
De son côté, l’État organise à travers ses organismes, notamment ceux de la sécurité sociale, une véritable chasse aux fraudeurs des... prestations sociales (4) ! Il a même créé à cet effet le Répertoire National Commun de la Protection Sociale (RNCPS). Le contrôle porte sur les minima sociaux, le RSA (Revenu de solidarité active), le logement et beaucoup moins sur les cotisations patronales. Plus on est pauvre, plus on est contrôlé et plus on est sanctionné ! « Jamais les bénéficiaires d’aides sociales, et parmi eux les plus précaires, n’avaient été aussi rigoureusement surveillés, ni leurs illégalismes ou leurs erreurs si sévèrement sanctionnés » (5).
La traque se concentre donc sur les plus précaires, les plus pauvres, sur «les sans dents» comme disait François Hollande ou sur «les gens qui ne sont rien» selon Emmanuel Macron !
Si l'Etat s'acharne sur les pauvres, il reste en revanche très discret quant à l'évasion fiscale dont les montants sont sans commune mesure avec la fraude sociale (6). A intervalles réguliers, la presse nous apprend comment les grandes familles bourgeoises françaises comme les Mulliez, les Guerrand-Hermès ou encore Bernard Arnault, fraudent le fisc en planquant leurs milliards un peu partout à travers le monde (7).
L'État bienveillant avec les uns (fraude des riches), impitoyable avec les autres (fraude des pauvres) ! Rien de plus normal. l'Etat n'est en réalité « qu'un comité qui gère les affaires communes de la classe bourgeoise tout entière ».
La corruption des représentants de cette classe d'exploiteurs contraste lamentablement avec les valeurs proclamées par cette république bourgeoise et les pratiques réelles de ses dirigeants. Le nombre d'hommes politiques impliqués, à un degré ou à un autre, dans les affaires de corruption est impressionnant. Il est tout simplement impossible d'établir une quelconque liste exhaustive des scandales politico-financiers qui secouent régulièrement tous les échelons de l'Etat. A titre d'exemple seulement, on peut citer le cas de l'ancien président de la république Nicolas Sarkozy qui concentre à lui seul une demi-douzaine d'affaires entre ses mains : l'affaire Tapie, l'affaire Karachi, l'affaire Bettencourt, l'affaire libyenne, l'affaire des sondages et l'affaire des écoutes téléphoniques pour laquelle il vient d'être condamné.
Pour masquer cette cruelle réalité et éviter toute résistance et toute révolte d'envergure, la classe dirigeante invente des ennemis et montre du doigt le travailleur immigré, le musulman, le noir etc. comme responsables de tous les maux et de tous les malheurs de la France. La fabrication des boucs émissaires lui permet ainsi de décharger la colère populaire sur les victimes de la crise tout en occultant sa propre responsabilité dans cette situation désastreuse.
La bourgeoisie française instrumentalise également, dans une société vieillissante, la peur, en propageant, en encourageant et en banalisant un discours politique de plus en plus haineux, xénophobe et islamophobe. Les journalistes, les philosophes, les écrivains, les hommes et les femmes politiques nourris et engraissés par les grands patrons se précipitent et se succèdent sur les plateaux de télévision et les stations de radio pour déverser leur haine de classe sur une partie de la population.
Mais lorsque le conflit s'aiguise et prend de l'ampleur, la classe dominante n'a d'autres choix que d'utiliser la violence sous toutes ses formes pour perpétuer sa domination. L'exemple des Gilets jaunes en est la meilleure preuve. Leur Mouvement restera probablement dans les annales comme celui qui a été le plus réprimé dans l'histoire récente de la France (8).
Les esclaves modernes peuvent toujours améliorer leurs conditions de vie et de lutte par des combats ponctuels. Mais ils ne peuvent briser leurs chaînes et se libérer de l'exploitation, de l'oppression et de la misère matérielle et morale tant qu'ils n'ont pas réussi à abolir la source de leur malheur, le capitalisme et la classe qui le porte, la bourgeoisie.
Mohamed Belaali
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(2)Voir Basta du 13 novembre 2020 «En vingt ans, les dividendes distribués aux actionnaires du
CAC40 ont augmenté de 269 % ».
VOIR également :
(4)https://www.ccomptes.fr/system/files/2020-09/20200908-rapport-Lutte-contre-fraudes-prestations-sociales_0.pdf
(5)Vincent Dubois : «Contrôler les assistés». Raisons d'agir, 2021.
Voir également le rapport d'Oxfam :
https://www.oxfamfrance.org/inegalites-et-justice-fiscale/cac-40-la-grande-evasion-fiscale/
(8)https://www.belaali.com/2019/11/gilets-jaunes-une-annee-de-combat-et-d-espoir.html