Il est étrange de constater combien les événements qui se sont déroulés à Cologne la nuit de la Saint Sylvestre ont fait de bruit. En France par exemple, les viols ou tentatives de viols (considérés comme des crimes dans le droit français) exercés sur les femmes se font au rythme de 230 par jour (1) ! Mais ces crimes sont souvent passés sous silence par les médias bourgeois et les intellectuels de l'ordre établi. Pire, non seulement les femmes sont violées chaque jour, mais elles sont aussi humiliées, stigmatisées et moquées («elles l'ont évidemment bien cherché») sans que cela ne déchaîne l'hystérie médiatique et politique actuelle.
Les viols des femmes par des personnalités célèbres comme Dominique Strauss-Khan ou Roman Polanski entre autres, ne sont que l'arbre qui cache la forêt. D'ailleurs ces hommes ne sont pas considérés comme des violeurs. Dominique Strauss-Khan par exemple est présenté tout bonnement comme «L’homme qui aime les femmes sans modération» (2). Ce genre de crime n'est que rarement condamné par les tribunaux et encore moins dénoncé par les médias. Silence assourdissant par contre sur tous les autres viols ! Les images des femmes violées sont rares. Elles doivent rester invisibles. 90 % des agressions sexuelles ne sont pas déclarées à la police (3).
Pourquoi alors tant d'indignation sur les viols de la Saint-Sylvestre ? En quoi ces viols commis à Cologne et ailleurs en Europe sont-ils différents des autres crimes. Un viol est un viol, qu'il soit commis par un noir ou un blanc, un musulman ou un chrétien, au Caire sur la place Tahrir ou près de la gare centrale de Cologne, ne change rien à la nature du crime. Pourquoi cette dénonciation à géométrie variable ? En fait, derrière ces condamnations hypocrites se cachent des raisons et des mobiles détestables. Les agresseurs de Cologne, alors que les enquêtes ne sont pas encore terminées et les zones d'ombre nombreuses, sont présentés d'abord comme des arabes, des immigrés, des réfugiés, des musulmans voire des terroristes et non comme des violeurs qui doivent, si les faits sont avérés, être traduit devant la justice et condamnés pour leur crime. L'accent mis par les médias sur l'origine ethnique des agresseurs montre bien que ce n'est pas la dignité des femmes que l'on cherche à défendre mais plutôt à montrer du doigt le réfugié qui est en même temps immigré, musulman et pourquoi pas terroriste alimentant ainsi les préjugés les plus répugnants. Il est violeur parce qu'il est réfugié !
Le réfugié est un violeur congénital, un violeur-né. Le colonisateur français disait la même chose du Nord-Africain en général et de l'algérien en particulier : «le Nord-Africain est un violent, héréditairement violent. Oui, l'algérien est un impulsif congénital. Cette impulsivité est fortement agressive et généralement homicide» (4). Les médias bourgeois et certaines féministes convenaient de façon unanime que la violence sexuelle du réfugié pose un véritable problème à la société et à la civilisation européenne. Barbara Sichtermann, écrivaine et journaliste allemande considère les agressions sexuelles de Cologne comme «une déclaration de guerre contre notre civilisation» (5). D'autres se sentent même menacées par ces hordes de violeurs musulmans qui mettent en danger l'heureuse spécificité des femmes françaises : «Et bien entendu, quand cette culture religieuse/patriarcale/identitaire/anti-femmes prétend s’exercer chez nous, en France, nous devons être vent debout à défendre notre heureuse spécificité» (5). Les forces les plus rétrogrades et les plus obscures tiennent à peu près le même discours (6). L'hebdomadaire islamophobe et raciste Charlie Hebdo est tombé très bas avec sa caricature «Migrants» présentant le petit Aylan s'il n'était pas mort noyé sur une plage turque de violeur en devenir: « Que serait devenu le petit Aylan s’il avait grandi ? Tripoteur de fesses en Allemagne».
Il faut inculquer à ces sauvages de violeurs la spécificité et la grandeur des valeurs occidentales c'est à dire bourgeoises. Cette « heureuse spécificité » n'inclut évidemment pas la violence des destructions militaires par ce même occident des sociétés afghane, irakienne, libyenne etc. dont les réfugiés et leur drame ne constituent qu'une infime conséquence (7).
En période de crise économique, la classe dominante cherche toujours des boucs émissaires. Hier c'était le juif, aujourd'hui c'est le réfugié, l'immigré, le musulman, le Rom etc. Le racisme, la xénophobie, l'islamophobie sontinstrumentalisés par la classe dominante pour maintenir, vaille que vaille, l'accumulation et la concentration des richesses entre les mêmes mains et pour mieux détourner les masses populaires des vrais combats et des vrais problèmes : chômage de masse, , suppression progressive des acquis sociaux, précarisation de l'emploi, criminalisation des luttes syndicales etc. etc.(8). La défense des droits des femmes et la lutte contre le terrorisme relèvent de la même démarche.
Le viol des femmes ici et ailleurs n'est pas la conséquence d'une impulsivité des réfugiés ou d'une quelconque originalité caractérielle, mais le produit direct des rapports sociaux marqués profondément par la domination économique, politique et idéologique masculine. L'émancipation des femmes passe nécessairement par la remise en cause de l'ensemble des rapports sociaux.