Combien d’enfants, de femmes et d’hommes sont morts en Libye depuis le passage du puissant cyclone Daniel ? Personne ne le sait avec précision. Mais ce qui est sûr, c’est que leur nombre se chiffre par milliers. Combien de disparus, de sans abris, de déplacés ? On passe rapidement cette fois à des dizaines de milliers. Mais peut-on attribuer ce terrible désastre uniquement aux conditions climatiques aussi extrêmes soient-elles ? Comment expliquer l'absence quasi-totale des autorités libyennes, ou du moins ce qu'il en reste, malgré l'ampleur de la catastrophe et les avertissements répétés concernant notamment l'état de délabrement avancé des barrages situés dans le nord-est de la Libye ? On ne peut répondre à ces interrogations et comprendre cette gestion criminelle de la tragédie sans revenir à l'intervention militaire de l'Otan en Libye en 2011.
Profitant des soulèvements populaires dans le monde arabe, l’impérialisme américain et son caniche européen ont envahi militairement la Libye pour installer un régime qui servira leurs intérêts. Le régime de Kadhafi a été remplacé, au prix de milliers de morts, de destruction de l'infrastructure économique et de l'unité du peuple libyen, par des milices islamistes qui jusqu'à aujourd'hui encore continuent à s'affronter. Le peuple libyen était alors privé de sa révolution, de ses richesses et se trouvait dans la même situation tragique que celle des peuples irakien, yougoslave, afghan etc. Cette intervention militaire a brisé également cet immense espoir, soulevé par la révolution tunisienne et égyptienne dans les masses arabes opprimées, pour une société meilleure débarrassée de la domination impérialiste et de ses serviteurs locaux.
Aujourd'hui la Libye est un pays ravagé par une guerre interminable entre milices et gouvernements rivaux alimentée par des puissances étrangères qui ne cherchent qu' à défendre leurs intérêts géopolitiques et piller les richesses du peuple libyen. La violence, l'arbitraire et l'anarchie, au mauvais sens du terme, font partie intégrante du quotidien des libyens auxquels l'OTAN avait promis pourtant démocratie, liberté, respect des droits de l'homme et prospérité. Quelques années seulement après cette intervention, la situation économique d'une bonne partie de la population est désastreuse : Selon LVSL "En 2017, 60% de la population libyenne souffrait de malnutrition. 1,3 million de Libyens étaient en attente d’une aide humanitaire d’urgence, sur une population totale de 6,4 millions d’habitants. Cette situation catastrophique fait suite à l’intervention éclair de 2011 conduite par l’OTAN". Rappelons que la Libye avant l'intervention impérialiste était le pays le plus prospère de tout le continent africain.
Une des conséquences directes de cette intervention est l'éclatement de la nation libyenne, construction récente et fragile, en entités plus ou moins indépendantes du pouvoir central et dominées par des tribus s'entretuant mutuellement. Les minorités non-arabes, Berbères, Toubous et autres Touaregs revendiquent leurs spécificités culturelles et linguistiques. Les tensions avec les tribus arabes dominantes se règlent souvent les armes à la main faisant plusieurs dizaines de morts. L'unité et la souveraineté de la Libye ne sont désormais qu'un lointain souvenir. Aujourd'hui, la Libye est ainsi livrée en proie à une féroce meute de hyènes. Il faut dire que ce pays possède des ressources pétrolières, gazières et minières parmi les plus importantes au monde. Désormais les multinationales pétrolières peuvent pomper tels des vampires le pétrole libyen en toute quiétude.
On ne peut parler de la Libye sans évoquer le sort cruel réservé aux travailleurs immigrés notamment africains. Le dernier rapport des Nations Unies publié en mars 2022 constate que la torture est une pratique systématique et généralisée et "les personnes emprisonnées en Libye sont couramment détenues arbitrairement pendant des périodes prolongées. Elles seraient systématiquement torturées, violées ou menacées de viol, y compris sur des membres féminins de leur famille, et parfois tuées".
L'intervention impérialiste en Libye a fait des dizaines de milliers de victimes innocentes. Elle a détruit l'essentiel de l'infrastructure économique du pays. Elle a brisé l'unité de la nation libyenne. Barack Obama, Hillary Clinton, David Cameron et Nicolas Sarkozy, pour ne citer que ceux-là, ont du sang libyen sur les mains. Ils sont aujourd'hui, avec les ravages du cyclone Daniel, responsables même indirectement de cette tragédie qui a fait des milliers de morts et de disparus.
Mohamed Belaali