Le film d'Emmanuel Gras décrit le combat, les espoirs et les déceptions des Gilets jaunes du rond-point de Chartres. Leurs paroles et leurs histoires personnelles difficiles sont souvent émouvantes et sincères. En donnant la parole à celles et ceux qui ne l'ont jamais, celles et ceux de la France d'en bas, le film retrace en fait dans une certaine mesure l'évolution de tout le Mouvement des Gilets jaunes.
Pourtant ce sont ces invisibles "ces gens de rien", ces "sans dents" qui vont se soulever dans un élan formidable contre le pouvoir en place qu'ils jugent responsable de leur situation : "Macron démission" scandent à pleins poumons les Gilets jaunes sur le rond-point et dans les manifestations parisiennes tous les samedis. Cette révolte est la conséquence directe, rappelons-le, de la politique de paupérisation ultra-libérale menée tambour battant par les gouvernements successifs.
Le film montre en filigrane que la lutte des Gilets jaunes est en quelque sorte un refus de l'immobilisme qui caractérise la scène politique française.
Le film n'a pas occulté les contradictions et les incohérences des Gilets jaunes dont la spontanéité, la naïveté et la sincérité sont à la fois une force et une faiblesse. Les Gilets jaunes n'ont pas l'expérience des luttes politiques et syndicales, ce qui génère parfois tensions, divisions et finalement l'inefficacité des actions. Le documentaire s'est également attardé sur le thème du RIC (Référendum d'Initiative Citoyenne) qui est controversé au sein même du mouvement.
En revanche, le film est passé trop rapidement sur les terribles violences, d'un autre âge, subies par les Gilets jaunes : yeux crevés, mains arrachées, visages défigurés, crânes fracassés... Pour briser le Mouvement, la bourgeoisie française a mobilisé tout son appareil répressif et judiciaire. Les Gilets jaunes sont probablement le Mouvement le plus réprimé dans l'histoire récente de la France. Les chiffres parlent d'eux-mêmes :
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2 décès,
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315 blessures à la tête,
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24 éborgné·es,
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5 mains arrachées
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Les personnes placées en garde à vue et/ou renvoyées devant les tribunaux se comptent par milliers.
Macron et son gouvernement considèrent que la violence et la brutalité utilisées contre les Gilets jaunes sont justes alors que la moindre vitrine cassée par les révoltés constitue par elle-même un crime !
Il faut aller voir ce beau film pour essayer de comprendre comment de simples citoyens armés de leurs gilets jaunes et de leur détermination ont pu, pour une société plus juste, produire un événement majeur dans cette lutte qui fait rage entre les dominants et les dominés. Il entrera dans l'histoire avec une aura qui lui est propre.
Mohamed Belaali