«L'histoire ne connaît pas encore d'exemple d'une pareille grandeur!»
K.Marx
«A l'aube du 18 mars, Paris fut réveillé par ce cri de tonnerre : vive la commune !» (1). Mais la Commune de Paris n'a vécu que 72 jours ! Pendant cette éphémère existence, la Commune n'a certes pas fait de miracles, mais elle a réalisé des avancées sociales et politiques qui font encore aujourd'hui l'admiration des peuples du monde entier. Des femmes de Montmartre, qui ont fait barrage de leurs corps pour protéger les canons de la Garde nationale, jusqu'au dernier communard tombé au Père-La chaise le fusil à la main, la Commune s'est battue héroïquement contre toutes les injustices et toutes les aliénations de l'ordre social établi. La commune fut battue mais ses principes restent éternels.
«Les prolétaires de la capitale, au milieu des défaillances et des trahisons des classes gouvernantes, ont compris que l'heure était arrivée pour eux de sauver la situation en prenant en main la direction des affaires publiques...en s'emparant du pouvoir» disait le manifeste du 18 mars du Comité central. La Commune a d'emblée supprimé deux instruments de domination de classe en abolissant la police et en remplaçant l'armée permanente par le peuple en arme. Les représentants de la Commune étaient non seulement tous élus au suffrage universel, mais surtout responsables et révocables à tout moment. Pour la Commune «les membres de l’assemblée municipale, sans cesse contrôlés, surveillés, discutés par l’opinion, sont révocables, comptables et responsables» (voir l'appel du 22 mars 1871). Quel contraste avec les hommes politiques d'aujourd'hui qui cumulent plusieurs mandats à la fois et n'ont de comptes à rendre à personne une fois élus; il s'agit d'une véritable confiscation du pouvoir ! Les citoyens n'ont aucun contrôle sur leurs représentants qui ne sont absolument pas tenus de respecter leurs promesses. Étrange démocratie où le peuple est réduit à voter à intervalles réguliers pour des «représentants» qui vont immédiatement le trahir. La Commune a instauré un traitement maximum de 6000 francs annuels pour tous les fonctionnaires du haut au bas de l'échelle y compris les juges et les magistrats c'est-à-dire l'équivalent d'un salaire d'ouvrier. Lorsque l'on pense aujourd'hui à ces hommes politiques corrompus qui confondent deniers publics et argent privé (2), on se rend vite compte combien la démocratie communale était en avance !
La majorité des élus de la Commune était naturellement des ouvriers à côté des autres élus du peuple. Aujourd'hui la démocratie bourgeoise ignore totalement dans sa représentation l'existence des ouvriers et des classes populaires en général alors même qu'elles représentent près de la moitié des producteurs de richesses. Qu'elle est jolie la démocratie «représentative» bourgeoise ! Mais ces ouvriers, que la bourgeoisie méprise tant, ont produit avec la Commune l'une des plus belles et des plus originales expériences politiques de l'histoire moderne.
La Commune a arraché l'enseignement à l'église et à l’État pour le mettre gratuitement entre les mains du peuple. Elle a banni de l'instruction publique tout «ce qui relève de la conscience individuelle de chacun». Dans «La guerre civile en France», Marx écrivait «La totalité des établissements d'instruction furent ouverts au peuple gratuitement, et, en même temps, débarrassés de toute ingérence de l'église et de l’État. Ainsi non seulement l'instruction était rendue accessible à tous mais la science elle-même était libérée des fers dont les préjugés de classe et le pouvoir gouvernemental l'avaient chargée».
Si aujourd'hui Macron et son ministre de l'intérieur Gérald Darmanin organisent la chasse policière aux étrangers, accablent de mille et une misères les travailleurs sans papiers et alimentent contre eux les préjugés les plus répugnants, les portes de la Commune, elles, étaient grandes ouvertes à des milliers de travailleurs du monde entier. Elle a même promu au rang de ministre du Travail un ouvrier hongrois et placé deux généraux polonais pour la défense de Paris dont un est mort sur les barricades. La Commune c'était la République universelle.
La colonne Vendôme, symbole des horreurs des guerres napoléoniennes, que le peuple de Paris ne voulait plus voir fut renversée. Ainsi le 12 avril 1871, la Commune vote le décret suivant, sur proposition de Felix Pyat : «La Commune de Paris, considérant que la colonne impériale de la place Vendôme est un monument de barbarie, un symbole de force brute et de fausse gloire, une affirmation du militarisme, une négation du droit international, une insulte permanente des vainqueurs aux vaincus, un attentat perpétuel à l’un des trois grands principes de la République française, la fraternité, décrète : article unique - La colonne Vendôme sera démolie».
Au cri «A bas la peine de mort», les citoyens du 11e arrondissement au milieu de la joie populaire, ont brûlé le 6 avril 1871 la guillotine. Il a fallu plus d'un siècle pour que la bourgeoisie concède l’abolition de cette pratique barbare.
Contre la justice marchandise, la Commune a tenté d'établir une justice égale et gratuite pour tous. Eugène Protot délégué à la justice avait proposé le 23 avril 1871 que les huissiers, notaires, commissaires-priseurs et greffiers de tribunaux soient des fonctionnaires appointés (3).
Rappelons que toutes les mesures de la Commune sont d'autant plus remarquables qu'elles étaient prises alors que Paris était assiégé par les prussiens et par les versaillais.
Même si les hommes et les femmes de la Commune n'ont pas atteint leurs objectifs, la portée de leur expérience reste immense. La beauté de l’œuvre de la Commune n'a d'égal que la laideur de l'ordre bourgeois. La Commune restera à jamais gravée dans la mémoire des ouvriers et des opprimés du monde entier.
Mohamed Belaali
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(1)K Marx, La guerre civile en France 1871, éditions sociales, page 59.
A l'occasion du 150ème anniversaire de La Commune, il est peut-être utile pour celles et ceux qui veulent comprendre cet événement historique exceptionnel et pour ne pas tomber dans les dénigrements, déformations et autres mensonges des vainqueurs, de lire «La Guerre civile en France 1871» de K Marx (1) et celui de Prosper-Olivier Lissagaray « Histoire de la Commune de 1871» (2).
La signification de la Commune ainsi que les causes de sa défaite ne peuvent être comprises qu'à travers une lecture politique. Et les deux écrits brillent non seulement par leur clarté et leur force de conviction, mais aussi par leur interprétation politique de la très brève existence de la Commune.
Certes, il existe une abondante et intéressante littérature sur la Commune, mais les ouvrages de Marx et de Lissagaray restent aujourd'hui encore inégalables.
«Ce qui est vrai de ces deux Adresses, disait Engels dans son introduction, l'est aussi de celle sur La Guerre civile en France. Le 28 mai, les derniers combattants de la Commune succombaient sous le nombre sur les pentes de Belleville, et deux jours après, le 30, Marx lisait déjà devant le Conseil général ce travail où la signification historique de la Commune de Paris est marquée en quelques traits vigoureux, mais si pénétrants, et surtout si vrais, qu'on en chercherait en vain l'équivalent dans l'ensemble de l'abondante littérature écrite sur ce sujet».
De cette guerre civile, Marx en a tiré comme à son habitude plusieurs conclusions notamment celles concernant l’État et l'émancipation des travailleurs : «la classe ouvrière ne peut pas se contenter de prendre tel quel l'appareil d'État et de le faire fonctionner pour son propre compte». Un peu plus loin, il ajoute «La classe ouvrière n'espérait pas des miracles de la Commune. Elle n'a pas d'utopies toutes faites à introduire par décret du peuple. Elle sait que pour réaliser sa propre émancipation, et avec elle cette forme de vie plus haute à laquelle tend irrésistiblement la société actuelle en vertu de son propre développement économique, elle aura à passer par de longues luttes, par toute une série de processus historiques, qui transformeront complètement les circonstances elles-mêmes».
Dans sa préface à la chronique de Lissagaray (1838-1901), acteur et témoin de la Commune, Jean Maitron écrit «Ainsi donc par l'objectivité de ses témoignages, par l'intelligence de ses conclusions, l’œuvre de Lissagaray constitue encore l'indispensable introduction à toute étude de l'événement».
Lissagaray avait publié à Bruxelles juste après la semaine sanglante «Les huit journées de mai derrière les barricades». Ce récit constitue le premier témoignage de cet événement aussi héroïque que tragique.
Jenny Marx dans une lettre à Louis Kugelmann disait «À une seule exception près, tous les livres sur la Commune qui ont paru jusqu'à présent ne valent rien. Cette unique exception à la règle générale, c'est l'ouvrage de Lissagaray que vous recevrez en même temps que cette lettre».
Lissagaray a repris et remanié profondément ce texte après un long travail de recherches et d'enquêtes auprès des survivants et publie en 1876 «Histoire de la Commune de 1871» à Bruxelles. Le livre fut réédité à plusieurs reprises (4).
Voici un passage du chapitre VII :
«A côté de ces mandarins de la tribune, de l'histoire, du journalisme, incapables de trouver un mot, un geste de vie, voici les fils de la masse, innommés, abondants de volonté, de sève, d'éloquence. Leur adresse d'adieu fut digne de leur avènement: « Ne perdez pas de vue que les hommes qui vous serviront le mieux sont ceux que vous choisirez parmi vous, vivant de votre propre vie, souffrant des même maux. Défiez-vous autant des ambitieux que des parvenus... Défiez-vous également des parleurs... Évitez ceux que la fortune a favorisés, car, trop rarement celui qui possède la fortune est disposé à regarder le travailleur comme un frère...Portez vos préférences sur ceux qui ne brigueront pas vos suffrages. Le véritable mérite est modeste, et c'est aux travailleurs à connaître leurs hommes, et non à ceux-ci de se présenter». Lissagaray reste le grand historien de la Commune.
«La guerre civile en France», «Histoire de la Commune de 1871», deux livres sans équivalent sur un événement révolutionnaire qui a marqué l'histoire non seulement de la France, mais celle de toute l'humanité.
«Qui n'a pas vu la révolution ne peut s'en imaginer la beauté majestueuse, triomphale.»
Nadejda Kroupskaïa
Si la figure de Lénine est bien connue, celle de sa compagne et camarade l'est beaucoup moins. En effet, Nadejda Kroupskaïa a vécu dans l'ombre du père de la Révolution d'octobre. Mais comme disait Clara Zetkin peut-on vraiment parler de Lénine sans évoquer sa femme :«Il est impossible de parler de lui sans penser à elle. Elle était la main droite de Lénine, son meilleur secrétaire, sa compagne dévouée, la meilleure interprète de ses idées» (1).
Il est vrai que l'histoire de la Révolution russe tend à ne retenir que des figures masculines. Or ce sont les grèves des ouvrières de textile de Petrograd (Saint-Pétersbourg aujourd'hui) qui ont enclenché la première révolution le 23 février 1917 (8 mars dans le calendrier Grégorien) qui a emporté le régime despotique des Tsars. Ce sont également des femmes comme Alexandra Kollontaï, Inessa Armand, Nadejda Kroupskaïa, pour ne citer que les plus connues, qui ont contribué directement et indirectement avec Clara Zetkin à l'organisation de «La journée internationale des femmes». Le 8 mars 1921, Lénine décrète une journée internationale des femmes en souvenir des ouvrières de textile de Saint-Pétersbourg.
Il est peut-être utile d'évoquer ici, même rapidement, la contribution de cette femme discrète au triomphe de la Révolution d'Octobre et son rôle pionnier dans le domaine de la pédagogie et de l'instruction au service de tous.
Kroupskaïa n'était pas seulement l'épouse et la collaboratrice de Lénine, elle était aussi une grande pédagogue (2). Avant la Révolution, Kroupskaïa avait déjà publié une quarantaine d'ouvrages, dont le plus important, intitulé «Instruction publique et démocratie» écrit en 1915 et publié en 1917. Elle a étudié et interprété les travaux de Comenius, Rousseau, Pestalozzi, Owen ou encore Dewey sans oublier les aspects développés par Marx et Engels dans le champs de la pédagogie (3).
Après la Révolution d'Octobre, l'immense tâche de liquider l'analphabétisme dans un pays où la majorité de la population était illettrée lui revenait tout naturellement : «La tâche, en effet, était des plus ardues. Une population presque exclusivement rurale, en majorité illettrée, des dizaines de milliers de hameaux perdus, incultes : tel était le milieu qu'il fallait pénétrer, instruire» (4).
Elle s'est attaquée également à la mainmise des classes possédantes sur l'instruction et la culture en général afin de permettre à tous d'accéder au savoir. L'école pour Kroupskaïa «ne peut se contenter d’apprendre aux élèves à lire, à écrire et à compter. Ils doivent maintenant connaître les éléments scientifiques de base sans lesquels ils seraient incapables de mener une vie consciente» (5).
Aujourd'hui encore, l'Unesco (United Nations Educational Scientific and Cultural Organization) octroie chaque année le Prix Kroupskaïa à tous les pays, organisations et personnes qui se sont distingués par leur lutte contre l’analphabétisme.
Nadejda Konstantinovna Kroupskaïa est née à Saint Pétersbourg le 14 février 1869 dans une famille progressiste. Elle est décédée à Moscou le 27 février 1939. Nadejda, comme beaucoup de révolutionnaires, appartenait à la petite noblesse russe. Dès 1890, la jeune Kroupskaïa adhère au cercle marxiste de Brousnev et passe une bonne partie de ses activités militantes à
l’alphabétisation des familles ouvrières en donnant des cours du soir dans les faubourgs industriels de Saint-Pétersbourg. La misère de la condition ouvrière n'a fait que renforcer ses convictions révolutionnaires.
En 1895 Kroupskaïa rejoint l’Union de lutte pour la libération de la classe ouvrière, fondée par Lénine qu'elle avait rencontré en 1894.
A la fin de 1895, Lénine est arrêté et exilé en Sibérie. Un peu plus tard, c'est au tour de Kroupskaïa d'être envoyée en exil, mais à des milliers de kilomètres de Lénine. Pour se rapprocher l'un de l'autre, ils décident de se marier. Après leur libération, le jeune couple s'exile à nouveau, mais cette fois à l'étranger. De Munich à Paris en passant par Zurich, Bruxelles et Londres, leur exil durera 17 ans.
Son dévouement a beaucoup aidé Lénine à supporter les déportations, la clandestinité et la vie pénible des révolutionnaires partout traqués par la police du Tsar, changeant sans cesse de pays, de villes et de logements. Kroupskaïa a probablement souffert davantage que Lénine des affres de l'exil. Elle menait de front plusieurs combats et plusieurs tâches. En plus de ses travaux scientifiques dans le domaine de la pédagogie qui embrassent tous les domaines de la politique éducative, elle consacrait une grande partie de son temps à la diffusion des brochures et documents du parti, combattait les ennemis de Lénine, engageait des luttes pour la cause des femmes etc. mais si «la vie n'était pas gaie» en exil, le retour du couple en Russie en avril 1917 a été triomphal : «Lesmasses, ouvriers, soldats, matelots, s'étaient portées au-devant de leur chef. Tout autour de nous, c'était une mer humaine qui bouillonnait. Qui n'a pas vu la révolution ne peut s'en imaginer la beauté majestueuse, triomphale» écrivait Nadejda Kroupskaïa dans «Souvenirs sur Lénine» (6).
Au crépuscule de sa vie, malade, affaibli et éloigné du pouvoir, Lénine pouvait encore et toujours compter sur sa plus fidèle camarade, Nadejda. C'est dire le rôle joué par cette femme dans la vie de Lénine et partant dans la révolution d'Octobre.
Le 21 janvier 1924, Lénine a cessé de vivre à l'âge de cinquante quatre ans après une lente agonie. On s'est empressé, contre la volonté de Kroupskaïa, d'embaumer son corps pour mieux enterrer ses idées révolutionnaires.
Après l'adieu officiel à Lénine, Nadejda Kroupskaïa prononça ces paroles : «Camarades, ouvriers et ouvrières, paysans et paysannes. Ne laissez pas votre peine se transformer en adoration extérieure de la personnalité de Vladimir Ilitch. Ne construisez pas de palais ou de monuments à son nom. A toutes ces choses, il accorda peu d'importance au cours de sa vie. Ça lui était même pénible.(...) Si vous voulez honorer la mémoire de Vladimir Ilitch, construisez des crèches, des jardins d'enfants, des maisons, des écoles, des hôpitaux, et mieux encore vivez en accord avec ses préceptes» (7). Son avertissement n'a pas été entendu.
Trafic d'influence, détournements de fonds publics, abus de faiblesse, favoritisme, escroquerie en bande organisée, corruption, enrichissement personnel, emplois fictifs, conflit d'intérêts, népotisme, malversation, fraudes en tout genre, etc. etc. Cette richesse dans le vocabulaire contraste tristement avec la misère morale et politique des dirigeants d'une République bourgeoise qualifiée pourtant «d'irréprochable» par les uns et « d'exemplaire» par les autres.
Un an de prison dont six mois ferme requis contre Nicolas Sarkozy dans l'affaire Bygmalion. L'ancien président de la République a déjà été condamné en première instance pour «corruption et trafic d'influence» à trois ans de prison dont un ferme dans le cadre «des écoutes de Paul Bismuth».
Mais ces deux affaires ne sont que l'arbre qui cache la forêt. Le nombre d'hommes politiques impliqués, à un degré ou à un autre, dans les affaires est impressionnant. Il est tout simplement impossible d'établir une quelconque liste exhaustive des scandales politico-financiers qui secouent régulièrement tous les échelons de l'Etat. Sans remonter jusqu'aux diamants centrafricains de Giscard, on peut citer à titre d'exemples quelques noms de dirigeants politiques empêtrés, à un titre ou à un autre, dans des affaires : Alain Carignon, Alain Juppé, Jérôme Cahuzac, Bernard Tapie, Patrick Balkany, Claude Guéant, Serge Dassault,Thomas Thévenoud, François de Rugy, Richard Ferrand, Jean-Paul Delevoye, Charles Pasqua, François Léotard, François Fillon, Jacques Chirac etc. etc. Il ne s'agit là que de quelques exemples qui ne doivent pas masquer le caractère récurrent et structurel de la corruption qui règne dans les plus hautes sphères de l’État. Les institutions de cette république bourgeoise non seulement sont complices de ces agissements, mais permettent et favorisent la multiplication des opportunités de corruption et des scandales en tout genre. Car les scandales financiers, corruption, privilèges et autres affaires, sont intimement liés au fonctionnement même du système capitaliste qui les produit et reproduit de manière permanente.
Quel contraste entre les valeurs proclamées par cette république bourgeoise et les pratiques réelles de ses dirigeants ! L'ancien président de la république Nicolas Sarkozy concentre à lui seul une demi douzaine d'affaires entre ses mains : l'affaire Tapie, l'affaire Karachi, l'affaire Bettencourt, l'affaire libyenne, l'affaire des sondages et l'affaire des écoutes téléphoniques pour laquelle il vient d'être condamné.
La corruption est au cœur de cette démocratie. Souvenons nous de Jérome Cahuzac lorsqu'il déclarait à l'Assemblée nationale et même « les yeux dans les yeux » devant François Hollande : «Je n'ai pas, et je n'ai jamais eu un compte à l'étranger, ni maintenant, ni avant» avant de reconnaître posséder un compte bancaire en Suisse et frauder le fisc quelques mois plus tard ! Le comble, c'est que Cahuzac était ministre du Budget et se présentait de surcroît comme le grand pourfendeur de l'évasion et de la fraude fiscale !
Que peuvent attendre encore les masses populaires de cette République bourgeoise dont les dirigeants possèdent de larges pouvoirs discrétionnaires qui leur procurent des privilèges matériels et symboliques pour leur propre compte ou pour celui de leur organisation politique ? Ces « bénéfices » sont en quelque sorte une récompense octroyée par la bourgeoisie à ses serviteurs zélés et dévoués.
Ce zèle et ce dévouement se traduisent concrètement par des politiques de paupérisation systématique des classes populaires et par l'enrichissement d'une minorité de puissants. Le chômage et la précarité, exacerbés par la pandémie et sa gestion irresponsable par Macron, explosent comme d'ailleurs les inégalités économiques et sociales. La destruction de l'économie de tout un pays se poursuit inlassablement.
On peut adopter les lois que l’on veut contre la corruption, les affaires et les privilèges, mener toutes les enquêtes possibles, on peut même diminuer et limiter leur importance, mais on ne peut pas les éliminer. Car leur existence et celle du capitalisme sont tellement imbriquées l’une dans l’autre que l’on ne peut supprimer l’une sans éliminer l’autre. Les lois et les mesures prises pour lutter contre la corruption ne sont que des paravents derrière lesquels la bourgeoisie dissimule ses forfaits. Le problème n’est donc pas l’existence de la corruption, des scandales financiers, des affaires et autres privilèges, mais celle du capitalisme qui les engendre. Il y a eu dans le passé des scandales, il y a aujourd’hui des scandales et il y aura dans l’avenir d’autres scandales tant que ce système existe. Le véritable scandale, c’est le capitalisme lui-même.
A l'époque où le journalisme est devenu une vulgaire marchandise soumise aux vicissitudes du marché et un instrument de propagande entre les mains des puissants, il est utile de montrer à travers l'exemple de John Reed que cette profession peut être aussi un moyen au service des luttes sociales sans jamais renoncer à la vérité du terrain.
Le 17 octobre 1920 est décédé à Moscou, à l'âge de 33 ans, le journaliste révolutionnaire John Reed. L'auteur de l'inoubliable et magnifique des «Dix jours qui ébranlèrent le monde» est né dans une riche famille à Portland, en Oregon, le 22 octobre 1887. Son grand-père a fait fortune dans le commerce des fourrures, son père dans la vente à grande échelle de matériel agricole. Diplômé de Harvard qu'il quitte en 1910, il rejoint en 1913 The Masses, magazine progressiste à la fois politique et culturel. Il couvre alors une série de grèves ouvrières comme celle des travailleurs de la soie dans la ville de Paterson dans le New Jersey. Dans «Guerre à Paterson», il écrit : «Il y a la guerre à Paterson. Mais c'est une sorte de guerre curieuse. Toute la violence est l'œuvre d'un seul côté - les propriétaires de l'usine» (1).
Ses témoignages sur les combats ouvriers lui ont valu des séjours répétés dans les prisons fédérales.
Cette première rencontre avec des travailleurs en grève lui a au moins permis de comprendre que le journalisme peut être un moyen efficace au service des luttes sociales non seulement aux États-Unis mais partout à travers le monde.
Quelques temps après, John Reed part pour le Mexique afin de couvrir pour Metropolitan Magazine de New York la révolution mexicaine menée par PanchoVilla. Le témoignage de Reed sur ce soulèvement populaire porte sur une courte période (quatre mois). Mais c'est peut-être la période la plus intense, la plus chargée d'espoir où Pancho Villa est considéré déjà comme une légende vivante. Dans ses chroniques, Reed mêle à la fois le souci d'une information objective et sa profonde sympathie pour les insurgés mexicains. En 1914 John Reed fait paraître « Le Mexique insurgé», somme d'articles et chroniques de cette expérience mexicaine : «Il y a du souffle et du mouvement dans les vastes fresques où sont représentées les multitudes en armes, les chevauchées, les rencontres ou les batailles. On trouvera aussi dans ces pages de saisissants portraits d'humbles paysans, de combattants anonymes et, au premier plan, la fascinante figure du paladin invincible Francisco Villa» (2). Une adaptation partielle du livre de Reed est portée à l'écran en 1973 par Paul Leduc :«Reed, Mexico Insurgente» (3).
En juillet 1914 toujours dans Metropolitan, Reed publie une longue lettre «The Colorado War» où il décrit avec minutie la grève et le massacre de Ludlow dans le sud du Colorado. Vingt-six ouvriers et leurs familles ont été abattus à la mitrailleuse par la garde nationale et les hommes de Rockefeller. L'historien Howard Zinn dit de cette grève des mineurs qu'elle fut «l'un des plus durs et des plus violents conflits entre les travailleurs et le capital industriel de l'histoire des États-Unis» (4)
Lorsque la Première Guerre mondiale éclate en Europe, Reed est déjà sur place. Dans son article « The Traders’ War» publié dans The Masses en septembre 1914, John Reed explique que cette boucherie reflète en réalité les rivalités commerciales entre l'Angleterre, La France et l'Allemagne : «Les capitalistes allemands veulent plus de profits. Les capitalistes anglais et français veulent tout. Cette guerre commerciale dure depuis des années» (5).
Mais c'est surtout sa rencontre avec la révolution d'octobre 1917 qui va révéler les qualités journalistiques de Reed. Dans son magnifique livre les «Dix jours qui ébranlèrent le monde», il décritavec passion et enthousiasme les événements historiques qui vont changer la face du monde. Il a su capter et transmettre les revendications et les aspirations humaines les plus simples et les plus fondamentales des ouvriers, des soldats et des paysans russes : «la paix, la terre, le pain, la fraternité, tout le pouvoir aux soviets...». Voici comment Reed décrit les premiers moments de la Révolution : «Quelque chose s’était brusquement éveillé en tous ces hommes. L’un parlait de la révolution mondiale en marche, un autre de l’ère nouvelle de fraternité, où tous les peuples ne seront plus qu’une grande famille (…) Mus par une commune impulsion, nous nous trouvâmes soudain tous debout, joignant des voix dans l’unisson et le lent crescendo de l’Internationale. Un vieux soldat grisonnant sanglotait comme un enfant. Alexandra Kollontaï rentrait ses larmes. Le chant roulait puissamment à travers la salle, ébranlant les fenêtres et les portes et allant se perdre dans le calme du ciel» (6).
Son ami Albert Rhys Williams disait que «La Révolution russe s'était emparée de lui corps et âme (…) elle l'avait envoyé, comme une sorte de prophète au flambeau embrasé, dans les villes d'Amérique.» (7).
Reed ne se contente pas seulement de rapporter des faits au jour le jour, il prend résolument partie pour les révolutionnaires. Il est à la fois témoin consciencieux et acteur de cette immense révolution : «Au cours de la lutte, mes sympathies n'étaient pas neutres écrit-il. Mais, en retraçant l'histoire de ces grandes journées, j'ai voulu considérer les événements en chroniqueurs consciencieux, qui s'efforce de fixer la vérité» (8). L’œuvre de Reed «apporte la preuve éclatante que l'art rigoureux du journaliste s'enrichit de la passion du militant pour atteindre à une vérité profonde : on voudrait aujourd'hui le nier. Elle exalte enfin le goût de la révolte, du refus et de la lutte, que l'on déclare aujourd'hui, bêtement, enterré. Il y aura toujours des jeunes gens qui, un jour, se mettront en colère» (9).
Dans la préface du livre de Reed, Lénine écrivait : «Après avoir lu avec un immense intérêt et la même attention jusqu'au bout le livre de John Reed, Dix jours qui ébranlèrent le monde, je recommande du fond du cœur cette œuvre aux ouvriers de tous les pays. Je voudrais que ce livre soit répandu à des millions d'exemplaires et traduit dans toutes les langues, car il donne un tableau exact et extraordinairement vivant d'événements qui ont une si grande importance pour comprendre ce qu'est la révolution prolétarienne, ce qu'est la dictature du prolétariat» (10).
La vie de Reed et les « Dix jours qui ébranlèrent le monde » sont portés à l'écran en 1981 par Warren Beatty. « Reds », ce passionnant film avec Diane Keaton et Jack Nicholson, entre autres, a largement contribué à faire connaître au grand public le journaliste et révolutionnaire John Reed.
Le 17 octobre 1920, John reed le journaliste, le révolutionnaire et l'internationaliste s'est éteint à l'hôpital Marinski de Moscou emporté à l'âge de 33 ans par le typhus. Il repose à coté d'autres révolutionnaires sur la Place Rouge contre le mur du Kremlin. Sur sa tombe on peut lire « John Reed, délégué à la IIIe Internationale, 1920 ».
« L’histoire a voulu qu’ils partent le même jour », c’est l’hommage du ministère des Affaires Étrangères de Cuba à la mort de Maradona, ce mercredi 25 novembre 2020, quatre ans jour pour jour après celle de Castro. Hé oui ! Même si vous n’aimez pas le football, ce n’est pas une raison pour ne pas avoir de l’affection pour Maradona…
Avec notre spectacle Futsal et mains propres, nous nous sommes intéressés au football et aux liens qui pouvaient exister entre le foot et la politique… Maradona, à la fois Dieu du foot, socialiste, anti-impérialiste et anti-colonialiste convaincu, est un peu la synthèse de tout cela.
Exemple mythique : dans le documentaire d’Emir Kusturica, « Maradona par Kusturica », il raconte cette force qui porte les joueurs de son équipe lors de ce fameux match Argentine-Angleterre du 22 juin 1986. Quatre ans après la Guerre des Malouine où le peuple argentin a été pris entre la dictature et une puissance coloniale, ils avaient une terrible envie de rendre hommage aux morts et de donner un peu de réconfort à leur famille : « Nous les joueurs, on représentait nos morts. Notre objectif à nous c’était d’entrer sur le terrain et de jouer au ballon tout en ayant conscience que si on sortait l’Angleterre, on gagnait la guerre du football. Voilà où on a puisé notre énergie. » Alors contre toute attente, il marque deux buts extraordinaires, mythiques, et élimine l’Angleterre en quart de finale de la Coupe du Monde.
Ces convictions, il les a mises en pratique dans le milieu du football où il a lutté sans relâche contre la corruption au sein de la Fédération Internationale (FIFA) qu’il comparait à une mafia. Il s’est battu pour syndiquer les autres joueurs et, à la fin des années 90, avec d’autres stars, il crée l’Association Internationale des Joueurs de Football Professionnels pour défendre leurs droits.
En tant que socialiste et anti-impérialiste, paré des tatouages du Che et de Castro, Maradona a été un partisan engagé de la révolution bolivarienne du Venezuela, de celle de Cuba et des mouvements sociaux progressistes à travers l’Amérique Latine, ne perdant jamais l’espoir que les pauvres et les opprimés s’émancipent. Il était un ami proche et un partisan d’Hugo Chavez, d’Evo Morales et de Fidel Castro, ainsi que d’autres dirigeants socialistes. Il a dit un jour : « Je crois en Hugo Chávez. Je suis chaviste. Tout ce que lui et Fidel font, de mon point de vue, c’est ce qu’il y a de mieux ».
«Il faut que les gens sachent que nous disons la vérité, que nous voulons l’égalité et que nous ne voulons pas que le drapeau yankee flotte sur nous. » Il a aussi défié ouvertement l’impérialisme et le colonialisme, notamment en 2005 en participant, aux côtés de 150 personnalités dont Hugo Chavez et le futur président bolivien Evo Morales, au contre-sommet de Mar del Plata où il a appelé la foule à « virer » Bush d’Argentine.
Fervent défenseur de la cause palestinienne, il a déclaré « dans mon cœur je suis palestinien » et « je suis un défenseur du peuple palestinien, je le respecte et je sympathise avec lui, je soutiens la Palestine sans crainte ».
Vénéré comme un dieu en Argentine et en Italie, il n’a jamais oublié d’où il venait.
Alors, comme disent les anti-impérialistes d’Amérique : « Rest in power ».
Dès son élection en 2017, Macron annonçait clairement dans son discours au Congrès qu'il était déterminé à incarner le rôle d'un président qui va user de tous les pouvoirs que lui confère la Constitution (1). Précisons que celle-ci, qui porte encore dans ses entrailles les stigmates de l'Ancien régime, attribue au président de la République des pouvoirs très étendus (2). Et si de surcroît le président dispose d'une majorité à l'Assemblée nationale, ses pouvoirs deviennent tout simplement exorbitants. Sur le plan pratique et politique, le président de la République possède quasiment tous les pouvoirs. Il concentre ainsi entre ses mains non seulement le pouvoirs exécutif, législatif et judiciaire, mais aussi l'appareil répressif de l’État (armée, police, tribunaux, prison etc.). Sur le plan idéologique, malgré leur apparente autonomie, il détient également les grands médias, les instituts de sondage, le système scolaire etc. Car il est le représentant d'une classe sociale, la bourgeoisie, dont le président n'est en réalité qu'un servile serviteur. Sa mission fondamentale est d'assurer l'ordre de cette classe et faire prospérer ses affaires économiques « quoi qu'il en coûte».
Pour servir ses maîtres, Macron va user et abuser de tous ces pouvoirs. Immédiatement après son intronisation, il lance des attaques rapides, brutales et historiques contre tous les progrès sociaux et politiques arrachés de haute lutte par des générations successives. Il faut dire aussi que ces progrès étaient déjà bien malmenés par les gouvernements précédents. Mais pour Macron et les siens, il faut aller au bout de ce qui reste encore des services publics, de la protection sociale, des minima sociaux, du droit du travail, de la sécurité de l'emploi etc.
Sur le plan des libertés individuelles et collectives, Macron installe, à travers la législation et la technologie la plus sophistiquée, la surveillance et le contrôle généralisés de la population par la police. Jamais celle-ci n'a été aussi bien dotée en moyens technologiques modernes que sous Macron : reconnaissance faciale, vocale et d’odeur, algorithmes prédictifs, drones, vidéosurveillance, caméras-piétons, "Mobil'IT", analyse automatisée des réseaux sociaux etc (3).
La rationalité technologique au service de la répression ! En s'appropriant la technologie, le régime de Macron s'organise pour dominer toujours plus efficacement.
Le 2 décembre 2020, trois décrets renforçant le Code de la sécurité intérieure sur le traitement des données ont été publiés. Ils étendent considérablement les possibilités de fichage des opposants politiques et de leurs proches (4). La répression et la domination envahissent ainsi toutes les sphères de l'existence privée et publique.
Et lorsque les conflits sociaux éclatent et s'aiguisent, Macron n'hésite pas à recourir à l'appareil répressif de l’État. Et plus la contestation est profonde et menace l'ordre établi, plus la violence devient intense et brutale. Le Mouvement des Gilets jaunes est un exemple éloquent à cet égard. Il faut terroriser les contestataires par des châtiments corporels d'un autre âge : mains arrachées, yeux crevés, visages défigurés, crânes fracassés etc (5). L'ordre bourgeois doit régner !
Mais cela ne suffit pas. Il faut en plus de cette répression sauvage et de ce processus destructeur du progrès social et des libertés fondamentales toujours en cours, enrichir encore et encore cette classe qui a porté brutalement Macron au pouvoir. Un véritable hold-up va être organisé sur la richesse de la nation. L'impôt de solidarité sur la fortune (ISF) est supprimé et remplacé par un simple impôt sur la fortune immobilière (IFI). Celui-ci, contrairement à l'ISF, ne prend pas en compte les placements financiers, l'épargne et les autres valeurs mobilières (6).
Un autre cadeau de Macron aux plus riches est l'instauration de la « Flat Tax », impôt forfaitaire de 30% sur les revenus du capital : «Les 1% les plus aisés concentreront 44% du gain permis par la mise en place d'une flat tax sur les placements financiers, selon les estimations du gouvernement transmises au rapporteur de la Commission des finances du Sénat. À cela, il faut ajouter les 3,6 milliards d'euros d'économie que cette frange de la population réalisera grâce à la fin de l'ISF» (7).
L'impôt sur les bénéfices des entreprises va passer de 33 % à seulement 25 % en 2022.
La proposition de loi relative à la sécurité globale prévoit dans son titre II le renforcement du rôle du «secteur de la sécurité privée» ouvrant ainsi la voie à la privatisation et à la marchandisation de la police (8). C'est un énorme cadeau offert par Macron aux patrons des entreprises de sécurité privées.
D'autres décisions encore plus violentes pour les plus démunis viendront allonger cette liste de mesures en faveur des puissants. On ne peut rien donner aux uns sans prendre aux autres. La misère sociale et ses terribles conséquences sur les masses des travailleurs ne feront que croître. Que faire ?
Dans la France d'aujourd'hui, la prise de pouvoir par la révolution est écartée. Les grands partis de gauche et les syndicats préfèrent se plier aux règles du jeu parlementaire. Ils témoignent de l'ampleur de l'intégration capitaliste. Ils sont réduits à gérer conjointement avec le pouvoir un capitalisme qui les a totalement domestiqués alors même que la situation des masses des travailleurs ne cesse de se dégrader. Le Mouvement des Gilets jaunes est aussi, dans une certaine mesure, une révolte contre cette attitude des directions des partis et des syndicats. Dès le début de cette immense colère populaire, ces directions lui ont honteusement tourné le dos. Mais le Mouvement malgré sa grandeur n'a jamais réussi réellement à se structurer, même s'il a senti la nécessité de s'organiser (Assemblée des assemblées), pour pouvoir mener une véritable lutte politique. L'exemple des Gilets jaunes comme d'ailleurs celui de mai 1968, entre autres, montrent bien que sans une direction vraiment révolutionnaire déterminée à assumer une lutte de classe contre classe, aucun changement radical capable de renverser toutes les conditions sociales n'est possible. Les réformes économiques, sociales et politiques, aussi nécessaires soient-elles, ne font en dernière analyse que perpétuer l'asservissement général engendré par le système.
Julian Assange ne sera pas extradé vers les Etats-Unis où il encourt la peine de mort
«Donne un cheval à celui qui dit la vérité; il en aura besoin pour s’enfuir».
Proverbe arabe
En révélant au monde entier les guerres génocidaires, les crimes, les massacres et les mensonges des pays impérialistes, Julian Assange savait qu'il mettait sa vie en danger. Il a ainsi dévoilé la nature profonde de ces pays.Toutes les guerres impérialistes par exemple ont été déclenchées sur la base de mensonges. Assange a osé dire la vérité. Or celle-ci est incompatible avec le fonctionnement même des sociétés capitalistes où le mensonge est érigé en principe sacré, en dogme. Toute profanation de cette règle constitue un sacrilège. Il faut laisser la population dans l'ignorance. Et comme disait Orwell dans 1984 «L'ignorance c'est la force» ! La propagande et l’endoctrinement permanents des citoyens remplacent l’information et le faux devient vrai. Les intérêts d'une seule classe deviennent alors ceux de toutes les classes. Les responsables de ce blasphème seront alors durement punis. Car dans cette société, les hérétiques n'ont pas leur place. Leur vérité constitue une offense, un affront et une insulte au discours mensonger dominant. Julian Assange doit être châtié, persécuté. L'obscurité du mensonge contre la lumière de la vérité. La guerre est donc déclarée contre cet homme. Il n'a aucune chance de la gagner ni même d'obtenir un procès équitable sans le soutien massif des citoyens. Pour les Etats-Unis, le Royaume-Uni et tous les autres pays capitalistes, Assange est l'homme à abattre. En 2010 par exemple, il a eu le courage de montrer au monde entier, à travers des centaines de milliers de documents classifiés de l'armée américaine, la réalité de l'invasion de l'Irak : crimes de guerre, massacres, tortures... la souffrance infligée à la population irakienne, réduite à vivre dans des conditions infra-humaines, donne la mesure de la cruauté dont les pays capitalistes sont capables (1). Les documents publiés donnent l'ampleur de cette tragédie irakienne : 109 032 victimes dont 60 % de civils (2). A l'époque, les médias aux ordres parlaient des «frappes chirurgicales» ! Et quel est le crime de chacune de ces victimes ? Selon Bush et Blair, l'Irak représente un véritable danger pour le monde. Il possède les armes de destruction massive et demeure le foyer mondial du terrorisme. Il faut donc sécuriser ce pays et apporter à sa population démocratie, liberté et prospérité. Des mensonges et toujours des mensonges !
Le président équatorien Lenin Moreno, celui par qui le scandale est arrivé, disait : « J’ai demandé à la Grande-Bretagne la garantie que M. Assange ne serait pas extradé vers un pays où il pourrait être torturé ou condamné à mort». (3)
Moreno sait très bien que les Etats-Unis ont émis une ordonnance d'extradition de Julian Assange avec un acte d'accusation précis (4) et que son pays et le Royaume-Uni feront tout pour faciliter ce transfèrement. Une fois aux Etats-Unis, la vie de Julian Assange sera en danger ou comme disent les experts de l'ONU, l'extradition met « potentiellement sa vie en danger» (5),
Rappelons que la majorité des Etats (trente sur cinquante) appliquent encore la peine de mort et que la pratique de la torture est bien réelle. Le sort d'Assange n'aura probablement rien à envier à celui de l'autre lanceur d'alerte Chelsea Manning qui a « enduré de longues périodes d’isolement et de torture. Elle a tenté à deux reprises de se suicider en prison. Elle connaît par expérience douloureuse les innombrables façons dont le système peut vous briser psychologiquement et physiquement» (6).
Voilà ce que réservent les pays impérialistes à ceux et celles qui, au détriment de leur vie, osent dire la vérité aux citoyens en les informant sur les abus du pouvoir. Les pays capitalistes ne peuvent fonctionner que sur la base de mensonge et de répression dans tous les domaines.
Laissons le dernier mot à la mère de Julian Assange :«La vie de mon fils, le journaliste Julian Assange, est en danger imminent et grave. Je vous remercie tous d’entendre l’appel d’une mère qui vous demande de l’aider à le sauver (…) Parce qu’il s’agit d’une persécution politique transnationale par une superpuissance sauvage en collusion avec ses alliés, sauver Julian nécessite l’indignation des peuples du monde. (...) Tout au long de l’histoire, lorsque les abus de pouvoir sont devenus insupportables pour le peuple, celui-ci s’est uni et s’est levé pour les faire cesser» (7).
Dix années sont passées après les bouleversements historiques dans le monde arabe. Malgré des spécificités propres à chaque pays, les révoltes de 2011 sont quant au fond une seule et même contestation contre une situation économique, sociale et politique devenue intenable pour les masses populaires. Les despotes qui ont échappé à la colère de leur peuple tentent, avec l'énergie du désespoir, d'effacer de la mémoire populaire le souvenir de ces magnifiques soulèvements. Ces événements politiques majeurs sont loin de constituer une histoire achevée. Bien au contraire, ils ouvrent une ère nouvelle de contestations dans toute la région. La flamme de la résistance à l'oppression allumée par Mohamed Bouazizi est toujours vivante. Du Maroc au Soudan en passant par l'Algérie, l’Égypte et l'Irak, des vagues de révoltes font encore trembler les régimes en place. Cette contestation renouvelée est née et a grandi sur le sol de la misère économique et du despotisme politique. On peut toujours la réprimer et même l'écraser, mais elle renaîtra tel un phénix de ses cendres. Mais la spontanéité de ces soulèvements n'a pas produit, pour l'instant, des directions réellement révolutionnaires capables de mener les masses opprimées à la victoire.
Le 17 décembre 2010, Bouazzizi, un jeune marchand ambulant, s'immola par le feu allumant ainsi l'étincelle qui allait enflammer tout le monde arabe. Du Maroc à Bahreïn, les peuples se sont soulevés contre leurs tyrans qui, trop longtemps, les maintenaient dans la misère et l'asservissement. «Erhal», «dégage», «le peuple veut renverser le régime» clamaient d'une seule et même voix les manifestants. Deux dictateurs sont tombés, le tunisien Ben Ali et l'égyptien Moubarak. Le troisième, le yéménite Ali Abdallah Saleh s'est réfugié en Arabie Saoudite.
Surpris par la rapidité avec laquelle ces despotes tombaient les uns après les autres, les occidentaux et leurs alliés locaux ont organisé la riposte pour sauver les autres dictateurs. Ils ont envoyé le 14 mars 2011 l'armée saoudienne à Bahreïn pour briser la révolte populaire de ce petit royaume et sauver la dynastie des Al Khalifa dont les jours étaient comptés. En janvier 2011, encouragé par la révolution tunisienne et égyptienne, le peuple du Yémen est descendu massivement dans la rue non pas pour réclamer des réformes politiques, mais pour exiger la fin du régime d'Ali Abdallah Saleh : «le peuple veut renverser le régime» scandaient les manifestants dans les rues de Sanaa, d'Aden et dans toutes les villes du Yémen. Cette révolte populaire et pacifique a réussi à renverser le président Ali Abdallah Saleh au pouvoir depuis 1978. Celui-ci s'est réfugié en Arabie Saoudite le lendemain du bombardement de son palais le 3 juin 2011. C’est également l’Arabie Saoudite qui a soigné dans ses hôpitaux le président gravement blessé et permis enfin son retour au Yémen le 23 septembre de la même année. Et c'est à Riyad que l'accord de transfert de pouvoir entre Saleh et son vice président Abd Rabbo Mansour Hadi a été signé en présence du Roi d'Arabie (1).
En Libye, l'aspiration au changement a été dès le départ confisquée par des groupes armés financés et téléguidés par l'OTAN. L'immense espoir soulevé par la révolution tunisienne et égyptienne dans ce pays a été brisé par cette intervention impérialiste. Les américains, les européens et leurs alliés locaux ont ainsi privé le peuple libyen de sa révolution. Le régime de Kadhafi a été remplacé, au prix de milliers de morts, de destruction de l'infrastructure économique et de l'unité du peuple libyen, par des milices islamistes qui jusqu' à aujourd'hui encore continuent à s'affronter.
Après la Libye, c'était le tour de la Syrie. Les soulèvements populaires dans les autres pays arabes ont suscité d'énormes espoirs de changement dans les masses opprimées syriennes. Mais là encore, les Etats-Unis, l'Arabie Saoudite, les pays du Golfe, la France, la Turquie etc. ne pouvaient supporter cette marche autonome des peuples vers la démocratie et le progrès. Ils n'avaient qu'un seul objectif, renverser par la violence le régime d'Assad et installer à sa place un gouvernement à leur solde pour mieux asservir le peuple syrien et servir leurs intérêts économiques et stratégiques. Comme en Libye, l'impérialisme et ses alliés n'ont pas hésité à créer et à utiliser des groupes terroristes dont l'Islam n'est qu'un voile derrière lequel se cachent les intérêts des uns et des autres. Mais la Syrie n'est pas la Libye. Le peuple syrien, dans toutes ses composantes ethniques et religieuses, et ses alliés ont tenu bon face aux terroristes et leurs maîtres occidentaux.
Le vent de révolte a soufflé également sur le Maroc. Des manifestations pacifiques hebdomadaires secouaient tout le pays. Le Mouvement du 20 février, à la tête de cette contestation, exigeait une monarchie parlementaire où le roi règne mais ne gouverne pas. C'était une véritable révolution pour un pays habitué à être gouverné par des rois depuis des siècles. A la suite de ces contestations dominicales, Mohamed VI est intervenu à la télévision le 9 mars 2011 pour annoncer un ensemble de réformes constitutionnelles importantes comme le «renforcement du statut du Premier ministre en tant que chef d’un pouvoir exécutif effectif» (2).
En fait ce n était qu'une manœuvre habile pour casser la dynamique de la contestation. Tous les pouvoirs sont restés concentrés entre les mains du roi.
En Arabie Saoudite, la contestation n'avait ni l'ampleur ni la portée des soulèvements en Tunisie, en Égypte, à Bahreïn ou au Yémen. Mais le peuple saoudien, comme l'ensemble des peuples arabes, aspire lui aussi à se débarrasser de la dynastie des Al Saoud et à se réapproprier sa fabuleuse richesse pétrolière. Mais les manifestants savaient également que cette richesse est la plus convoitée et la plus protégée au monde. Rappelons qu'en Arabie Saoudite, les manifestations sont strictement interdites comme d'ailleurs les partis politiques, les syndicats et les associations. Aucune critique du roi ni aucune opposition à son gouvernement ne sont tolérées dans cette monarchie absolutiste choyée et protégée par les bourgeoisies occidentales. Toute protestation et toute critique sont condamnées et considérées par le pouvoir comme contraire à L'Islam.
En plus d'une répression sauvage, la caste au pouvoir a distribué sous forme d'avantages divers l'équivalent de 130 milliards de dollars pour taire la protestation et calmer la colère qui montait dans tout le pays. C'est ainsi que le pouvoir saoudien a réussi à étouffer les révoltes sporadiques qui éclataient notamment dans les provinces orientales (3).
Dix ans après ces soulèvements généralisés, la situation est encore pire que ce qu'elle a été avant 2011. Le désenchantement des populations est à la hauteur de l'enthousiasme suscité par ces événements historiques. La dictature d'Al-Sissi est encore plus brutale que celle de Moubarak, les révoltes populaires au Yémen sont remplacées par une terrible guerre imposée par l'Arabie Saoudite et le chaos règne en Libye. Dans les autres pays arabes où les despotes ont réussi à rester en place, la situation n'est guère meilleure.
Ainsi, le soulèvement populaire en Égypte s'il a écarté Moubarak, il n'a pas réussi à renverser son régime. Les Frères musulmans arrivés au pouvoir en juin 2012 ont repris tel quel l'appareil répressif d’État et le font fonctionner pour leur propre compte afin de sauvegarder les intérêts des classes dominantes et de l'impérialisme américain : misère et exploitation pour l'immense majorité de la population avec des promesses d'un monde meilleur au Paradis, richesses et pouvoir ici-bas pour une petite minorité d'exploiteurs menée par le gouvernement de Mohamed Morsi. Rappelons pour mémoire que la Confrérie a refusé de participer à la grande manifestation populaire du 25 janvier 2011 qui a forcé Moubarak, dix huit jours après, à quitter le pouvoir le 11 février.
Morsi a été renversé à son tour par un coup d'Etat militaire en juillet 2013. Le maréchal Al-Sissi prend le pouvoir et installe l'une des plus féroces dictatures au monde. En 2019, un tiers de la population vivait dans la pauvreté la plus sordide avec seulement 1,7 euros par jour ! (4). Les prisons égyptiennes regorgent de dizaines de milliers de prisonniers politiques. La répression, avec la participation de la France, est sanglante (5). Et c'est à ce même dictateur que Macron a déroulé le tapis rouge lors de sa visite à Paris le 6 décembre 2020 et l'a même décoré du plus haut grade de la Légion d’honneur ! (6).
Mais cette terrible répression n'a pas empêché les égyptiens, poussés par la misère, de descendre dans la rue pour exiger le départ du despote du Nil (7).
Répartition des richesses, travail pour tous, justice sociale, droits des femmes, droits des minorités religieuses, lutte contre la corruption, démocratie, dignité etc., toutes ces revendications portées haut et fort par le soulèvement populaire de 2011 ont été effacées par le nouveau pouvoir militaire.
En Arabie Saoudite, les manifestations sporadiques de 2011 n'ont pas eu d'effets notables sur la structure du pouvoir de la dynastie des Al-Saoud. Mais les bouleversements intervenus en Tunisie et en Égypte ont poussé les dirigeants saoudiens à réagir rapidement et violemment pour sauver leur propre pouvoir et celui des autres dirigeants sur le point de tomber. C'est dans ce cadre qu'il faut situer les interventions saoudiennes à Bahreïn et au Yémen. Si le Royaume wahhabite a réussi à écraser dans le sang le soulèvement populaire à Bahreïn, son intervention au Yémen n'a fait que créer une situation propice au chaos et à la guerre civile. Profitant de cette situation, les Houthis (8) s'emparent de Sanaa et obligent le président Abd Rabbo Mansour Hadi, installé au pouvoir par l'Arabie Saoudite, à démissionner. L'Arabie et les monarchies du Golfe ne peuvent tolérer l'installation à Sanaa d'un pouvoir qu'elles accusent d'être à la solde de l'Iran. Dans la nuit du mercredi à jeudi 26 mars 2015, l'Arabie Saoudite intervient, mais cette fois, militairement au Yémen (9).
Cette guerre qui se poursuit encore aujourd'hui dans l'indifférence quasi-générale a fait déjà plus de 100 000 morts (10). L'Arabie Saoudite est ainsi devenue, avec l'aide de l'impérialisme américain et européen, le rempart le plus réactionnaire contre tout changement démocratique et progressiste dans tout le monde arabe.
L'unité et la souveraineté de la Libye après l'intervention de l'OTAN, bras armé de l'impérialisme, ne sont désormais qu'un lointain souvenir. Le pays est ravagé par une guerre interminable entre milices rivales alimentée par des puissances étrangères qui ne cherchent qu' à défendre leurs intérêts géopolitiques et bien sûr à pomper comme des vampires le pétrole libyen. L’État libyen ou tout du moins ce qu'il en reste est ainsi livré en proie à une féroce meute de hyènes. Privé de sa richesse, de son intégrité et de sa souveraineté, l'avenir pour le peuple libyen reste sombre.
Mais malgré le triomphe de l'impérialisme et de ses alliés locaux, cette région du monde reste explosive. Les causes profondes et déterminantes qui ont déclenché les révoltes de 2011 sont toujours là : Chômage de masse, pauvreté, inégalités économiques et sociales cruelles (11), corruption endémique, répression et torture dans les centres de détention, absolutisme et despotisme politiques etc. etc.
Des révoltes contre les régimes en place éclatent ici et là et aucun pays arabe n'est à l'abri d'un nouveau soulèvement d'envergure.
Parmi ces révoltes populaires on peut citer, entre autres, celles qui ont secoué des pays comme le Soudan, le Maroc ou encore la Jordanie.
Au Soudan un immense soulèvement populaire a emporté le régime d' Omar Al Bachir en avril 2019. Mais malheureusement, la réalité du pouvoir dans ce pays est toujours entre les mains des militaires et les islamistes se tiennent en embuscade (12).
Au Maroc, le Hirak populaire d'octobre 2016 a été vaincu par la monarchie. Mais il a montré au peuple marocain que non seulement ses intérêts et ceux du Makhzen sont en totale contradiction, mais surtout que le chemin vers cette forme de vie supérieure sera long et sinueux.
En Jordanie, les contestations de juin 2018, si elles n'ont pas renversé la monarchie, elles ont au moins fait tomber le premier ministre. Mais cette révolte montre surtout que le malaise est profond dans tout le monde arabe et tant que les racines du mal ne sont pas éradiquées, ces révoltes seront appelées à se renouveler. L'avenir de la région est gros d'agitations et de soulèvements.
Les graines de la résistance semées en 2010/2011 ont produit une moisson abondante de révoltes et de contestations dans tout le monde arabe. Mais ces soulèvements malgré leurs grandeurs manquent cruellement de dirigeants, de directions conscientes capables d'éclairer et d'assumer avec détermination les luttes des peuples. Les révoltes spontanées traduisent déjà une certaine forme de prise de conscience. Celle ci se développe et se renforce au fur et à mesure de l'avancement des luttes. Mais sans une direction réellement révolutionnaire, les soulèvements spontanés produiront au mieux quelques réformes au sommet de l’État laissant intactes les bases économiques et politiques des régimes contre lesquels les peuples se sont élevés.
(8) Les Houthis (Al-hûthiyûn en arabe), est un mouvement politique de confession zaydite, un rameau du chiisme, ont toujours été marginalisés sur le plan économique, politique et religieux au Yémen.
Sans F. Engels, Marx n'aurait probablement jamais pu surmonter tous les obstacles qui se dressaient sur son chemin et mener jusqu'à son terme sa tâche prométhéenne de révolutionnaire. Leur amitié était exemplaire. De «La sainte famille» au «Manifeste du Parti communiste» en passant par «l'Idéologie allemande» et une abondante et riche correspondance, les deux hommes ont travaillé en étroite collaboration sans jamais se soucier le moins du monde de leur amour-propre. Détesté par les gouvernements réactionnaires d'Allemagne, de France et de Belgique, Marx a trouvé refuge à Londres où il a vécu dans des conditions matérielles extrêmement difficiles jusqu'à la fin de ses jours. «Il m'est extrêmement difficile, écrivait-il à Engels, de t'entretenir une fois de plus de ma misère, mais que faire ?» (1) . Sans l'aide matérielle régulière d'Engels, Marx n'aurait jamais pu écrire le Capital. Et lorsqu'il a terminé le Livre I, Marx s'est empressé à remercier son ami : «Voilà donc ce volume terminé. Si cela a été possible, c'est à toi seul que je le dois! Sans ton dévouement pour moi, il m'aurait été impossible de faire des travaux énormes que demandent les trois volumes» (2) . Ajoutons que c'est Engels qui rédigea le Livre II du Capital (1885) et le livre III (1894) à partir des manuscrits laissés inachevés par Marx. Il n'a pas eu le temps de préparer le livre IV.
Par ces temps obscurs, il est utile d'évoquer même très brièvement la vie et les activités de ce grand révolutionnaire et guide spirituel du mouvement ouvrier. La lecture ou la relecture des œuvres d'Engels comme celles de son ami sont indispensables pour tous ceux qui veulent comprendre et surtout changer ce monde de plus en plus insupportable.
Engels est né le 28 novembre 1820 à Barmen dans le Royaume de Prusse dans une famille conservatrice et orthodoxe. Son père était un riche industriel du textile. A l'âge de dix-huit ans, pour des raisons familiales, Engels abandonna ses études et s'installa comme apprenti au comptoir de commerce à Brême. D'octobre 1841 à octobre 1842, Engels effectua son service militaire dans l'artillerie et portera durant toute sa vie un intérêt particulier à la science militaire pensant que c'était une nécessité pratique dans les conflits révolutionnaires.
Il se rendra par la suite à Manchester pour travailler comme employé dans la filature Ermen & Engels dont le père était actionnaire. L'industrie britannique, plus avancée que dans le reste de l'Europe, produisait déjà des bouleversements économiques et sociaux d'une grande importance. La structure de classes de la société anglaise était beaucoup plus évidente qu'en Allemagne ou en France par exemple. Le développement accéléré de l'industrie britannique et les ravages qu'il produisait sur les ouvriers ont appris à Engels que les faits économiques, souvent négligés par les historiens, constituent des éléments décisifs dans la compréhension des sociétés modernes.
Le Lancashire et notamment Manchester étaient le centre de l'industrie de l'empire britannique. Engels ne se contentait pas seulement de son travail d'employé dans un bureau, il parcourait tous les quartiers ouvriers misérables. «La ville elle-même est construite d'une façon si particulière qu'on peut y habiter des années sans jamais entrevoir un quartier ouvrier ni même rencontrer d'ouvriers, si l'on se borne à vaquer à ses affaires ou à se promener» (3) .
Il étudia en profondeur la situation faite aux prolétaires avant de publier en 1845
«La Situation de la classe laborieuse en Angleterre». Engels non seulement a décrit la détresse et la souffrance des prolétaires avec une minutie et une rigueur dont lui seul est capable, mais il a surtout annoncé que la misère dans laquelle se trouvait cette classe, la pousserait inévitablement à lutter pour révolutionner de fond en comble sa situation matérielle et morale et pour son émancipation définitive. Le livre d'Engels constitue un véritable réquisitoire contre la bourgeoisie anglaise : «Je n'ai jamais vu une classe si profondément immorale, si incurablement pourrie et intérieurement rongée d'égoïsme, si incapable du moindre progrès que la bourgeoisie anglaise» (4) .
De 1845 à 1847, Engels et Marx ont collaboré avec la Ligue des communistes qui leur demanda de rédiger les principes essentiels du communisme. De cette exigence de la Ligue est né le célèbre «Manifeste du Parti communiste», œuvre universelle qui a résisté à l'épreuve du temps. Les idées exprimées dans ce petit livre n'ont jamais été aussi vivantes et aussi actuelles qu'aujourd'hui.
En 1848, l'Europe est submergée par une vague révolutionnaire. Engels participa activement à cette insurrection armée des peuples. Après l'écrasement de ce soulèvement, Engels se réfugia en Suisse avant de regagner Londres.
Pour pouvoir aider financièrement Marx et sa famille installés également dans la capitale britannique, Engels retourna travailler avec son père à Manchester jusqu'en 1870. Durant cette période, les deux hommes correspondaient et échangeaient d'une manière intense leurs réflexions et leurs connaissances et continuaient à construire le socialisme scientifique.
Pour s'emparer du pouvoir politique indispensable à leur émancipation, les prolétaires doivent s'organiser au niveau planétaire. C'est dans ce sens qu'il faut comprendre l'appel de Marx et d'Engels à l'union de tous les travailleurs : « PROLETAIRES DE TOUS LES PAYS, UNISSEZ-VOUS !». Le 28 septembre 1864 Marx et Engels ont participé activement à la création de l'Association internationale des travailleurs (AIT) au cours d'un grand meeting ouvrier à Saint-Martin's Hall de Londres. L'Association a joué un rôle essentiel dans la solidarité et le développement de la classe ouvrière .
En 1870, Engels rejoignit Marx à Londres. Les deux amis poursuivirent leurs activités intellectuelles et pratiques toujours au service de la classe laborieuse. Membre du Conseil général de l'Association internationale des travailleurs, Engels organisa, entre autres, l'aide apportée aux communards exilés à Londres après la défaite de la Commune en 1871.
Marx écrivit, en parallèle de ses activités militantes, «Le Capital» et Engels toute une série de travaux comme «L'Anti-Dühring», «L'origine de la famille, de la propriété privée et de l'Etat», « Ludwig Feuerbach et la fin de la philosophie classique allemande» ou encore des articles sur la question du logement pour ne citer que ces quelques ouvrages.
Le 14 mars 1983, Marx, le grand Karl Marx a cessé de vivre. Sur la tombe de son ami, Engels prononça sobrement en anglais ces quelques mots «Le 14 mars, le plus grand des penseurs vivants a cessé de penser. (...)Marx était avant tout un révolutionnaire.(...) La lutte était son élément. Et il a lutté avec une passion, une opiniâtreté et un succès rares.(...) Il est mort, vénéré, aimé et pleuré par des millions de militants révolutionnaires du monde entier, dispersés à travers l'Europe, et l'Amérique, depuis les mines de la Sibérie jusqu'en Californie» (5) .
Après la mort de Marx, Engels poursuivra seul le combat pour l'émancipation du prolétariat moderne.
En1872/1873 la première Internationale a cessé d'exister après l'écrasement de la Commune. Le 14 juillet 1889, un siècle donc après la grande révolution française, les partis socialistes européens se sont réunis à Paris à l'initiative d'Engels pour le congrès fondateur de la deuxième Internationale, dite Internationale socialiste. Dans la salle, une grande banderole surplombe la tribune : «PROLETAIRES DE TOUS LES PAYS, UNISSEZ-VOUS !».
Dans cette nouvelle Internationale, les idées révolutionnaires de Marx et d'Engels sont majoritaires.
A la fin du congrès, une immense couronne d'immortelles a été déposée au mur des Fédérés à la mémoire des martyrs de la Commune.
Au crépuscule de sa vie, Engels restait encore celui auprès de qui les ouvriers du monde entier venaient chercher conseil : « (... ) ils puisaient tous au riche trésor des lumières et de l'expérience du vieil Engels» (6) .
Friedrich Engels s'est éteint à Londres le 5 août 1895. Sa mémoire est conservée jalousement dans le cœur des millions de révolutionnaires à travers le monde.
Mohamed Belaali
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(1)Lettre de Marx à Engels, 18 juin 1862 cité in K Marx, sociologie critique. M Rubel, page 119.
(2)Le Capital, livre I, page 7. Éditions du Progrès.
(3) F Engels «La Situation de la classe laborieuse en Angleterre»