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26 avril 2025 6 26 /04 /avril /2025 11:40

 

Le 1er. février 2025 c'est-à-dire quelques jours seulement après son investiture, Donald Trump a décidé de taxer les produits importés de Chine de 10%. Le 3 mars et le 2 avril, il impose de nouvelles taxes portant les droits de douane sur les importations chinoises à 54 % . Le 10 avril il décide finalement de les taxer à 145 % applicables immédiatement alors que les autres pays bénéficieront d’un délai de 90 jours et d’un tarif réciproque de 10 %. C'est sans précédent dans l'histoire récente du commerce international. Il s'agit d' une véritable guerre économique que livrent les Etats-Unis à la Chine. "La Chine est notre ennemi" disait Tump. Si les autres pays ont envoyé des délégations pour supplier Trump de revenir sur ses décisions, la Chine, elle, a riposté au coup pour coup taxant les produits américains de 125 %. Trump cherchera probablement à négocier les tarifs douaniers avec la Chine tellement les deux économies sont imbriquées l'une dans l'autre. Mais ce qui se joue entre les deux pays va bien au-delà d'un simple conflit commercial. Car les hostilités envers la Chine existent depuis la création de la République Populaire de Chine en 1949. Avec le triomphe de la révolution, les américains, rappelons-le, ont tout simplement rompu leurs relations avec la Chine de Mao Zedong. Malgré des périodes de relative "entente" et de collaboration économique, les tensions et les rivalités entre Washington et Pékin n'ont pour ainsi dire jamais cessées. Cet antagonisme constant qui caractérise les relations entre les deux puissances et qui structure désormais l'ordre mondial, s'explique par la farouche volonté des américains d'empêcher la Chine d'accéder au rang de première puissance mondiale. Pour les Etats-Unis, la Chine est la seule nation capable de remettre en cause leur hégémonie et leur suprématie. La Chine est "le seul concurrent potentiellement capable de combiner puissance économique, diplomatique, militaire et technologique pour défier de manière soutenue un système international stable et ouvert" peut-on lire dans le "Guide stratégique provisoire sur la sécurité nationale" de l'administration Biden. Les américains savent que la Chine est une puissance montante et devient surtout de plus en plus hors de leur contrôle. Son importance démographique, son potentiel économique et son influence diplomatique grandissante à travers le monde sont redoutés au plus haut degré par la classe dirigeante américaine. La menace chinoise est perçue par les Etats-Unis comme un défi existentiel à leur hégémonie. En effet, si l'Amérique reste encore la première puissance mondiale, leur leadership est remis en cause par le développement rapide de la Chine essentiellement dans les domaines technologique, monétaire et militaire. Ainsi une lutte implacable est menée sans répit par les deux superpuissances pour le contrôle des technologies les plus avancées, pour l'hégémonie monétaire et pour la suprématie militaire. Dans le domaine de l'intelligence artificielle (IA) par exemple, les démocrates comme les républicains (toujours d'accord quand il s'agit de la Chine) ainsi que les dirigeants des multinationales du numérique se réunissent régulièrement dans le cadre de la "Commission nationale de sécurité sur l'intelligence artificielle" pour fournir des éléments d'analyse au président afin de maintenir l'avance technologique américaine : "Au cours de la prochaine décennie, la Chine pourrait dépasser les Etats-Unis en tant que première puissance mondiale de l'intelligence artificielle" disait le rapport de cette commission publié récemment (1). Les Etats-Unis sont conscients que le pays qui marquera des progrès significatifs dans le domaine de l'intelligence artificIelle, occupera la position dominante dans tous les autres domaines. Car cette technologie a cette spécificité et cette capacité à impacter, à entraîner et à dynamiser l'ensemble de l'économie. L'IA, technologie d'avenir à usages multiples, est devenue un enjeu majeur dans cette guerre à la puissance que se livrent les deux pays. Pour faire face à la puissance américaine dans ce domaine, la Chine ambitionne, à travers son plan élaboré en 2017, de devenir le leader mondial de l'IA d'ici 2030. En attendant, le 20 janvier 2025, date de l'investiture de Donald Trump, l’entreprise chinoise DeepSeek a annoncé la sortie de son modèle d’intelligence artificielle DeepSeek-R1 avec une source ouverte et un budget limité, provoquant la panique sur les marchés financiers et à Wall Street. "J’espère que le lancement de DeepSeek par une société chinoise sera un avertissement pour nos industriels et leur rappellera qu’il faut rester très concentrés sur la concurrence pour gagner" alertait de son côté le président américain qui a annoncé dans la foulée le projet "Stargate" de 500 milliards de dollards d'investissements sur quatre ans pour soutenir le développement de l'IA.

Par ailleurs, la Chine dispose d'une longueur d'avance sur les Etats-Unis dans le domaine de la construction automobile. En effet, comme l'écrit le New York Times, la Chine possède "une armée de robots alimentés par l'intelligence artificielle qui ont révolutionné la fabrication".

Dans le domaine des télécoms, les Etats-Unis ont tout simplement banni sur leur sol une demi-douzaine d'entreprises chinoises dont Huawei qui se distingue par son savoir-faire en avance sur celui des américains notamment dans la technologie 5G.

Il serait toutefois réducteur de penser que la volonté des américains d'empêcher la Chine de devenir la première puissance mondiale se limite au domaine de la technologie et de l'intelligence artificielle. La nouvelle guerre froide entre les deux pays ambrasse tous les domaines. Ainsi, l'hégémonie monétaire américaine, sa domination de l'économie mondiale par le dollar sont également contestées par la République Populaire. Pour l'instant le système monétaire international organisé autour du dollar n'est pas menacé. Mais les Etats-Unis redoutent que leur monnaie ne soit, à moyen terme, évincée par la monnaie chinoise comme le dollar avait évincé la livre britannique. Ils constatent déjà que la Chine utilise de plus en plus sa propre monnaie au lieu du dollar dans ses échanges avec le reste du monde. En 2023, le renminbi représentait 48,4 % dans le règlement du commerce extérieur de la Chine. Précisons que la République Populaire est le premier exportateur mondial et le principal partenaire commercial de près de 80 pays contre seulement une trentaine pour les Etats-Unis (2). L'Arabie Saoudite, les Emirats arabes unis et l'Irak acceptent désormais d'être payés en yuans, l'autre nom de la monnaie chinoise, pour le pétrole et le gaz. On parle de plus en plus des pétroyuans comme alternative aux pétrodollars. Même l'utilisation du dollar par le gouvernement américain comme arme contre les pays, les banques et les entreprises qui sont réfractaires à sa politique hégémonique, bénéficie au renminbi chinois. Les Etats-Unis possèdent en effet un pouvoir extraordinaire qui leur permet de sanctionner à l'extérieur de leur territoire tous les utilisateurs de leur monnaie. Cette extraterritorialité du dollar est source de vulnérabilité et porte gravement atteinte à la souverainté des pays concernés. La Russie, l'Iran, la Turquie, le Venezuela, l'Afrique du Sud, le Pakistan, le Brésil, entre autres pays touchés par les sanctions américaines, cherchent des alternatives au dollar pour contourner cet abus de la part des Etats-Unis. La dédollarisation et l'utilisation du renminbi chinois sont des options qui leur permettent d'échapper au moins partiellement à cette dépendance au dollar. Précisons aussi que 20% des échanges de la France avec la Chine se font avec le yuan. Par ailleurs, les sanctions financières américaines et européennes après l'invasion de l'Ukraine ont permis à la Russie d'accélérer l'utilisation du yuan dans ses échanges extérieurs. 53 % des transactions de la Russie sous sanctions occidentales avec le monde extérieur ont été libellées en renminbi. Toutefois malgré l'importance des transactions internationales en renminbi, le dollar reste largement la monnaie dominante dans les échanges mondiaux. Mais La dynamique de l'internationalisation du yuan est en marche. C'est un processus irrésistible qui aboutira probablement non pas au remplacement d'une monnaie hégémonique par une autre, mais par la mise en place d'un nouvel ordre monétaire multipolaire.

Les américains s'inquiètent également de la montée en puissance militaire de la Chine qu'ils considèrent comme un défi majeur à leur hégémonie. Même si les Etats-Unis restent la première puissance militaire mondiale avec un budget trois fois supérieur à celui de la Chine, ses 750 bases militaires à l'étranger et ses 5000 ogives nucléaires, ils redoutent quand même la menace militaire chinoise. Ils savent que seule la Chine est capable de leur contester leur supériorité militaire.

L'amiral Phil Davidson écrivait en 2018 "Le futur m'inquiète de plus en plus. La Chine a connu une modernisation militaire rapide; nul ne peut plus garantir que les Etats-Unis gagneraient un futur conflit avec la Chine" (3). Un rapport des services de renseignement américains publié le 25 mars 2025, affirme clairement que " La Chine présente la menace militaire la plus complète et la plus forte pour la sécurité nationale". Il est vrai que l'expansion des capacités militaires chinoises sont impressionnantes. La construction navale chinoise est environ 200 fois plus grande que celle des États-Unis." " La Chine développe son arsenal nucléaire plus rapidement que n’importe quel autre pays" nous dit le SIPRI. Cette dynamique extraordinaire des capacités militaires chinoises fait planer une menace directe sur la sécurité américaine. Dans ces conditions, les Etats-Unis sont de plus en plus attirés par le recours à la force. On peut supposer que les machines de guerre américaines et chinoises sont amenées à se développer à l'avenir menaçant ainsi la paix mondiale.

 

Les américains, en fait, n'ont jamais supporté la révolution chinoise de 1949 perçue comme un danger existentiel pour leur suprématie. Depuis cette date, les affrontements, ouverts ou dissimulés, entre les deux puissances n'ont jamais cessé. Ils se manifestent par des guerres commerciales totales, des luttes sans répit pour le contrôle et la maîtrise des nouvelles technologies et par une course effrénée aux armements. Les américains sont déterminés à maintenir, vaille que vaille, leur hégémonie sur l'ensemble de la planète. la Chine, persuadée de la supériorité de son modèle économique et politique, est convaincue de pouvoir renverser l'ordre international dominé par les Etats-Unis. Les américains se rendent compte de plus en plus que la Chine, cette "Grande Muraille", est en train de modifier en sa faveur les rapports de force. Cette situation pousse les Etats-Unis à concentrer leurs efforts militaires sur la Chine. Le niveau de leurs dépenses militaires est impressionnant. Ces dépenses sont d'autant plus importantes que les Etats-Unis ont mis fin à leur présence, très coûteuse, en Afghanistan, en Irak, en Syrie et leur probable désengagement de l'Ukraine. Sachant que la Chine est hautement militarisée, une confrontation directe entre les deux puissances nucléaires pourrait entraîner des conséquences incontrôlables et catastrophiques non seulement pour les deux pays, mais aussi pour le reste du monde. Si un conflit armé est peu probable grâce à ce que les stratèges militaires appellent "l'équilibre de la terreur", le statu quo reste de moins en moins tenable pour les Etats-Unis.

Mohamed Belaal

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(1)Benjamin Bürbaumer "Chine/Etats-Unis, le capitalisme contre la mondialisation." La Découverte, pag 147.

(2)Benjamin Bürbaumer "Chine/Etats-Unis, le capitalisme contre la mondialisation."

(3) Op,cit. p. 284.

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Published by M B
17 avril 2025 4 17 /04 /avril /2025 07:34

Quel est le pays qui envoie depuis plus d'un demi-siècle non pas des troupes armées, mais des dizaines de milliers de médecins dans les coins les plus reculés et les plus inhospitaliers du monde  pour affronter toutes sortes de catastrophes sanitaires ? Les États-Unis, la France, le Royaume Uni ? Non. Il s'agit de Cuba ! un petit pays d'un peu plus de 11 millions d'habitants, sous embargo américain depuis 1962, qui ne possède ni armes biologiques, ni armes chimiques et encore moins des armes nucléaires. Mais Cuba possède l'un des systèmes de santé le plus efficace au monde. Son savoir-faire médical est reconnu même par ses ennemis (1). En 2015, l’Organisation mondiale de la santé (OMS) a même félicité Cuba pour avoir été le premier pays à éliminer la transmission du VIH et de la syphilis congénitale, de la mère à l’enfant (2). Ce savoir-faire médical, Cuba le partage avec tous les pays qui en font la demande. Cuba ne largue donc pas de bombes, n'envoie pas de troupes, mais des milliers de médecins, d'infirmiers, des brigades en blouse blanche à travers la planète pour sauver des vies humaines. C'est une expérience médicale et humaine unique dans les relations internationales. Mais Trump ne peut supporter qu'un tout petit pays comme Cuba puisse rayonner dans le monde à travers ses professionnels de santé largement salués par toutes les nations qui les ont accueillis. Ainsi le 25 février 2025, le secrétaire d'État américain Marco Rubio lui-même d'origine cubaine et farouche opposant au gouvernement de La Havane, a annoncé le durcissement des restrictions de visas pour les responsables liés aux brigades médicales cubaines dans le monde. Précisons que Trump, lui, prévoit de ne plus soutenir les programmes de vaccination à travers le monde.

Il est utile voire nécessaire de tracer, même rapidement, l'histoire de ces missions médicales pour comprendre pourquoi Trump s'attaque à ce formidable combat des médecins cubains pour la vie.

 

Le 22 mars 2020, une équipe de 52 médecins et infirmiers cubains est arrivée à Milan pour lutter avec leurs confrères italiens contre les ravages du coronavirus. Certains membres de cette équipe ont déjà combattu l'épidémie d'Ebola en Afrique. Le groupe "a été choisi pour son expertise dans les crises internationales, comme les tremblements de terre, les tsunamis et l’épidémie de fièvre hémorragique au Libéria" (3). Cuba répond ainsi présent à l'appel des autorités italiennes, appel ignoré par la France, l'Allemagne et par toute l'Union Européenne (4).

La France a fait appel à son tour à Cuba pour lutter contre le Covid-19 dans les départements d'outre-mer : "Le gouvernement français accepte finalement, en pleine crise du Covid-19, d’accueillir des médecins cubains sur son sol. La Martinique, la Guadeloupe, la Guyane et Saint-Pierre-et-Miquelon sont concernés" (5).

Cuba a envoyé ainsi plus de 1000 médecins et autres personnels soignants dans plusieurs pays en Amérique latine, dans les Caraïbes et en Afrique pour combattre le terrible coronavirus (6) : "Cuba a tendu la main de nombreuses fois, mais jamais autant en si peu de temps", disait le ministre cubain de la Santé, José Angel Portal (7).

Mais l'aide médicale cubaine ne date pas d'aujourd'hui avec la pandémie du coronavirus. C'est une longue tradition intimement liée à sa révolution de 1959 et à sa conception internationaliste et humaniste des relations entre les peuples. Les leaders et le peuple cubain ont fait de la santé (le Che était médecin et internationaliste) et de l'éducation leurs grandes priorités. Aujourd'hui selon la banque mondiale, Cuba est le pays au monde qui compte le plus de médecins par habitant : 8.2 médecins pour 1000 habitants loin devant la Norvège 4.6, l'Allemagne 4.2, la France 3.2 ou encore les États-Unis 2.6 (8).

La première brigade en blouse blanche, composée de 58 médecins et infirmiers, a été envoyée en Algérie en 1963 juste après l' indépendance. A cette époque, Cuba elle-même connaissait une situation sanitaire difficile après le départ de l'essentiel de ses médecins vers l'étranger notamment aux États-Unis pour ne pas perdre leur niveau et leur mode de vie. Mais la situation algérienne était encore pire. "C’était comme un mendiant offrant de l’aide, mais nous savions que le peuple algérien en avait encore plus besoin que nous, et ils le méritaient" disait M. José Ramon Machado Ventura, ministre de la Santé cubain (9). Aujourd'hui encore, les médecins cubains constituent le plus grand contingent étranger en Algérie (10).

Depuis cette date, les missions médicales cubaines déployées à travers le monde se sont succédées sans interruption malgré l'embargo américain. Du Chili au Pakistan, de Haïti au Portugal, du Brésil au Liberia, du Venezuela à l'Italie, de Gaza à Katmandou...les médecins cubains sont partout présents pour combattre des maladies aussi meurtrières que le Covid-19, l'Ebola, le Choléra, lutter contre la cécité, soigner les victimes des tremblements de terre ou tout simplement les populations les plus vulnérables.

Jusqu'en 2005, des dizaines de milliers de brigades médicales ont sillonné le monde à l'appel d'une centaine de gouvernements : "De 1963 à la fin de 2005, plus de 100 000 médecins et techniciens de la santé sont intervenus dans 97 pays, surtout en Afrique et en Amérique latine. En mars 2006, 25 000 professionnels se trouvaient répartis dans 68 nations. Un déploiement que même l’Organisation mondiale de la santé (OMS) ne peut assurer" (11).

Depuis la première mission et jusqu'en 2014, près de 132 000 soignants cubains

parcourent la planète partageant avec de nombreux pays leur savoir faire médical (12).

Aujourd'hui, le nombre de médecins cubains envoyés dans les différentes régions du monde varie selon les sources. Il doit s'élever probablement à plusieurs centaines de milliers.

Précisons que l'aide médicale cubaine est offerte gratuitement par solidarité à tous les pays pauvres et à tous les pays ravagés par les guerres, catastrophes naturelles ou sanitaires. Par exemple, l'équipe « Henry Reeve » envoyée en Italie reste une mission de solidarité. Par contre, dans le cadre des accords bi ou multilatéraux, Cuba reçoit des compensations financières pour ses services de soins. Ces compensations viennent consolider et développer le système de santé cubain ainsi que les programmes de coopération médicale dont bénéficient de nombreux pays. Ces entrées de devises très précieuses pour Cuba, qui étouffe sous l'embargo américain, servent également aux importations et au remboursement de sa dette. Selon la Direction générale du Trésor français, le montant global de ces services médicaux payants, s'élevait en 2018 à 6,4 milliards de dollars loin devant les recettes touristiques (13).

Mais Cuba ne se contente pas seulement d'envoyer ses médecins et infirmiers à travers la planète, elle accueille et forme aussi dans ses universités des étudiants venus du monde entier. Ainsi pour l'année universitaire 2016/2017, Cuba a formé près de 15 000 docteurs et techniciens de la santé dont 920 venus de 79 pays différents (14).

A la suite de l'Ouragan Mitch en 1998 qui a fait au moins 25 000 morts en Amérique centrale (15),

l'idée a germé de former à Cuba, en parallèle des équipes envoyées dans cette région dévastée par les cyclones, des médecins capables de retourner dans leurs propres pays pour faire face eux-mêmes

à ce type de catastrophes. Car les médecins cubains ont constaté que les infrastructures médicales des pays qu'ils sont venus aider étaient quasi-inexistantes et le personnel soignant, malgré son dévouement, était en nombre très insuffisant pour pouvoir affronter le désastre laissé par l’ouragan. Ainsi est née l’École Latino-américaine de Médecine ( ELAM) inaugurée en novembre 1999. Ses premiers étudiants et étudiantes d'origine modeste étaient venus principalement des pays d'Amérique centrale dont les populations souffraient régulièrement de différents fléaux. Il s'agit de "Former des médecins prêts à se rendre là où l'on a le plus besoin d'eux et à y rester aussi longtemps que ce sera nécessaire, telle est la raison d'être de notre école depuis sa fondation" disait le Dr Midalys Castilla, vice-rectrice de l'université (16).

L'ELAM est considérée comme l'une des plus grandes université de médecine au monde. "Les frais de scolarité, l'hébergement et la pension sont gratuits, et une petite allocation est fournie aux étudiants" (17). En 2019, vingt ans après ses premiers cours, cette école a formé 29749 médecins de 115 pays différents (18).

Mais les États-Unis ne peuvent accepter ni tolérer qu'un petit pays comme Cuba puisse envoyer des médecins partout à travers le monde pour sauver des vies humaines, alors qu'ils se distinguent plutôt, en tant que première puissance, par les ravages de leurs interventions militaires.

En fait, les américains, en dehors de la parenthèse Obama, n'ont jamais accepté la révolution cubaine. Les attaques contre les médecins cubains sont d'abord et avant tout des attaques contre cette révolution. L'espoir d'une "normalisation" des relations entre les deux pays s'est, hélas, éloigné encore un peu plus depuis l'arrivée de Trump au pouvoir en 2017. L'embargo, le plus long et le plus violent de l'histoire, a été renforcé (19).

Les missions médicales cubaines ne sont, pour l'administration Trump, qu'une forme de travail forcé, de l'esclavage en somme. Dans une lettre publiée le 7 mai 2019, les sénateurs étasuniens Marco Rubio, Rick Scott et Bob Menéndez ont écrit à Mike Pompeo, le secrétaire d’État «pour exhorter le Département d'État à prendre davantage de mesures pour lutter contre le déploiement par le régime cubain de médecins et de personnel médical dans des conditions qui représentent le travail forcé» (20).

Le 20 juin 2019, les États-Unis ont ajouté Cuba à leur liste noire des pays «qui n’agissent pas suffisamment pour combattre les trafics d’êtres humains». Car Cuba "n’a rien fait pour limiter le travail forcé dans les missions médicales à l’étranger, alors que, selon des allégations persistantes, des responsables cubains ont menacé et forcé certains participants à rester au sein du programme" (21).

La campagne menée par l'administration Trump contre Cuba et ses médecins a trouvé un écho favorable chez les dirigeants des pays comme le Brésil, la Bolivie, le Salvador ou encore l'Equateur dont la proximité idéologique avec le président américain est connue de tous. En effet, Jair Bolsonaro, le président brésilien classé à l'extrême droite sur l'échiquier politique (22),

a tout fait pour mettre un terme au programme de coopération médicale "Plus de médecins" signé en 2013 avec Cuba (23). Les 10500 médecins cubains qui ont quitté le Brésil travaillaient essentiellement "dans les zones les plus vulnérables du pays, les terres indigènes, les périphéries, le Sertao [partie désertique du Nordeste]" (24).

Encouragés par l'administration américaine, la Bolivie, le Salvador et l’Équateur ont également annulé leur coopération médicale avec Cuba. Les plus pauvres et les indigènes de ces pays sont les premières victimes de cette décision politique. Mais forte de ses expériences et de son savoir-faire médical, Cuba espère renforcer ses brigades en blouse blanche dans d'autres pays comme la Chine, l'Afrique du Sud, le Vietnam, l'Arabie Saoudite etc. (25). Même l'extrémiste Bolsonaro, confronté au Covid-19, demandait à Cuba de lui renvoyer les médecins qu'il avait expulsé !(26)

Ainsi, une petite nation comme Cuba s'illustre au niveau mondial par sa coopération médicale et sa capacité à faire face aux tremblements de terre, aux ouragans, à l'épidémie de choléra, au virus Ebola ou encore au Covid-19 à travers la planète y compris dans les pays riches. Ce formidable combat pour la vie, contraste violemment avec la conception des relations internationales de certaines puissances comme les Etats-Unis qui sèment la mort un peu partout à travers le monde avec leurs interventions militaires. A cet égard, les notions de puissance, de développement, de civilisation même, méritent peut-être plus de réflexions.

 

Mohamed Belaali

 

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(1)https://www.lefigaro.fr/flash-actu/2014/10/17/97001-20141017FILWWW00274-ebola-john-kerry-remercie-cuba.php

Voir également l'article de New york Times :

https://www.nytimes.com/2014/10/20/opinion/cubas-impressive-role-on-ebola.html

Pour des articles de fond, voir :

https://link.springer.com/article/10.1007/s12611-012-0213-5

(2)https://www.who.int/fr/news/item/30-06-2015-who-validates-elimination-of-mother-to-child-transmission-of-hiv-and-syphilis-in-cuba

(3)https://information.tv5monde.com/info/coronavirus-en-italie-des-medecins-cubains-ayant-combattu-ebola-en-renfort-352763

(4)https://www.francetvinfo.fr/sante/maladie/coronavirus/coronavirus-comment-l-italie-s-est-sentie-abandonnee-par-la-france-et-l-ue-face-a-sa-penurie-de-masques_3887289.html

 

Voir également la Vidéo : https://www.francetvinfo.fr/sante/maladie/coronavirus/coronavirus-l-italie-appelle-au-secours_3861973.html

(5)http://www.rfi.fr/fr/france/20200331-coronavirus-la-france-accepte-m%C3%A9decins-cubains-d%C3%A9partements-doutre-mer

(6)https://www.courrierinternational.com/article/diplomatie-coronavirus-cuba-expedie-ses-medecins-aux-quatre-coins-du-monde

(7)https://www.boursorama.com/actualite-economique/actualites/coronavirus-apres-l-italie-des-medecins-cubains-envoyes-en-andorre-cca9a1b50327579f99f634f53d5a8477

(8)https://donnees.banquemondiale.org/indicateur/SH.MED.PHYS.ZS?end=2018&start=2018&view=bar

(9)Cté par John M. Kirk dans «Le secret de l’internationalisme médical cubain». Le Grand soir https://www.legrandsoir.info/le-secret-de-l-internationalisme-medical-cubain-temas.html

(10)https://www.middleeasteye.net/fr/reportages/pourquoi-les-medecins-cubains-optent-pour-la-chaleur-du-sahara-algerien

(11)https://www.monde-diplomatique.fr/2006/08/CALVO_OSPINA/13777

(12)https://www.lequotidiendumedecin.fr/archives/25-000-medecins-cubains-expatries-travers-le-monde

(13)https://www.tresor.economie.gouv.fr/Articles/2020/04/16/cuba-l-exportation-de-services-medicaux-la-principale-rentree-de-devises-de-cuba-en-peril

(14)http://www.radiohc.cu/fr/noticias/salud/136198-14-685-medecins-et-techniciens-de-la-sante-sont-diplomes-cette-annee-a-cuba

(15)https://www.liberation.fr/planete/1998/11/05/le-bilan-dantesque-du-cyclone-mitch-au-moins-25-000-morts-et-disparus-dans-la-catastrophe_252671

(16)https://www.who.int/bulletin/volumes/88/5/10-010510/fr/

(17)https://en.wikipedia.org/wiki/ELAM_(Latin_American_School_of_Medicine)_Cuba

(18)http://fr.granma.cu/cuba/2019-11-14/lelam-20-ans-de-fidelite-a-la-pensee-humaniste-de-fidel

(19)https://cu.usembassy.gov/ambassador-bolton-bay-of-pigs-veterans-association-brigade-2506/

(20)https://translate.google.com/translate?hl=fr&sl=en&u=https://www.rubio.senate.gov/public/index.cfm/2019/5/rubio-menendez-scott-urge-administration-to-support-victims-of-cuban-regime-s-exploitation&prev=search

(21)https://www.lemonde.fr/international/article/2019/06/21/les-etats-unis-ajoutent-l-arabie-saoudite-et-cuba-a-leur-liste-noire-sur-le-trafic-d-etres-humains_5479885_3210.html

(22)http://www.leparisien.fr/international/bresil-le-president-d-extreme-droite-jair-bolsonaro-investi-01-01-2019-7979358.php

(23)uhttps://observers.france24.com/fr/20181123-bresil-bolsonaro-depart-medecins-cubains-santen

(24)https://www.lemonde.fr/international/article/2019/05/17/les-consequences-du-depart-des-medecins-cubains-du-bresil-sont-gravissimes_5463430_3210.html

(25)https://www.sciencesetavenir.fr/sante/le-retour-au-bercail-des-medecins-cubains-un-coup-dur-pour-l-ile_139624

(26)https://www.monde-diplomatique.fr/2006/08/CALVO_OSPINA/13777

 

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Published by M B
24 mars 2025 1 24 /03 /mars /2025 08:10

 

A l'occasion de la semaine anticoloniale et antiraciste, il est peut-être utile de parler même rapidement de Frantz Fanon (1925/1961), d'évoquer ses livres et de lui "donner" à nouveau en quelque sorte la parole à travers des extraits de son œuvre. Sa pensée révolutionnaire sur le colonialisme et le racisme reste actuelle surtout avec l'arrivée de Trump au pouvoir aux Etats-Unis entouré de personnalités proches des milieux suprémacistes défenseurs acharnés de la suprématie de la race blanche même si le racisme basé sur la supériorité biologique n’a aucune base scientifique. Précisons d'emblée que le racisme est toujours utile pour la classe dominante ne serait-ce que pour entretenir et perpétuer, par ses préjugés raciaux, la division au sein de la classe ouvrière. En France, les enfants et les petits-enfants des travailleurs immigrés parqués dans des ghettos entourant les grandes métropoles sont l'une des cibles privilégiées de la classe dirigeante. La police, la justice et les médias sont unis, sans jamais le reconnaître, dans leur croisade contre les jeunes des cités populaires attisant la haine entre les citoyens pour mieux les diviser en jouant sur les préjugés nationaux, raciaux et religieux. Le génocide en cours à Gaza et en Cisjordanie occupée nous rappelle si besoin est la violence, la brutalité et la barbarie du colonialisme comme l'avait bien analysé Fanon dans son fulgurant livre "Les damnés de la terre". Les réflexions de Fanon nous sont toujours précieuses pour entreprendre, dans un cadre nouveau, des luttes antiracistes et anticolonialistes dans une perspective révolutionnaire et libératrice.

Dans son livre "Peau noire, masque blanc" moins connu que "Les damnés de la terre" , Fanon écrivait :

" Le Blanc est enfermé dans sa blancheur. Le Noir dans sa noirceur [...] C'est un fait : des Blancs s'estiment supérieurs aux Noirs. C'est encore un fait : des Noirs veulent démontrer aux Blancs coûte que coûte la richesse de leur pensée, l'égale puissance de leur esprit. [...]. Pour nous, celui qui adore les nègres est aussi "malade" que celui qui les exècre.[...] Le nègre esclave de son infériorité, le blanc esclave de sa supériorité".

 

Comment dépasser ce schéma manichéen ? Pour Fanon la libération du Noir, comme du Blanc, passe par une prise de conscience et par une lutte contre les structures économiques et sociales existantes :

 

"la véritable désaliénation du Noir implique une prise de conscience abrupte des réalités économiques et sociales. [...] Pour le nègre qui travaille dans les plantations de canne du Robert, il n'y a qu'une solution : la lutte. Et cette lutte il l'entreprendra et la mènera non pas après une analyse marxiste ou idéaliste, mais parce que, tout simplement, il ne pourra concevoir son existence que sous les espèces d'un combat mené contre l'exploitation, la misère et la faim".

 

Le Noir, le colonisé, l'opprimé doit se soulever non pas pour prendre conscience de sa culture, de son identité, de sa race, de son origine ethnique etc. mais pour mener un combat contre l'oppression économique et sociale qu'il subit. L'ennemi du Noir, du colonisé n'est pas le Blanc, le colon, mais la société capitaliste qui l'instrumentalise pour mieux l'exploiter :

 

" Le problème noir ne se résout pas en celui des Noirs vivant parmi les Blancs, mais bien des Noirs exploités, esclavagisés, méprisés par une société capitaliste, colonialiste, accidentellement blanche".

 

Fanon nous rappelle, car on a tendance à l'oublier, que l'opposition fondamentale reste celle qui oppose les riches aux pauvres, les exploiteurs aux exploités. Et comme disait Rafael Pallais dans "Incitation à la réfutation du Tiers-Monde" : " De tous les pouvoirs coloniaux qui ont existé dans l'histoire, le plus grand de tous est le capital".

 

Dans "Les damnés de la terre", son dernier livre publié quelques jours avant sa mort à l'âge de 36 ans, Frantz Fanon s'adressait aux peuples colonisés d'Afrique, d'Amérique latine et d'Asie, mais aussi aux puissances colonialistes européennes en ces termes :

 

"Le colonialisme et l'impérialisme ne sont pas quittes avec nous quand ils ont retiré de nos territoires leurs drapeaux et leurs forces de police. Pendant des siècles les capitalistes se sont comportés dans le monde sous-développé comme de véritables criminels de guerre. Les déportations, les massacres, le travail forcé, l'esclavagisme ont été les principaux moyens utilisés par le capitalisme pour augmenter ses réserves d'or et de diamants, ses richesses et pour établir sa puissance. Il y a peu de temps, le nazisme a transformé la totalité de l'Europe en véritable colonie. [...] La richesse des pays impérialistes est aussi notre richesse. Très concrètement l'Europe s'est enflée de façon démesurée de l'or et des matières premières des pays coloniaux: Amérique latine, Chine, Afrique. De tous ces continents, en face desquels l'Europe aujourd'hui dresse sa tour opulente, partent depuis des siècles en direction de cette même Europe les diamants et le pétrole, la soie et le coton, les bois et les produits exotiques. L'Europe est littéralement la création du tiers monde. Les richesses qui l'étouffent sont celles qui ont été volées aux peuples sous-développés".

 

Face à cette exploitation et à cette violence coloniale, Fanon oppose la violence émancipatrice de la résistance anticoloniale. Fanon n'est pas un apologiste de la violence. Mais il pense que la libération nationale passe par la violence. La violence du colonisé, nous dit Fanon, est une violence consciente dirigée vers la destruction et la suppression totale de l'ordre colonial. La violence du colon et celle du colonisé agissent l'une sur l'autre et ne peuvent disparaître que par l'anéantissement de la violence colonialiste :

 

"la décolonisation est toujours un phénomène violent.[...]La décolonisation est très simplement le remplacement d'une "espèce" d'hommes par une autre "espèce" d'hommes. Sans transition, il y a substitution totale, complète, absolue. [...] La décolonisation, qui se propose de changer l'ordre du monde, est, on le voit, un programme de désordre absolu.[...] Dans décolonisation, il y a donc exigence d'une remise en question intégrale de la situation coloniale.[...]Pour le colonisé, la vie ne peut surgir que du cadavre en décomposition du colon (et inversement). Telle est la correspondance terme à terme des deux raisonnements".

 

Dans "Les damnés de la terre" Fanon dresse, en guise de conclusion, un réquisitoire implacable contre l'Europe, non pas par haine ou par esprit de vengeance ou de revanche, mais parce que l'Europe colonialiste est responsable de millions de morts, de pillage systématique des richesses des pays colonisés, de haine raciale et de crime contre toute l'humanité :

 

"Quittons cette Europe qui n'en finit pas de parler de l'homme tout en le massacrant partout où elle le rencontre, à tous les coins de ses propres rues, à tous les coins du monde. Voici des siècles que l'Europe a stoppé la progression des autres hommes et les a asservis à ses desseins et à sa gloire ; des siècles qu'au nom d'une prétendue "aventure spirituelle" elle étouffe la quasi-totalité de l'humanité.[...]L'Europe a acquis une telle vitesse, folle et désordonnée, qu'elle échappe aujourd'hui à tout conducteur, à toute raison et qu'elle va dans un vertige effroyable vers des abîmes dont il vaut mieux le plus rapidement s'éloigner.[...]Il y a deux siècles, une ancienne colonie européenne s'est mise en tête de rattraper l'Europe. Elle y a tellement réussi que les États-Unis d'Amérique sont devenus un monstre où les tares, les maladies et l'inhumanité de l'Europe ont atteint des dimensions épouvantables.[...] L'Occident a voulu être une aventure de l'Esprit. C'est au nom de l'Esprit, de l'esprit européen s'entend, que l'Europe a justifié ses crimes et légitimité l'esclavage dans lequel elle maintenait les quatre cinquièmes de l'humanité.[...] Il s'est cependant trouvé des Européens pour convier les travailleurs européens à briser ce narcissisme et à rompre avec cette déréalisation. D'une manière générale, les travailleurs européens n'ont pas répondu à ces appels. C'est que les travailleurs se sont crus, eux aussi, concernés par l'aventure prodigieuse de l'Esprit européen[...] Aujourd'hui, nous assistons à une stase de l'Europe. Fuyons, camarades, ce mouvement immobile où la dialectique, petit à petit, s'est muée en logique de l'équilibre. Reprenons la question de l'homme. Reprenons la question de la réalité cérébrale, de la masse cérébrale de toute l'humanité dont il faut multiplier les connexions, diversifier les réseaux et réhumaniser les messages".

 

Mohamed Belaali

 

Frantz Fanon, "Les damnés de la terre", petite collection Maspero, 1968.

En ligne avec les préfaces de Jean Paul Sartre (1961), d'Alice Cherki et postface de Mohammed Harbi (2002) : https://monoskop.org/images/9/9d/Fanon_Frantz_Les_damn%C3%A9s_de_la_terre_2002.pdf

Frantz Fanon, "Peau noire, masque blanc", Editions du Seuil, 1952

En ligne : https://monoskop.org/images/f/f4/Fanon_Frantz_Peau_noire_masques_blancs_1952.pdf

 

Entre autres livres écrits par Fanon :

" L'an V de la révolution algérienne", La Découverte.

"Ecrits sur l'aliénation et la liberté", La Découverte.

"Pour la révolution africaine", La Découverte.

 

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8 mars 2025 6 08 /03 /mars /2025 07:30

 

«l'expérience de tous les mouvements libérateurs attestent que le succès d'une révolution dépend du degré de participation des femmes». Lénine

 

A l'occasion de la journée internationale des femmes, il est peut-être utile de rappeler le travail formidable accompli par cette révolutionnaire durant les premières années de la Révolution russe en faveur des femmes en général et des ouvrières et des paysannes en particulier. L'histoire de la Révolution russe tend à ne retenir que des figures masculines. Or ce sont les grèves des ouvrières de textile de Petrograd (Saint-Pétersbourg aujourd'hui) qui ont enclenché la première révolution le 23 février 1917 (8 mars dans le calendrier Grégorien) qui a emporté le régime despotique des Tsars. En effet, les femmes sont descendues massivement dans la rue le 8 mars, journée internationale des femmes, et ont réussi à renverser un régime multicentenaire, c'est un fait historique sans précédent. Mais les femmes ont également joué un rôle exemplaire dans la révolution d'octobre 1917 qui portait en elle les aspirations et les espoirs les plus simples et les plus grandioses de tout un peuple. Parmi ces révolutionnaires femmes, Alexandra Kollontaï est probablement la plus talentueuse et la plus audacieuse. Certes Kollontaï n'est pas la seule femme qui a joué un rôle majeur dans les premières années de l'Union soviétique. D'autres femmes révolutionnaires comme Nadedja Kroupskaïa, Elena Stassova ou encore Inessa Armand, pour ne citer que celles-là, ont tenu un rôle de premier plan. Mais Alexandra Kollontaï non seulement faisait preuve d'une farouche liberté d'esprit, mais elle a surtout compris, plus que les autres peut-être, les nécessités sociales, politiques et sexuelles des femmes.

Élue membre du comité central du parti bolchevik, elle fut également la première femme au monde à occuper un poste ministériel (commissaire du peuple aux affaires sociales) dans le premier gouvernement des Soviets sous la présidence de Lénine. Elle se consacre alors avec détermination à la défense des intérêts des femmes dans un pays pauvre et arriéré où la femme était totalement soumise non seulement à son mari, mais aussi à une morale archaïque héritée de la religion et renforcée par le régime des tsars. Pour Alexandra Kollontaï, la Révolution doit accoucher d'un ordre social nouveau pour la famille et les femmes. Effectivement, c'est ce gouvernement dont elle fait partie jusqu'en mars 1918 qui a aboli toutes les lois tsaristes sur la famille. Ainsi l'infériorité des femmes et le mariage religieux sont abrogés par décrets. L'homosexualité est dépénalisée. Tous les enfants, légitimes ou non, sont égaux devant la loi. L'héritage est aboli. Les adoptions privées sont interdites. Le divorce est accordé sur simple demande de l'un des conjoints. Le travail est rendu obligatoire pour les hommes comme pour les femmes etc. Rarement un pays a fait autant pour les femmes tout du moins sur le plan législatif. C'est une révolution radicale qui a fait dire à Lénine «Nous pouvons le dire avec fierté et sans crainte d'exagération, il n'y a pas un seul pays au monde, en dehors de la Russie des Soviets, où la femme jouisse de tous ses droits et ne soit pas placée dans une position humiliante, particulièrement sensible dans la vie familiale de chaque jour. C'était là une de nos premières et plus importantes tâches » .

Des mesures importantes ont été prises également dans le cadre du ministère des affaires sociales dirigé par Alexandra Kollontaï. «Les réalisations les plus importantes de notre commissariat du peuple dans les premiers mois après la Révolution d’octobre furent les suivantes : décrets pour améliorer la situation des invalides de guerre, pour abolir l’instruction religieuse dans les écoles de jeunes filles qui dépendaient du ministère (ceci se passait encore avant la séparation générale de l’église et de l’Etat) décrets pour faire passer les prêtres au service civil, pour faire adopter le droit à l’auto-administration des élèves dans les écoles de filles, pour réorganiser les orphelinats les plus anciens en des maisons d’enfants du gouvernement, décrets pour créer les premiers foyers pour nécessiteux et gamins des rues, décrets pour réunir un comité composé de docteurs qu’on allait charger de mettre sur pied un système de santé public et gratuit pour le pays tout entier».

En janvier 1918, elle met en place un Office central pour la protection de la maternité et de l'enfance. Elle a aussi transformé toutes les maternités en maisons gratuites pour dispenser des soins aux mères et aux nourrissons. «Il fallait jeter des bases pour la création d’un vaste complexe gouvernemental pour la protection des mères» disait-elle (op. cit.)

Même pendant la guerre civile, des crèches, des cantines publiques, des laveries, des foyers communautaires, des jardins pour enfants etc. ont été développés sous son influence. Il fallait libérer la femme du fardeau des tâches domestiques. Elle pensait que «la « séparation de la cuisine et du mariage » est une grande réforme, non moins importante que la séparation de l'Église et de l'État».

Avec l'aide notamment d'Inessa Armand, elle crée le département du parti chargé de l'émancipation des femmes (Jenotdel) dont elle fut la présidente de 1920 à 1922. Les bureaux du Jenotdel étaient présents sur tout le territoire des républiques soviétiques y compris les plus arriérées. Les militantes propageaient courageusement les idées de la Révolution, la stricte égalité entre les hommes et les femmes dans tous les domaines. Elles se battaient pour que les femmes participent comme les hommes à tous les échelons du pouvoir non seulement dans le gouvernement (qui ne comptait que deux femmes dans ses rangs), mais aussi dans le parti, les soviets, les syndicats, l'armée etc. C'était là un combat que Kollontaï avait déjà mené au sein même des sovietsPartout les Soviets doivent contribuer à ce que l’on considère les femmes sur un pied d’égalité avec les hommes.(...) Nous nous arrangions pour pousser et faire accepter cette motion, mais point sans résistance. Ce fut une victoire immense et durable».

Elles prônaient plutôt l'auto-émancipation des femmes que les interventions de l'Etat. Si certains dirigeants bolcheviks étaient contre la création du Jenotdel, Lénine par contre, lui accordait tout son soutien et fustigeait tous ceux qui étaient contre la création d'organismes spécifiques réservés à l'émancipation des femmes (1). Mais le travail formidable du Jenotdel se heurtait non seulement à la résistance des hommes, mais surtout au manque de ressources et à l'état de pauvreté dans lequel se trouvait la Russie de l'époque. Plus tard, en janvier 1930, le Jenotdel est dissous par Staline.

Mais pour Kollontaï, l'émancipation des femmes ne s'arrête pas à «la séparation de la cuisine et du mariage» et à la stricte égalité devant la loi entre les sexes; ce combat doit également embrasser des domaines comme la sexualité et l'amour : «Les rapports des sexes sont une partie importante des règles de la vie» pensait-elle.

Elle défend alors de nouvelles conceptions sur l'amour libre, l'amour-camaraderie. Elle était persuadée que seule la société socialiste permettrait de créer les bases nécessaires pour la réalisation de ce qu'elle appelle «l'amour libre» : «L' « amour libre » introduit de façon récurrente dans la société de classe existante, au lieu de libérer les femmes des difficultés de la vie familiale, lui ferait porter un nouveau poids. Seul un certain nombre de réformes fondamentales dans la sphère des rapports sociaux – des réformes transférant ces obligations de la famille à la société, à l’État – pourrait créer une situation où le principe de l' «amour libre» pourrait dans une certaine mesure être réalisé».

L'amour basé sur la solidarité et la camaraderie devient alors une force sociale et psychique. Les relations amoureuses libres et purgées de toute exclusivité doivent reposer sur des postulats précis : «L'idéal d'amour pour la morale bourgeoise était l'amour d'un couple uni par le mariage légitime.

L'idéal d'amour de la classe ouvrière découle de la collaboration dans le travail, et de la solidarité dans l'esprit et la volonté de tous ses membres hommes et femmes, il se distingue naturellement par sa forme et par son contenu de la notion d'amour d'autres époques de civilisation. Mais qu'est-ce donc que « l'amour-camaraderie  » ? Cela ne signifie-t-il pas que la sévère idéologie de la classe ouvrière, forgée dans une atmosphère de lutte pour la dictature ouvrière s'apprête à chas­ser impitoyablement le tendre Éros ailé ? Non pas. L'idéologie de la classe ouvrière non seulement ne supprime pas « l'Éros aux ailes déployées » mais au contraire, elle prépare la reconnaissance du sentiment d'amour en tant que force sociale et psychique.(...) Dans cette période, l'idéal moral déterminant les relations sexuelles n'est point le brutal instinct sexuel, mais les multiples sensations éprouvées aussi bien par la femme que par l'homme, d'amour-camaraderie. Pour correspondre à la nouvelle morale prolétarienne qui se forme, ces sensations doivent reposer sur les trois postulats suivants :

  1. Egalité des rapports mutuels (sans la suffisance masculine et sans la dissolution servile de son individualité dans l'amour de la part de la femme) ;

  2. Reconnaissance par l'un des droits de l'autre et réciproquement, sans prétendre posséder sans partage le cœur et l'âme de l'être aimé (sentiment de propriété, nourri par la civilisation bourgeoise) ;

  3. Sensibilité fraternelle, art de saisir et de com­prendre le travail psychique de l'être aimé (la ci­vilisation bourgeoise n'exigeait cette sensibilité dans l'amour que chez la femme).

Ses écrits sur l'amour et la sexualité sont devenus insupportables pour ses adversaires à l'intérieur comme à l'extérieur de la Russie soviétique. Effectivement, elle a été attaquée même dans sa vie privée et certains universitaires occidentaux l'accusent de «sadisme sexuel», que «son enthousiasme révolutionnaire n'est que la satisfaction de sa nymphomanie» ou encore «qu'elle prônait la satisfaction débridée de l'instinct sexuel» (2). Pour Orlando Figes, Alexandra Kollontai est une « Femme bouillante et émotive, encline à s’énamourer des jeunes gens et des idées utopiques, elle s’était engagée dans la cause bolchevik avec le fanatisme des nouveaux convertis» (3).

Même dans son propre parti, des responsables bolcheviks ne partageaient pas non plus ses opinions et c'est le moins que l'on puisse dire. On lui reproche, entre autres, d'accorder « trop d'importance aux problèmes purement sociologiques» et de donner à «la lutte des sexes plus d'importance qu'à la lutte de classes» (4). Selon certains dirigeants, «L'amour libre» a tourné chez les komsomols et les étudiants, «en fornication phallocratique à tout crin» (5).

«Mes thèses dans le domaine de la morale sexuelle furent combattues avec âpreté. Des soucis personnels et familiaux s’ajoutèrent à cela, et ainsi, en 1922 des mois passèrent sans que je puisse faire un travail fructueux» écrivait-elle simplement dans «But et valeur de ma vie».

Attaquée, stigmatisée et ses idées délibérément déformées, Alexandra Kollontai, s'éloigne et se retire des événements politiques de son parti avant d'accepter le poste d'ambassadrice soviétique en Norvège, devenue là encore, la première femme dans l' histoire à occuper cette fonction.

Oubliée aujourd'hui, Kollontaï était pourtant «l'une des premières à affirmer les principes féministes modernes, auxquels le XXI siècle a en partie renoncé, malgré les bruyants cris de victoire autour du mariage homosexuel» (6).

Mais Alexandra Kollontaï était d'abord et avant tout une révolutionnaire pour qui seule la société socialiste est capable de rendre effective l'émancipation de la femme dans sa vie quotidienne et familiale : «La libération de la femme ne peut s'accomplir que par une transformation radicale de la vie quotidienne. Et la vie quotidienne elle-même ne sera changée que par une modification profonde de toute la production, sur les bases de l'économie communiste».

La libération de la femme du fardeau des tâches domestiques qui l'oppriment et l'humilient devrait se traduire par de nouveaux rapports au sein du couple : «Sur les ruines de l’ancienne famille on verra bientôt surgir une forme nouvelle qui comportera des relations toutes autres entre l’homme et la femme et qui sera l’union d’affection et de camaraderie, l’union de deux membres égaux de la société communiste».

 

Mohamed Belaali

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(1)C. Zetkin «Mes souvenirs de Lénine », cité par Tariq Ali dans «Les dilemmes de Lénine» Sabine Wespieser éditeur, p.377

(2)Voir Tariq Ali op. cit. page 378.

(3)«La Révolution russe. 1891-1924, la tragédie d’un peuple», Paris, Denoël, 2007, cité dans Dissidences, La Résurrection d’Alexandra Kollontaï ?

https://dissidences.hypotheses.org/6896#sdfootnote21sym

(4)Paulina Vinogradskaja cité dans https://www.persee.fr/docAsPDF/cmr_0008-0160_1965_num_6_4_1638.pdf

(5)Tariq Ali op. cit. p. 380

(6)Tariq Ali dans « Les dilemmes de Lénine», Sabine Wespieser éditeur, page 364.

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3 mars 2025 1 03 /03 /mars /2025 08:14

 

Donald Trump vient de remporter les élections présidentielles américaines et devient le 47 ème président des États-Unis. Cette victoire du richissime homme d'affaires n'est pas le fruit du hasard. Trump, le nouveau Führer américain, est un authentique produit de la démocratie bourgeoise. La République de Weimar (1918/1933) la plus avancée et la plus démocratique des républiques bourgeoises a produit un monstre dont on dénonce encore aujourd'hui les crimes et les horreurs. Aimé Césaire disait : "Au bout du capitalisme, désireux de se survivre, il y a Hitler". Aujourd'hui, on peut dire au bout du capitalisme il y a Trump; un personnage aussi médiocre et grotesque que dangereux. En se présentant comme l'homme providentiel, Trump, qui fait personnellement partie de la classe dominante, a su capter et exploiter les frustrations et le désespoir d'une partie de la population abandonnée par les démocrates.

La longue campagne électorale était marquée du début jusqu'à la fin par une suite ininterrompue d'invectives personnelles, de propos mensongers, démagogiques, racistes, sexistes et islamophobes pour mieux contenir la colère populaire et occulter la responsabilité de la classe dirigeante dans la situation de misère matérielle et morale que connaissent aujourd'hui de larges franges de la population américaine. Les noirs, les musulmans, les femmes, les mexicains, les portoricains, les haïtiens "qui mangent les animaux domestiques" etc., ont largement remplacé, comme responsables de tous les malheurs des États-Unis, les banquiers, les hommes d'affaires, les industriels, les spéculateurs et autres milliardaires sans foi ni lois. Les démocrates ont une grande responsabilité dans l'élection de Trump. Ce sont eux qui ont organisé une véritable confiscation des richesses produites par les salariés pour les mettre entre les mains d'une horde de milliardaires dont chaque dollar sent fortement la sueur des travailleurs. La masse des ouvriers, aujourd'hui plus qu'hier encore, est à la merci d'une poignée de capitalistes exploiteurs. L'élection de Trump a révélé au monde entier et d'une manière éclatante le caractère de classe de la démocratie américaine, une démocratie pour les riches. Le gouvernement Trump est un gouvernement de riches, par les riches et pour les riches !

L'histoire nous a toujours enseigné que durant les périodes troubles marquées par les crises économiques, les injustices de classes, les guerres sans fin etc., la classe dominante utilise, pour préserver ses intérêts, tous les moyens dont elle dispose. Les bourgeoisies américaines et européennes, nonobstant des situations différentes, n’arrivent plus à surmonter les crises à répétition de leur système. Il ne s’agit pas d’une crise conjoncturelle et passagère, mais bel et bien d’une crise structurelle dont les racines plongent jusqu’au cœur même du système. La croissance tant invoquée peut revenir mais pour mieux laisser place à d'autres crises plus violentes et plus générales. Les classes dirigeantes ressemblent de plus en plus à ces magiciens qui ne maîtrisent plus les forces maléfiques qu’ils ont eux-mêmes créées !

Fascisme, nazisme, extrême droite etc. ne sont que des mots qui désignent une seule et même réalité, la dictature du capital. Car tous ces mouvements et idéologies politiques sont sortis des entrailles du capitalisme. A y regarder de plus près, ils sont tous nés dans un contexte de crises économiques et politiques majeures : guerre mondiale, révolution soviétique, déceptions de la petite bourgeoisie, marginalisation des plus démunis etc. Leur dénominateur commun reste le même : il faut que l'accumulation et la concentration des richesses restent, vaille que vaille, entre les mêmes mains.

Trump, véritable concentré des luttes sociales qui travaillent la société américaine, a puisé sa force essentiellement dans la faiblesse de la petite bourgeoisie écrasée par le grand capital et dans le désespoir d'une partie de la classe ouvrière blanche laminée par le chômage et la précarité. Pour les consoler et calmer leur rage et leurs frustrations, Trump leur offre, entre autres, le soutien de la race. Rappelons qu'aux États-Unis, le racisme a toujours été utilisé comme moyen au service du profit et de l'accumulation du capital. Dans le passé, le racisme a servi de justification et de légitimation de l'esclavage, main-d’œuvre servile et rentable. Car l'exploitation économique et l'oppression raciale vont de pair. Si l’esclavage a été aboli, du moins formellement, le racisme lui continue à se développer au grès des vicissitudes de l'évolution du capitalisme. Aujourd'hui, le racisme doit s’adapter à la nouvelle situation où le salarié a remplacé l'esclave. Le racisme est toujours utile pour la classe dominante ne serait-ce que pour entretenir et perpétuer, par son agitation et les préjugés raciaux qu’il propage, la division au sein de la classe ouvrière. Le travailleur noir lui doit subir, en plus de l'exploitation de classe, l'oppression de race. C'est ce qui explique que pendant sa campagne électorale et en tant que nouveau président, Trump s'est entouré de personnalités proches des milieux suprémacistes défenseurs acharnés de la suprématie de la race blanche même si le racisme basé sur la supériorité biologique n’a aucune base scientifique.

Au pouvoir, Trump reviendra peut-être sur certaines de ses promesses sans grande importance pour la classe dominante, mais appliquera probablement toutes les mesures en faveur du capital comme la baisse des impôts des plus riches, la réduction de l'impôt sur les bénéfices des sociétés, la dérégulation financière, le démantèlement de ce qui reste encore des services publics etc. A cet égard, l'équipe du nouveau président appelle déjà à la réduction massive des aides aux plus démunis comme Medicaid qui fournit une assurance maladie principalement aux américains pauvres.

Pour produire l’illusion du changement et donner l’impression de créer quelque chose de tout à fait nouveau et radical, Trump doit travestir la réalité. Son langage, son style, ses outrances, son comportement et ses actes doivent faire oublier les démocrates. Mais il ne s’agit là que des formes et d’un déguisement qui reflètent plus ou moins nettement le fond commun : servir la même classe sociale, la bourgeoisie qui les place à tour de rôle à la tête de l’État.

Le capitalisme en crise a produit un nouveau monstre aux États-Unis et risque d'en produire d'autres à travers le monde. L'agressivité économique et politique de Trump montre si besoin est que la classe dirigeante américaine, pour sauvegarder et perpétuer ses privilèges, ne reculera devant aucun moyen y compris le plus terrible et le plus abjecte, la guerre. Il rêve déjà de prendre de gré ou de force le contrôle du Canada, de Gaza, du Groenland, du canal de Panama et des droits sur les richesses minières de l'Ukraine. Son penchant dictatorial le pousse à se placer au-dessus des lois remettant ainsi en cause non seulement le principe de la séparation des pouvoirs cher à Montesquieu, mais aussi des institutions vieilles de plus de deux siècles : "Celui qui sauve son pays ne viole aucune loi" écrivait-il sur les réseaux sociaux. Il va même plus loin en insinuant à plusieurs reprises qu'il pourrait briguer un troisième mandat même si la constitution américaine l'interdit formellement. En effet le 22e amendement prévoit que : "nul ne peut être élu à la fonction de président plus de deux fois". Cette disposition s’applique que les mandats soient consécutifs ou non.

Mais Trump fait semblant d'ignorer cette règle : "J’ai récolté beaucoup d’argent pour la prochaine campagne et je pars du principe que je ne peux pas l’utiliser moi-même, mais je ne suis pas sûr à 100%, parce que je ne sais pas" disait-il. En même temps, un député républicain a présenté quelques jours seulement après l'investiture de Trump une résolution visant à modifier la Constitution pour permettre au président de briguer un troisième mandat. Toute la question est de savoir si le nouveau président pourrait se présenter sans violer la constitution. Car une réélection constitutionnelle reste légalement impossible. Quelles alternatives restera-t-il pour Trump? Renoncera-t-il à se présenter ou réussira-t-il, d'une manière ou d'une autre, à se présenter une nouvelle fois pour proroger son pouvoir? Seul l'avenir nous le dira. Dans tous les cas Trump, ennemi de la science et du progrès, représente un véritable danger non seulement pour le peuple américain mais pour le monde entier. Il est donc urgent de construire un mouvement de résistance planétaire contre Trump, tout en s'attaquant en même temps au système, le capitalisme qui a produit un tel monstre.

 

Mohamed Belaali

 

 

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28 janvier 2025 2 28 /01 /janvier /2025 13:03

 

Les Etats-Unis, Israël et leurs alliés locaux comme la Turquie, l'Arabie Saoudite et les pays du Golfe viennent d' installer au pouvoir des djihadistes qu'ils ont créés de toutes pièces. Ce que l'occident capitaliste appelle les "rebelles syriens" ne sont en réalité que des organisations et des mouvements terroristes recrutés, financés, entraînés et armés par les américains et leurs satellites dans le seul et unique but de déstabiliser les régimes qui leur sont réfractaires et servir leurs intérêts économiques et stratégiques. Ces djihadistes syriens sont devenus, grâce aux pétrodollars et aux dollars américains, des "libérateurs" comme les Talibans afghans étaient devenus des Moudjahidines de la liberté. Ce sont ces mêmes milices devenues subitement "libérateurs" qui sont aujourd'hui au pouvoir à Damas. C'est la pire chose qui puisse arriver au peuple syrien, notamment pour ses classes laborieuses. Il suffit de voir dans quelle situation tragique se trouvent aujourd'hui les peuples afghan, irakien et libyen qui ont tous subi les interventions militaires impérialistes pour s'en convaincre.

Rappelons que ce sont quand même les américains qui ont créé les "Moudjahidines de la liberté" qu'on appelle désormais talibans ! Les Etats-Unis avaient besoin de ces combattants fanatisés pour renverser le gouvernement pro-soviétique installé à Kaboul. En effet, en juillet 1979, le président américain Jimmy Carter décide d'apporter une assistance clandestine aux opposants religieux du régime communiste afghan. En septembre 1979, le Président de la République Démocratique d'Afghanistan Mohammed Taraki pro-soviétique est renversé. L'Union soviétique intervient alors militairement en décembre de la même année pour maintenir, vaille que vaille, le gouvernement afghan sous son influence. Pour combattre les troupes soviétiques présentes sur le sol Afghan, Washington avait besoin du Pakistan : " Le Pakistan fut le préservatif dont les américains avaient besoin pour pénétrer en Afghanistan" disait un général pakistanais à la retraite . Les talibans sont entrés à Kaboul en avril 1996 remplaçant le dernier président de la République Démocratique d'Afghanistan, le docteur Najibullah. Il est clair que les talibans n'auraient jamais pu s'emparer de l'Afghanistan et installer un régime de terreur sans les Etats-Unis et le Pakistan.

L'invasion de l'Irak en mars 2003 a été précédée par un gros mensonge inventé de toutes pièces par l'administration Bush : les Armes de destruction massive (ADM). Une longue tradition de mensonges et de propagande jalonne l'histoire des États-Unis et de ses alliés. Ils leur servent de prétexte et de légitimation pour s'immiscer dans les affaires des peuples. Rappelons-nous, entre autres, le charnier de Timisoara (Roumanie) en 1989 où, selon les journalistes occidentaux, gisaient quatre mille morts ! On a appris par la suite qu'il s'agissait d'une gigantesque manipulation pour tromper l'opinion mondiale.

"Le régime irakien possède et produit des armes biologiques et chimiques, Il cherche à se procurer des armes nucléaire" disait Bush dans un discours à Cincinnati le 7 octobre 2002. L'Irak représentait donc un véritable danger pour le monde. Il faut sécuriser ce pays et apporter à sa population démocratie, liberté et prospérité. En guise de démocratie, liberté etc., c'est le chaos qui règne aujourd'hui dans ce pays martyr. L'Etat s'est littéralement effondré, "les tensions communautaires sont exacerbées et le pays est au bord de la partition". Alors que le pays produit quatre millions de barils de pétrole par jour, les services essentiels comme l'eau et l'électricité sont quasiment inaccessibles pour une large majorité d'irakiens. La population souffre également, selon Amnesty International, "des effets dévastateurs des crimes de guerre et autres atrocités perpétrés par la coalition que dirigeaient les États-Unis lors de l’invasion puis de l’occupation de l’Irak".

Dans le cas de la Libye, c'est le prétexte humanitaire qui a été invoqué pour l'envahir : le 28 février 2011, Hillary Clinton déclarait "Nous croyons qu'il y aura des besoins pour aider à des interventions humanitaires, nous savons également qu'il va y avoir probablement malheureusement des besoins pour des missions de sauvetage". Ainsi on intervient au nom de l’humanitaire et on invoque l’humanitaire pour justifier l'intervention ! Hillary Clinton, toujours elle, a annoncé publiquement que les États-Unis avaient des contacts directs avec les rebelles libyens et que toutes les options pour éliminer Kadhafi du pouvoir restaient ouvertes. Mais l'administration Obama ne se contentait pas seulement de produire des déclarations menaçantes, elle a envoyé au large des côtes libyennes des forces navales et aériennes.Washington a établi également ce que les militaires appellent «no-fly zones» (zone d'exclusion aérienne) dans le ciel libyen. En mars 2011, l'OTAN, bras armé des Etats-Unis, a entamé ses opérations militaires avec l'aval des Nations Unies. Les nombreuses milices islamistes avaient non seulement servi de troupes terrestres aux bombardements de l'Alliance atlantique, mais également de justification et de légitimation de l'intervention impérialiste pour renverser le pouvoir en place. Le régime de Kadhafi a été remplacé, au prix de milliers de morts, de destruction de l'infrastructure économique et de l'unité du peuple libyen, par des groupes armés qui jusqu'à aujourd'hui encore continuent à s'affronter. Règlements de comptes, torture, violence ethnique, corruption généralisée, tribus réclamant leur autonomie, pouvoir central impuissant et compagnies pétrolières étrangères pompant allègrement le pétrole du peuple libyen, voilà à quoi ressemble la Libye après l'intervention impérialiste.

Ce qui se passe aujourd'hui en Syrie est l'aboutissement de la longue guerre contre-révolutionnaire menée par les Etats-Unis depuis 2011 dans le monde arabe en étroite collaborations avec ses alliés locaux. Les soulèvements populaires en Tunisie, en Égypte, au Yémen, à Bahreïn, etc. ont suscité d’immenses espoirs de changement dans les masses arabes opprimées y compris en Syrie. Mais l'impérialisme ne peut supporter ni tolérer la marche des peuples vers leur émancipation et leur libération des régimes qui les oppriment et les maintiennent dans le sous-développement et la misère. C'est dans ce cadre qu'il faut situer l'intervention de l'OTAN en Libye, de l'Arabie Saoudite à Bahrein et au Yémen. En Syrie, les américains avec l'aide de la Turquie, du Qatar et des pays du Golfe notamment se sont activés à renverser le pouvoir en place. A l'époque l'Armée libre syrienne (ALS), devenue aujourd'hui Armée nationale syrienne (ANS) contrôlée par la Turquie, revendiquait un certain nombre d'actions sanglantes contre l'armée régulière syrienne. Il s'agissait d'affaiblir la Syrie avant d'installer un pouvoir à leurs bottes. En Syrie comme en Afghanistan et comme en Libye, l'impérialisme américain et ses alliés ont créé et utilisé des mouvements politiques dont l'Islam n'est qu'un voile derrière lequel se cachent les intérêts des uns et des autres.

Il ne s'agit donc pas d'une révolution démocratique comme le prétend la propagande occidentale, mais d'un découpage systématique de la Syrie entre les alliés de l'impérialisme américains. Ainsi immédiatement après l'effondrement du régime d'Assad, les Etats-Unis, Israël et la Turquie se sont précipités sur la Syrie comme des vautours pour partager le butin. Et ils l'ont fait au grand jour, comme au bon vieux temps colonial, sans complexe et sans pudeur aucune. Les américains, présents au nord-est du pays, et l'armée israélienne ont mené une campagne de bombardements massifs contre toutes les infrastructures militaires syriennes. Israël s'est en même temps emparé de la totalité du plateau du Golan et se prépare à doubler la population de cette partie de la Syrie. Parallèlement, l'Armée nationale syrienne (ANS), pure créature de la Turquie (membre de l'OTAN), attaque les forces kurdes qui sont installées dans le nord-est de la Syrie pour empêcher l'établissement d'un Etat kurde dans cette région. L’intégrité du pays et son unité ne sont désormais qu'un lointain souvenir.

En s'acharnant contre des régimes laïques (Afghanistan, Irak, Libye, Syrie etc.) et en condamnant toutes les voies et toutes les issues progressistes, l'impérialisme a non seulement ouvert la boîte de Pandore libérant des monstres, mais il a installé également au pouvoir par la violence des régimes obscurantistes et réactionnaires.

Les syriens à l'instar des autres peuples sont capables de régler eux-mêmes leurs problèmes internes. Il appartient au peuple syrien et à lui seul de décider de son destin. Il n'a surtout pas besoin des pays impérialistes dont toute l'histoire n'est qu'une suite de crimes, de conquêtes coloniales et d'asservissement des peuples.

 

Mohamed Belaali

 

 

 

 

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7 janvier 2025 2 07 /01 /janvier /2025 08:34

 

   Je reproduis ce texte écrit juste après les attentats du 7 janvier 2015.

 

Le sept, le huit et le neuf janvier 2015, dix-sept personnes sont tombées sous les balles des fanatiques religieux. Journalistes, dessinateurs, policiers, agent de nettoyage et de simples citoyens ont été froidement et lâchement assassinés par trois hommes se réclamant du groupe terroriste Al Qaeda. Ce massacre doit être dénoncé avec force et sincérité. Ce crime ne doit laisser aucun homme, aucune femme indifférent et insensible à la douleur des familles.

Alors que le sang des victimes n'a pas encore séché, une étrange atmosphère s'est abattue sur la France. Rarement récupération politique, hypocrisie et cynisme ont atteint une telle intensité. Dans les médias, l'hystérie est à son paroxysme.

Au nom de "l'unité nationale" et au nom de "la liberté d'expression", on étouffe toute velléité et toute possibilité d'exprimer librement une pensée différente. Toute voix discordante est suspectée, marginalisée et subtilement réprimée. On doit tous, sans exception, être Charlie. La raison doit entrer en sommeil. Elle se réveillera peut-être plus tard. Pour l'instant seule compte la soumission totale à l'union sacrée contre le terrorisme. Une forme lente de fascisation des esprits s'installe insidieusement.

Les hérétiques n'ont pas leur place dans ce beau concert d'unanimité. Leurs pensées en elles- mêmes constituent une offense, un affront et une insulte au discours dominant.

Qui a créé le terrorisme et les terroristes ? Qui les arme, les finance, les entraîne ? Quel est le rôle des États-Unis, de l'Arabie Saoudite, du Qatar, de la Turquie et des gouvernements européens notamment français ? Qui a créé de toute pièce les "rebelles syriens, libyens" et les "moudjahidins de la liberté c.a.d les Talibans ? Beaucoup d'interrogations qui sont aujourd'hui occultées et maintenues dans l'ombre. La foule doit rester dans l'ignorance. Et comme disait Orwell "L'ignorance c'est la force" !

L'unité doit être complète, parfaite, totale. Les hommes, les femmes, les enfants, les jeunes et les moins jeunes doivent marcher ensemble derrière le chef de l’État. Pas de place pour les hérétiques Car "nous devons être nous-mêmes conscients que notre meilleure arme, c’est notre unité, l’unité de tous nos concitoyens face à cette épreuve. Rien ne peut nous diviser, rien ne doit nous opposer, rien ne doit nous séparer" disait François Hollande (1). Le président de la République demande, sans exception aucune, à tous les citoyens, partis politiques, syndicats, associations etc. de descendre dans la rue pour marcher main dans la main derrière Hollande, Sarkozy, Merkel, Rajoy, Cameron, les représentants de l'Union européenne, du secrétaire général de l'OTAN (bras armé de l'impérialisme), Netanyahou, Lieberman (deux criminels de guerre) et bien d'autres dirigeants responsables directement ou indirectement de l'existence même du terrorisme qui a tué, à Paris, froidement dix-sept personnes innocentes et continue à semer la mort à travers toute la planète. "Les mauvaises graines qu’ils (les dirigeants) ont semées à travers la planète ont produit une moisson abondante de groupes dont la cruauté et la barbarie s’inspirent directement de celles de leurs maîtres. L’Arabie Saoudite par exemple, modèle de démocratie et du respect des droits de l’homme et surtout de la femme, décapite au sabre et en public chaque année des dizaines d’hommes. Or l’Arabie reste le soutien financier et idéologique (le wahhabisme) le plus décisif des nombreuses organisations djihadistes réactionnaires. Mais l'Arabie Saoudite est également pour l'impérialisme américain, en plus de ses richesses pétrolières, le rempart le plus solide contre toute idée et tout régime démocratique, progressiste et laïc" (2).

L'Islam, les musulmans, les enfants des travailleurs immigrés sont montrés du doigt et présentés par une partie de la population et par les médias comme responsables de la tuerie. Des mosquées ont été taguées, des vitrines kebab soufflées par des explosions, des voitures appartenant à des familles musulmanes criblées de balles, des personnes agressées physiquement un peu partout en France et en Corse. Le racisme et la haine sont ainsi attisés par les médias, les hommes politiques, certains romanciers et les forces d'extrême droite qui exploitent jusqu’à la moelle le massacre de Charlie Hebdo. L'attentat et la gigantesque manipulation politique et médiatique qui l'ont suivi n'ont fait qu'exacerber un racisme latent, plus ou mois refoulé.

L'amalgame entre Islam et terrorisme, l'islamophobie, le racisme ambiant sont des armes efficaces utilisées par la classe dominante, à travers le pouvoir politique et médiatique, pour mieux occulter sa responsabilité dans la situation économique et sociale désastreuse que connaît la France aujourd'hui. La désignation d'un bouc émissaire permet aussi de détourner les masses populaires des vrais problèmes qui les rongent au quotidien. Dans ce sens, l'attentat contre Charlie Hebdo constitue une véritable aubaine pour le gouvernement qui poursuivra, sans risque aucun, sa politique d'austérité entièrement au service du patronat. Les terroristes, sans le vouloir, lui rendent donc un immense service.

Malheureusement Charlie Hebdo, même si cela relève de son droit et de sa liberté, a beaucoup contribué au développement de cette ambiance détestable de stigmatisation et de mépris des musulmans de France.

Depuis le 11 septembre 2001 sous la houlette de Philippe Val et Caroline Fourest notamment, Charlie Hebdo n'a cessé de déverser sa haine contre les musulmans. Il a fait de l'islamophobie l'axe central de sa ligne éditoriale. Au fil du temps, Charlie Hebdo a perdu sa fibre contestataire pour devenir un simple canard islamophobe au service de l'ordre établi.

Mohamed Belaali

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(1)http://www.elysee.fr/chronologie/#e8251,2015-01-07,allocution-du-president-de-la-republique-a-la-suite-de-l-attentat-au-siege-de-charlie-hebdo

(2) http://www.belaali.com/2014/11/le-terrorisme-produit-authentique-de-l-imperialisme.html

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

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20 décembre 2024 5 20 /12 /décembre /2024 08:54

 

En janvier 2007, Nicolas Sarkozy disait : "Je veux changer la pratique de la République. Je veux une République irréprochable" . Aujourd'hui, l'ancien président est condamné définitivement à trois ans de prison dont un ferme pour corruption et trafic d'influence dans l’affaire dite "des écoutes de Paul Bismuth". En effet, le 18 décembre 2024, la Cour de cassation vient de confirmer sa condamnation en première instance du 1er. Mars 2021. Rappelons également que Nicolas Sarkozy a déjà été condamné le 30 septembre 2021 à une année de prison ferme pour "financement illégal de campagne électorale". Ainsi l'ancien président de la République est condamné pour la deuxième fois à de la prison ferme dans deux affaires différentes. C'est historique ! Plusieurs autres affaires attendent encore Nicolas Sarkozy devant les tribunaux. En même temps, l'ancien chef de l'Etat a reçu d'innombrables soutiens y compris du pouvoir en place. Car dans cette république bourgeoise que certains qualifient " d'exemplaire" et "d'irréprochable", plus on est condamné pour affaires de corruption et plus on est soutenu !

La condamnation à deux reprises de Sarkozy n'est que l'arbre qui cache la forêt. Le nombre d'hommes politiques impliqués, à un degré ou à un autre, dans les affaires est impressionnant. Il est tout simplement impossible d'établir une quelconque liste exhaustive des scandales politico-financiers qui secouent régulièrement tous les échelons de l'Etat. Car ces "affaires" et ces scandales sont intimement liés au fonctionnement même du capitalisme qui les produit et reproduit de manière permanente. Il ne s'agit pas ici d'une affaire de morale, républicaine ou non, mais la conséquence d’un système économique dont les intérêts de classes constituent le fondement matériel. Nicolas Sarkozy et Emmanuel Macron ne disaient-ils pas : "Nous conjurerons le pire en remettant de la morale dans la politique" par "une vraie stratégie de moralisation de la vie publique" .

Les institutions de cette république bourgeoise non seulement sont complices de ces agissements, mais permettent et favorisent la multiplication des opportunités de corruption et des scandales en tout genre. Et toutes les déclarations et les gesticulations autour de "la moralisation de la vie publique", de "la nécessité d’une lutte implacable contre les dérives de l’argent, de la cupidité et de la finance occulte", de "la transparence de la vie publique", de "la lutte contre la grande délinquance économique et financière" etc.. ne sont en réalité que de grossiers mensonges derrière lesquels la classe dirigeante tente de dissimuler ses pratiques mafieuses pour mieux leurrer les classes populaires. Invoquer la morale dans le cadre du système actuel est non seulement une illusion, mais par dessus le marché une grande hypocrisie.

Sans remonter jusqu'aux diamants centrafricains de Giscard, on peut citer à titre d'exemple seulement quelques noms de dirigeants politiques empêtrés, à un titre ou à un autre, dans des affaires : Alain Carignon, Alain Juppé, Jérôme Cahuzac, Patrick Balkany, Claude Guéant, Serge Dassault, Thomas Thévenoud, François de Rugy, Richard Ferrand, Jean-Paul Delevoye, Charles Pasqua, François Léotard, François Fillon, Jacques Chirac etc. etc. Il ne s'agit là que de quelques exemples qui ne doivent pas masquer le caractère récurrent et structurel de la corruption qui règne dans les plus hautes sphères de l’État. D'autres noms viendront allonger cette liste déjà longue. Marine Le Pen par exemple, dans le procès des assistants parlementaires du RN, le parquet a requis contre elle cinq ans de prison dont deux ferme et cinq ans d’inéligibilité. Elle sera fixée sur son sort le 31 mars 2025.

On peut adopter les lois que l’on veut contre la corruption, les affaires et les privilèges, mener toutes les enquêtes possibles, on peut même diminuer et limiter leur importance, mais on ne peut pas les éliminer. Car leur existence et celle du capitalisme sont tellement imbriquées l’une dans l’autre que l’on ne peut supprimer l’une sans éliminer l’autre. Les lois et les mesures prises pour lutter contre la corruption ne sont que des paravents derrière lesquels la bourgeoisie dissimule ses forfaits. Le problème n’est donc pas l’existence de la corruption, des scandales financiers, des affaires et autres privilèges, mais celle du capitalisme qui les engendre. Le véritable scandale, c’est le capitalisme lui-même.

 

Mohamed Belaali

 

 

 

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17 novembre 2024 7 17 /11 /novembre /2024 09:25

 

Six ans déjà ! Le mouvement des Gilets jaunes a surgi sur la scène politique française le 17 novembre 2018. Il est né et s'est développé en dehors de toute organisation politique ou syndicale. Le mouvement est apparu au moment où le capitalisme semblait domestiquer les différentes organisations politiques et syndicales. En effet, les directions de ces organisations, à quelques exceptions près, semblaient dépassées et assistaient en spectatrices comme si elles n'étaient pas concernées par ce conflit ouvert. Car elles sont davantage dans un processus de "pacification et de régulation des conflits" que dans une stratégie de lutte de classe. Le combat des Gilets jaunes constitue, dans une certaine mesure, un refus et une révolte contre l'immobilisme des directions syndicales et politiques qui sont réduites à gérer avec le pouvoir le système en place alors même que la tendance générale du capitalisme n'est pas d'améliorer les conditions de celles et ceux qui produisent la richesse, mais à les dégrader.

Le mouvement des Gilets jaunes est d'abord la conséquence d'une situation économique et sociale désastreuse dans laquelle se trouvait et se trouve toujours une large frange de la population. C'était une révolte contre cette politique de paupérisation ultra-libérale menée tambour battant par les gouvernements successifs. Ils exprimaient le ras le bol général d'une majorité de la population face à la classe au pouvoir. Le mouvement fédérait en son sein les mécontents de tout bord. C'était inévitable dans un mouvement aussi large.

La radicalité du Mouvement n'était que le corollaire de la brutalité des politiques économiques et sociales imposées par la minorité d'exploiteurs à l'immense majorité de la population. C'est un rejet massif non seulement de ces politiques, mais aussi du président de la République serviteur zélé de la classe dominante. La force et l'originalité du mouvement des Gilets jaunes résidaient dans son existence même et dans sa longue et magnifique résistance à l'une des plus brutales et des plus féroces bourgeoisies au monde. Il est le produit authentique de la lutte des classes qui secouait la société française.

Dès les premières manifestations, les Gilets jaunes sont allés crier leur colère et leur indignation sur les lieux même du pouvoir. "Emmanuel Macron oh tête de c. on vient te chercher chez toi" chantaient à pleins poumons les Gilets jaunes. Leur combat ne se limitait donc pas seulement à des revendications immédiates mais s'attaquait aussi aux conditions dans lesquelles les injustices de classe se reproduisent. Les Gilets jaunes ont compris que derrière cette injustice et cette dégradation générale des conditions de vie que subissent les classes populaires, se cache la classe des oppresseurs qui a hissé brutalement Macron à la tête de l'Etat. "Macron, robin des rois", "président des riches" ou encore "Rends l’ISF d’abord !" clament les Gilets jaunes.

Effrayée par la détermination de ce mouvement populaire et par sa farouche volonté de ne plus s'inscrire dans le jeu du pouvoir, la classe dirigeante n'a pas hésité à mener une véritable guerre contre les Gilets jaunes. Même l'armée a été appelée à la rescousse. Car lorsque le conflit s'aiguise, la classe dominante n'a d'autres choix que d'utiliser la violence pour perpétuer sa domination. Et plus la lutte perdure et prend de l'ampleur, plus la répression devient intense et brutale : rien de plus normal dans une société fondée sur la lutte des classes. Le combat des Gilets jaunes a eu au moins le mérite de mettre en pleine lumière non seulement la brutalité de l’État, mais aussi les valeurs hypocrites de la république bourgeoise : État de droit, droits de l'homme, séparation des pouvoirs, liberté de s'exprimer, de manifester, de circuler et tutti quanti.

Pour briser le Mouvement des Gilets jaunes, la bourgeoisie française a mobilisé tout son appareil répressif, judiciaire et médiatique. Les Gilets jaunes sont probablement le Mouvement le plus réprimé dans l'histoire récente de la France. Les chiffres parlent d'eux-mêmes :

- 2 décès,

- 315 blessures à la tête,

- 24 éborgnés,

- 5 mains arrachées .

L'étude menée auprès des CHU de France et publiée dans la revue scientifique "The Lancet" montre une forte hausse du nombre de personnes éborgnées avec les LBD depuis la révolte des Gilets jaunes.

Le Ministère de l'intérieur compte, quant à lui, 2 448 blessés, 561 signalements déposés à l'IGPN, 313 enquêtes judiciaires de l'IGPN, 8 enquêtes administratives, 23 enquêtes judiciaires de l'IGGN, 180 enquêtes transmises au Parquet, 19 071 tirs de LBD, 1 428 tirs de grenades lacrymogènes instantanées, 5 420 tirs de grenades de désencerclement , 474 gendarmes blessés et 1 268 policiers blessés .

Cette violence d'Etat condamnée par le Défenseur des Droits , Amnesty International , l'ONU, le Parlement européen , le Conseil de le l'Europe reste impunie.

Le pouvoir n'a nullement le souci de la vie et de l'intégrité physique des révoltés, mais s'inquiète grandement des constructions, des bâtiments, "de la brique et du mortier" (1). Macron et son gouvernement considèrent que la violence et la brutalité utilisées contre les Gilets jaunes sont justes alors que la moindre vitrine cassée par les révoltés constitue par elle-même un crime.

A cette brutalité policière, s'ajoute une violence judiciaire inédite :

- Environ 11000 personnes placées en garde à vue.
- 4700 affaires ont fait l’objet de renvoi devant les tribunaux, dont un peu moins de la moitié dans le cadre d’une procédure de comparution immédiate.
- Un peu plus de 3000 condamnations ont déjà été prononcées. Un tiers de ces condamnations ont donné lieu à des peines d’emprisonnement ferme.
- Environ 440 mandats de dépôt ont été décernés (exécution d’une peine ou détention provisoire).

Une nouvelle loi est votée par le parlement le 12 mars 2019 qui se rajoute à l'arsenal juridique répressif qui existe déjà (lois antiterroristes, état d'urgence désormais inscrit dans le droit commun...). Mais cette fois elle ne concerne pas des terroristes mais des hommes et des femmes qui ont décidé de prendre leur destin en main, les Gilets jaunes. Il s'agit de la loi "anticasseurs" imposée par le pouvoir et qui constitue une attaque sans précédent contre le droit de manifester même si son article 3 a été censuré par le conseil constitutionnel.

Et comme si cette répression physique et judiciaire ne suffisait pas, la classe au pouvoir a utilisé une autre arme non moins violente que les LBD ou les condamnations à des peines d’emprisonnement ferme; il s'agit de la propagande médiatique pour stigmatiser et discréditer le mouvement aux yeux de "l'opinion publique" nationale et internationale. Président de la République, Gouvernement, journalistes, intellectuels, experts...défilent sur les plateaux de télévisions et les stations de radio pour déverser leur haine de classe : une "foule haineuse", des "bœufs", des "casseurs" des "nervis", des "salopards d’extrême droite et extrême gauche", des "fascistes", des "conspirationnistes", des "antisémites" etc. Certains comme Luc Ferry vont même jusqu'à appeler les forces de l'ordre et l'armée à se servir des armes : "qu’ils se servent de leurs armes une bonne fois ! […] On a la quatrième armée du monde, elle est capable de mettre fin à ces saloperies". Cela fait penser aux Versaillais qui voulaient à tout prix détruire les Communards !

Non satisfaits d'avoir éborgné, mutilé et stigmatisé les Gilets jaunes, Macron et son gouvernement ont exigé des médecins de les ficher lorsqu'ils arrivaient blessés aux urgences. La classe dirigeante voulait ainsi transformer les médecins en complices, en simples supplétifs de la police : le secret professionnel, la déontologie et l’éthique médicale n'ont de valeur que lorsqu'ils servent ses propres intérêts.

Partout on a interdit aux Gilets jaunes de manifester et notamment dans les centres-villes. Leurs ronds-points ont été souvent occupés par la police et leurs cabanes systématiquement détruites.

Mais malgré cette politique de terreur, les Gilets jaunes ont tenu longtemps tête au pouvoir. Aucun mouvement dans l'histoire récente de la France n'a mobilisé autant d'hommes et de femmes sur une aussi longue durée. Les Gilets jaunes étaient en quelque sorte comme ces plantes sauvages qui traversent les murs les plus solides. Toutefois, cette détermination et cette colère sont restées insuffisantes pour permettre le bouleversement radical de la société capitaliste. Le mouvement des Gilets jaunes ne pouvait le faire qu’en s’alliant avec la classe ouvrière, seule classe réellement révolutionnaire de par sa position dans le processus de production.

La lutte des Gilets jaunes dépassait le cadre étroit des revendications corporatistes. Elle s'inscrivait dans une perspective plus large, celle d'un combat politique de classe contre classe. Le mouvement des Gilets jaunes avait réveillé de profondes espérances, mais il n'a pas pu mener une résistance collective, structurée avec une direction consciente et déterminée.

Le mouvement des Gilets jaunes, malgré ses faiblesses et ses contradictions, restera un événement majeur dans cette lutte qui fait rage entre les dominants et les dominés. Il est entré dans l'histoire avec une aura qui lui est propre.

Il est grand temps que tous les exploités, tous les progressistes, tous les citoyens appauvris, méprisés se réveillent et préparent, dans des conditions nouvelles, de nouveaux combats contre les injustices de classe et la misère sociale.

 

Mohamed Belaali

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(1)K Marx : "Le Paris ouvrier, en accomplissant son propre, son héroïque holocauste, a entraîné dans les flammes des immeubles et des monuments. Alors qu'ils mettent en pièces le corps vivant du prolétariat, ses maîtres ne doivent plus compter rentrer triomphalement dans les murs intacts de leurs demeures. Le gouvernement de Versailles crie : Incendiaires ! (...) La bourgeoisie du monde entier qui contemple complaisamment le massacre en masse après la bataille, est convulsée d'horreur devant la profanation de la brique et du mortier!" Dans "La guerre civile en France". Editions sociales, p.84.

https://www.marxists.org/francais/ait/1871/05/km18710530d.ht

 

 

 

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15 novembre 2024 5 15 /11 /novembre /2024 16:07

Aujourd'hui vendredi 15 novembre 2024, la justice vient d'ordonner la libération du militant Georges Ibrahim Abdallah emprisonné depuis 1984 :  "Par décision en date du jour, le tribunal d'application des peines a admis Georges Ibrahim Abdallah au bénéfice de la libération conditionnelle à compter du 6 décembre prochain, subordonnée à la condition de quitter le territoire national et de ne plus y paraître"

"Ma libération est un détail. Face à la situation du monde, aux attaques répétées contre le droit des peuples et leur liberté" a déclaré Georges Abdallah.

Le Parquet national antiterroriste a annoncé faire appel de cette décision.

 

 

 

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