/image%2F1003671%2F20250426%2Fob_4c2dc4_chine-usa-4.jpg)
Le 1er. février 2025 c'est-à-dire quelques jours seulement après son investiture, Donald Trump a décidé de taxer les produits importés de Chine de 10%. Le 3 mars et le 2 avril, il impose de nouvelles taxes portant les droits de douane sur les importations chinoises à 54 % . Le 10 avril il décide finalement de les taxer à 145 % applicables immédiatement alors que les autres pays bénéficieront d’un délai de 90 jours et d’un tarif réciproque de 10 %. C'est sans précédent dans l'histoire récente du commerce international. Il s'agit d' une véritable guerre économique que livrent les Etats-Unis à la Chine. "La Chine est notre ennemi" disait Tump. Si les autres pays ont envoyé des délégations pour supplier Trump de revenir sur ses décisions, la Chine, elle, a riposté au coup pour coup taxant les produits américains de 125 %. Trump cherchera probablement à négocier les tarifs douaniers avec la Chine tellement les deux économies sont imbriquées l'une dans l'autre. Mais ce qui se joue entre les deux pays va bien au-delà d'un simple conflit commercial. Car les hostilités envers la Chine existent depuis la création de la République Populaire de Chine en 1949. Avec le triomphe de la révolution, les américains, rappelons-le, ont tout simplement rompu leurs relations avec la Chine de Mao Zedong. Malgré des périodes de relative "entente" et de collaboration économique, les tensions et les rivalités entre Washington et Pékin n'ont pour ainsi dire jamais cessées. Cet antagonisme constant qui caractérise les relations entre les deux puissances et qui structure désormais l'ordre mondial, s'explique par la farouche volonté des américains d'empêcher la Chine d'accéder au rang de première puissance mondiale. Pour les Etats-Unis, la Chine est la seule nation capable de remettre en cause leur hégémonie et leur suprématie. La Chine est "le seul concurrent potentiellement capable de combiner puissance économique, diplomatique, militaire et technologique pour défier de manière soutenue un système international stable et ouvert" peut-on lire dans le "Guide stratégique provisoire sur la sécurité nationale" de l'administration Biden. Les américains savent que la Chine est une puissance montante et devient surtout de plus en plus hors de leur contrôle. Son importance démographique, son potentiel économique et son influence diplomatique grandissante à travers le monde sont redoutés au plus haut degré par la classe dirigeante américaine. La menace chinoise est perçue par les Etats-Unis comme un défi existentiel à leur hégémonie. En effet, si l'Amérique reste encore la première puissance mondiale, leur leadership est remis en cause par le développement rapide de la Chine essentiellement dans les domaines technologique, monétaire et militaire. Ainsi une lutte implacable est menée sans répit par les deux superpuissances pour le contrôle des technologies les plus avancées, pour l'hégémonie monétaire et pour la suprématie militaire. Dans le domaine de l'intelligence artificielle (IA) par exemple, les démocrates comme les républicains (toujours d'accord quand il s'agit de la Chine) ainsi que les dirigeants des multinationales du numérique se réunissent régulièrement dans le cadre de la "Commission nationale de sécurité sur l'intelligence artificielle" pour fournir des éléments d'analyse au président afin de maintenir l'avance technologique américaine : "Au cours de la prochaine décennie, la Chine pourrait dépasser les Etats-Unis en tant que première puissance mondiale de l'intelligence artificielle" disait le rapport de cette commission publié récemment (1). Les Etats-Unis sont conscients que le pays qui marquera des progrès significatifs dans le domaine de l'intelligence artificIelle, occupera la position dominante dans tous les autres domaines. Car cette technologie a cette spécificité et cette capacité à impacter, à entraîner et à dynamiser l'ensemble de l'économie. L'IA, technologie d'avenir à usages multiples, est devenue un enjeu majeur dans cette guerre à la puissance que se livrent les deux pays. Pour faire face à la puissance américaine dans ce domaine, la Chine ambitionne, à travers son plan élaboré en 2017, de devenir le leader mondial de l'IA d'ici 2030. En attendant, le 20 janvier 2025, date de l'investiture de Donald Trump, l’entreprise chinoise DeepSeek a annoncé la sortie de son modèle d’intelligence artificielle DeepSeek-R1 avec une source ouverte et un budget limité, provoquant la panique sur les marchés financiers et à Wall Street. "J’espère que le lancement de DeepSeek par une société chinoise sera un avertissement pour nos industriels et leur rappellera qu’il faut rester très concentrés sur la concurrence pour gagner" alertait de son côté le président américain qui a annoncé dans la foulée le projet "Stargate" de 500 milliards de dollards d'investissements sur quatre ans pour soutenir le développement de l'IA.
Par ailleurs, la Chine dispose d'une longueur d'avance sur les Etats-Unis dans le domaine de la construction automobile. En effet, comme l'écrit le New York Times, la Chine possède "une armée de robots alimentés par l'intelligence artificielle qui ont révolutionné la fabrication".
Dans le domaine des télécoms, les Etats-Unis ont tout simplement banni sur leur sol une demi-douzaine d'entreprises chinoises dont Huawei qui se distingue par son savoir-faire en avance sur celui des américains notamment dans la technologie 5G.
Il serait toutefois réducteur de penser que la volonté des américains d'empêcher la Chine de devenir la première puissance mondiale se limite au domaine de la technologie et de l'intelligence artificielle. La nouvelle guerre froide entre les deux pays ambrasse tous les domaines. Ainsi, l'hégémonie monétaire américaine, sa domination de l'économie mondiale par le dollar sont également contestées par la République Populaire. Pour l'instant le système monétaire international organisé autour du dollar n'est pas menacé. Mais les Etats-Unis redoutent que leur monnaie ne soit, à moyen terme, évincée par la monnaie chinoise comme le dollar avait évincé la livre britannique. Ils constatent déjà que la Chine utilise de plus en plus sa propre monnaie au lieu du dollar dans ses échanges avec le reste du monde. En 2023, le renminbi représentait 48,4 % dans le règlement du commerce extérieur de la Chine. Précisons que la République Populaire est le premier exportateur mondial et le principal partenaire commercial de près de 80 pays contre seulement une trentaine pour les Etats-Unis (2). L'Arabie Saoudite, les Emirats arabes unis et l'Irak acceptent désormais d'être payés en yuans, l'autre nom de la monnaie chinoise, pour le pétrole et le gaz. On parle de plus en plus des pétroyuans comme alternative aux pétrodollars. Même l'utilisation du dollar par le gouvernement américain comme arme contre les pays, les banques et les entreprises qui sont réfractaires à sa politique hégémonique, bénéficie au renminbi chinois. Les Etats-Unis possèdent en effet un pouvoir extraordinaire qui leur permet de sanctionner à l'extérieur de leur territoire tous les utilisateurs de leur monnaie. Cette extraterritorialité du dollar est source de vulnérabilité et porte gravement atteinte à la souverainté des pays concernés. La Russie, l'Iran, la Turquie, le Venezuela, l'Afrique du Sud, le Pakistan, le Brésil, entre autres pays touchés par les sanctions américaines, cherchent des alternatives au dollar pour contourner cet abus de la part des Etats-Unis. La dédollarisation et l'utilisation du renminbi chinois sont des options qui leur permettent d'échapper au moins partiellement à cette dépendance au dollar. Précisons aussi que 20% des échanges de la France avec la Chine se font avec le yuan. Par ailleurs, les sanctions financières américaines et européennes après l'invasion de l'Ukraine ont permis à la Russie d'accélérer l'utilisation du yuan dans ses échanges extérieurs. 53 % des transactions de la Russie sous sanctions occidentales avec le monde extérieur ont été libellées en renminbi. Toutefois malgré l'importance des transactions internationales en renminbi, le dollar reste largement la monnaie dominante dans les échanges mondiaux. Mais La dynamique de l'internationalisation du yuan est en marche. C'est un processus irrésistible qui aboutira probablement non pas au remplacement d'une monnaie hégémonique par une autre, mais par la mise en place d'un nouvel ordre monétaire multipolaire.
Les américains s'inquiètent également de la montée en puissance militaire de la Chine qu'ils considèrent comme un défi majeur à leur hégémonie. Même si les Etats-Unis restent la première puissance militaire mondiale avec un budget trois fois supérieur à celui de la Chine, ses 750 bases militaires à l'étranger et ses 5000 ogives nucléaires, ils redoutent quand même la menace militaire chinoise. Ils savent que seule la Chine est capable de leur contester leur supériorité militaire.
L'amiral Phil Davidson écrivait en 2018 "Le futur m'inquiète de plus en plus. La Chine a connu une modernisation militaire rapide; nul ne peut plus garantir que les Etats-Unis gagneraient un futur conflit avec la Chine" (3). Un rapport des services de renseignement américains publié le 25 mars 2025, affirme clairement que " La Chine présente la menace militaire la plus complète et la plus forte pour la sécurité nationale". Il est vrai que l'expansion des capacités militaires chinoises sont impressionnantes. La construction navale chinoise est environ 200 fois plus grande que celle des États-Unis." " La Chine développe son arsenal nucléaire plus rapidement que n’importe quel autre pays" nous dit le SIPRI. Cette dynamique extraordinaire des capacités militaires chinoises fait planer une menace directe sur la sécurité américaine. Dans ces conditions, les Etats-Unis sont de plus en plus attirés par le recours à la force. On peut supposer que les machines de guerre américaines et chinoises sont amenées à se développer à l'avenir menaçant ainsi la paix mondiale.
Les américains, en fait, n'ont jamais supporté la révolution chinoise de 1949 perçue comme un danger existentiel pour leur suprématie. Depuis cette date, les affrontements, ouverts ou dissimulés, entre les deux puissances n'ont jamais cessé. Ils se manifestent par des guerres commerciales totales, des luttes sans répit pour le contrôle et la maîtrise des nouvelles technologies et par une course effrénée aux armements. Les américains sont déterminés à maintenir, vaille que vaille, leur hégémonie sur l'ensemble de la planète. la Chine, persuadée de la supériorité de son modèle économique et politique, est convaincue de pouvoir renverser l'ordre international dominé par les Etats-Unis. Les américains se rendent compte de plus en plus que la Chine, cette "Grande Muraille", est en train de modifier en sa faveur les rapports de force. Cette situation pousse les Etats-Unis à concentrer leurs efforts militaires sur la Chine. Le niveau de leurs dépenses militaires est impressionnant. Ces dépenses sont d'autant plus importantes que les Etats-Unis ont mis fin à leur présence, très coûteuse, en Afghanistan, en Irak, en Syrie et leur probable désengagement de l'Ukraine. Sachant que la Chine est hautement militarisée, une confrontation directe entre les deux puissances nucléaires pourrait entraîner des conséquences incontrôlables et catastrophiques non seulement pour les deux pays, mais aussi pour le reste du monde. Si un conflit armé est peu probable grâce à ce que les stratèges militaires appellent "l'équilibre de la terreur", le statu quo reste de moins en moins tenable pour les Etats-Unis.
Mohamed Belaal
------------------------
(1)Benjamin Bürbaumer "Chine/Etats-Unis, le capitalisme contre la mondialisation." La Découverte, pag 147.
(2)Benjamin Bürbaumer "Chine/Etats-Unis, le capitalisme contre la mondialisation."
(3) Op,cit. p. 284.