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17 octobre 2024 4 17 /10 /octobre /2024 16:59

Le 17 octobre 1961 l'Etat français, à travers sa police, massacrait en plein Paris des centaines de travailleurs algériens qui manifestaient dignement et pacifiquement contre le couvre-feu raciste qu'on leur imposait. Une folie coloniale de plus.

"Il est conseillé de la façon la plus pressante aux travailleurs algériens de s'abstenir de circuler la nuit dans les rues de Paris et de la banlieue parisienne" écrivait Maurice Papon préfet de police de Paris. Les ouvriers algériens et leurs familles ont décidé, vaille que vaille, de manifester dans la capitale coloniale. C'est leur manière de contribuer à l'édification de la nouvelle nation algérienne.

La police a tiré sur la foule. Des manifestants ont été jetés dans la Seine qui a, des jours durant, charrié leurs cadavres. Les blessés ont été emmenés sans ménagement au Palais des sports et au Stade Pierre-de-Coubertin comme au Stade de Santiago de Chili en 1973 où l'on entassait les opposants au général Pinochet.

17 octobre 1961, c'est peut-être le plus grand massacre d'ouvriers après la Commune de Paris.

Un lourd silence s'est alors abattu sur ce crime d'Etat. Livres, témoignages, films, reportages, documents historiques, dossiers de presse, archives etc. pendant des décennies ont été saisis et interdits. La radio et la télévision ont été bridées. La mémoire du 17 octobre a été occultée pour mieux refouler l'ensemble des crimes coloniaux.

Il faut peut-être beaucoup de temps pour que la bourgeoisie française, responsable de ce massacre, ose montrer son visage hideux. Comme disait Frantz Fanon dans Les damnés de la terre, cette bourgeoisie qui aime tant parler de l'homme et des droits de l'homme "tout en le massacrant partout où elle le rencontre, à tous les coins de ses propres rues, à tous les coins du monde".

Mohamed Belaali

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7 octobre 2024 1 07 /10 /octobre /2024 07:00

 

La folie génocidaire d'Israël est la conséquence directe du soutien inconditionnel des puissances occidentales oppressives comme les Etats-Unis et l'Europe. Israël, un État dirigé par un gouvernement d'extrémistes et de fanatiques, sème la mort à Gaza, en Cisjordanie, au Liban, en Syrie et un peu partout dans cette région tourmentée. Et rien ne semble pouvoir arrêter sa fureur sanglante. Pire, plus il y a de morts, d'estropiés, d'affamés, de déplacés, de disparus, de torturés, hommes, femmes et enfants et plus l'occident arme, finance, protège et encourage Israël à poursuivre son "travail". "Tout le monde serait bien content qu’Israël finisse le boulot" disait le grand-rabbin de France Haïm Korsia (1).

Cette négation totale de la vie humaine a permis la banalisation de la mort, mais aussi l'effondrement de toutes les valeurs dont l'occident capitaliste continue encore à se targuer. Ses droits de l'homme présentés comme une maxime inviolable sont désormais enfouis sous les cadavres et les décombres de Gaza et de Beyrouth. C'est au nom de ces mêmes droits que les pires atrocités sont commises. La facilité avec laquelle les dirigeants occidentaux, à quelques exceptions près, acceptent de se soumettre totalement et aveuglément à l’Etat d’Israël constitue en soi un véritable danger pour le monde. Israël continue à briser d'innombrables vies sans qu'aucune limite ni aucune ligne rouge ne lui soit tracée par les américains et derrière eux l'ensemble des pays occidentaux. Israël, un État sans véritable opposition interne ni réelle pression externe, peut ainsi en toute impunité exterminer tout un peuple, affamer toute une nation et envahir des pays souverains. Les digues du droit, de la morale etc. que l'occident croyait solides s'écroulent les unes après les autres comme un château de cartes. La "civilisation" occidentale reste bien compatible avec les plus barbares des crimes contre l'humanité. "C’est un choc entre ceux qui glorifient la mort et ceux qui sanctifient la vie (...) La victoire de la vie sur la mort, la victoire du bien sur le mal. Tel est notre engagement solennel" disait Netanyahou dans un discours orwellien très applaudi par le Congrès américain le 25 juillet 2024 (2).

Mais Israël peut utiliser toute sa puissance militaire, tout détruire, il ne peut jamais tuer la cause palestinienne qui remonte toujours à la surface parce qu'elle est juste. Après chaque guerre, chaque dévastation, chaque tuerie de masse, Israël trouve face à lui les palestiniens prêts à nouveau à se battre pour leur droit à une existence nationale. L'histoire de ce peuple qui renaît de ses cendres est à la fois tragique et grandiose. Un peuple dont le nom évoque irrésistiblement les massacres les plus horribles du XX et du XXI siècles. Depuis sa création en 1948, Israël a mené plusieurs guerres contre les palestiniens, assassiné leurs dirigeants, multiplié les colonies, occupé quasiment toute la Palestine, mais il n'a jamais réussi à liquider la question nationale palestinienne. Malgré plus de trois quarts de siècle d'occupation, de massacres, de nettoyage ethnique et de déportation, les palestiniens sont toujours là. Leur détermination à vouloir vivre en paix sur leur terre reste totale. Chaque parcelle volée de cette terre palestinienne, chaque enfant, chaque femme, chaque homme tué, chaque maison détruite sont gravés dans leur mémoire collective blessée. Les poètes, mieux que quiconque peut-être, savent traduire cet attachement indéfectible à la terre et à la vie comme l'écrivait le poète palestinien Tawfik Zayyad :

Je graverai le numéro de chaque parcelle

de notre terre violée

et l’emplacement de notre village et ses limites

et ses maisons qu’ils ont dynamitées

et mes arbres qu’ils ont déracinés

et toutes les fleurs sauvages qu’ils ont arrachées

afin de me souvenir (3).

 

Mohamed Belaali

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(1)https://ujfp.org/apologie-de-genocide-lunion-juive-francaise-pour-la-paix-soutient-laction-introduite-contre-le-grand-rabbin-de-france-haim-korsia/

(2)https://fr.timesofisrael.com/texte-integral-de-lallocution-de-benjamin-netanyahu-devant-le-congres/

(3)https://www.belaali.com/2022/05/un-poete-palestinien-tawfik-zayyad.html

 

 

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10 septembre 2024 2 10 /09 /septembre /2024 06:57

 

 

Les Etats-Unis vont commémorer la tragédie du 11 septembre 2001 qui a coûté la vie à 3000 victimes. S'il faut bien évidemment parler du 11 septembre 2001 et dénoncer le massacre des innocents, il faut parler aussi du 11 septembre 1973 et rappeler, cinquante et un ans après, le rôle décisif des américains et de la bourgeoisie chilienne dans le coup d'Etat du général Pinochet qui a installé l'une des plus féroces et des plus cruelles dictatures au monde.

Mais on ne peut parler de la dictature de Pinochet sans évoquer le socialisme à la chilienne de Salvador Allende. Les deux hommes symbolisent deux modèles de société diamétralement opposés.

Allende était un révolutionnaire particulier. Il voulait réaliser le socialisme non pas par une révolution violente, mais d'une manière pacifique, par les urnes.

Le 3 novembre 1970, il gagne les élections et devient président de la République du Chili. Mais Salvador Allende n'est resté au pouvoir que trois ans. Il n'a pas pu réaliser "la voie chilienne vers le socialisme". En effet, le 11 septembre 1973, le général Augusto Pinochet, avec l'aide des Etats-Unis, met un terme par la violence à cette expérience du passage pacifique au socialisme. Le rêve "d'el compañero presidente" est brisé par la force brutale de la junte militaire.

Le général Pinochet prend le pouvoir. La dictature militaire remplace le socialisme démocratique. Assassinats, exécutions sans sommation, tortures ... sont devenus des pratiques quotidiennes. Les prisons et les commissariats sont débordés. Le Stade national de Santiago est transformé en centre de détention de masse. On y entasse des hommes et des femmes amenés des quartiers populaires par des bus et des camions militaires des semaines durant. C'est dans ce stade également que les militaires ont fait taire définitivement le chanteur Victor Jara : "Criblé de balles, les mains non pas tranchées mais broyées" écrivait sa femme dans "Victor Jara, un chant inachevé". La dictature a laissé derrière elle des milliers de morts, de disparus, d'exilés et de torturés.

Sur le plan économique, aidée par les "Chicago boys" disciples de Milton Friedman, la dictature a imposé une marchandisation totale de toutes les dimensions de la vie : la santé, l'éducation, l'électricité, l'eau, la mer, les communications etc. sont livrées au libre jeu du marché dominé par les multinationales américaines. Dictature, marché et capitalisme vont de pair. Le Chili est ainsi devenu le laboratoire des politiques néolibérales qui vont se généraliser un peu partout à travers la planète. Aujourd'hui en France, Macron poursuit avec un zèle très singulier ces mêmes politiques. Sur ce point précis, on peut dire qu'il est le digne successeur de Pinochet.

Fidèle à ses convictions, Allende a préféré mourir dignement que de se rendre à la junte militaire. Dans ses derniers moments, il s'adresse à son peuple : "Je paierai de ma vie la défense des principes qui sont chers à cette patrie (...) L’Histoire est à nous, c’est le Peuple qui la fait".

Le général Pinochet est mort paisiblement sur son lit d'hôpital militaire protégé par les Etats-Unis qui vont célébrer le 11 septembre...2001.

 

Mohamed Belaali

 

 

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28 août 2024 3 28 /08 /août /2024 07:35

Quiconque s'intéresse un tant soit peu à la situation au Proche-Orient remarquera le silence assourdissant des régimes arabes face au génocide en cours à Gaza. Pourtant les vingt-deux pays de la Ligue arabe se sont réunis à plusieurs reprises depuis le 7 octobre 2024 avec à la fin de chaque réunion des formules toutes faites sur la condamnation d'Israël et les droits des palestiniens. Aucune action ni décision sérieuse n'est décidée : ni rupture diplomatique avec Israël, ni embargo pétrolier comme en 1973, ni remise en cause des accords d'Abraham, ni sanctions économiques, ni à fortiori une quelconque aide militaire aux palestiniens. Rien. Pire, ces régimes ont même mobilisé leurs capacités militaires pour intercepter les drones iraniens et contourner le blocus de la mer Rouge imposé par les attaques des milices Houtis aux navires israéliens. Dernièrement, l'Egypte a accepté le contrôle par l'armée israélienne de la frontière entre l'Egypte et Gaza en échange de la réouverture du passage de Rafah (1). Précisons que l'Egypte avait verrouillé hermétiquement sa frontière avec Gaza en étroite collaboration avec Israël aggravant du même coup la catastrophe humanitaire que subissent les palestiniens. Par ailleurs cinq ports maritimes égyptiens sont devenus des stations importantes pour les navires israéliens transportant des marchandises à destination et en provenance d'Israël pendant que l'Etat sioniste poursuit quant à lui son blocus maritime, aérien et terrestre de Gaza (2). Toujours en Egypte, le Maréchal Al-Sissi avait organisé au Caire une manifestation de soutien aux palestiniens, sauf que les manifestants se sont écartés de l'itinéraire officiel et se sont dirigés vers la place Tahrir symbole du soulèvement populaire de 2011 en scandant des slogans hostiles au régime (Voir la vidéo ici). Depuis, le pouvoir a tout simplement interdit toute manifestation de solidarité avec le peuple palestinien. Elle est bien loin l'époque où l'Egypte guidée par Nasser tentait d'inclure les palestiniens dans une paix durable avec Israël. Il pensait que la réalisation de cet objectif passait nécessairement par l'unité de tous les pays arabes. Nasser malgré ses défaillances, ses contradictions et malgré la défaite de 1967, incarnait plus que tout autre dirigeant arabe les aspirations les plus profondes du peuple palestinien. Malade, épuisé, il meurt le 28 septembre 1970 d'une crise cardiaque juste après avoir raccompagné un de ses hôtes à l'aéroport à la fin d'un sommet arabe extraordinaire qu'il tenait à organiser au Caire pour justement sauver la résistance palestinienne de l'offensive générale déclenchée contre elle par le roi de Jordanie (septembre noir). Avec la mort de Nasser la cause palestinienne a perdu son plus authentique défenseur. "Nasser fut pour nous tous un père et un guide, même s'il lui arrivait de se tromper. Patriote, il servait le peuple égyptien; nationaliste arabe, il fournit une aide inappréciable au peuple palestinien. Il nous aimait sincèrement" disait un ancien dirigeant palestinien (3).

En dehors de l'Egypte de Nasser et dans une moindre mesure de l'Algérie notamment celle d'avant 1965, les autres Etats arabes ont toujours utilisé la Palestine uniquement pour servir leurs propres intérêts ou plus précisément les intérêts de la classe au pouvoir. Déjà sous le mandat britannique, les dirigeants arabes de l'époque qui n'étaient pas sous la domination coloniale, complotaient et manœuvraient contre les premières révoltes palestiniennes pour ne pas se mettre à dos la puissance mandataire. Leur trahison ne date pas d'aujourd'hui. Et leur responsabilité dans le drame palestinien est grande comme le soulignait l'ancienne ambassadrice de la Palestine auprès de l'Union européenne, Leïla Shahid : "Force est d’admettre que, dans l’échec de la reconnaissance du droit des Palestiniens à leur terre et à la création de leur État, la responsabilité de ces États arabes est grande" (4). Aujourd'hui, les régimes arabes utilisent la cause palestinienne comme soupape de sécurité contre les mécontentements et les colères populaires. C'est dans ce cadre que ces régimes permettaient voire encourageaient les manifestations de masse, subventionnaient des associations, des ONG et facilitaient même l'expression culturelle en faveur de la Palestine. En même temps, ils interdisaient et réprimaient parfois dans le sang toute contestation de leur politique intérieure.

Mais depuis le soulèvement populaire de 2011 dans le monde arabe et le triomphe donc de la contre- révolution menée par l'Arabie Saoudite et les pays du Golfe, ces régimes ne sentent plus le besoin d'instrumentaliser la Palestine pour perpétuer leur pouvoir et leurs privilèges. L'écrasement du "printemps arabe" et le coup d'Etat du maréchal Al-Sissi en 2013 ont permis à ces pays de s'aligner totalement sur la stratégie américaine pour le Moyen-Orient dont Israël reste la clef de voûte. En même temps, l'Arabie et les Emirats arabes unis s'activaient pour créer un climat propice à la "normalisation" des relations entre les pays arabes et Israël au mépris de la volonté des peuples concernés. Les premiers pas de cette "normalisation" prenaient souvent la forme de rencontres sportives, culturelles et de visites réciproques des personnalités politiques et militaires. Dans la presse et les manuels scolaires de l'Arabie Saoudite par exemple, le discours anti-israélien et la carte de la Palestine ont disparu à la grande satisfaction d'Israël (5). Et c'est Benyamin Netanyahou lui-même qui disait que "Les pays arabes de la région ne voient plus Israël comme un ennemi mais, de plus en plus, comme un allié" (6).

Ce processus s'est poursuivi par la signature en septembre 2020, sous la houlette de Donald Trump, des accords d'Abraham entre Israël, les Emirats et Bahreïn pour marginaliser un peu plus la cause palestinienne. Par la suite, le Maroc et le Soudan ont à leur tour signé ces accords "de normalisation" avec l'Etat hébreu. La cause palestinienne est ainsi renvoyée par ces régimes aux calendes grecques.

Mais cette farouche volonté commune d'Israël et des régimes arabes n'a pas réussi à faire disparaître pour autant la question palestinienne qui reste inscrite dans la réalité. Les palestiniens sont bel et bien là dans les camps de concentration à Gaza, en Cisjordanie, à Jérusalem et des générations entières de réfugiés ne voient toujours pas la fin de leur exil forcé. L'attaque du 7 octobre 2023 et le génocide en cours sont venus rappeler violemment cette réalité au monde entier à commencer par ces régimes arabes qui pensaient avoir enterré la cause palestinienne. Depuis cette date, les peuples arabes, pour qui la cause palestinienne est une cause nationale, sont en effervescence malgré la répression et les interdits mettant ces régimes dans une situation intenable à long terme. Les mobilisations de masse en solidarité avec les palestiniens sont aussi des manifestations contre les régimes en place. L'écart entre ces régimes et leurs peuples n'a jamais été aussi profond qu'aujourd'hui.

La Palestine occupait et occupera toujours une place centrale dans la conscience collective des peuples arabes. Elle reste le symbole de la résistance et de la lutte anticoloniale. Les jeunes générations, témoins du génocide à Gaza, n'oublieront pas et ne pardonneront pas cette nouvelle trahison de leurs dirigeants et la moindre étincelle risque d'embraser, comme en 2011, toute la région.

 

Mohamed Belaali

 

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(1)https://www.middleeasteye.net/news/egypt-agrees-israeli-control-gaza-border-return-rafah-reopening

(2)https://www.middleeasteye.net/news/egypt-ports-become-key-supply-points-israel-gaza-war

(3)Lotfallah Soliman. "Pour une histoire profane de la palestine". Edition La Découverte. Page 189)

(4)https://shs.cairn.info/revue-herodote-2016-1-page-273?lang=fr

(5)https://fr.timesofisrael.com/larabie-saoudite-supprime-de-plus-en-plus-les-contenus-anti-israel-des-manuels-scolaires/#:~:text=Ainsi%2C%20les%20manuels%20publi%C3%A9s%20pour,lucratif%20IMPACT%2Dse%2C%20qui%20examine

(6)https://www.lorientlejour.com/article/1059016/quel-rapprochement-possible-entre-israel-larabie-saoudite-et-abou-dhabi-.html

 

 

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16 août 2024 5 16 /08 /août /2024 07:04

 

Le 24 juillet 2024 le premier ministre israélien Benjamin Netanyahou a reçu devant les deux chambres réunies du Congrès américain plusieurs ovations debout tout le long de son discours.

Même dans son propre pays, où il est plutôt contesté, Netanyahou ne pouvait rêver d' un tel accueil. Il n' y a qu'un seul pays au monde où le dirigeant israélien est accueilli et salué avec autant d'égards et d'honneurs. Il s'agit des États-Unis. Aucun autre dirigeant étranger dans l'histoire récente de ce pays n'a été aussi considéré et acclamé comme le premier ministre israélien.

Pourtant Netanyahou, son gouvernement et son armée sont en train de mener une véritable guerre d'extermination. Les chiffres parlent d'eux-mêmes : 40 000 morts déjà en dix mois seulement dont la moitié sont des femmes et des enfants selon le ministère de la Santé à Gaza. Et ce nombre augmente sans cesse. Pour la revue médicale britannique de référence The Lancet, ce bilan est largement sous-estimé. Elle avance le chiffre de 186 000 victimes directes et indirectes (1).

La Cour internationale de justice (CIJ) dans son ordonnance du 26 janvier 2024 reconnaît de son côté un risque de génocide à Gaza (2). Mais Netanyahou dans son discours devant le Congrès, affirmait sans vergogne : "la guerre à Gaza présente l’un des taux les plus faibles de pertes entre combattants et non-combattants de l’histoire des guerres urbaines. (...) La semaine dernière, je me suis rendu à Rafah. J’ai demandé au commandant sur place : « Combien de civils ont été tués ? » Il m’a répondu : « Premier ministre, pratiquement aucun. À l’exception d’un seul incident, où des éclats d’une bombe ont touché un dépôt d’armes du Hamas et tué involontairement deux dizaines de personnes, la réponse est pratiquement aucune»" (3).

Et c'est contre ce même Netanyahou que la Cour pénale internationale (CPI) a lancé un mandat d'arrêt pour les crimes de guerre et les crimes contre l’humanité commis dans la bande de Gaza. Parmi ces crimes, la Cour cite : "Le fait d’affamer délibérément des civils comme méthode de guerre en tant que crime de guerre, en violation de l’article 8-2-b xxv du Statut" (4) . Or toujours dans son discours très applaudi par les deux chambres du parlement américain, Netanyahu déclarait : "le procureur de la Cour pénale internationale a honteusement accusé Israël d’avoir délibérément affamé la population de Gaza. C’est un non-sens total. Il s’agit d’une pure affabulation. Israël a permis à plus de 40 000 camions d’aide d’entrer à Gaza. Cela représente un demi-million de tonnes de nourriture, soit plus de 3 000 calories pour chaque homme, femme et enfant de Gaza. Si des Palestiniens de Gaza ne reçoivent pas assez de nourriture, ce n’est pas parce qu’Israël la bloque, c’est parce que le Hamas la vole" (5).

Netanyahu ne s'est pas contenté de commettre un génocide, il a détruit quasiment toutes les écoles, les universités, les mosquées et les hôpitaux de Gaza qui servaient d'abris à une population rendue sans abri. Aujourd'hui selon l'Office de secours et de travaux des Nations unies pour les réfugiés de Palestine (UNRWA), Gaza est devenue un champ de ruines où les familles palestiniennes luttent pour la survie dans des conditions inhumaines.

Toutefois, cette moderne barbarie est d'abord le fait des Etats-Unis. Netanyahu est leur pure créature même si Israël est un produit du colonialisme britannique. Sa cruauté et sa sauvagerie n'ont rien à envier à celles de ses maîtres américains qui l'ont façonné à leur image. Les massacres de civils sans défense, vite transformés en acte d'héroïsme, sont encensés et acclamés au Congrès. Il faut dire que les Etats-Unis ont une longue et terrible tradition dans l'oppression et l'asservissement des peuples. Poussé par la recherche effrénée du profit, l'impérialisme américain tente de soumettre tous les peuples de la planète. L'histoire des Etats-Unis n'est en dernière analyse que pillage des richesses des nations par la violence, caractéristique fondamentale du capitalisme. Ils ont mené des guerres dans la péninsule coréenne, au Vietnam, en Syrie, au Yémen, au Panama et en Somalie. L'Amérique a ravagé et détruit des nations et des pays entiers comme l'Afghanistan, la Yougoslavie, l'Irak et la Lybie. Elle impose à tous les pays qui refusent son hégémonie et son despotisme, des embargos et des sanctions les plus violents et les plus inhumains (Cuba, Venezuela, Iran, Irak...). Aujourd'hui, les Etats-Unis grâce à leur supériorité militaire et leur bras armé l'OTAN (Organisation du Traité de l’Atlantique Nord) vont jusqu'à menacer les intérêts vitaux des puissances comme la Chine et la Russie (Taïwan, Ukraine).

L'occupation israélienne de la terre palestinienne et le génocide en cours à Gaza font partie intégrante de ce processus d'expansion américaine pour dominer par la violence les autres peuples de la planète. Israël est au cœur de cet ordre néocolonial américain. La guerre menée conjointement par l'Etat sioniste et les Etats-Unis contre les palestiniens et les peuples de la région est une guerre impérialiste et non comme le prétendait Netanyahu dans son discours devant le Congrès "'un choc entre la barbarie et la civilisation" (6). Car l'Etat sioniste est la base avancée des Etats-Unis dans une région qui constitue encore aujourd'hui le plus grand réservoir de pétrole du monde. Le général américain Alexander Haig disait :"Israël est le plus grand porte-avions de l'Amérique, il est insubmersible, il ne transporte aucun soldat américain et il est situé dans une région cruciale pour la sécurité nationale des États-Unis" (7). Il n'est pas étonnant dans ces conditions qu'Israël reste le pays au monde qui reçoit le plus d'aide américaine. Et si l'Etat sioniste se permet aujourd'hui de mépriser tous les peuples de la planète, de défier toutes les institutions internationales, d'être au-dessus des lois et des résolutions des Nations Unies, c'est uniquement grâce aux Etats-Unis. Et c'est Joe Biden qui disait récemment à Tel Aviv : "Je le dis depuis longtemps : si Israël n’existait pas, il faudrait l’inventer" (8).

Netanyahou sait qu'il peut compter sur l'Amérique pour obtenir les moyens nécessaires pour achever en toute quiétude "le travail" qu'il a commencé en octobre 2023 à Gaza. Avant la fin de son discours, il a lancé un appel pressant aux parlementaires américains : " Donnez-nous les outils plus rapidement, et nous finirons le travail plus rapidement" (9).

Il semble que son appel a été entendu. Juste après son retour en Israël, Netanyahou fort des encouragements du Congrès a non seulement poursuivi ses massacres dans la bande Gaza, mais il a ordonné de surcroît des attaques ciblées au Liban et en Iran.

L'un des pires massacres a été commis le 10 août 2024 à l'école Tabeen à Gaza (voir la vidéo ici ) (10). Chaque jour ou presque on compte de nouveaux morts. Aucune limite n'a donc été tracée par l'administration américaine à sa volonté d'exterminer les palestiniens et d'étendre la guerre à toute la région. Bien au contraire, les Etats-Unis ont même déployé un sous-marin nucléaire (USS Georgia) et un porte-avion (USS Abraham Lincoln) au Moyen-Orient qui se rajoutent aux autres navires de guerre envoyés fin juillet en Méditerranée (11). Le 13 août 2024, les américains ont approuvé une nouvelle série de vente d'armes à Israël d'un montant de 20 milliards de dollars (12).

"Nous nous battrons jusqu’à la victoire. La victoire de la liberté sur la tyrannie, la victoire de la vie sur la mort, la victoire du bien sur le mal. Tel est notre engagement solennel" disait Netanyahou devant les parlementaires américains toutes tendances confondues. Pour les palestiniens cela signifie concrètement encore d'insupportables souffrances et de morts. Pour les peuples de la région cela va se traduire également par davantage de destructions, de désolation et de déplacement de populations.

La volonté hégémonique implacable de la classe dirigeante américaine et la détermination de Netanyahou à vouloir exterminer les palestiniens, obstacle vivant à la réalisation du "Grand Israël", mettent à nouveau cette région tourmentée au bord de l'embrasement et menace du même coup la paix dans le monde. L'impérialisme et le sionisme se trouvent ainsi unis dans un même combat pour défendre leur "civilisation" commune : "Ensemble, nous défendrons notre civilisation commune. Ensemble, nous assurerons un avenir brillant à nos deux nations" déclarait Netanyahou devant le Congrès. Il a été ovationné.

 

Mohamed Belaali

 

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(1)https://www.thelancet.com/action/showPdf?pii=S0140-6736%2824%2901169-3

(2)https://www.icj-cij.org/fr/node/203447

(3) https://fr.timesofisrael.com/texte-integral-de-lallocution-de-benjamin-netanyahu-devant-le-congres/

(4)https://www.icc-cpi.int/fr/news/declaration-du-procureur-de-la-cpi-karim-aa-khan-kc-depot-de-requetes-aux-fins-de-delivrance

(5)https://fr.timesofisrael.com/texte-integral-de-lallocution-de-benjamin-netanyahu-devant-le-congres/

(6)Op.cit.

(7)https://www.bbc.com/afrique/articles/cn48gdqp3eqo#:~:text=Dans%20d'autres%20d%C3%A9clarations%2C%20Joe,%C3%A0%20coude%20avec%20les%20Isra%C3%A9liens%22

(8)https://www.state.gov/translations/french/allocution-du-president-biden-sur-les-attaques-terroristes-du-7-octobre-et-la-resilience-de-letat-disrael-et-de-son-peuple-tel-aviv-israel/

(9)Op.cit.

(10)https://www.theguardian.com/world/article/2024/aug/10/israel-strikes-on-gaza-school-site-kills-almost-100-palestinian-officials-say

(11)https://www.lorientlejour.com/article/1423492/washington-ordonne-lacceleration-du-deploiement-au-moyen-orient-dun-de-ses-porte-avions.html

(12)https://www.middleeasteye.net/news/us-approves-new-20-billion-worth-weapons-sales-israel

 

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15 juillet 2024 1 15 /07 /juillet /2024 07:14

Face à la barbarie du capitalisme qui est en train de détruire l'homme et la nature, l'appel de Marx à le renverser n'a jamais été aussi urgent qu'aujourd'hui. Tous les faits donnent raison à sa pensée révolutionnaire : crises à répétition, extermination des populations entières à travers la planète, menace réelle d'une guerre nucléaire, destruction systématique de notre planète, exploitation de plus en plus violente de la force de travail, richesses fabuleuses entre les mains de quelques uns et misère sordide pour tous ceux qui ne possèdent rien, etc. Derrière ce chaos destructeur et ce déchaînement infernal se cache cette recherche effrénée du profit. Face à ce constat et face également à cette débandade idéologique qui caractérise notre époque, la doctrine de Marx reste indispensable pour réveiller, éduquer, organiser et mobiliser les forces capables de faire éclater cette société et libérer les hommes de toutes les tares du capitalisme. Car il ne s'agit pas seulement d'améliorer la société actuelle, mais d'en préparer la naissance d'une nouvelle "Le libre développement de chacun est la condition du libre développement de tous" (*).

Mais si "la force matérielle ne peut être abattue que par la force matérielle", il n'en demeure pas moins que " la théorie se change, elle aussi, en force matérielle, dès qu'elle pénètre les masses. La théorie est capable de pénétrer les masses dès qu'elle procède par des démonstrations ad hominem, et elle fait des démonstrations ad hominem dès qu'elle devient radicale. Être radical, c'est prendre les choses par la racine". Le combat pour l'émancipation et pour "renverser toutes les conditions sociales où l'homme est un être abaissé, asservi, abandonné, méprisable" passe donc, en parallèle de la lutte économique et politique, par la lutte théorique. Car "sans théorie révolutionnaire, pas de mouvement révolutionnaire".

La bourgeoisie qui possède les moyens matériels de production, concentre également entre ses mains les moyens de production intellectuels : grands médias, réseaux socionumériques, influenceurs politiques, instituts de sondage, programmes scolaires et universitaires, industries culturelles, groupes de réflexion, institutions religieuses, techniques publicitaires, institutions internationales etc. etc. "Les pensées de la classe dominante, écrivaient Marx et Engels, sont aussi, à toutes les époques, les pensées dominantes, autrement dit la classe qui est la puissance matérielle dominante de la société est aussi la puissance dominante spirituelle. La classe qui dispose des moyens de la production matérielle dispose, du même coup, des moyens de la production intellectuelle, si bien que, l'un dans l'autre, les pensées de ceux à qui sont refusés les moyens de production intellectuelle sont soumises du même coup à cette classe dominante ".

Cette idéologie dominante qui sature l'espace public et privé, cherche à dissimuler la réalité de la violence des rapports sociaux pour mieux légitimer l'ordre établi. Elle façonne et conditionne notre manière de penser et d'agir. Elle fixe dans nos cerveaux des représentations dont le seul but est de consolider le système d'exploitation des uns par les autres. Il s'agit pour la bourgeoisie de désarmer et de priver la classe des travailleurs de ses instruments idéologiques qui lui permettent de résister et de lutter efficacement contre toute sorte de manipulation, d'exploitation et d'oppression.

Toutefois si le changement radical de la société est nécessaire et urgent, cela ne suffit évidemment pas à provoquer ce changement. Car la classe dirigeante qui possède tous les pouvoirs, ne recule devant aucun obstacle pour défendre et perpétuer son système. Les puissants ne renoncent jamais à leurs privilèges. Ils n'accordent jamais rien par générosité ou grandeur d'âme. Et lorsque les conflits s'aiguisent et la lutte prend de l'ampleur, cette minorité d'exploiteurs devient brutale, arrogante et odieuse. En France par exemple sa férocité envers les Gilets jaunes, le mouvement contre la "réforme" des retraites, les mobilisations contre les méga-bassines de Sainte Soline, la révolte des quartiers populaires restent à cet égard des exemples éloquents. Rien de plus normal dans une société fondée sur la lutte des classes : "L'histoire de toute société jusqu'à nos jours n'a été que l'histoire des luttes de classes". Toute l'histoire des classes dominantes n'a été que férocité et cruauté exercées sur les dominés pour se maintenir au pouvoir. Renverser la domination des oppresseurs pour une transformation radicale et qualitative de la société, ne peut donc résulter uniquement d’une simple perfection de la démocratie bourgeoise et de la conciliation des classes. L’entente des classes est une chimère, une rêverie produite et entretenue par les classes exploiteuses. Elle est contredite chaque jour dans les faits. L'histoire nous apprend que le passage d'un stade de développement à un autre qui lui est supérieur s'effectue dans la violence qui est la conséquence directe de la résistance des oppresseurs. "La violence, disait Marx, est l'accoucheuse de toute vieille société qui en porte une nouvelle dans ses flancs".

Même si de nos jours les conditions ne sont pas réunies, la destruction de fond en comble de ce système, ennemi de l'homme et de la nature, reste la seule et l'unique solution. Les obstacles immenses et innombrables qui se dressent face à ce changement ne sauraient effacer ni sa légitimité, ni sa nécessité. Sans un changement radical, point de salut !

Il est donc crucial de mener un combat au quotidien contre cette idéologie totalitaire qui paralyse la lutte des masses opprimées.

L'œuvre de Marx n'est pas un dogme, un catéchisme, mais un outil formidable de lutte contre un système qui échappe de plus en plus à la volonté des hommes : "la société bourgeoise moderne, qui a fait surgir de si puissants moyens de production et d'échange, ressemble au magicien qui ne sait plus dominer les puissances infernales qu'il a évoquées". Elle permet à ceux d'en bas, les exploités, les prolétaires, les esclaves modernes de prendre conscience de ce qu'ils sont réellement dans cette société, une simple marchandise qui s'achète et se vend sur le marché : "Ces ouvriers, contraints de se vendre au jour le jour, sont une marchandise, un article de commerce comme un autre".

La pensée révolutionnaire de Marx est en quelque sorte la lumière, le guide qui montre le chemin de la libération très obscurci par l'hégémonie idéologique de la classe dominante.

"Les prolétaires n'y ont rien à perdre que leurs chaînes. Ils ont un monde à y gagner".

 

Mohamed Belaali

 

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(*) https://www.marxists.org/francais/marx/works/1847/00/kmfe18470000b.htm

Toutes les citations de Marx sont extraites du site :

https://www.marxists.org/francais/marx/works.htm

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25 juin 2024 2 25 /06 /juin /2024 11:21

 

«Donne un cheval à celui qui dit la vérité; il en aura besoin pour s’enfuir».

Proverbe arabe

 

Julian Assange est enfin libre. Il vient de quitter le Royaume-Uni après avoir signé un accord avec le gouvernement américain pour plaider coupable. Il a évité ainsi l'extradition vers les Etats-Unis.

 

Mais il ne faut jamais oublier pourquoi il a été persécuté !

 

En révélant au monde entier les guerres génocidaires, les crimes, les massacres et les mensonges des pays impérialistes, Julian Assange savait qu'il mettait sa vie en danger. Il a ainsi dévoilé la nature profonde de ces pays. Toutes les guerres impérialistes par exemple ont été déclenchées sur la base de mensonges. Assange a osé dire la vérité. Or celle-ci est incompatible avec le fonctionnement même des sociétés capitalistes où le mensonge est érigé en principe sacré, en dogme. Toute profanation de cette règle constitue un sacrilège. Il faut laisser la population dans l'ignorance. Et comme disait Orwell dans 1984 «L'ignorance c'est la force» ! La propagande et l’endoctrinement permanents des citoyens remplacent l’information et le faux devient vrai. Les responsables de ce blasphème seront alors durement punis. Car dans cette société, les hérétiques n'ont pas leur place. Leur vérité constitue une offense, un affront et une insulte au discours mensonger dominant. Julian Assange doit être châtié, persécuté. L'obscurité du mensonge contre la lumière de la vérité. La guerre est donc déclarée contre cet homme. Pour les Etats-Unis, le Royaume-Uni et tous les autres pays capitalistes, Assange est l'homme à abattre. En 2010 par exemple, il a eu le courage de montrer au monde entier, à travers des centaines de milliers de documents classifiés de l'armée américaine, la réalité de l'invasion de l'Irak : crimes de guerre, massacres, tortures... la souffrance infligée à la population irakienne, réduite à vivre dans des conditions infra-humaines, donne la mesure de la cruauté dont les pays capitalistes sont capables (1). Les documents publiés par WikiLeaks donnent l'ampleur de cette tragédie irakienne : 109 032 victimes dont 60 % de civils (2). A l'époque, les médias aux ordres parlaient des «frappes chirurgicales» ! Et quel est le crime de chacune de ces victimes ? Selon Bush et Blair, l'Irak représente un véritable danger pour le monde. Il possède les armes de destruction massive et demeure le foyer mondial du terrorisme. Il faut donc sécuriser ce pays et apporter à sa population démocratie, liberté et prospérité. Des mensonges et toujours des mensonges ! Aujourd'hui, ces mêmes pays soutiennent militairement, financièrement et diplomatiquement Israël qui est en train de commettre depuis le 7 octobre 2023 l'un des pires génocides de l'histoire récente.

Le sort d'Assange n'aura probablement rien à envier à celui de l'autre lanceur d'alerte Chelsea Manning qui a « enduré de longues périodes d’isolement et de torture. Elle a tenté à deux reprises de se suicider en prison. Elle connaît par expérience douloureuse les innombrables façons dont le système peut vous briser psychologiquement et physiquement» (3).

Voilà ce que réservent les pays impérialistes à celles et ceux qui, au détriment de leur vie, osent dire la vérité aux citoyens en les informant sur les abus du pouvoir. Les pays capitalistes ne peuvent fonctionner que sur la base de mensonges, de propagande et de répression dans tous les domaines.

 

Mohamed Belaali

 

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(1)https://www.belaali.com/article-les-ravages-de-la-guerre-imperialiste-en-irak-48981793.html

(2)https://www.ojim.fr/portraits/julian-assange-master-hacker/

(3)https://www.legrandsoir.info/chelsea-manning-et-la-nouvelle-inquisition-truthdig.html

 

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20 mai 2024 1 20 /05 /mai /2024 07:27

 

Cette lettre, passée sous silence quasiment par tous les médias, est d'un courage, d'une sincérité et d'une lucidité rares chez les hauts fonctionnaires de ce rang. C'est plus qu'une lettre de démission, c'est une invitation à la réflexion et surtout à l'action contre la passivité et l'indifférence face à "l'horreur indescriptible". Elle reste, sept mois après sa publication le 28 octobre 2023, d'une tragique actualité.

 

 

 

"Monsieur le Haut Commissaire,

Ceci sera ma dernière communication officielle en tant que directeur du Bureau de New York du Haut Commissariat aux droits humains (OHCHR).

Je vous écris dans un moment de grande détresse pour le monde, y compris pour beaucoup de nos collègues. Une fois encore, nous assistons à un génocide qui se déroule sous nos yeux, et l’Organisation que nous servons semble impuissante à l’arrêter. En tant que personne ayant enquêté sur les droits humains en Palestine depuis les années 1980, ayant vécu à Gaza comme conseiller des Nations unies pour les droits humains dans les années 1990, et ayant effectué plusieurs missions de défense des droits humains dans le pays avant et depuis ces périodes, cette situation me touche personnellement.

C’est encore dans ces locaux de l’ONU que j’ai travaillé lors des génocides contre les Tutsis, les musulmans bosniaques, les Yazidis et les Rohingyas. Dans chaque cas, alors que la poussière était retombée sur les horreurs perpétrées contre des populations civiles sans défense, il devenait douloureusement évident que nous avions manqué à notre devoir de répondre aux impératifs de prévention des atrocités de masse, de protection des personnes vulnérables et d’obligation d’exiger que les auteurs de ces actes rendent des comptes. Il en a été de même avec les vagues successives de meurtres et de persécutions à l’encontre des Palestiniens, tout au long de l’existence des Nations unies.

Monsieur le Haut Commissaire, nous échouons à nouveau.

En tant que juriste spécialisé dans les droits humains, avec plus de trente ans d’expérience dans ce domaine, je sais bien que le concept de génocide a souvent fait l’objet d’exploitation politique abusive. Mais le massacre actuel du peuple palestinien, ancré dans une idéologie coloniale ethno-nationaliste, dans la continuité de décennies de persécution et d’épuration systématiques, entièrement fondé sur leur statut d’Arabes, et associé à des déclarations d’intention explicites des dirigeants du gouvernement et de l’armée israéliens, ne laisse aucune place au doute ou au débat. À Gaza, les habitations, les écoles, les églises, les mosquées et les établissements médicaux sont attaqués sans raison et des milliers de civils sont massacrés. En Cisjordanie, y compris à Jérusalem occupée, les maisons sont saisies et réattribuées en fonction uniquement de la race. Par ailleurs, de violents pogroms perpétrés par les colons sont accompagnés par des unités militaires israéliennes. Dans tout le pays, l’apartheid règne.

Il s’agit d’un cas d’école de génocide. Le projet colonial européen, ethno-nationaliste, de colonisation en Palestine est entré dans sa phase finale, vers la destruction accélérée des derniers vestiges de la vie palestinienne indigène en Palestine. Qui plus est, les gouvernements des États-Unis, du Royaume-Uni et d’une grande partie de l’Europe sont totalement complices de cet horrible assaut. Non seulement ces gouvernements refusent de remplir leurs obligations conventionnelles “d’assurer le respect” des conventions de Genève, mais ils arment activement l’offensive, fournissent un soutien économique, des renseignements, et couvrent politiquement et diplomatiquement les atrocités commises par Israël.

De concert avec tout cela, les médias corporatifs occidentaux, de plus en plus aux ordres des gouvernements, sont en totale rupture avec l’article 20 du PIDCP (ndt, Pacte international relatif aux droits civils et politiques adopté en 1966), déshumanisant les Palestiniens sans cesse pour justifier le génocide, et diffusant la propagande guerrière et les appels à la haine nationale, raciale ou religieuse qui constituent une incitation à la discrimination, à l’hostilité et à la violence. Les entreprises de réseaux sociaux basées aux États-Unis étouffent les voix des défenseurs des droits humains tout en amplifiant la propagande pro-israélienne. Les gendarmes du lobby israélien sur le net et les GONGOS (ndt, organisations non gouvernementales soutenues par des gouvernements) harcèlent et diffament les défenseurs des droits humains, les universités et employeurs occidentaux collaborent avec eux pour punir ceux qui osent s’élever contre les atrocités. À la suite de ce génocide, ces acteurs devront également rendre des comptes, comme ce fut le cas pour la radio des Milles Collines au Rwanda.

Dans de telles circonstances, notre organisation est plus que jamais appelée à agir de manière efficace et fondée sur des principes. Mais nous n’avons pas relevé ce défi. Le pouvoir de protection du Conseil de sécurité a de nouveau été bloqué par l’intransigeance des États-Unis, le secrétaire général est attaqué pour ses légères protestations et nos mécanismes de défense des droits humains font l’objet d’attaques calomnieuses soutenues par un réseau organisé en ligne qui défend l’impunité.

Des décennies de distraction par les promesses illusoires et largement décevantes d’Oslo ont détourné l’Organisation de son devoir essentiel de protection du droit international, des droits humains et de la Charte elle-même. Le mantra de la “solution à deux États” est devenu une plaisanterie ouverte dans les couloirs de l’ONU, à la fois pour son impossibilité absolue dans les faits et pour son incapacité totale à tenir compte des droits humains inaliénables du peuple palestinien. Le soi-disant “Quartet” n’est plus qu’une feuille de vigne pour l’inaction et la soumission à un statu quo brutal. La référence (écrite par les États-Unis) aux “accords entre les parties elles-mêmes” (au lieu du droit international) a toujours été un tour de passe passe évident, destiné à renforcer le pouvoir d’Israël contre les droits des Palestiniens occupés et dépossédés de leurs biens.

Monsieur le Haut Commissaire, j’ai rejoint cette Organisation dans les années 1980, parce que j’y ai trouvé une institution fondée sur des principes et des normes qui étaient résolument du côté des droits humains, y compris dans les cas où les puissants États-Unis, Royaume-Uni et Europe n’étaient pas de notre côté. Alors que mon propre gouvernement, ses institutions subsidiaires et une grande partie des médias nord-américains soutenaient ou justifiaient encore l’apartheid sud-africain, l’oppression israélienne et les escadrons de la mort d’Amérique centrale, les Nations unies défendaient les peuples opprimés de ces pays. Nous avions pour nous le droit international. Nous avions pour nous les droits humains. Nous avions pour nous les principes. Notre autorité était ancrée dans notre intégrité. Mais ce n’est plus le cas.

Au cours des dernières décennies, des membres importants des Nations unies ont cédé au pouvoir des États-Unis et à la peur du lobby israélien, abandonnant ces principes et renonçant au droit international lui-même. Nous avons beaucoup perdu dans cet abandon, notamment notre propre crédibilité mondiale. Mais c’est le peuple palestinien qui a subi les plus grandes pertes à cause de nos échecs. L’ironie de l’histoire veut que la Déclaration universelle des droits humains (DUDH) ait été adoptée l’année même où la Nakba a été perpétrée contre le peuple palestinien.

Alors que nous commémorons le 75e anniversaire de la DUDH, nous ferions bien d’abandonner le mythe éculé selon lequel la DUDH est née des atrocités qui l’ont précédée, et d’admettre qu’elle est née en même temps que l’un des génocides les plus atroces du XXème siècle, celui de la destruction de la Palestine. D’une certaine manière, les auteurs de la Déclaration promettaient les droits humains à tout le monde, sauf au peuple palestinien. N’oublions pas non plus que les Nations unies ont commis le péché originel de faciliter la dépossession du peuple palestinien en ratifiant le projet colonial européen qui s’est emparé des terres palestiniennes et les a remises aux colons. Nous avons tant à nous faire pardonner.

Mais la voie de l’expiation est claire. Nous avons beaucoup à apprendre de la position de principe adoptée ces derniers jours dans les villes du monde entier, où des millions de personnes s’élèvent contre le génocide, même au risque d’être battues et arrêtées. Les Palestiniens et leurs alliés, les défenseurs des droits humains de tous bords, les organisations chrétiennes, musulmanes et les voix juives progressistes qui disent “pas en notre nom”, montrent tous la voie. Il ne nous reste plus qu’à les suivre.

Hier, à quelques rues d’ici, la gare Grand Central de New York a été complètement envahie par des milliers de juifs défenseurs des droits humains, solidaires du peuple palestinien et exigeant la fin de la tyrannie israélienne (nombre d’entre eux risquant d’être arrêtés). Ce faisant, ils ont balayé en un instant l’argument de propagande de la hasbara israélienne (et le vieux cliché d’antisémitisme) selon lequel Israël représenterait en quelque sorte le peuple juif. Ce n’est pas le cas. Et, en tant que tel, Israël est seul responsable de ses crimes. Sur ce point, il convient de répéter, malgré les calomnies du lobby israélien, que la critique des violations des droits humains par Israël n’est pas antisémite, pas plus que la critique des violations saoudiennes n’est islamophobe, la critique des violations du Myanmar n’est anti-bouddhiste, ou la critique des violations indiennes n’est anti-hindouiste. Lorsqu’ils cherchent à nous faire taire en nous calomniant, plutôt que faire silence, nous devons élever la voix. J’espère que vous conviendrez, Monsieur le Haut Commissaire, qu’il s’agit là de l’essence même du parler vrai aux puissants. 

Mais je trouve également de l’espoir dans tous ces membres des Nations unies qui, en dépit des énormes pressions exercées, ont refusé de compromettre les principes de l’Organisation en matière de droits humains. Nos rapporteurs spéciaux indépendants, nos commissions d’enquête et nos experts des organes de traités, ainsi que la majorité de notre personnel, ont continué à défendre les droits humains du peuple palestinien, alors même que d’autres membres des Nations unies (même au plus haut niveau) ont honteusement courbé l’échine devant les puissants. En tant que gardien des normes et standards en matière de droits humains, le HCDH (ndt Haut-Commissariat aux droits humains) a le devoir particulier de défendre ces normes. Notre tâche, je crois, est de faire entendre notre voix, du secrétaire général à la dernière recrue des Nations unies et, horizontalement, dans l’ensemble du système des Nations unies, en insistant sur le fait que les droits humains du peuple palestinien ne font l’objet d’aucun débat, d’aucune négociation, ni d’aucun compromis, où que ce soit sous la bannière bleue.

À quoi ressemblerait donc une position fondée sur les normes de l’ONU ? À quoi travaillerions-nous si nous étions fidèles à nos exhortations rhétoriques sur les droits humains et l’égalité pour tous, la responsabilité pour les criminels, la réparation pour les victimes, la protection des personnes vulnérables et l’autonomisation des détenteurs de droits, le tout dans le cadre de l’État de droit ? La réponse, je crois, est simple – si nous avons la lucidité de voir au-delà des écrans de fumée de la propagande qui déforment la vision de la justice pour laquelle nous avons prêté serment, le courage d’abandonner peur et déférence à l’égard des États puissants et la volonté de brandir l’étendard des droits humains et de la paix. Certes, il s’agit d’un projet à long terme et d’une voie escarpée. Mais nous devons commencer maintenant à moins de nous abandonner à une horreur indicible. Je vois dix points essentiels :

1. Une action légitime : tout d’abord, nous devons, au sein des Nations unies, abandonner le paradigme d’Oslo, qui a échoué (et qui est en grande partie fallacieux), sa solution illusoire à deux États, son Quartet impuissant et complice, et le détournement du droit international aux diktats de son supposé bien-fondé politique. Nos positions doivent se fonder sans équivoque sur les droits humains et le droit international.

2. Une vision claire : nous devons cesser de prétendre qu’il s’agit simplement d’un conflit territorial ou religieux entre deux parties belligérantes et admettre la réalité de la situation, à savoir qu’un État au pouvoir disproportionné colonise, persécute et dépossède une population autochtone sur la base de son appartenance ethnique.

3. Un État unique fondé sur les droits humains : nous devons soutenir l’établissement d’un État unique, démocratique et laïque dans toute la Palestine historique, avec des droits égaux pour les chrétiens, les musulmans et les juifs, et, par conséquent, le démantèlement du projet colonialiste profondément raciste et la fin de l’apartheid sur tout le territoire.

4. Lutte contre l’apartheid : nous devons réorienter tous les efforts et toutes les ressources des Nations unies vers la lutte contre l’apartheid, comme nous l’avons fait pour l’Afrique du Sud dans les années 1970, 1980 et au début des années 1990.

5. Retour et indemnisation : nous devons réaffirmer et insister sur le droit au retour et à l’indemnisation complète de tous les Palestiniens et de leurs familles qui vivent actuellement dans les territoires occupés, au Liban, en Jordanie, en Syrie et dans la diaspora à travers le monde.

6. Vérité et justice : nous devons appeler à un processus de justice transitionnelle, utilisant pleinement les décennies d’enquêtes, de recherches et de rapports accumulés par l’ONU, afin de documenter la vérité et garantir la responsabilité de tous les criminels, la compensation pour toutes les victimes et la réparation des injustices documentées.

7. Protection : nous devons insister sur le déploiement d’une force de protection de l’ONU dotée de ressources suffisantes et d’un mandat solide pour protéger les civils du fleuve à la mer.

8. Désarmement : nous devons plaider pour le retrait et la destruction des stocks massifs d’armes nucléaires, chimiques et biologiques d’Israël, évitant ainsi que le conflit ne conduise à la destruction totale de la région et, qui sait, au-delà.

9. Médiation : nous devons reconnaître que les États-Unis et les autres puissances occidentales ne sont pas des médiateurs crédibles, mais plutôt des parties prenantes du conflit, qui sont complices d’Israël dans la violation des droits des Palestiniens, et nous devons les affronter en tant que tels.

10. Solidarité : nous devons ouvrir grand nos portes (et celles du secrétariat général) aux légions de défenseurs des droits humains palestiniens, israéliens, juifs, musulmans et chrétiens qui sont solidaires du peuple de Palestine et de ses droits, et mettre un terme au flux incontrôlé de lobbyistes israéliens vers les bureaux des dirigeants de l’ONU, où ils prônent la poursuite de la guerre, de la persécution, de l’apartheid et de l’impunité, tout en dénigrant nos défenseurs des droits humains à cause de leur position de principe sur les droits des Palestiniens. 

Il faudra des années pour y parvenir, et les puissances occidentales nous combattront à chaque étape du processus, c’est pourquoi nous devons faire preuve de fermeté. D’ores et déjà, nous devons œuvrer pour un cessez-le-feu immédiat et la fin du siège de Gaza, nous opposer au nettoyage ethnique de Gaza, Jérusalem, Cisjordanie (et ailleurs), documenter l’assaut génocidaire à Gaza, contribuer à apporter aux Palestiniens une aide humanitaire massive et les moyens de la reconstruction, prendre soin de nos collègues traumatisés et de leurs familles, et nous battre comme des diables pour que la démarche des bureaux politiques de l’ONU soit basée sur des principes.

L’échec des Nations unies en Palestine jusqu’à présent n’est pas une raison pour nous de renoncer. Au contraire, il devrait nous encourager à abandonner le paradigme passé qui a échoué, et à adopter pleinement une ligne de conduite plus fondée sur des principes.

En tant qu’OHCHR, rejoignons avec audace et fierté le mouvement anti-apartheid qui se développe dans le monde entier, en ajoutant notre logo à la bannière de l’égalité et des droits humains pour le peuple palestinien. Le monde nous observe. Nous devrons tous rendre compte de notre position à ce moment crucial de l’histoire. Prenons le parti de la justice.

Je vous remercie, Monsieur le Haut Commissaire Volker, d’avoir écouté ce dernier appel de mon bureau. Dans quelques jours, je quitterai le Bureau pour la dernière fois, après plus de trois décennies de service. Mais n’hésitez pas à me contacter si je peux être utile à l’avenir.

Je vous prie d’agréer, Monsieur le Président, l’expression de mes salutations distinguées".

 

Craig Mokhiber

 

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14 mai 2024 2 14 /05 /mai /2024 14:38

En 1948, les palestiniens ont été arrachés à leur terre et contraints à l'exil et au déracinement. Le 15 mai de chaque année, ils commémorent cette tragédie pour rappeler à Israël et au monde entier qu'ils ne renonceront jamais à leur droit légitime au retour.

Qui peut mieux ressentir cette tragédie collective que les poètes. Mais avec le génocide en cours à Gaza, la poésie et les poètes palestiniens sont en deuil : plus de 35 000 morts et deux poètes assassinés par Israël depuis octobre 2023.

Rifaat Alareer (1979-2023) a refusé de quitter sa Gaza natale pour pouvoir écrire et informer sur la réalité des souffrances des palestiniens. Sa mort restera comme un témoignage à la fois éloquent et tragique des profondes injustices infligées au peuple palestinien. Voici un extrait de son dernier poème :

 

Si je dois mourir,

tu dois vivre

et raconter mon histoire

vendre mes affaires

acheter un bout de tissu

et quelques morceaux de ficelle,

(fais en sorte qu’il soit blanc avec une longue queue)

pour qu’un enfant, quelque part à Gaza

en regardant droit vers le ciel

alors qu’il attend son papa emporté dans une explosion

sans faire ses adieux à personne

ni à sa chair

ni à lui-même –

pour qu’il voie le cerf-volant, mon cerf-volant, celui que tu as fait, prendre

son envol (1)

 

Hiba Abou Nada (1991-2023), elle aussi morte sous les bombes israéliennes le 20 octobre 2023, écrivait juste avant sa disparition :

 

Je t’accorde un refuge

contre le mal et la souffrance.

Avec les mots de l’écriture sacrée

je protège les oranges de la piqûre du phosphore

et les nuages du brouillard

Je vous accorde un refuge en sachant

que la poussière se dissipera,

et que ceux qui sont tombés amoureux et sont morts ensemble

riront un jour (2)

 

Parmi les poètes palestiniens, Tawfik Zayyad (1929-1994) est peut-être celui qui incarne le mieux la tragique histoire de la Palestine et de son peuple qui lutte toujours pour sa survie et pour le retour sur sa terre :

 

Mes bien-aimés

Avec mes paupières je bâtirai la route de votre retour

Avec mes paupières.

Je guérirai votre blessure, balaierai les épines de la route

Avec mes cils

Et de ma chair je construirai le pont du retour

 

Dans un autre poème il écrivait :

 

Je vous appelle

Je serre vos mains

J’embrasse la terre sous vos pieds

Et je dis : je vous donne ma vie

Je vous offre la lumière de mes yeux

Et la chaleur de mon coeur

Le drame que je vis est ma part de vos tragédies

Face à mes oppresseurs je me suis dressé
Orphelin, nu, déchaussé

J’ai préservé l’herbe verte sur les tombes de mes ancêtres

 

Sa poésie se confond même avec cette terre tant aimée de la Palestine :

 

Je graverai le numéro de chaque parcelle

de notre terre violée

et l’emplacement de notre village et ses limites

et ses maisons qu’ils ont dynamitées

et mes arbres qu’ils ont déracinés

et toutes les fleurs sauvages qu’ils ont arrachées

afin de me souvenir

Je graverai inlassablement

toutes les saisons de mes douleurs

toutes les saisons de l’infortune

de la graine

à la coupole

sur l’olivier

dans la cour de ma maison

 

Contre la force et la violence de l'occupant israélien, Zayyad opposait la puissance de sa poésie. Cette poésie simple, émouvante, populaire et tragique a circulé d'abord sous les tentes des camps de réfugiés, dans les prisons avant d'être lue, apprise et chantée dans toute la Palestine et dans tout le monde arabe. La poésie de Zayyad a réussi à briser le cercle étroit, confidentiel et élitiste dans lequel est confinée la poésie en général pour s'emparer des masses opprimées palestiniennes et arabes. La poésie subversive de Zayyad dérangeait. Arrêté, incarcéré et torturé, l'occupant israélien voulait étouffer la voix du poète.

Zayyad n'a pas quitté sa Galilée natale. Il voulait, disait-il, garder l'ombre des orangers et des oliviers de la Palestine :

 

Ici nous resterons

Gardiens de l'ombre des orangers et des oliviers

Si nous avons soif nous presserons les pierres

Nous mangerons de la terre si nous avons faim mais nous ne partirons pas !!

Ici nous avons un passé un présent et un avenir

 

Tawfik Zayyad est mort dans un accident de voiture dans des circonstances troubles. Il nous a laissé une moisson abondante de poèmes se transmettant de générations en générations.

Parmi ses recueils on peut citer, J'étreins vos mains, Enterrez vos morts et levez-vous, Paroles de combat, Chants de révolte et de colère, Captifs de la liberté etc.

Son oeuvre n'a toujours pas été traduite en français. Le lecteur francophone est ainsi privé d'une poésie lumineuse à la fois authentiquement palestinienne et universelle.

 

Mohamed Belaali

----------------------------

(1)https://www.belaali.com/2023/12/mort-d-un-poete-a-gaza.html

(2)https://orientxxi.info/magazine/de-la-nakba-a-gaza-poesie-et-resistance-en-palestine,7054

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11 mai 2024 6 11 /05 /mai /2024 06:29

La journaliste palestinienne de la chaîne Al Jazeera, Shireen Abou Akleh, a été assassinée par l'armée israélienne le 11 mai 2022 à Jénine en Cisjordanie occupée. La journaliste qui portait pourtant son gilet "Presse" a été abattue par une balle dans la tête. Elle était âgée de 51 ans.

Née en 1971 à Jérusalem de parents arabes chrétiens, Shireen était la journaliste la plus célèbre d'Al Jazeera. Elle "couvrait, comme disait la journaliste Nida Ibrahim, le quotidien des palestiniens". "Toujours présente sur le terrain, Shireen ne reculait jamais. Elle a couvert une multitude d’événements palestiniens historiques - la bataille de Jénine, la deuxième Intifada, les multiples raids israéliens. Elle n’a jamais reculé, elle recueillait les preuves, rassemblait les indices, dévoilait les crimes" ajoutait Dia al-Adam le présentateur de la chaîne "Palestine TV". Elle était en quelque sorte la voix des palestiniens, la voix des sans voix.

Son cercueil avait été pris d'assaut par la police. Israël lui a refusé même ce droit élémentaire d'être enterrée dans la dignité. Et comme si cela ne suffisait pas, il a détruit la rue qui porte son nom et rasé son mémorial privant ainsi la famille et les amis de Shireen de la possibilité de lui rendre hommage sur le lieu où elle a été abattue. Le Mémorial "transmettra l'image de la vérité et celle de la souffrance pour les générations futures" disait Anton Abou Akleh, frère de la journaliste (1). La vie et la dignité du palestinien n'ont aucune espèce de valeur. Elles sont méprisées, niées. Le palestinien est dépouillé de son humanité. Il est déshumanisé, animalisé et bestialisé. C'est ce langage zoologique qu'utilise Israël lorsque il parle des palestiniens : "Nous combattons les animaux humains et agissons en conséquence" disait Yoav Galant ministre de la Défense de l'Etat sioniste.

L'assassinat de Shireen s'ajoute à la longue liste des journalistes palestiniens tués par l'armée d'occupation, sans compter les dizaines de journalistes détenus derrière les barreaux des prisons israéliennes. Rien que depuis le 7 octobre 2023, au moins 135 journalistes palestiniens ont été tués par Israël à Gaza (2).

Ces crimes resteront, comme d'ailleurs le génocide en cours à Gaza, impunis. Israël a rejeté toutes les résolutions des Nations unies et se moque de toutes les conventions. Il ne respecte ni le droit international, ni le droit humain. C'est un Etat qui ne ressemble à aucun autre. Il est au-dessus des lois. C'est un cas unique dans l'histoire récente des relations internationales. Pourtant Israël agit en pleine lumière. Il ne cache pas ses massacres. Il les expose même à la face du monde avec cette arrogance qui caractérise les colonisateurs, les oppresseurs. Cette totale impunité dont bénéficie l'entité sioniste depuis sa création en 1948 ne peut s'expliquer que par le soutien indéfectible et décisif des puissances capitalistes occidentales dont Israël est le produit le plus authentique. Elles l'ont façonné à leur image. La barbarie sioniste ne peut que ressembler à celle de ses maîtres. L'existence d'Israël sur la terre palestinienne fait partie intégrante de ce processus d'expansion européen et américain pour dominer par la violence les autres peuples de la planète. Si Israël mène aujourd'hui une guerre génocidaire à Gaza avec le soutien inconditionnel de l'occident, c'est qu'il est au cœur de cet ordre colonial et néocolonial occidental.

Israël peut poursuivre sereinement l'extermination des palestiniens jusqu' à la réalisation du projet fondateur du sionisme, le Grand Israël : toute la Palestine pour Israël, la terre promise pour un peuple élu. C'est une promesse divine.

 

Mohamed Belaali

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(1)https://www.elmoudjahid.com/fr/monde/palestine-un-musee-a-la-memoire-de-la-journaliste-shireen-abu-akleh-199527

(2)https://agencemediapalestine.fr/blog/2024/05/03/135-journalistes-palestiniens-tues-a-gaza-par-israel-en-7-mois/

 

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