Parmi les camarades du groupe Missak Manouchian, Rino Della Negra. Footballeur et résistant, Rino a été exécuté par les Nazis le 21 février 1944 à l'âge de 20 ans.
Fils d'immigrés italiens, Rino est né à Vimy dans le Pas-de-Calais le 18 août 1923. Ses parents avaient fui le régime fasciste de Mussolini. La famille de Rino, dont le père était ouvrier briquetier, changeait souvent de région à la recherche d'emploi. En 1926, les Della Negra s'installent à Argenteuil, dénommé à l'époque "la banlieue rouge", dans le quartier de Mazagran où vivait une importante communauté italienne.
A 14 ans, Rino Della Negra devient ouvrier-ajusteur dans lesusines Chausson d’Asnières. Le jeune Rino fréquentait en même temps le Football Club d’Argenteuil. En 1942, il est repéré et recruté en tant qu'ailier droit par le prestigieux Red Star Club de Saint Ouen. En cette même année, le Red Star remporte sa cinquième Coupe de France.
Très marqué par la culture antifasciste qui régnait dans la communauté italienne et par l'ambiance des luttes ouvrières de l'usine, Rino refuse le Service du travail obligatoire (STO) et entre dans la résistance. Il rejoint le glorieux groupe des Francs-tireurs partisans-Main-d’œuvre immigrée (FTP-MOI) de Manouchian sous le nom de code "Robin". Tout en jouant avec le Red Star, il participe à plusieurs actions armées : "exécution du général Von Apt, 4 rue Maspero ; 10 juin, attaque du siège central du Parti fasciste italien, rue Sédillot ; 23 juin, attaque de la caserne Guynemer à Rueil. Sa dernière action eut lieu le 12 novembre 1943 avec l’attaque de convoyeurs de fonds allemands, en compagnie de Robert Witchitz, au 56 rue de La Fayette" (1)
Blessé, Rino est arrêté, interrogé et torturé par la police française et par la Gestapo. Il est ensuite jugé par une cour martiale allemande avec les "terroristes de l'Affiche rouge" le 17 février 1944.
Le 21 février 1944, Rino est exécuté au Mont-Valérien avec ses camarades du groupe Manouchian. Dans une ultime lettre, Rino écrivait à son petit frère ces quelques phrases simples : "Je veux t’envoyer un dernier petit mot pour que tu réconfortes de ton mieux Maman et Papa. (...) Embrasse bien fort tous ceux que je connaissais. Tu iras au Club Olympique Argenteuillais et embrasse tous les sportifs du plus petit au plus grand. Envoie le bonjour et l’adieu à tout le Red Star." (2)
Rino Della Negra est enterré avec Manouchian au cimetière d’Ivry-sur-Seine dans le Carré des Fusillés,
Aujourd'hui encore son nom résonne dans le stade Bauer (3) dont une plaque commémorative en son honneur a été inaugurée en 2004. Le conseil municipal de Saint-Ouen a décidé en 2020 de donner le nom de Rino Della Negra à une rue de la ville dans le quartier des Docks. Une autre rue à Argenteuil où sa famille s'était installée en 1926 porte également son nom.
Rino Della Negra était bien plus qu'un footballeur. Il était avant tout un militant antifasciste sincère et courageux. Le fascisme, déguisé dans ses nouveaux habits, est aujourd'hui au seuil du pouvoir. Le ventre du capital est encore capable d'enfanter la bête immonde pour paraphraser Brecht. En ces temps de crises économiques, sociales et écologiques, la bourgeoisie aux abois n'hésite pas à s'allier avec des forces obscurantistes et à détourner la colère populaire des véritables problèmes en ciblant prioritairement les immigrés et leurs enfants. Rino Della Negra ouvrier et fils d'ouvrier immigré a pu écrire en France l'une des plus belles pages de la résistance en s'engageant dans une lutte à mort contre le fascisme. Son combat n'a jamais été aussi actuel qu'aujourd'hui.
"Sa volonté était uniquement inébranlablement tendue, comme une force
irrésistible de la nature, vers un seul but : la Révolution". Clara Zetkin.
Le 21 janvier 1924, Lénine, le grand Lénine a cessé de vivre à l'âge de cinquante quatre ans. Si la vie lui avait accordé quelques années de plus, le sort de la Révolution d'octobre aurait été probablement différent. En cette sombre période de débandade idéologique et de barbarie capitaliste, il est utile, voire nécessaire de rappeler quelques idées d'un homme qui a, qu'on le veuille ou non, profondément marqué l'histoire contemporaine. Parler de Lénine, c'est en quelque sorte lui redonner la parole, citer ses écrits et souligner son rôle décisif dans la glorieuse Révolution d'octobre 1917.
La révolution que la bourgeoisie hait de toutes ses forces, Lénine lui a consacré et sacrifié toute sa vie. Seule la révolution socialiste mondiale peut sauver l'humanité du capitalisme et de ses ravages qui deviennent aujourd'hui de plus en plus évidents et de plus en plus insupportables. Pour faire triompher la révolution, Lénine s'appuyait sur la doctrine de Marx et d'Engels, inconciliable avec le charlatanisme et la superstition. C'est lui qui disait «sans théorie révolutionnaire, pas de mouvement révolutionnaire» (1), Lénine a déclaré une guerre implacable à la société de classe, à l'esclavage salarié, à l’État bourgeois, à la soumission de la femme à l'homme, au chauvinisme national, à toute forme d'opportunisme, à l'oppression, bref à toutes les conditions économiques, sociales et politiques qui méprisent et avilissent les hommes.
Pour Lénine, la marche en avant vers le socialisme ne peut résulter d’une quelconque perfection de la démocratie bourgeoise, de la conciliation des classes etc. Seule une révolution est en mesure de mettre un terme à la résistance de la minorité d’exploiteurs, et d’enfanter une nouvelle société.
Lénine s'est battu inlassablement avec toute son énergie et sur tous les fronts pour rendre possible la Révolution socialiste tant rêvée et espérée par tous les opprimés et par tous les exploités du monde.Toutes ses forces, toutes ses actions pratiques, tout son travail théorique et toutes ses tactiques tendaient vers la même stratégie, l'émancipation des travailleurs, vers la révolution non seulement en Russie mais à l'échelle planétaire.
Mais aujourd'hui pour tous les bourgeois du monde, petits et grands, Lénine est un monstre, un démon, un dictateur responsable de tous les crimes et de toutes les horreurs possibles et imaginables. On ne lui pardonnera jamais d'avoir appelé les ouvriers, les paysans pauvres et les soldats à se dresser, les armes à la main, contre la société bourgeoise. «Malheur au génie qui s’oppose fièrement à la société bourgeoise et qui forge les armes qui lui donneront le coup de grâce. A un tel génie, la société bourgeoise réserve des supplices et des tortures qui peuvent paraître moins barbares que ne l’étaient le chevalet de l’Antiquité et le bûcher du Moyen Age, mais qui au fond n’en sont que plus cruels» disait Franz Mehring parlant d'un autre génie, Karl Marx (2). De son vivant déjà, Lénine était haï, détesté, calomnié et persécuté par les classes possédantes et par tous les opportunistes du mouvement ouvrier. On a même tenté de l'assassiner à coups de revolver. Les balles qui l'ont touché ont certainement contribué à abréger sa vie. Cet attentat sur la personne de Lénine montre à l'évidence la haine viscéraleque lui vouent les ennemis de la classe ouvrière. Rien de plus normal dans une société fondée sur la lutte des classes ! «Du vivant des grands révolutionnaires, les classes d'oppresseurs les récompensent par d'incessantes persécutions; elles accueillent leur doctrine par la fureur la plus sauvage, par la haine la plus farouche, par les campagnes les plus forcenées de mensonges et de calomnies» disait Lénine (3).
Un siècle après sa mort, les idées de Lénine font toujours peur à tous les défenseurs de l'ordre établi. Car Lénine s'est attaqué aux fondements même des pouvoirs de cette minorité d'exploiteurs qui n'hésite et qui ne recule devant rien pour perpétuer ses privilèges. Lénine a démontré que sans le renversement du capitalisme par une révolution socialiste, point de salut pour tous les travailleurs et pour tous les opprimés. Le véritable crime de Lénine c'est d'avoir remplacé la Révolution bourgeoise de février 1917 par la Révolution socialiste d'octobre. Ce crime là, la bourgeoisie ne lui pardonnera jamais. «Lénine doit naturellement apparaître comme Attila venu détruire la Rome du bien-être et du confort bourgeois, basé sur l'esclavage, le sang et le pillage. Mais de même la Rome antique a mérité sa perte, de même les crimes du monde contemporain justifient la nécessité de sa destruction» disait Maxime Gorki(4).
Lénine était aimé et admiré par les ouvriers et les paysans pauvres. Il savait leur expliquer des choses profondes avec des mots simples. John Reed le décrivait ainsi : «Peu fait, physiquement, pour être l'idole de la foule, il fut aimé et vénéré comme peu de chefs au cours de l'histoire. Un étrange chef populaire, chef par la seule puissance de l'esprit. Sans brillant, sans humour, intransigeant et détaché, sans aucune particularité pittoresque, mais ayant le pouvoir d'expliquer des idées profondes en termes simples, d'analyser concrètement des situations et possédant la plus grande audace intellectuelle» (5).
Il ne s'agit pas ici de verser dans le culte de la personnalité ou de l'idolâtrie. Lénine lui-même combattait fermement ce genre de futilités. Ce sont les masses qui font l'histoire et non «les grands hommes». «Il n'est pas de sauveurs suprêmes» disait Eugène Pottier dans l'Internationale.Mais pour faire la révolution, les masses ont besoin de chefs de la trempe de Lénine et des intellectuels révolutionnaires : «les ouvriers ne pouvaient pas avoir encore la conscience social-démocrate. Celle-ci ne pouvait leur venir que du dehors. L'histoire de tous les pays atteste que, par ses seules forces, la classe ouvrière ne peut arriver qu'à la conscience trade-unioniste, c'est-à-dire à la conviction qu'il faut s'unir en syndicats, mener la lutte contre le patronat, réclamer du gouvernement telles ou telles lois nécessaires aux ouvriers, etc. Quant à la doctrine socialiste, elle est née des théories philosophiques, historiques, économiques élaborées par les représentants instruits des classes possédantes, par les intellectuels. Les fondateurs du socialisme scientifique contemporain, Marx et Engels, étaient eux-mêmes, par leur situation sociale, des intellectuels bourgeois. De même en Russie, la doctrine théorique de la social-démocratie surgit d'une façon tout à fait indépendante de la croissance spontanée du mouvement ouvrier; elle y fut le résultat naturel, inéluctable du développement de la pensée chez les intellectuels révolutionnaires socialistes» (6).
Sans Lénine, la Révolution d'octobre 1917 n'aurait probablement jamais triomphé. La révolution était le produit des rapports sociaux de la Russie de l'époque. Mais Lénine agissait dans le cadre des conditions sociales et politiques particulières. La Première Guerre mondiale et la Révolution de février étaient des occasions, des opportunités à ne pas manquer pour renverser le Gouvernement provisoire et donner ainsi le pouvoir aux ouvriers et aux paysans pauvres.
En 1915, un an seulement après le déclenchement de cette terrible guerre impérialiste, Lénine appelait déjà à la transformer en guerre civile : «Le caractère réactionnaire de cette guerre, le mensonge éhonté de la bourgeoisie de tous les pays, qui dissimule ses visées de brigandage sous le manteau de l'idéologie “ nationale ”, suscitent nécessairement, dans la situation révolutionnaire qui existe objectivement, des tendances révolutionnaires au sein des masses. Notre devoir est d'aider à prendre conscience de ces tendances, de les approfondir et de leur donner corps. Seul le mot d'ordre de la transformation de la guerre impérialiste en guerre civile exprime correctement cette tâche, et toute lutte de classe conséquente pendant la guerre, toute tactique sérieusement appliquée d'“ actions de masse ” y mène inévitablement» (7).
Lénine expliquait à qui veut l'entendre qu'il ne s'agit nullement d'une simple opposition à la guerre, mais de renverser tous les gouvernements en guerre à commencer par celui de la Russie.
Mais son propre parti n'était pas prêt à cette tâche c'est-à-dire mener la révolution bourgeoise déclenchée en février jusqu'à son terme. La plupart des dirigeants bolcheviks, avant le retour de Lénine de l'exil en avril 1917, étaient prêts à travailler avec le Gouvernement provisoire de Kérenski composé de bourgeois et de propriétaires terriens.
Dans ses célèbres «thèses d'avril», Lénine exige des Bolcheviks de se préparer à l'insurrection et à la prise du pouvoir : «Ce qu'il y a d'original dans la situation actuelle en Russie, c'est la transition de la première étape de la révolution, qui a donné le pouvoir à la bourgeoisie, à sa deuxième étape, qui doit donner le pouvoir au prolétariat et aux couches pauvres de la paysannerie» (8).
Les thèses de Lénine ont été accueillies avec beaucoup d'hostilité :«Même ses camarades de parti, les bolcheviks ahuris, se détournèrent alors de lui» écrivait Trotsky dans « Histoire de la révolution russe». Lénine se trouva alors seul avec ses idées révolutionnaires. Mais en même temps, il savait qu'il pouvait compter sur les ouvriers, les paysans pauvres, la base du parti et sur les soldats qui désertaient massivement le front. Lénine disait que «ce pays d'ouvriers et de paysans indigents était mille fois plus à gauche que les Tchernov et les Tsérételli et cent fois plus à gauche que nous autres, bolcheviks» (9) . Les masses opprimées savent que les puissants ne renoncent jamais à leurs privilèges, qu’ils n’accordent jamais rien par générosité ou grandeur d’âme et qu’ils ne reculent devant rien pour sauver leurs intérêts et perpétuer leur système. Elles ont compris, comme Lénine, que le moment était venu pour s'emparer du pouvoir les armes à la main.
Mais la direction du parti continue à tergiverser. Lénine devient de plus en plus impatient «Les bolchéviks doivent prendre le pouvoir sur le champ disait-il dans une lettre au comité central. (…) Temporiser est un crime. Attendre le Congrès des Soviets, c'est faire preuve d'un formalisme puéril et déshonorant ; c'est trahir la révolution» (10).
Le 24-25 octobre (6-7 novembre) 1917, les ouvriers, les paysans et les soldats russes s'emparent du pouvoir, un pouvoir qui les asservissait, qui les opprimait.
En ces premiers moments historiques, «quelque chose s’était brusquement éveillé en tous ces hommes écrivait John Reed. L’un parlait de la révolution mondiale en marche, un autre de l’ère nouvelle de fraternité, où tous les peuples ne seront plus qu’une grande famille (…) Mus par une commune impulsion, nous nous trouvâmes soudain tous debout, joignant des voix dans l’unisson et le lent crescendo de l’Internationale. Le chant roulait puissamment à travers la salle, ébranlant les fenêtres et les portes et allant se perdre dans le calme du ciel».(11).
La Révolution d'octobre 1917 a renversé l'ordre ancien et ouvert les perspectives pour une nouvelle forme supérieure de vie. «La seule raison du succès des bolcheviks, c’est qu’ils réalisaient les vastes et élémentaires aspirations des couches les plus profondes du peuple, les appelant à l’ œuvre de destruction du passé et coopérant avec elles pour édifier sur ses ruines encore fumantes un monde nouveau» (12). Après la glorieuse Commune de Paris, les masses opprimées guidées par Lénine s’emparent à nouveau du pouvoir et entrent dans l’Histoire.
Mais on ne peut parler de Lénine sans évoquer sa compagne Nadejda Kroupskaïa. Comme disait Clara Zetkin «Il est impossible de parler de lui sans penser à elle. Elle était la main droite de Lénine, son meilleur secrétaire, sa compagne dévouée, la meilleure interprète de ses idées» (13).
Son dévouement a beaucoup aidé Lénine à supporter la clandestinité et la vie pénible des révolutionnaires partout traqués par la police du Tsar. Rappelons que Lénine et Nadejda Kroupskaïa ont passé plus de quinze ans dans l'immigration changeant sans cesse de pays, de villes et de logements. Kroupskaïa a probablement souffert plus que Lénine des affres de l'exil. Elle menait de front plusieurs combats et plusieurs tâches. En plus de ses travaux scientifiques dans le domaine de la pédagogie qui embrassent tous les domaines de la politique éducative (14), elle consacrait une grande partie de son temps à la diffusion des brochures et documents du parti, combattait les ennemis de Lénine, engageait des luttes pour la cause des femmes etc. mais si «la vie n'était pas gaie» en exil, le retour du couple en Russie en avril 1917 était triomphal : «Les masses, ouvriers, soldats, matelots, s'étaient portées au-devant de leur chef. Tout autour de nous, c'était une mer humaine qui bouillonnait. Qui n'a pas vu la révolution ne peut s'en imaginer la beauté majestueuse, triomphale» disait Nadejda Kroupskaïa dans « Souvenirs sur Lénine » (15).
Au crépuscule de sa vie, malade, affaibli et éloigné du pouvoir, Lénine pouvait encore et toujours compter sur sa plus fidèle camarade, Nadejda. C'est dire le rôle joué par cette femme discrète dans la vie de Lénine et partant dans la révolution d'octobre.
Le 21 janvier 1924, Lénine a cessé de vivre à l'âge de cinquante quatre ans. Si la vie lui avait accordé quelques années de plus, le sort de la Révolution d'octobre aurait été probablement très différent. En tout cas, ses ennemis se sont empressés, contre la volonté de sa veuve, d'embaumer son corps afin de consolider leur propre pouvoir et pour mieux enterrer ses idées révolutionnaires.
Parlant des chefs des classes opprimées en lutte, Lénine disait «Après leur mort, on essaie d'en faire des icônes inoffensives, de les canoniser pour ainsi dire, d'entourer leur nom d'une certaine auréole afin de "consoler" les classes opprimées et de les mystifier; ce faisant, on vide leur doctrine révolutionnaire de son contenu , on l'avilit et on en émousse le tranchant révolutionnaire» (16).
Après l'adieu officiel à Lénine, Nadejda Kroupskaïa prononça ces paroles : «Camarades, ouvriers et ouvrières, paysans et paysannes. Ne laissez pas votre peine se transformer en adoration extérieure de la personnalité de Vladimir Ilitch. Ne construisez pas de palais ou de monuments à son nom. A toutes ces choses, il accorda peu d'importance au cours de sa vie. Ça lui était même pénible.(...) Si vous voulez honorer la mémoire de Vladimir Ilitch, construisez des crèches, des jardins d'enfants, des maisons, des écoles, des hôpitaux, et mieux encore vivez en accord avec ses préceptes» (17). Son avertissement n'a pas été vraiment entendu.
Mohamed Belaali
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(1)Lénine, « Que faire », Éditions du progrès, page 46.
(2)Franz Mehring «Karl Marx, histoire de sa vie », Bartillat, page 261.
Gaza résiste et combat seule non seulement Israël, mais toutes les puissances oppressives occidentales. La guerre d'extermination qui se déroule aujourd'hui sous nos yeux à Gaza (plus de 25000 morts) n'est en fait que le prolongement des guerres coloniales et néocoloniales menées par la Grande Bretagne, la France et les Etats-Unis pour asservir les peuples au prix de millions de morts. Rappelons pour mémoire que l'Etat d'Israël et ce qu'il est devenu aujourd'hui est un pur produit du colonialisme britannique qui s'est par ailleurs partagé avec la France la dépouille de l'Empire ottoman. La colonisation sioniste de la Palestine n'aurait jamais pu exister sans l'aide décisive de l'Etat colonial britannique. Les américains, contrairement aux européens, préfèrent soumettre indirectement ou d'une manière informelle les autres peuples en défendant les régimes réactionnaires locaux, en installant de nouveaux pouvoirs à leur solde et en établissant des bases militaires un peu partout. Le nombre de dictateurs par exemple installés ou soutenuspar les Etats-Unis à travers la planète est impressionnant : Artur da Costa e Silva au Brésil, Juan Carlos Onganía et Videla en Argentine, le régime somoziste au Nicaragua, Maximiliano Hernández Martínez au Salvador, le régime de Fulgencio Batista à Cuba, de Marcos Pérez Jiménez au Venezuela, de Banzer en Bolivie, Soeharto en l'Indonésie, Marcos aux Philippines, Musharraf au Pakistan. Hosni Moubarak en Egypte etc. etc.
Après le colonialisme européen du XIXe et XXe siècles qui a tenu dans la servitude près de la moitié de la population mondiale, les Etats-Unis sont devenus, grâce à leur supériorité économique, les nouveaux maîtres du monde et les nouveaux oppresseurs des peuples.
"Le plus grand pourvoyeur de violence dans le monde aujourd'hui, mon propre gouvernement" disait Martin Luther King(1). Dans ce sens, Il n'est pas inutile de rappeler quelques dates parmi les plus violentes de l'histoire des États-Unis :
1945 utilisation des armes nucléaires contre les populations civiles d'Hiroshima et de Nagasaki. Bilan : 200 000 morts.
Guerre contre le Vietnam entre 1960 et 1975 : 2 millions de morts côté vietnamiens et 50000 soldats américains tués.
1973 Coup d'Etat militaire du général Pinochet au Chili avec le soutien des Etats-Unis : le nombre de morts est estimé à 3 200 en plus des 38 000 personnes torturées.
Première guerre contre l'Irak (1990) : entre 50 000 et 100 000 morts irakiens.
1999 guerre de l'OTAN, bras armé des Etats-Unis, contre la Yougoslavie : 100 000 morts selon l'ONU.
Deuxième guerre contre l'Irak (2003) : le nombre de victimes irakiennes n'est pas connu avec certitude. Les estimations vont de 100 000 à plus d'un million de morts.
2015 participation avec l'Arabie Saoudite à la guerre du Yémen qui a fait 377 000 morts (2).
Aujourd'hui en 2024, les Etats-Unis avec l'aide du Royaume Uni bombardent à nouveau le Yémen. Le nombre de victimes reste inconnu.
Etc. Etc. (3)
Les guerres américaines contre "le terrorisme" depuis les attentats du 11 septembre 2001 ont fait près d'un million de morts notamment en Irak, en Syrie et en Afghanistan (4).
L'existence d'Israël sur la terre palestinienne fait partie intégrante de ce processus d'expansion européen et américain pour dominer par la violence les autres peuples de la planète. Si Israël mène aujourd'hui une guerre génocidaire à Gaza avec le soutien inconditionnel de l'occident capitaliste, c'est qu'il est au cœur de cet ordre colonial et néocolonial occidental. "L’Occident a conquis le monde non pas par la supériorité de ses idées, de ses valeurs ou de sa religion, mais plutôt par sa supériorité dans l’application de la violence organisée" disait Samuel P. Huntington l'auteur du livre "le choc des civilisations" (5). Il aurait dû préciser cependant que cette violence repose elle même sur la supériorité économique. Car la violence de l'occident est le moyen qui lui permet d'atteindre son but, celui de soumettre et de piller les richesses des autres peuples. Le Secrétaire d'État sous la présidence de Reagan, le général Alexander Haig était plus proche de la réalité lorsqu'il disait : "Israël est le plus grand porte-avions de l'Amérique, il est insubmersible, il ne transporte aucun soldat américain et il est situé dans une région cruciale pour la sécurité nationale des États-Unis" (6). Autrement dit, Israël est la base avancée des Etats-Unis dans une région qui constitue encore aujourd'hui le plus grand réservoir de pétrole du monde. "Je le dis depuis longtemps : si Israël n’existait pas, il faudrait l’inventer" déclarait Joe Biden le 18 octobre 2023 à Tel Aviv (7).
Il n'est pas étonnant dans ces conditions de constater que tous les dirigeants de l'occident capitaliste sont impliqués dans ce génocide en temps réel à Gaza. Leur négation de la vie humaine est totale. Leur volonté de vouloir anéantir tout un peuple est confirmée chaque jour qui passe.
Mais malgré toutes les horreurs, cette guerre a réveillé la conscience des peuples à travers le monde. Des millions d'hommes et de femmes sont descendus dans la rue pour manifester leur solidarité avec Gaza. C'est une véritable mobilisation mondiale en faveur de la Palestine. Dans le monde arabe, des marées humaines déferlent dans les rues du Caire, de Rabat, d'Amman, Tunis, Beyrouth etc. Mais les régimes en place dont la plupart avaient "normalisé" leurs relations avec Israël, encadrent, répriment et brutalisent les manifestants de peur que la colère populaire ne se retourne contre eux. Les peuples arabes sont en effervescence et la moindre étincelle risque d'embraser, comme en 2011, toute la région.
Les valeurs dont cet occident se targue encore aujourd'hui sont désormais enfouies sous les décombres de Gaza. Gaza est le miroir de cette "civilisation" capitaliste.
Joe Biden, Emmanuel Macron, Rishi Sunak, Giorgia Meloni, Viktor Orban, Javier Milei, Geert Wilders, entre bien d'autres, ne sont que des mercenaires au service de la classe dominante. Leur mission essentielle est de maintenir, vaille que vaille, l'accumulation du capital et d'assurer la concentration des richesses entre les mêmes mains. Nationalisme, autoritarisme, fascisme, néofascisme, nazisme, extrême droite etc, ne sont que des mots qui désignent une seule et même réalité : la dictature du capital. Ces formes politiques de la domination bourgeoise ne remplacent évidemment pas le capitalisme et ne cherchent nullement à le dépasser. Bien au contraire, elles tentent de le sauver et de le perpétuer. Elles ne sont, en dernière analyse, que des régimes brutaux derrière lesquels se cachent les intérêts de la bourgeoisie.
La loi économique fondamentale du capitalisme reste la maximisation du profit. Mais dès que la crise du système s'installe, c'est-à-dire lorsque le taux de profit (par rapport au capital investi) diminue, la bourgeoisie revient sur tout ce qui lui a été arraché de haute lutte par les salariés en général et les travailleurs en particulier : code du travail, indemnités chômage, congés maladie,
retraite, aides sociales, services publics, réduction du temps de travail, nationalisations etc.etc.
Pour pouvoir imposer sa politique en temps de crise, la bourgeoisie a besoin non seulement de gouvernements autoritaires, mais aussi de tromper les masses populaires pour obtenir leur passivité et si possible leur complicité. La classe dirigeante utilisera alors tous les moyens dont elle dispose notamment les médias pour détourner les travailleurs du véritable combat, celui du travail contre le capital, en fabriquant des ennemis qu'elle présente comme responsables de tous les malheurs. La bourgeoisie a besoin de cette "adhésion" des masses pour assurer ses intérêts. Il faut donc construire cet ennemi à force de propagande et d'images pour cimenter une communauté traumatisée par la disparition progressive de l'ensemble des acquis sociaux et dégoûtée par le comportement d’une classe politique corrompue et totalement soumise aux intérêts d’une minorité d'exploiteurs. Il faut lui trouver des boucs émissaires capables de la détourner du combat politique declasse contre classe. L'invention de cesvictimes expiatoires permet également de décharger la colère populaire sur celles et ceux qui subissent la crise et non sur ses véritables responsables. La classe dirigeante va alors montrer du doigt et désigner les travailleurs immigrés, les musulmans, les Noirs etc., comme responsables de toutes les conséquences de la crise, même si elle continue en même temps à faire appel à la main-d'œuvre étrangère pour satisfaire les besoins de ses entreprises! (1). Ces cibles ainsi désignées représentent pour une partie des classes populaires, élevée dans la haine de "l’autre" par l’idéologie dominante, une concurrence insupportable sur le marché du travail. En période de crise, les travailleurs étrangers, ou supposés comme tels, sont présentés comme les responsables du chômage de masse qui ronge l’ensemble des salariés. Le chômage n’est jamais présenté comme le produit le plus authentique du capitalisme, mais comme le refus des salariés de préférence étrangers de travailler aux conditions du marché. Belle manière pour masquer la responsabilité des patrons dans la situation dramatique des chômeurs !
Et comme si cela ne suffisait pas, la bourgeoisie mobilise de surcroît contre ces victimes son arsenal juridique et ses médias.
Une quantité phénoménale de textes législatifs et réglementaires encadre aujourd'hui le droit des migrants. Tous les gouvernements s'acharnent à adopter le plus de textes répressifs possibles contre les étrangers. Le dernier en date est la loi "immigration" voté le 19 décembre 2023 grâce aux voix de droite et d'extrême droite (2). Rappelons que depuis 1945 on adopte une loi sur l'immigration tous les deux ans en moyenne sans compter les ordonnances, arrêtés, circulaires et autres décrets ! (3). Mais cela n' a nullement empêché des régularisations constantes de travailleurs sans papiers en fonction des besoins du patronat.
La violence médiatique contre ces boucs émissaires se traduit par un vocabulaire détestable voire bestial chargé de stéréotypes attisant la haine entre les hommespour mieux les diviser en jouant sur les préjugés nationaux, raciaux et religieux. Les thèmes haineux "d'invasion", "submersion", "ensauvagement", "islamisation de la société", "grand remplacement", reviennent souvent dans le discours médiatique dressant ainsi l'opinion publique contre tout ce qui ressemble de près ou de loin aux migrants. L'instrumentalisation de l'image de "l'autre", celle de l'étranger présenté comme un danger, comme un ennemi, permet de renforcer le mythe de "l'identité nationale" et de souder ainsi les masses populaires derrière la bourgeoisie (4). La rhétorique anti-immigration se substitue ainsi au vide des programmes des gouvernements et des partis politiques.
Aujourd'hui comme hier, la crise du capitalisme produit, toute proportion gardée, des régimes ouvertement autoritaires dont la mission véritable est de consolider l'économie capitaliste pour mieux servir les intérêts de la classe dominante, la bourgeoisie. L 'offensive de ces pouvoirs contre les ouvriers, quelque soit leur origine, va se poursuivre et s'intensifier d'autant qu'aujourd'hui le rapport de force est du côté du capital.Les attaques contre les acquis des travailleurs, nationaux et immigrés, seront encore plus brutales et plus féroces. Car l'ennemi commun à tous ces régimes réactionnaires reste la classe ouvrière.Les travailleurs, s'ils veulent affronter et vaincre ces gouvernements, n'ont d'autres choix que de commencer par surmonter leurs propres divisions et construire leur union avant d'envisager de s'allier avec d'autres couches de la société trompées par ces pouvoirs fascisants au solde d'une minorité d'exploiteurs.
Parmi les innombrables et innommables crimes d'Israël, il y a l'assassinat du poète Rifaat Alareer avec les membres de sa famille au nord de Gaza le 6 décembre 2023. Il avait 44 ans. Il a refusé de quitter sa Gaza natale pour pouvoir écrire et informer sur la réalité des souffrances des palestiniens.
Rifaat Alareer était traducteur et professeur de littérature anglaise à l'Université Islamique de Gaza, elle aussi bombardée par l'armée d'occupation. Il enseignait Shakespeare, Thomas Wyatt, Wilfred Owen et bien d'autres poètes et écrivains britanniques, mais aussi israéliens comme Yehuda Amichaï. Parmi ses écrits, on peut citer "Gaza Unsilenced", "Gaza writes back" qui ne sont toujours pas traduits en français.
Il était l'un des cofondateurs du projet "We are not numbers" jumelant des auteurs de Gaza à des mentors à l'étranger qui les aidaient à écrire des récits en anglais sur leur réalité.
Contre la barbarie israélienne, Rifaat Alareer opposait sa seule et unique arme, sa poésie. Une poésie simple, émouvante, populaire et tragique, mais elle dérangeait. Il fallait donc étouffer la voix du poète comme les phalangistes fanatiques ont étouffé celle de Federico Garcia Lorca en 1936 près de Grenade.
Sa mort restera comme un témoignage éloquent et tragique à la fois des profondes injustices infligées au peuple palestinien.
Si je dois mourir était son dernier poème :
Si je dois mourir,
tu dois vivre
et raconter mon histoire
vendre mes affaires
acheter un bout de tissu
et quelques morceaux de ficelle,
(fais en sorte qu’il soit blanc avec une longue queue)
pour qu’un enfant, quelque part à Gaza
en regardant droit vers le ciel
alors qu’il attend son papa emporté dans une explosion –
sans faire ses adieux à personne
ni à sa chair
ni à lui-même –
pour qu’il voie le cerf-volant, mon cerf-volant, celui que tu as fait, prendre
son envol
et qu’il pense alors qu’un ange est là
venu ramener l’espoir
Si je dois mourir
que cela ramène l’espoir
et que cela devienne un conte
Le poème est lu ici par l'acteur britannique, Brian Kox :
Dupond-Moretti, ministre de la justice en exercice, accusé du délit "de prise illégale d'intérêts" est traduit devant la Cour de justice de la République. Cette juridiction d’exception "a considéré que l’élément matériel des prises illégales d’intérêts était établi", mais ne condamne pas pour autant le garde des Sceaux. Comprenne qui pourra. Un autre ministre lui aussi en exercice, Olivier Dussopt, comparaît devant le tribunal correctionnel de Paris pour "favoritisme" : 10 mois de prison avec sursis et 15 000 euros d'amende ont été requis contre lui. Nicolas Sarkozy est de nouveau devant les juges de la cour d'appel de Paris pour le procès sur "le financement illégal" de sa campagne présidentielle. Et puis un revenant : Jérôme Cahuzac ancien ministre du budget (chargé entre autres de la lutte contre la fraude fiscale), est de retour sur la scène politique et médiatique alors qu'il a été condamné en 2018 à quatre ans de prison, dont deux fermes pour fraude fiscale, blanchiment de fraude fiscale et pour déclaration mensongère de son patrimoine ! Quelle misère morale et politique. Qu'elle est jolie la république bourgeoise !
Mais ces affaires ne sont que l'arbre qui cache la forêt. Le nombre d'hommes politiques impliqués dans les "affaires" est impressionnant. Il est tout simplement impossible d'établir une quelconque liste exhaustive des scandales politico-financiers qui secouent régulièrement tous les échelons de l'Etat. Sans remonter jusqu'aux diamants centrafricains de Giscard, on peut citer à titre d'exemples seulement quelques noms de dirigeants politiques empêtrés dans des affaires : Alain Carignon, Alain Juppé, Bernard Tapie, Patrick Balkany, Claude Guéant, Serge Dassault, Thomas Thévenoud, François de Rugy, Richard Ferrand, Jean-Paul Delevoye, Charles Pasqua, François Léotard, François Fillon, Jacques Chirac etc. etc. Il ne s'agit là que de quelques exemples qui ne doivent pas masquer le caractère récurrent et structurel de la corruption qui règne dans les plus hautes sphères de l’État.
Les institutions de cette république bourgeoise, qualifiée pourtant "d'irréprochable" et "d'exemplaire", non seulement sont complices de ces agissements, mais permettent et favorisent la multiplication des opportunités de corruption et des scandales en tout genre. Car les scandales financiers, corruption, privilèges et autres affaires, sont intimement liés au fonctionnement même de la démocratie bourgeoise qui les produit et reproduit de manière permanente. Nicolas Sarkozy par exemple a été condamné à plusieurs reprises. L'ex-président concentre à lui seul une demi douzaine d'affaires entre ses mains : l'affaire Tapie, l'affaire Karachi, l'affaire Bettencourt, l'affaire libyenne, l'affaire des sondages et l'affaire des écoutes téléphoniques. Et même ceux qui ont été condamnés, poursuivis ou inquiétés par la justice, se font régulièrement élire ! Alain Juppé reste un exemple éloquent. Mais Juppé n'est pas un cas isolé. On peut citer également, entre autres, Patrick Balkany, Jean-François Copé, Jean-Pierre Bechter, Maryse Joissains , Brigitte Barèges, André Santini, Gaston Flosse, Jacques Mellick, Pierre Bedier etc. Aujourd'hui on peut être un homme politique corrompu jusqu'à la moelle épinière et gagner les élections, c'est un trait caractéristique de la démocratie bourgeoise. Mieux, la corruption des hommes politiques est d'autant plus brutale, plus cynique que la République est plus démocratique.
D'autres exemples montrent que les "affaires" sont au cœur même de la démocratie bourgeoise. Le cas Cahuzac, qui aujourd'hui veut revenir sur la scène politique, est exemplaire à cet égard. C'est lui qui déclarait à l'Assemblée nationale et même "les yeux dans les yeux" devant le président de la République, "Je n'ai pas, et je n'ai jamais eu un compte à l'étranger, ni maintenant, ni avant"pour reconnaître ensuite posséder un compte bancaire en Suisse et frauder le fisc quelques mois plus tard !
Ces scandales ne relèvent pas d'une affaire de morale, mais le produit d'un système économique dont les intérêts de classes constituent son fondement matériel. Elle est l'émanation des activités économiques, des comportements matériels des hommes. Lutter contre les scandales, les affaires, les fraudes etc., en invoquant la morale est une illusion et par dessus le marché une hypocrisie. Toutes ces gesticulations autour de la moralisation de la vie publique, de la nécessité d'une lutte implacable contre les dérives de l'argent ne sont que des balivernes idéalistes derrière lesquelles la classe dirigeante tente de dissimuler sa véritable nature, un instrument au service du capital.
En guise de la république "irréprochable" et "exemplaire", on a plutôt une république corrompue livrée, pieds et poings liés, au capital, aux cabinets de conseils, aux ministres millionnaires qui la violent chaque jour sous le regard stupéfait des plus démunis. Les travailleurs découvrent que ces corrompus, qui de surcroît cachent souvent leur magot dans les paradis fiscaux pour échapper à l'impôt, possèdent des patrimoines sans commune mesure avec leurs salaires de prolétaires. Combien de siècles de labeur et de souffrance au travail faut-il à un smicard par exemple pour atteindre le patrimoine déclaré et non déclaré de ces ministres ? Et ce sont ces mêmes possédants qui exigent des salariés de travailler toujours plus et leur imposent toujours plus de sacrifices. Le cynisme et le mépris pour le peuple de ces hommes et de ces femmes corrompus n'ont d'égal que leur soumission à la classe qui les a hissés à la tête de l'Etat.
On peut adopter les lois que l’on veut contre la corruption, les affaires et les privilèges, mener toutes les enquêtes possibles, on peut même diminuer et limiter leur importance, mais on ne peut pas les éliminer. Car leur existence et celle de la démocratie bourgeoise sont tellement imbriquées l’une dans l’autre que l’on ne peut supprimer l’une sans éliminer l’autre. Le véritable scandale n'est pas la corruption, mais l'existence de cette classe dominante corrompue et parasite qui vit du travail des autres.
«Pourquoi ai-je attendu ce jour pour le dire,
vieilli, et de ma dernière encre :
La puissance atomique d'Israël menace
une paix du monde déjà fragile ? (…)
parce que je suis las de l'hypocrisie de l'Occident».
Ainsi s'exprimait Günter Grass prix Nobel de littérature dans un poème publié en avril 2012 par le quotidien Süddeutsche Zeitung (1). Günter Grass n'annonce en fait rien de nouveau en affirmant courageusement que l'État sioniste d'Israël, soutenu aveuglément par l'impérialisme américain et européen, menace la paix du monde.
Les puissances oppressives occidentales et le sionisme politique ont ensemble enfanté un monstre qui ne cesse de grandir et menace la paix dans le monde. Le comportement barbare et bestial du gouvernement israélien à Gaza (plus de 20 000 morts dont une majorité de femmes et d'enfants) montre le vrai visage de l'Etat sioniste et de la «civilisation» capitaliste. Günter Grass avait raison de s'inquiéter du danger que représente l'Etat d'Israël et de l'hypocrisie de l'occident capitaliste. Avant lui, Albert Einstein, Hannah Arendt et bien d'autres personnalités juives dénonçaient déjà en 1948 le «Parti de la liberté», ancêtre du Likoud dont Netanyahou est l'héritier, car «très proche des partis nazis et fascistes par son organisation, ses méthodes, sa philosophie politique et son attrait social»(2).
Il faut rappeler pour mémoire que dès le premier tiers du XIXe siècle, le Royaume-Uni développait déjà l'idée de créer un «foyer juif en Palestine» pour servir ses propres intérêts stratégiques (3). Le sionisme politique a grandi et prospéré sous l'aile protectrice de l'impérialisme britannique, puissance économique et coloniale de l'époque. L'antisémitisme européen, le génocide nazi, le mépris des arabes palestiniens ont grandement contribué au développement du sionisme qui n'était, jusqu'à la déclaration Balfour (1917), qu'un mouvement politique minoritaire chez les juifs. Chaïm Weizmann, premier président de l'État d'Israël, écrivait dans ses mémoires : «Il était toujours plus facile de parler à cœur ouvert aux non-juifs qu'aux juifs occidentaux; il y avait moins de chance d'être mal compris»(4). Ce sont les intérêts économiques et stratégiques donc de l'Angleterre et, partant, de la bourgeoisie anglaise qui sont, tout du moins au début, derrière le fait colonial israélien et ce qu'il est devenu aujourd'hui c'est-à-dire un véritable danger non seulement pour les peuples de cette région «bourrée» de pétrole, mais pour le monde entier.
Israël est un État au-dessus de tous les États. Il est aussi au-dessus des lois, des conventions et de toutes les résolutions des Nations Unies. Israël a trop de pouvoir grâce aux soutiens inconditionnels des Etats-Unis et de l'Europe. Il ne supporte ni contradiction, ni critique. Toute contestation, toute opposition et toute dénonciation de l'entité sioniste aussi minime soit-elle est impitoyablement réprimée et l'antisionisme se confond désormais avec l'antisémitisme.
Aujourd'hui plus qu'hier encore, l'accusation de l'antisémitisme est devenue l'arme fatale. Derrière chaque critique de l'Etat d'Israël se cache un antisémite! Il faut vaille que vaille soutenir Israël. Au nom de cet Etat, on étouffe toute velléité et toute possibilité d'exprimer librement une pensée différente. La liste de militants et militantes, de penseurs, de poètes, d'artistes, d'universitaires, de journalistes, d'hommes et de femmes politiques, accusés d'antisémitisme est impressionnante. Même l'extrême droite profondément antisémite, devenue aujourd'hui amie de Netanyahou, utilise elle aussi l'antisémitisme comme arme contre ses adversaires progressistes et antiracistes. Donald Trump, Viktor Orban, Mattéo Salvini, Javier Milei, Geert Wilders, Marine Le Pen, Eric Zemmour etc. sont parmi les plus fervents défenseurs de l'Etat hébreu et n'hésitent pas à coller l'étiquette d'antisémite sur le front de toutes celles et ceux qui critiquent le gouvernement d'Israël. Le musulman remplace aujourd'hui le juif d'hier qu'elle a tant haï et persécuté.
L'autre machine de guerre du sionisme est le terrorisme. La raison, la critique, doivent entrer en sommeil. Seule compte la soumission totale à l'union sacrée contre le terrorisme. La résistance à la politique de l'Etat d'Israël est systématiquement qualifiée de terrorisme. Même si la résistance à l'occupant est un droit naturel reconnu par les Nations Unies, le peuple palestinien est réduit à des «bandes de terroristes» qui menacent l'existence même d'Israël ! Cette obstination à taire toute critique de l'entité sioniste ne peut s'expliquer que par cette farouche volonté d'escamoter l'histoire de la Palestine et les crimes perpétrés hier et aujourd'hui par Israël avec la complicité absolue des Etats-Unis et de l'Europe contre le peuple palestinien. Les massacres d’Israël se font «dans les murmures ou dans un silence total (...)» écrivait Jean Genet dans «Quatre heures à Chatila» (5).
Les peuples et en particulier les travailleurs n'ont nul besoin des guerres et des bombes. Ils ont besoin d'un monde débarrassé justement de l'impérialisme et du sionisme politique, ennemis du progrès et de la paix. L'impérialisme et le sionisme politique ont répandu la mort un peu partout et semé trop de malheurs sur cette terre. L'entente et la fraternité entre les peuples du monde entier sont une condition vitale pour mettre un terme à l'hégémonie impérialiste et son rejeton sioniste.
La déclaration Balfour (du nom du ministre des Affaires étrangères britannique Arthur Balfour) du 2 novembre 1917 a constitué une étape décisive de la domination anglaise sur la Palestine et de la création de l'Etat d'Israël en 1948. Elle prévoyait "de favoriser l'établissement en Palestine d'un foyer national pour le peuple juif".
Mais les anglais ont fait des promesses contradictoires aux juifs (minoritaires en Palestine) et aux arabes palestiniens, uniquement pour préserver leurs intérêts dans la région. Ainsi la dépouille de l'Empire ottoman est partagée entre deux puissances coloniales, l'Angleterre et la France. Le mandat sur la Syrie et le Liban a été confié à la France, l'Irak et la Palestine, dont les frontières ont été tracées d'une manière arbitraire, à l'Angleterre. Le charcutage de la région est ratifié par la Société des Nations (SDN) en 1922.
Il faut insister sur le fait que le sionisme n'a jamais été un mouvement majoritaire chez les juifs et que la Grande Bretagne instrumentalisait la question juive uniquement pour ses propres intérêts stratégiques.
La déclaration Balfour, le mandat britannique sur la Palestine, l'antisémitisme européen et le génocide nazi ont permis aux organisations sionistes, minoritaires au début, d'étendre leur hégémonie sur les juifs du monde entier.
Leur obsession est de faire de la Palestine l'Etat exclusif du "peuple juif". C'est une "Promesse" divine faite au peuple élu. Tous les sionistes instrumentalisent ce mythe pour mieux escamoter l'histoire réelle du sionisme qui est avant tout un projet colonialiste. Mais un colonialisme qui ne ressemble à aucun autre. Il plaçait les palestiniens dans une situation bien particulière. Ils doivent faire face à la fois aux britanniques et aux sionistes. Les premiers étaient chargés de préparer la colonisation de la Palestine par les seconds. Comme disait l'écrivain Arthur Koestler, "une nation a solennellement promis à une seconde le territoire d’une troisième." (1)
Contrairement à toutes les autres colonisations, le rapport de force ici est triangulaire. Dans le régime colonial classique, le colonisé, l'opprimé affronte directement le colonisateur, l'oppresseur. En Palestine, la partie ne pouvait se jouer qu'à trois. Les palestiniens n'avaient d'autres choix que de se dresser, dans un combat très inégal, contre la Grande-Bretagne puissance mandataire et contre la colonisation sioniste qui cherche à les déposséder de leur terre et à les remplacer. Les dirigeants arabes, quant à eux, sont restés spectateurs et se sont contentés de demander aux anglais de jouer les arbitres.
Aujourd'hui, les palestiniens se battent contre Israël, mais aussi contre les Etats-Unis et l'Union européenne. Les régimes arabes, comme avant, restent spectateurs du génocide qui se déroule sous nos yeux à Gaza.
Il est peut-être utile de lire ou de relire les idées de Lénine sur la guerre et notamment sur les guerres défensives et offensives. Ce vieux texte (1915) possède encore la force de nous éclairer sur les temps obscurs de notre tragique actualité.
"La différence entre guerre offensive et guerre défensive
L'époque de 1789 1871 a laissé des traces profondes et des souvenirs révolutionnaires. Avant le renversement du régime féodal, de l'absolutisme et du joug national étranger, il ne pouvait absolument pas être question de voir se développer la lutte du prolétariat pour le socialisme. Parlant du caractère légitime de la guerre “ défensive ” à propos des guerres de cette époque, les socialistes ont toujours eu en vue, très précisément, ces objectifs qui se ramènent à la révolution contre le régime médiéval et le servage. Les socialistes ont toujours entendu par guerre “ défensive ” une guerre “ juste ” dans ce sens (comme a dit exactement un jour W. Liebknecht). C'est seulement dans ce sens que les socialistes reconnaissaient et continuent de reconnaître le caractère légitime, progressiste, juste, de la “ défense de la patrie ” ou d'une guerre “ défensive ”. Par exemple, si demain le Maroc déclarait la guerre à la France, l'Inde à l'Angleterre, la Perse ou la Chine à la Russie, etc., ce seraient des guerres “ justes ”, “ défensives ”, quel que soit celui qui commence, et tout socialiste appellerait de ses vœux la victoire des Etats opprimés , dépendants, lésés dans leurs droits, sur les “ grandes ” puissances oppressives, esclavagistes, spoliatrices.
Mais imaginez qu'un propriétaire de 100 esclaves fasse la guerre à un autre propriétaire qui en possède 200, pour un plus “ juste ” partage des esclaves. Il est évident qu'appliquer à un tel cas la notion de guerre “ défensive ” ou de “ défense de la patrie ” serait falsifier l'histoire; ce serait, pratiquement, une mystification des simples gens, de la petite bourgeoisie, des gens ignorants, par d'habiles esclavagistes. C'est ainsi qu'aujourd'hui la bourgeoisie impérialiste trompe les peuples au moyen de l'idéologie “ nationale ” et de la notion de défense de la patrie dans la guerre actuelle entre esclavagistes, qui a pour enjeu l'aggravation et le renforcement de l'esclavage".
Les visages déformés, le linge blanc tâché de sang dans lequel les enfants sont enveloppés, les crânes fracassés, les chairs transpercées, les corps déchiquetés, les cadavres noirs et gonflés dispersés à travers des rues désertées et à côté de leurs mères mortes, des enfants affamés et abandonnés, voilà quelques aspects des tueries collectives que l'Etat d'Israël continue à commettre à Gaza totalement assiégée.
Le nombre élevé de victimes dont une partie non négligeable de femmes et d’enfants, les blessés, les mutilés à vie, les armes utilisées, le bombardement d'hôpitaux, les destructions de maisons, d’immeubles et autres infrastructures nécessaires à la vie, le degré de brutalité et de cruauté atteint, le tout avec l’aide des Etats-Unis, de l’Union Européenne et de la plupart des régimes arabes, est très inquiétant pour l’avenir de la région. La facilité avec laquelle les dirigeants de ce monde, à quelques exceptions près, acceptent de se soumettre totalement et aveuglément à l’Etat d’Israël constitue en soi un véritable danger pour le monde.
Les massacres des palestiniens ne datent pas d'aujourd'hui. L’histoire de l' Etat d'Israël est chargée de crimes que l’on peut cacher, mais que personne ne peut nier. Mais cet aspect de l' histoire est escamoté et occulté. L'histoire d'Israël apparaît alors "comme une épopée menée de bout en bout par la volonté irréductible d'un "peuple" tout entier mobilisé pour mettre un terme à sa "dispersion" qui aura duré deux mille ans" (1).
Tous les grands dirigeants du sionisme (Herzl, Weizmann, Ben Gourion, Jabotinsky etc.) malgré leurs divergences sur les moyens, avaient le même but final : faire de toute la Palestine l’Etat du "peuple juif". Le sionisme politique, depuis sa fondation au congrès de Bâle en 1897, porte en lui les germes de la négation des palestiniens. "Une terre sans peuple pour un peuple sans terre" dit le slogan sioniste. Le Grand Israël est incompatible avec l’existence même du peuple palestinien : il constitue l’obstacle vivant à la réalisation de ce grand rêve. Il faut donc l’exterminer ou tout du moins le chasser loin de sa terre, la Palestine. "Expulsez-les" disait déjà Ben Gourion en 1948 en parlant de ces mêmes palestiniens.
La grande Bretagne et le sionisme politique ont enfanté un monstre qui a grandi sous l'aile protectrice des Etats-Unis et de l'Union européenne et menace la paix dans le monde.
Aucun enseignement digne de ce nom n’a été tiré du passé. Aucune leçon n’a été retenue du présent. A force de mépriser les leçons de l’histoire, on risque de reproduire d’autres tragédies peut-être plus violentes et plus sanglantes encore.
Mohamed Belaali
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(1) Cité par Lotfallah Soliman dans "Pour une histoire profane de la Palestine". La Découverte, p. 6.