Dupond-Moretti, ministre de la justice en exercice, accusé du délit "de prise illégale d'intérêts" est traduit devant la Cour de justice de la République. Cette juridiction d’exception "a considéré que l’élément matériel des prises illégales d’intérêts était établi", mais ne condamne pas pour autant le garde des Sceaux. Comprenne qui pourra. Un autre ministre lui aussi en exercice, Olivier Dussopt, comparaît devant le tribunal correctionnel de Paris pour "favoritisme" : 10 mois de prison avec sursis et 15 000 euros d'amende ont été requis contre lui. Nicolas Sarkozy est de nouveau devant les juges de la cour d'appel de Paris pour le procès sur "le financement illégal" de sa campagne présidentielle. Et puis un revenant : Jérôme Cahuzac ancien ministre du budget (chargé entre autres de la lutte contre la fraude fiscale), est de retour sur la scène politique et médiatique alors qu'il a été condamné en 2018 à quatre ans de prison, dont deux fermes pour fraude fiscale, blanchiment de fraude fiscale et pour déclaration mensongère de son patrimoine ! Quelle misère morale et politique. Qu'elle est jolie la république bourgeoise !
Mais ces affaires ne sont que l'arbre qui cache la forêt. Le nombre d'hommes politiques impliqués dans les "affaires" est impressionnant. Il est tout simplement impossible d'établir une quelconque liste exhaustive des scandales politico-financiers qui secouent régulièrement tous les échelons de l'Etat. Sans remonter jusqu'aux diamants centrafricains de Giscard, on peut citer à titre d'exemples seulement quelques noms de dirigeants politiques empêtrés dans des affaires : Alain Carignon, Alain Juppé, Bernard Tapie, Patrick Balkany, Claude Guéant, Serge Dassault, Thomas Thévenoud, François de Rugy, Richard Ferrand, Jean-Paul Delevoye, Charles Pasqua, François Léotard, François Fillon, Jacques Chirac etc. etc. Il ne s'agit là que de quelques exemples qui ne doivent pas masquer le caractère récurrent et structurel de la corruption qui règne dans les plus hautes sphères de l’État.
Les institutions de cette république bourgeoise, qualifiée pourtant "d'irréprochable" et "d'exemplaire", non seulement sont complices de ces agissements, mais permettent et favorisent la multiplication des opportunités de corruption et des scandales en tout genre. Car les scandales financiers, corruption, privilèges et autres affaires, sont intimement liés au fonctionnement même de la démocratie bourgeoise qui les produit et reproduit de manière permanente. Nicolas Sarkozy par exemple a été condamné à plusieurs reprises. L'ex-président concentre à lui seul une demi douzaine d'affaires entre ses mains : l'affaire Tapie, l'affaire Karachi, l'affaire Bettencourt, l'affaire libyenne, l'affaire des sondages et l'affaire des écoutes téléphoniques. Et même ceux qui ont été condamnés, poursuivis ou inquiétés par la justice, se font régulièrement élire ! Alain Juppé reste un exemple éloquent. Mais Juppé n'est pas un cas isolé. On peut citer également, entre autres, Patrick Balkany, Jean-François Copé, Jean-Pierre Bechter, Maryse Joissains , Brigitte Barèges, André Santini, Gaston Flosse, Jacques Mellick, Pierre Bedier etc. Aujourd'hui on peut être un homme politique corrompu jusqu'à la moelle épinière et gagner les élections, c'est un trait caractéristique de la démocratie bourgeoise. Mieux, la corruption des hommes politiques est d'autant plus brutale, plus cynique que la République est plus démocratique.
D'autres exemples montrent que les "affaires" sont au cœur même de la démocratie bourgeoise. Le cas Cahuzac, qui aujourd'hui veut revenir sur la scène politique, est exemplaire à cet égard. C'est lui qui déclarait à l'Assemblée nationale et même "les yeux dans les yeux" devant le président de la République, "Je n'ai pas, et je n'ai jamais eu un compte à l'étranger, ni maintenant, ni avant" pour reconnaître ensuite posséder un compte bancaire en Suisse et frauder le fisc quelques mois plus tard !
Ces scandales ne relèvent pas d'une affaire de morale, mais le produit d'un système économique dont les intérêts de classes constituent son fondement matériel. Elle est l'émanation des activités économiques, des comportements matériels des hommes. Lutter contre les scandales, les affaires, les fraudes etc., en invoquant la morale est une illusion et par dessus le marché une hypocrisie. Toutes ces gesticulations autour de la moralisation de la vie publique, de la nécessité d'une lutte implacable contre les dérives de l'argent ne sont que des balivernes idéalistes derrière lesquelles la classe dirigeante tente de dissimuler sa véritable nature, un instrument au service du capital.
En guise de la république "irréprochable" et "exemplaire", on a plutôt une république corrompue livrée, pieds et poings liés, au capital, aux cabinets de conseils, aux ministres millionnaires qui la violent chaque jour sous le regard stupéfait des plus démunis. Les travailleurs découvrent que ces corrompus, qui de surcroît cachent souvent leur magot dans les paradis fiscaux pour échapper à l'impôt, possèdent des patrimoines sans commune mesure avec leurs salaires de prolétaires. Combien de siècles de labeur et de souffrance au travail faut-il à un smicard par exemple pour atteindre le patrimoine déclaré et non déclaré de ces ministres ? Et ce sont ces mêmes possédants qui exigent des salariés de travailler toujours plus et leur imposent toujours plus de sacrifices. Le cynisme et le mépris pour le peuple de ces hommes et de ces femmes corrompus n'ont d'égal que leur soumission à la classe qui les a hissés à la tête de l'Etat.
On peut adopter les lois que l’on veut contre la corruption, les affaires et les privilèges, mener toutes les enquêtes possibles, on peut même diminuer et limiter leur importance, mais on ne peut pas les éliminer. Car leur existence et celle de la démocratie bourgeoise sont tellement imbriquées l’une dans l’autre que l’on ne peut supprimer l’une sans éliminer l’autre. Le véritable scandale n'est pas la corruption, mais l'existence de cette classe dominante corrompue et parasite qui vit du travail des autres.
Mohamed Belaali
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