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13 décembre 2022 2 13 /12 /décembre /2022 07:58

En janvier 2007, Nicolas Sarkozy disait : "Je veux changer la pratique de la République. Je veux une République irréprochable" (1). Aujourd'hui l'ancien président de la République est jugé pour toute une série "d'affaires" (Bygmalion, financement libyen, «Azibert», Karachi etc...). Il a même été condamné deux fois à de la prison ferme dans deux affaires différentes. C'est historique ! Et plusieurs autres "affaires" attendent encore Nicolas Sarkozy devant les tribunaux. Mais ce passage à répétition devant les juges n'est que l'arbre qui cache la forêt. Le nombre d'hommes et de femmes politiques impliqués, à un degré ou à un autre, dans les "affaires" est impressionnant. Voici une liste non exhaustive qui ne doit pas masquer le caractère récurrent et structurel de la corruption qui règne dans toutes les sphères de l’État. Sans remonter aux diamants centrafricains de Giscard, on peut citer pêle-mêle à titre d'exemple seulement quelques responsables politiques :

 

Raymond Barre, Jacques Médecin, Michel Mouillot, Christine Boutin, Christian Blanc, Christian Estrosi, Alain Joyandet, Eric Worth, Jérôme Cahuzac, Alain Juppé, André Santini, Claude Guéant, le couple Balkany, Serge Dassault, Jean-Michel Baylet, Jean-Noël Guérini, Jean-François Copé, Edouard Balladur, Jacques Chirac, Jean-Pierre Bechter, Maryse Joissains, Gaston Flosse, Jacques Mellick, Charles Pasqua, Pierre Bedier, Aquilino Morelle, Alain Carignon, Bernard Tapie, Thomas Thévenoud, Georges Tron, François Léotard, François Fillon, Léon Bertrand, François Bayrou, François de Rugy, Richard Ferrand, Laura Flessel, Jean-Paul Delevoye, Sylvie Goulard, Marielle de Sarnez, Françoise Nyssen, Alexis Kohler, Jean-Christophe Lagarde, Caroline Cayeux etc. etc.

 

D'autres noms viendront allonger cette liste déjà longue. Car ces "affaires" et ces scandales sont intimement liés au fonctionnement même du système capitaliste qui les produit et reproduit de manière permanente. Il ne s'agit pas ici d'une affaire de morale, républicaine ou non, mais la conséquence d’un système économique dont les intérêts de classes constituent le fondement matériel. Nicolas Sarkozy et Emmanuel Macron ne disaient-ils pas : "Nous conjurerons le pire en remettant de la morale dans la politique" (2) par "une vraie stratégie de moralisation de la vie publique" (3).

 

"La moralisation de la vie publique" (4), "la nécessité d'une lutte implacable contre les dérives de l'argent" (5) etc. ne sont en réalité que de grossiers mensonges derrière lesquels la classe dirigeante tente de dissimuler ses pratiques mafieuses pour mieux leurrer les classes populaires. Invoquer la morale dans le cadre du système actuel est non seulement une illusion, mais par dessus le marché une grande hypocrisie.

 

Aujourd'hui, en guise de la république "irréprochable" et "exemplaire", on a plutôt une république corrompue livrée, pieds et poings liés, au capital, aux cabinets de conseils, aux ministres millionnaires qui la violent chaque jour sous le regard stupéfait des plus démunis. Les travailleurs découvrent que ces corrompus, qui de surcroît cachent souvent leur magot dans les paradis fiscaux pour échapper à l'impôt, possèdent des patrimoines sans commune mesure avec leurs propres salaires. Combien de siècles de labeur et de souffrance au travail faut-il à un smicard par exemple pour atteindre le patrimoine déclaré et non déclaré de ces ministres? Et ce sont ces mêmes possédants qui exigent des salariés de travailler toujours plus et leur imposent toujours plus de sacrifices. Le cynisme et le mépris pour le peuple de ces hommes et de ces femmes corrompus n'ont d'égal que leur soumission aux puissants. Qu'elle est belle la république bourgeoise !

 

On peut adopter les lois que l’on veut contre la corruption, les affaires et les privilèges, mener toutes les enquêtes possibles, on peut même diminuer et limiter leur importance, mais on ne peut pas les éliminer. Car leur existence et celle du capitalisme sont tellement imbriquées l’une dans l’autre que l’on ne peut supprimer l’une sans éliminer l’autre. Les lois et les mesures prises pour lutter contre la corruption ne sont que des paravents derrière lesquels la bourgeoisie dissimule ses forfaits. Le problème n’est donc pas l’existence de la corruption, des scandales financiers, des affaires et autres privilèges, mais celle du capitalisme qui les engendre. Il y a eu dans le passé des scandales, il y a aujourd’hui des scandales et il y aura dans l’avenir d’autres scandales tant que ce système existe. Le véritable scandale, c’est le capitalisme lui-même.

 

Mohamed Belaali

 

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(1)https://www.lemonde.fr/idees/article/2012/04/26/la-republique-irreprochable-pour-memoire_1691151_3232.html

(2)https://www.lemonde.fr/idees/article/2012/04/26/la-republique-irreprochable-pour-memoire_1691151_3232.html

(3).https://www.dailymotion.com/video/x5do11u

(4)https://www.vie-publique.fr/loi/20774-loi-confiance-dans-la-vie-politique-moralisation-de-la-vie-publique

(5)https://www.vie-publique.fr/discours/187662-francois-hollande-10042013-moralisation-de-la-vie-politique-fraude

 

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24 octobre 2022 1 24 /10 /octobre /2022 07:36

A l'époque où le journalisme est devenu une vulgaire marchandise soumise aux vicissitudes du marché et un instrument de propagande entre les mains des puissants, il est utile de montrer à travers l'exemple de John Reed que cette profession peut être aussi un moyen efficace au service des luttes sociales sans renoncer pour autant à la vérité du terrain.

 

Le 17 octobre 1920 est décédé à Moscou, à l'âge de 33 ans, le journaliste révolutionnaire John Reed. L'auteur des "Dix jours qui ébranlèrent le monde" est né dans une riche famille à Portland, en Oregon, le 22 octobre 1887. Son grand-père a fait fortune dans le commerce des fourrures, son père dans la vente à grande échelle de matériel agricole. Diplômé de Harvard qu'il quitte en 1910, il rejoint en 1913 The Masses, magazine progressiste à la fois politique et culturel. Il couvre alors une série de grèves ouvrières comme celle des travailleurs de la soie dans la ville de Paterson dans le New Jersey. Dans «Guerre à Paterson», il écrit : "Il y a la guerre à Paterson. Mais c'est une sorte de guerre curieuse. Toute la violence est l'œuvre d'un seul côté - les propriétaires de l'usine" (1).

Ses témoignages sur les combats ouvriers lui ont valu des séjours répétés dans les prisons fédérales.

Cette première rencontre avec des travailleurs en grève lui a au moins permis de comprendre que le journalisme peut être un moyen efficace au service des luttes sociales non seulement aux États-Unis mais partout à travers le monde.

Quelques temps après, John Reed part pour le Mexique afin de couvrir pour Metropolitan Magazine de New York la révolution mexicaine menée par Pancho Villa. Le témoignage de Reed sur ce soulèvement populaire porte sur une courte période (quatre mois). Mais c'est peut-être la période la plus intense, la plus chargée d'espoir où Pancho Villa est considéré déjà comme une légende vivante. Dans ses chroniques, Reed mêle à la fois le souci d'une information objective et sa profonde sympathie pour les insurgés mexicains. En 1914 John Reed fait paraître "Le Mexique insurgé", somme d'articles et chroniques de cette expérience mexicaine. Une adaptation partielle du livre de Reed est portée à l'écran en 1973 par Paul Leduc : "Reed, Mexico Insurgente" (2).

En juillet 1914 toujours dans Metropolitan, Reed publie une longue lettre "The Colorado War" où il décrit avec minutie la grève et le massacre de Ludlow dans le sud du Colorado. Vingt-six ouvriers et leurs familles ont été abattus à la mitrailleuse par la garde nationale et les hommes de Rockefeller. L'historien Howard Zinn dit de cette grève des mineurs qu'elle fut "l'un des plus durs et des plus violents conflits entre les travailleurs et le capital industriel de l'histoire des États-Unis" (3).

Mais c'est surtout sa rencontre avec la révolution d'octobre 1917 qui va révéler les qualités journalistiques de Reed. Dans son magnifique livre les "Dix jours qui ébranlèrent le monde", il décrit avec passion et enthousiasme les événements historiques qui vont changer la face du monde. Il a su capter et transmettre les revendications et les aspirations humaines les plus simples et les plus fondamentales des ouvriers, des soldats et des paysans russes : "la paix, la terre, le pain, la fraternité, tout le pouvoir aux soviets...". Voici comment Reed décrit les premiers moments de la Révolution : «Quelque chose s’était brusquement éveillé en tous ces hommes. L’un parlait de la révolution mondiale en marche, un autre de l’ère nouvelle de fraternité, où tous les peuples ne seront plus qu’une grande famille (…) Mus par une commune impulsion, nous nous trouvâmes soudain tous debout, joignant des voix dans l’unisson et le lent crescendo de l’Internationale. Un vieux soldat grisonnant sanglotait comme un enfant. Alexandra Kollontaï rentrait ses larmes. Le chant roulait puissamment à travers la salle, ébranlant les fenêtres et les portes et allant se perdre dans le calme du ciel" (4).

 

Reed ne se contente pas seulement de rapporter des faits au jour le jour, il prend résolument partie pour les révolutionnaires. Il est à la fois témoin consciencieux et acteur de cette immense révolution: "Au cours de la lutte, mes sympathies n'étaient pas neutres écrit-il. Mais, en retraçant l'histoire de ces grandes journées, j'ai voulu considérer les événements en chroniqueurs consciencieux, qui s'efforce de fixer la vérité" (5).

Dans la préface du livre de Reed, Lénine écrivait : "Après avoir lu avec un immense intérêt et la même attention jusqu'au bout le livre de John Reed, Dix jours qui ébranlèrent le monde, je recommande du fond du cœur cette œuvre aux ouvriers de tous les pays. Je voudrais que ce livre soit répandu à des millions d'exemplaires et traduit dans toutes les langues, car il donne un tableau exact et extraordinairement vivant d'événements qui ont une si grande importance pour comprendre ce qu'est la révolution prolétarienne, ce qu'est la dictature du prolétariat»"(6).

La vie de Reed et les "Dix jours qui ébranlèrent le monde" sont portés à l'écran en 1981 par Warren Beatty. «Reds», ce passionnant film avec Diane Keaton et Jack Nicholson, entre autres, a largement contribué à faire connaître au grand public le journaliste et révolutionnaire John Reed.

 

Le 17 octobre 1920, John Reed le journaliste, le révolutionnaire et l'internationaliste s'est éteint à l'hôpital Marinski de Moscou emporté à l'âge de 33 ans par le typhus. Il repose à coté d'autres révolutionnaires sur la Place Rouge contre le mur du Kremlin. Sur sa tombe on peut lire "John Reed, délégué à la IIIe Internationale, 1920».

 

Mohamed Belaali

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(1)https://www.marxists.org/archive/reed/1913/masses06.htm

(2)https://fr.wikipedia.org/wiki/John_Reed,_Mexico_insurgente

(3)Howard Zinn, « Une histoire populaire des États-Unis », Agone, 2002, p. 403

(4) «Dix jours qui ébranlèrent le monde. Éditions Tribord, 2010, pages 228/229

(5) John Reed, «Les dix jours qui ébranlèrent le monde», page 33

(6)John Reed, « Dix jours qui ébranlèrent le monde », page 25.

 

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9 octobre 2022 7 09 /10 /octobre /2022 07:46

 

"Toute notre action est un cri de guerre contre l'impérialisme et un appel vibrant à l'unité des peuples contre le grand ennemi du genre humain : les Etats-Unis".

Ernesto Che Guevara

 

Le 9 octobre 1967, Ernesto Che Guevara a été exécuté à la Higuera par l'armée bolivienne encadrée par la CIA américaine. Pour l'impérialisme yankee, le Che était devenu l'homme à abattre. Non seulement il représentait un danger pour les intérêts de la bourgeoisie américaine parce que la révolution a triomphé à Cuba à moins de 150 km des Etats-Unis, mais aussi et surtout parce que son combat contre l'impérialisme était total, planétaire. Le Che a bien compris que l'impérialisme était le véritable ennemi des peuples. Combattre l'impérialisme partout à travers le monde était pour lui "le plus sacré des devoirs" (1) . L'impérialisme américain et sa puissance restent le danger principal de l'humanité, "le grand ennemi du genre humain " disait le Che.

Ernesto Che Guevara était persuadé que la défaite de l'impérialisme passe nécessairement par le triomphe de la révolution mondiale. La victoire ne sera jamais complète tant que d'autres peuples restent soumis à la domination impérialiste La révolution cubaine n'était pour lui qu'un tremplin pour d'autres bouleversements à travers la planète. L'internationalisme non seulement reste un devoir pour tout révolutionnaire, mais surtout une nécessité stratégique dans la lutte anti-impérialiste.

Mais le Che ne se contentait pas seulement de discourir et de théoriser la lutte contre l'impérialisme. Il a mené personnellement un combat aussi héroïque que désespéré contre l'impérialisme américain que ce soit dans la Sierra Maestra cubaine, dans le maquis congolais ou encore dans la forêt et les montagnes boliviennes. Il ne suffit pas "de souhaiter le succès à la victime de l’agression, mais de partager son sort, de l’accompagner dans la mort ou dans la victoire" (2).

La pratique et la théorie étaient pour le Che étroitement liées et tellement imbriquées l'une dans l'autre qu'elles ne forment qu'un tout inséparable. Son intégrité, sa sincérité et son honnêteté, de l'avis même de ses ennemis, étaient totales. Sa vie, brève mais intense, se confondait avec ses idées. Il a été jusqu'au bout de ses convictions révolutionnaires, "dans une révolution on triomphe ou on meurt (si elle est véritable)" disait-il (3). Le pouvoir, le prestige, les honneurs... ne l'ont jamais corrompu. Son mode de vie gênait et irritait tous les bureaucrates qui s'installent confortablement dans leurs nouveaux postes de commandement.

Dans son combat permanent contre l'impérialisme yankee, Ernesto n'a pas hésité à troquer son poste de ministre de l'industrie contre celui de guérillero dans les maquis congolais et bolivien; "d’autres terres du monde réclament le concours de mes modestes efforts" disait-il (4).

Pour sa famille, il n'a légué aucun bien matériel. A ses enfants, il ne leur a laissé qu'une lettre dans laquelle il leur conseillait "d'étudier beaucoup" mais avant tout, ajoute-t-il "soyez surtout capables de sentir, au plus profond de vous-mêmes, toute injustice commise contre quiconque en quelque partie du monde. C’est la plus belle qualité d’un révolutionnaire" (5).

Aujourd'hui l'impérialisme américain contre lequel s'est élevé le Che sème encore la terreur et la désolation à travers le monde. Il est toujours aussi déterminé que par le passé à détruire et à anéantir tout gouvernement, toute opposition et toute résistance qui menace ses intérêts économiques et stratégiques. Il est la négation du Droit des nations à disposer d'elles-mêmes. l'impérialisme yankée dans sa forme guerrière est devenu un monstre dont les conséquences ont atteint des dimensions épouvantables.

Le combat mené par le Che à son époque et dans d'autres conditions contre l'impérialisme américain n'a jamais été aussi actuel qu'aujourd'hui. La résistance se poursuivra inévitablement, dans des conditions différentes, tant que la violence et l'oppression impérialistes existeront.

 

Le Che est mort, mais son souvenir restera, pour celles et ceux qui luttent contre l'impérialisme et contre toutes les formes d'injustices, "enfoui tel un trésor dans la partie la plus profonde, la plus secrète et la plus riche de leur être, réchauffant leur courage, attisant leur énergie" (6).

 

Mohamed Belaali

 

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(1)En los nuevos campos de batalla llevaré la fe que me inculcaste, el espíritu revolucionario de mi pueblo, la sensación de cumplir con el más sagrado de los deberes: luchar contra el imperialismo dondequiera que esté: esto reconforta y cura con creces cualquier desgarradura» :

http://www.cuba.cu/gobierno/discursos/1965/esp/f031065e.html

(2)https://www.marxists.org/francais/guevara/works/1967/00/tricontinentale.htm

(3)http://www.cuba.cu/gobierno/discursos/1965/esp/f031065e.html

(4)http://www.cuba.cu/gobierno/discursos/1965/esp/f031065e.html

 

(5)http://www.cubadebate.cu/especiales/2017/10/04/che-a-sus-hijos-su-padre-ha-sido-un-hombre-que-actua-como-piensa/#.XY25EUYzaUk

(6)Ahmed Ben Bella premier président de l'Algérie indépendante. Le Monde diplomatique, octobre 1997.

 

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29 septembre 2022 4 29 /09 /septembre /2022 06:17

En avril 2022, une trêve fragile de deux mois renouvelable est signée au Yémen entre les belligérants. C'est une lueur d'espoir pour ce pays ravagé par sept ans de guerre depuis l'intervention militaire saoudienne en mars 2015. Les conséquences sont terribles : 377 000 victimes (1) et "70% de la population, dépendent de l’aide humanitaire pour leur survie et quatre millions de personnes sont déplacées au sein des frontières du pays" (2). Les hommes ne sont malheureusement pas les seules victimes de cette folie guerrière qui a détruit une partie importante de l’héritage culturel et architectural yéménite, patrimoine mondial de l'humanité. Ici comme ailleurs, la religion (chiites contre sunnites) est instrumentalisée pour mieux dissimuler la réalité profane, économique et politique, qui constitue la véritable base de cette guerre.

 

Les États-Unis, la France, le Royaume Uni, les armées du Golfe et les forces égyptiennes notamment participent directement ou indirectement à cette agression armée appelée «Tempête décisive». L'Arabie Saoudite utilise au Yémen des armes fabriquées et vendues par les États-Unis qui sont extrêmement dangereuses pour les civils et interdites par des traités internationaux (3). Rappelons aussi que les armes vendues par la France à l'Arabie Saoudite sont massivement utilisées au Yémen (4).

Le patrimoine culturel du Yémen est lui aussi pris pour cible. Des zones entières inscrites pourtant au patrimoine mondial de l'humanité sont ravagées par des raids aériens de la coalition (5). Les vieux quartiers de Sanaa, capitale du Yémen et plusieurs fois millénaires, n'ont pas échappé à la violence destructrice des avions américains pilotés par des saoudiens. Désormais l'ancienne ville de Sanaa et Shibam sont classées par l'UNESCO comme patrimoine mondial en péril (6). Ces destructions de l'héritage culturel du peuple yéménite et patrimoine mondial de l'humanité ressemblent étrangement aux crimes perpétrés par l'armée américaine contre l'histoire et la mémoire d'un autre pays qui a vu naître sur son sol de brillantes et splendides civilisations, il s'agit de la Mésopotamie c'est à dire l'Irak d'aujourd'hui ou tout du moins ce qu'il en reste : "C’est sur cette terre que l’écriture et le calcul, entre autres, furent inventés. Mais la Mésopotamie c’est aussi Babylone et ses jardins suspendus (septième merveille du monde), Hammourabi et son code, Nabuchodonosor II et sa conception architecturale etc. etc" (7). L'impérialisme et ses alliés locaux non seulement sont les ennemis des peuples mais aussi de leur culture, de leur histoire et de leur mémoire.

Pour l'Arabie Saoudite, le Yémen n'est que le prolongement de son propre territoire. Les affaires intérieures du Yémen sont les affaires intérieures de l'Arabie Saoudite. Le Yémen doit rester un pays totalement inféodé au royaume wahhabite. On rapporte que sur son lit de mort, l'émir Abdelaziz Ibn Saoud (1880-1953), fondateur de l'Arabie «moderne» avec l'aide des britanniques, disait que "le bonheur du Royaume est dans le malheur du Yémen". Ce racontar est probablement faux, mais il n'en demeure pas moins significatif et représentatif des relations complexes et conflictuelles entre les deux pays.

Précisons que le Yémen est la seule république au milieu des monarchies pétrolières riches et puissantes. Le Yémen, appelé autrefois l'«Arabie heureuse» pour sa prospérité, est aujourd'hui l’un des pays les plus pauvres de la planète. Il est relégué, pour son Indicateur de développement humain (IDH), aux dernières places par le Programme des Nations Unies pour le Développement (PNUD) (8).

Mais le Yémen c’est aussi le détroit de Bāb al-Mandab (porte des lamentations en arabe) qui commande l’entrée à la mer Rouge et surtout le Golfe d’Aden qui sépare le continent africain du continent asiatique et constitue de ce fait une voie maritime importante pour les échanges mondiaux. Autant dire que le Yémen représente un intérêt stratégique évident pour l'Arabie Saoudite et bien sûr pour les États-Unis très présents dans la région à travers leurs bases militaires notamment. La position géostratégique et ses nombreuses potentialités ont toujours fait du Yémen un pays convoité par les puissances étrangères et déchiré par des conflits internes entre conservateurs et progressistes qui l'ont rendu instable et difficilement gouvernable. De ce fait le Yémen constitue aussi une source d'inquiétude et une menace non seulement pour le Royaume saoudien mais aussi pour les autres dynasties du Golfe qui redoutent que d'éventuelles révoltes politiques et des revendications démocratiques ne s'étendent à toute la région.

En 2011 le soulèvement populaire au Yémen comme dans tout le monde arabe contre les régimes d'un autre âge a poussé l'Arabie Saoudite, avec l'aval des américains, à intervenir pour briser l'élan formidable des révoltes pacifiques du peuple yéménite dans toute sa diversité. Rappelons pour mémoire que ce soulèvement a réussi à renverser le président Ali Abdallah Saleh au pouvoir depuis 1978. L'écrasement du soulèvement populaires au Yémen par la contre-révolution incarnée par l'Arabie Saoudite avec la complicité de l'impérialisme américain a créé les conditions matérielles propices au développement de l'obscurantisme, du terrorisme et de la guerre civile.

Profitant du chaos qui règne au Yémen depuis l'écrasement des révoltes populaires, les Houthis s'emparent de Sanaa et obligent le président Abd Rabbo Mansour Hadi, installé au pouvoir par l'Arabie Saoudite, à démissionner mettant de facto un terme à l'accord de Riyad dont ils étaient exclus. L'Arabie et les monarchies du Golfe ne peuvent tolérer l'installation à Sanaa d'un pouvoir qu'elles accusent d'être à la solde de l'Iran. Dans la nuit du mercredi à jeudi 26 mars 2015, l'Arabie Saoudite intervient, une fois encore, au Yémen. Dans cette région du monde, l'Arabie Saoudite joue le rôle de rempart contre tout changement démocratique et progressiste.

 

Le Royaume wahhabite se saisit ainsi de la religion pour mieux étendre son influence et sa puissance dans la région. La religion est au service des ambitions politiques et des intérêts économiques. L'Islam est ainsi utilisé comme couverture et comme idéologie de légitimation pour, en dernière analyse, perpétuer le pouvoir et les privilèges de la dynastie des Al Saoud.

 

Mohamed Belaali

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(1)https://www.francetvinfo.fr/monde/proche-orient/yemen/yemen-le-conflit-a-fait-377-000morts_4859887.html

(2)https://www.unhcr.org/be/urgence-au-yemen

(3)https://www.hrw.org/fr/news/2016/05/06/yemen-recours-par-larabie-saoudite-des-armes-sous-munitions-de-fabrication

(4)https://www.arte.tv/sites/story/reportage/yemen-des-armes-made-in-france/

(5)https://www.lorientlejour.com/article/940026/operation-detruire-lheritage-culturel-du-moyen-orient-.html

(6)https://fr.unesco.org/news/vieille-ville-sana-ancienne-ville-shibam-son-mur-enceinte-yemen-ajoutees-liste-du-patrimoine

(7)https://www.belaali.com/article-les-ravages-de-la-guerre-imperialiste-en-irak-48981793.htm

(8)https://hdr.undp.org/system/files/documents/global-report-document/hdr2021-22overviewfrpdf.pdf

 

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19 septembre 2022 1 19 /09 /septembre /2022 06:41

Pour combattre l'idéologie dominante, il serait peut-être utile de revenir à la pensée révolutionnaire de Marx et d'Engels. La lecture ou la relecture de leur œuvre scientifique reste indispensable pour lutter, entre autres, contre les ravages de cette idéologie totalitaire. C'est une invitation à la réflexion et en même temps un outil formidable de combat contre un système qui échappe de plus en plus à la volonté des hommes.

Après la Critique de l'économie politique de 1859 et quelques passages de l'Idéologie Allemande, nous publions aujourd'hui un extrait du Manifeste du Parti Communiste de 1847, écrit historique de portée universelle. Malgré ses 175 ans, le Manifeste est toujours une arme redoutable face aux attaques économiques et idéologiques incessantes de la classe dominante.

 

 

 

" II : Prolétaires et communistes

 

Quelle est la position des communistes par rapport à l'ensemble des prolétaires ?

Les communistes ne forment pas un parti distinct opposé aux autres partis ouvriers.

Ils n'ont point d'intérêts qui les séparent de l'ensemble du prolétariat.

Ils n'établissent pas de principes particuliers sur lesquels ils voudraient modeler le mouvement ouvrier.

Les communistes ne se distinguent des autres partis ouvriers que sur deux points : 1. Dans les différentes luttes nationales des prolétaires, ils mettent en avant et font valoir les intérêts indépendants de la nationalité et communs à tout le prolétariat. 2. Dans les différentes phases que traverse la lutte entre prolétaires et bourgeois, ils représentent toujours les intérêts du mouvement dans sa totalité.

Pratiquement, les communistes sont donc la fraction la plus résolue des partis ouvriers de tous les pays, la fraction qui stimule toutes les autres; théoriquement, ils ont sur le reste du prolétariat l'avantage d'une intelligence claire des conditions, de la marche et des fins générales du mouvement prolétarien.

Le but immédiat des communistes est le même que celui de tous les partis ouvriers : constitution des prolétaires en classe, renversement de la domination bourgeoise, conquête du pouvoir politique par le prolétariat.

Les conceptions théoriques des communistes ne reposent nullement sur des idées, des principes inventés ou découverts par tel ou tel réformateur du monde.

Elles ne sont que l'expression générale des conditions réelles d'une lutte de classes existante, d'un mouvement historique qui s'opère sous nos yeux. L'abolition des rapports de propriété qui ont existé jusqu'ici n'est pas le caractère distinctif du communisme.

Le régime de la propriété a subi de continuels changements, de continuelles transformations historiques.

La Révolution française, par exemple, a aboli la propriété féodale au profit de la propriété bourgeoise

Ce qui caractérise le communisme, ce n'est pas l'abolition de la propriété en général, mais l'abolition de la propriété bourgeoise.

Or, la propriété privée d'aujourd'hui, la propriété bourgeoise, est la dernière et la plus parfaite expression du mode production et d'appropriation basé sur des antagonismes de classes, sur l'exploitation des uns par les autres.

En ce sens, les communistes peuvent résumer leur théorie dans cette formule unique : abolition de la propriété privée.

On nous a reproché, à nous autres communistes, de vouloir abolir la propriété personnellement acquise, fruit du travail de l'individu, propriété que l'on déclare être la base de toute liberté, de toute activité, de toute indépendance individuelle.

La propriété personnelle, fruit du travail et du mérite ! Veut-on parler de cette forme de propriété antérieure à la propriété bourgeoise qu'est la propriété du petit bourgeois du petit paysan ? Nous n'avons que faire de l'abolir, le progrès de l'industrie l'a abolie et continue à l'abolir chaque jour.

Ou bien veut-on parler de la propriété privée d'aujourd'hui, de la propriété bourgeoise ?

Mais est-ce que le travail salarié, le travail du prolétaire crée pour lui de la propriété ? Nullement. Il crée le capital, c'est-à-dire la propriété qui exploite le travail salarié, et qui ne peut s'accroître qu'à la condition de produire encore et encore du travail salarié, afin de l'exploiter de nouveau. Dans sa forme présente, la propriété se meut entre ces deux termes antinomiques; le Capital et le Travail. Examinons les deux termes de cette antinomie.

Etre capitaliste, c'est occuper non seulement une position purement personnelle, mais encore une position sociale dans la production. Le capital est un produit collectif : il ne peut être mis en mouvement que par l'activité en commun de beaucoup d'individu, et même, en dernière analyse, que par l'activité en commun de tous les individus, de toute la société.

Le capital n'est donc pas une puissance personnelle; c'est une puissance sociale.

Dès lors, si le capital est transformé en propriété commune appartenant à tous les membres de la société, ce n'est pas une propriété personnelle qui se change en propriété commune. Seul le caractère social de la propriété change. Il perd son caractère de classe.

Arrivons au travail salarié.

Le prix moyen du travail salarié, c'est le minimum du salaire, c'est-à-dire la somme des moyens de subsistance nécessaires pour maintenir en vie l'ouvrier en tant qu'ouvrier. Par conséquent, ce que l'ouvrier s'approprie par son labeur est tout juste suffisant pour reproduire sa vie ramenée à sa plus simple expression. Nous ne voulons en aucune façon abolir cette appropriation personnelle des produits du travail, indispensable à la reproduction de la vie du lendemain, cette appropriation ne laissant aucun profit net qui confère un pouvoir sur le travail d'autrui. Ce que nous voulons, c'est supprimer ce triste mode d'appropriation qui fait que l'ouvrier ne vit que pour accroître le capital, et ne vit qu'autant que l'exigent les intérêts de la classe dominante. Dans la société bourgeoise, le travail vivant n'est qu'un moyen d'accroître le travail accumulé. Dans la société communiste le travail accumulé n'est qu'un moyen d'élargir, d'enrichir et d'embellir l'existence des travailleurs ".

 

PROLETAIRES DE TOUS LES PAYS, UNISSEZ-VOUS

 

Sources : https://www.marxists.org/francais/marx/works/1847/00/kmfe18470000b.htm

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15 septembre 2022 4 15 /09 /septembre /2022 05:48

Zineb REDOUANE 80 ans, Ali Ziri 69 ans, Cédric Chouviat 42 ans, Mohamed Boukrourou 41 ans, Abou Bakari Tandia 38 ans, Amadou Koumé 33 ans, Pascal Taïs 32 ans, Abdelkarim Aouad 30 ans, Wissam El-Yamni 30 ans, Mickaël Simon 27 ans, Mohammed Saoud 26 ans, Abdelilah El Jabri 25 ans, Lamine Dieng 25 ans, Adama Traoré 24 ans, Steve Maia Canico 24 ans, Malik Oussekine 22 ans, Hakim Ajimi 22 ans, Rémi Fraisse 21 ans, Zied et Bouna 17 et 15 ans… La liste des hommes morts du fait de la police, dans les commissariats, lors des interpellations etc. est longue, trop longue. Et il ne s'agit là que de quelques victimes connues et répertoriées.

Entre 1977 et 2020, la police a tué 746 personnes (1). Récemment, nous rapporte la presse, "en moins de 24 heures, deux personnes ont été tuées par des tirs policiers, lors de deux refus d'obtempérer" (2).

En 2017, la loi relative à la sécurité publique a nettement assoupli la notion de la légitime défense (3). Depuis cette date, le nombre de personnes abattues par la police a été multiplié par 5 (4).

Ces assassinats sont banalisés, légitimés et institutionnalisés par l'Etat.

La mission essentielle de la police n'est pas la sécurité publique mais le maintien de l'ordre politique, garanti par l’État, instrument d'oppression de la classe dominante. Ces crimes ordinaires de l'Etat français se suivent et se ressemblent. Il y aura malheureusement dans l'avenir d'autres crimes tellement la police est intimement liée à l'Etat.

Les assassinats, les mutilations et d'une manière générale la répression et la violence exercées sur les jeunes des cités, partie intégrante de la classe ouvrière, et sur le mouvement social dans sa globalité montrent bien que le rôle confié par la bourgeoisie à la police est de briser toute contestation, toute résistance aussi minime soit-elle  à l'ordre établi. C'est dans ce cadre qu'il faut comprendre toute cette surenchère sécuritaire, cette militarisation de la police et ce renforcement extraordinaire de ses pouvoirs.

Aucune république, aucune monarchie même la plus démocratique, ne peut se passer de la violence pour maintenir la majorité de la population dans la soumission. L'existence du suffrage universel, du gouvernement, du parlement et de toutes les institutions qui gravitent autour de l’État ne change rien au fond du problème : l’État reste ce qu'il est réellement c'est-à-dire un appareil qui réprime par la violence toute contestation de l'ordre établi. La terrible répression exercée sur les Gilets jaunes est un exemple éloquent à cet égard. Il ne peut en être autrement dans une société de classes où l’État possède le monopole de la violence. L’État au service du peuple, de l'ordre public, de l'intérêt général etc. ne sont que des grossiers mensonges véhiculés par la classe dirigeante pour mieux justifier ses privilèges et sa domination.

L’État français peut en totale impunité tuer, éborgner les manifestants, arracher leurs mains, les défigurer ou tout simplement les éliminer physiquement. Ni la justice, ni l' Inspection Générale de la Police Nationale, le Conseil d’État, le Défenseur des Droits, l'ONU, le Parlement européen , le Conseil de l'Europe et toutes les autres institutions nationales et internationales ne sont en mesure d'arrêter cette violence de classe.

Derrière la violence policière il y a l’État et derrière l’État il y a le capital.

 

Mohamed Belaali

 

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(1)https://bastamag.net/webdocs/police/

(2)https://www.francetvinfo.fr/faits-divers/police/violences-policieres/refus-d-obtemperer-plus-de-26-000-delits-en-2021-9-morts-depuis-le-debut-de-l-annee-ce-que-disent-les-statistiques-officielles_5349133.html

(3)https://www.assemblee-nationale.fr/14/dossiers/securite_publique.asp

(4)https://basta.media/refus-d-obtemperer-quatre-fois-plus-de-personnes-tuees-par-des-policiers-depuis-cinq-ans

 

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31 août 2022 3 31 /08 /août /2022 05:56

Le capitalisme mondialisé et financiarisé menace aujourd'hui plus que jamais la survie de l'humanité. Il ne s'agit pas seulement d'une nouvelle crise grave du système, mais aussi d'une menace réelle pour l'avenir des hommes sur cette terre. La population assiste impuissante à sa lente destruction ainsi que celle de son environnement. Elle constate effarée les ravages du capitalisme : saccage systématique de la planète, réchauffement climatique, exploitation de la force de travail de plus en plus violente, misère sociale exacerbée, menace constante d'une guerre nucléaire, épidémies à répétition, marchandisation et déshumanisation des rapports sociaux etc. etc. Mais les hommes qui ont produit ce système sont également capables de se dresser contre lui et le dépasser, mettant ainsi un terme à la "préhistoire" de l'humanité.

 

La classe dirigeante, la bourgeoisie est non seulement dans l'incapacité de faire face à cette situation sans précédent, mais elle amplifie cet état de fait. Son système, le capitalisme avec sa logique d'accumulation, transforme ces ravages et ces catastrophes en autant d'opportunités de profit, lui permettant ainsi de poursuivre son œuvre de destruction. De par sa nature, le capitalisme tend à envahir et à conquérir toutes les sphères pour en faire un marché.

Le capital non seulement produit du profit, mais le profit à son tour engendre le capital qui croît et se multiplie d'une manière irrationnelle et sans fin. Le processus peut donc se répéter à l'infini. Or les ressources naturelles, ou tout du moins une partie d'entre elles, sont finies. Le capitalisme est une machine qui est en train de dévorer l'homme et la planète qui ne sont pour lui que des moyens pour son extension et son développement. Il va sans dire que le système qui méprise l'homme ne peut respecter la nature.

Engels, cité par Rosa Luxemburg, disait "La société bourgeoise est placée devant un dilemme : ou bien passage au socialisme ou rechute dans la barbarie" (1). Si le socialisme n'est toujours pas là, la barbarie capitaliste et sa violence sur l'homme et la nature, par contre, se poursuivent toujours. Mais ce triomphe pourrait tout simplement mener à l'anéantissement de la vie sur terre. Les classes dirigeantes ne font que préserver et renforcer par leurs mesures dérisoires le système en donnant l'illusion qu'il est "réformable". Toutes les demi-mesures et toutes les réformes, si elles ont contribué à améliorer provisoirement la situation des esclaves modernes ne font, en dernière analyse, que perpétuer l'asservissement général engendré par le système.

Que faire alors contre cette marche suicidaire vers l'abîme ? Continuer sur cette voie tracée par une minorité d'exploiteurs qui mène au chaos, à la barbarie et à la destruction de l'homme et de la nature ou, au contraire, renverser l'ordre établi. Contrairement aux affirmations de l'idéologie dominante qui nie toute possibilité de transformation qualitative de la société, la révolution sociale et socialiste reste une alternative qui pourrait changer radicalement les relations entre l'homme et l'homme, entre l'homme et la nature.

Mais la marche en avant vers le socialisme ne peut résulter de la perfection de la démocratie bourgeoise, de la conciliation des classes etc. L'entente des classes est une chimère, une rêverie produite et entretenue par les classes exploiteuses. Elle est contredite chaque jour par les faits. La bourgeoisie qui concentre entre ses mains tous les pouvoirs n'est absolument pas prête à la "concertation" au " dialogue" etc. Elle ne reculera devant rien pour perpétuer son système de production et d'exploitation sur lequel elle repose. Et si la lutte des classes s'intensifie, s'aiguise et dure dans le temps, elle n'hésitera pas à recourir à la violence sous toutes ses formes y compris la plus abjecte, la guerre. Toute l'histoire des classes dominantes n'est que cruauté et férocité exercées sur les dominés pour se maintenir au pouvoir. Seule la révolution socialiste est en mesure d'enfanter une nouvelle société en mettant un terme à la résistance de la minorité d'exploiteurs.

Mais la révolution ne se décrète pas comme disait Engels une fois encore "(...) les révolutions ne se font pas arbitrairement et par décret, mais qu'elles furent partout et toujours la conséquence nécessaire de circonstances absolument indépendantes de la volonté et de la direction de partis déterminés et de classes entières" (2).

Mais si la révolution ne se décrète pas, elle se prépare. Et qui sont les mieux disposés à la préparer que celles et ceux qui subissent au quotidien l'exploitation et le despotisme du capital ? Les travailleurs, et d'une manière générale les salariés, non seulement sont le produit le plus authentique de la bourgeoisie, mais possèdent aussi les moyens de paralyser le pouvoir économique et partant politique de la minorité dominante. Les prolétaires d'aujourd'hui comme ceux d'hier n'ont aucun intérêt, aucun privilège dans la société bourgeoise. Ils y sont ravalés et traités en bêtes de somme. Il ont donc tout intérêt à renverser le régime bourgeois. Mais il ne suffit pas que les opprimés prennent conscience de leur situation d'exploités pour que la révolution se produise; il faut aussi et surtout que " "ceux d’en bas” ne veulent plus et que “ceux d’en haut” ne peuvent plus continuer de vivre à l’ancienne manière " (3).

Malheureusement "ceux d'en bas" sont affaiblis et se livrent de surcroît une concurrence fratricide sur le marché du travail qui brise leur unité et les empêche de construire des organisations et des directions capables d'affronter efficacement la minorité exploiteuse. Ajoutons à cela l'omniprésence de l'idéologie dominante qui, à travers les grands médias, les programmes scolaires et universitaires, les institutions religieuses, les industries culturelles etc., trompe, démoralise et prive la classe des travailleurs des instruments idéologiques nécessaires au renversement de l'ordre établi. Sans solidarité fraternelle des travailleurs et sans théorie révolutionnaire, "ceux d'en haut" continueront à vivre à " l'ancienne manière" et poursuivront leur œuvre de destruction.

 

Mohamed Belaali

 

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(1)https://www.marxists.org/francais/luxembur/junius/rljaf.html

(2) F. Engels "Principes du communisme", 1847.

(3) Lénine, "La maladie infantile du communisme (le "gauchisme") :
https://www.marxists.org/francais/lenin/works/1920/04/g9.htm

 

 

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21 juin 2022 2 21 /06 /juin /2022 07:29

 

"Le premier acte historique de ces individus, par lequel ils se distinguent des animaux, n'est pas qu'ils pensent, mais qu'ils se mettent à produire leurs moyens d'existence".

 

 

 

Après la "Critique de l'économie politique" de 1859, nous publions aujourd'hui quelques passages de l'Idéologie allemande, texte rédigé par Marx et Engels entre l'automne1845 et le printemps 1846. C'est une œuvre posthume puisqu'elle n'a été publiée pour la premère fois qu'en... 1932.

 

"(...) Les prémisses dont nous partons ne sont pas des bases arbitraires, des dogmes; ce sont des bases réelles dont on ne peut faire abstraction qu'en imagination. Ce sont les individus réels, leur action et leurs conditions d'existence matérielles, celles qu'ils ont trouvées toutes prêtes, comme aussi celles qui sont nées de leur propre action. Ces bases sont donc vérifiables par voie purement empirique.

La condition première de toute histoire humaine est naturellement l'existence d'êtres humains vivants. Le premier acte historique de ces individus, par lequel ils se distinguent des animaux, n'est pas qu'ils pensent, mais qu'ils se mettent à produire leurs moyens d'existence. Le premier état de fait à constater est donc la complexion corporelle de ces individus et les rapports qu'elle leur crée avec le reste de la nature. Nous ne pouvons naturellement pas faire ici une étude approfondie de la constitution physique de l'homme elle-même, ni des conditions naturelles que les hommes ont trouvées toutes prêtes, conditions géologiques, orographiques, hydrographiques, climatiques et autres. Or cet état de choses ne conditionne pas seulement l'organisation qui émane de la nature; l'organisation primitive des hommes, leurs différences de race notamment; il conditionne également tout leur développement ou non développement ultérieur jusqu'à l'époque actuelle. Toute histoire doit partir de ces bases naturelles et de leur modification par l'action des hommes au cours de l'histoire.

On peut distinguer les hommes des animaux par la conscience, par la religion et par tout ce que l'on voudra. Eux-mêmes commencent à se distinguer des animaux dès qu'ils commencent à produire leurs moyens d'existence, pas en avant qui est la conséquence même de leur organisation corporelle. En produisant leurs moyens d'existence, les hommes produisent indirectement leur vie matérielle elle-même.

La façon dont les hommes produisent leurs moyens d'existence, dépend d'abord de la nature des moyens d'existence déjà donnés et qu'il leur faut reproduire. Il ne faut pas considérer ce mode de production de ce seul point de vue, à savoir qu'il est la reproduction de l'existence physique des individus. Il représente au contraire déjà un mode déterminé de l'activité de ces individus, une façon déterminée de manifester leur vie, un mode de vie déterminé. La façon dont les individus manifestent leur vie reflète très exactement ce qu'ils sont. Ce qu'ils sont coïncide donc avec leur production, aussi bien avec ce qu'ils produisent qu'avec la façon dont ils le produisent. Ce que sont les individus dépend donc des conditions matérielles de leur production. (,,,)

Voici donc les faits : des individus déterminés qui ont une activité productive selon un mode déterminé entrent dans des rapports sociaux et politiques déterminés. Il faut que dans chaque cas isolé, l'observation empirique montre dans les faits, et sans aucune spéculation ni mystification, le lien entre la structure sociale et politique et la production. La structure sociale et l'État résultent constamment du processus vital d'individus déterminés; mais de ces individus non point tels qu'ils peuvent s'apparaître dans leur propre représentation ou apparaître dans celle d'autrui, mais tels qu'ils sont en réalité, c'est-à-dire, tels qu'ils œuvrent et produisent matériellement; donc tels qu'ils agissent sur des bases et dans des conditions et limites matérielles déterminées et indépendantes de leur volonté. Les représentations que se font ces individus sont des idées soit sur leurs rapports avec la nature, soit sur leurs rapports entre eux, soit sur leur propre nature. Il est évident que, dans tous ces cas, ces représentations sont l'expression consciente   réelle ou imaginaire   de leurs rapports et de leur activité réels, de leur production, de leur commerce, de leur organisation politique et sociale. Il n'est possible d'émettre l'hypothèse inverse que si l'on suppose en dehors de l'esprit des individus réels, conditionnés matériellement, un autre esprit encore, un esprit particulier. Si l'expression consciente des conditions de vie réelles de ces individus est imaginaire, si, dans leurs représentations, ils mettent la réalité la tête en bas, ce phénomène est encore une conséquence de leur mode d'activité matériel borné et des rapports sociaux étriqués qui en résultent. (...)

A l'encontre de la philosophie allemande qui descend du ciel sur la terre, c'est de la terre au ciel que l'on monte ici. Autrement dit, on ne part pas de ce que les hommes disent, s'imaginent, se représentent, ni non plus de ce qu'ils sont dans les paroles, la pensée, l'imagination et la représentation d'autrui, pour aboutir ensuite aux hommes en chair et en os; non, on part des hommes dans leur activité réelle, c'est à partir de leur processus de vie réel que l'on représente aussi le développement des reflets et des échos idéologiques de ce processus vital. Et même les fantasmagories dans le cerveau humain sont des sublimations résultant nécessairement du processus de leur vie matérielle que l'on peut constater empiriquement et qui repose sur des bases matérielles. De ce fait, la morale, la religion, la métaphysique et tout le reste de l'idéologie, ainsi que les formes de conscience qui leur correspondent, perdent aussitôt toute apparence d'autonomie. Elles n'ont pas d'histoire, elles n'ont pas de développement; ce sont au contraire les hommes qui, en développant leur production matérielle et leurs rapports matériels, transforment, avec cette réalité qui leur est propre, et leur pensée et les produits de leur pensée. Ce n'est pas la conscience qui détermine la vie, mais la vie qui détermine la conscience. Dans la première façon de considérer les choses, on part de la conscience comme étant l'individu vivant, dans la seconde façon, qui correspond à la vie réelle, on part des individus réels et vivants eux-mêmes et l'on considère la conscience uniquement comme leur conscience (...)."

 

L'idéologie allemande

K. Marx - F. Engels

 

Source : https://www.marxists.org/francais/marx/works/1845/00/kmfe18450000c.htm

 

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9 juin 2022 4 09 /06 /juin /2022 06:51

Parmi les révolutions de l'histoire récente que l'idéologie dominante et ses médias ne veulent en aucun cas entendre parler, on peut évoquer celle de Dhofar (1964/1976). Qui se souvient encore de ce formidable soulèvement contre toutes les formes d'injustice et d'oppression dans une petite région du sud-ouest de la péninsule arabique au sud de l'actuel Oman ? Cet élan émancipateur radical a été porté par les hommes et les femmes du Front Populaire de Libération du Golfe Arabe Occupé (FPLGAO) dont le projet révolutionnaire dépassait et de loin les revendications classiques des mouvements de libération nationale. Contre cette carence de mémoire et contre l'amnésie historique encouragée par les classes dominantes, nous revenons, même très rapidement, sur cette expérience aujourd'hui oubliée, de ces hommes et de ces femmes héroïques qui les armes à la main voulaient changer le monde.

 

Les révolutionnaires dhofaris ne se sont pas contentés de mener une guerre pour l'indépendance du Dhofar. Ils ont élargi leur lutte armée à des horizons improbables dans une région où les pesanteurs économiques sociales et politiques sont d'un autre âge. Ils voulaient ainsi libérer tous les pays du Golfe (Oman, Arabie Saoudite, Émirats arabes unis, Qatar, Koweït, Bahreïn) de l'emprise de l'impérialisme britannique et unifier ces peuples dans la République Populaire Arabe du Golfe.

Sur le plan idéologique, ils ont abandonné le nationalisme arabe traditionnel pour adopter la pensée de Marx et de Lénine (lutte des classes, internationalisme, centralisme démocratique, éducation politique des masses etc.). Ils ont aboli l'esclavage et rendu l'alphabétisation obligatoire dans toutes les zones libérées. "En quatre ans, écrit G. Troeller, avec peut-être quelque exagération, ce système a fait des Dhofaris le peuple le plus instruit de la péninsule arabique" (1).

Les révolutionnaires dhofaris ont érigé l'égalité homme/femme en priorité absolue. La cinéaste Heiny Srour qui a tourné un magnifique film documentaire sur les combattants et les combattantes du Front populaire de libération, "L'heure de la libération a sonné", disait "C'est bien la première fois dans le monde arabe qu'une force politique organisée considère que la libération de la femme est une fin en soi, […] la première fois que la pratique va aussi loin que les slogans" (2).

 

Conscient des expériences ratées des mouvements de libération, qui une fois au pouvoir renvoyaient les femmes à leur oppression, le Front populaire voulait sans attendre la victoire libérer les femmes des chaînes de l'esclavage patriarcal et les faire participer à toutes les tâches imposées par la révolution. Ils disaient "c’est ici et immédiatement qu’il faut libérer les femmes, sans attendre la victoire. C’est maintenant qu’il faut abolir la polygamie, alphabétiser massivement les femmes" (3).

Effectivement la polygamie comme la dot ont été abolies. Le droit au divorce comme celui de choisir librement son conjoint est reconnu à l'homme et à la femme. Bref, ils voulaient dans cette région du monde arabe faire éclater, bouleverser et briser toutes les oppressions, tous les archaïsmes et toutes les conditions qui humilient et rabaissent l'homme et la femme. C'était une révolution qui dépassait et de loin les objectifs d'un mouvement de libération nationale classique.

 

La révolution dhofarie a réveillé de profondes espérances dans les masses opprimées non seulement dans le Golfe, mais aussi dans tout le monde arabe. Elle constituait par contre une menace vitale pour les intérêts pétroliers de toutes les bourgeoisies du monde. Et c'est pour cela qu'elle a été écrasée par l'impérialisme anglais, le Chah d'Iran, le roi de Jordanie, le Mossad israélien etc. La région est dominée aujourd'hui par les régimes les plus réactionnaires au monde. Les idées émancipatrices portées courageusement par les hommes et les femmes du Dhofar sont remplacées par l'obscurantisme d'un autre âge. Les révolutionnaires du Dhofar ont été vaincus, mais leur combat n'a jamais été aussi actuel qu'aujourd'hui. Leur souvenir restera gravé dans la mémoire de tous les opprimés qui se battent pour une société débarrassée de toutes les tares du capitalisme.

 

Mohamed Belaali

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(1)https://www.erudit.org/fr/revues/ei/1973-v4-n1-2-ei2973/700284ar.pdf

(2)https://www.liberation.fr/cinema/2016/06/14/une-revolution-retrouvee_1459440/

(3)https://www.cnc.fr/cinema/actualites/heiny-srour---leila-et-les-loups-survole-huit-decennies-dengagement-des-femmes-du-monde-arabe_1681171#:~:text=Dans%20Le%C3%AFla%20et%20les%20loups,dans%20les%20ann%C3%A9es%201970%2D1980.

 

 

Pour celles et ceux que cette révolution intéresse, voici quelques liens utiles :

 

https://www.erudit.org/fr/revues/ei/1973-v4-n1-2-ei2973/700284ar.pdf

https://www.actes-sud.fr/catalogue/litterature-etrangere/warda

https://www.monde-diplomatique.fr/1970/01/VIENNOT/29398

 

 

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4 juin 2022 6 04 /06 /juin /2022 06:54

 

«Toute violence politique repose primitivement sur une fonction économique»

F. Engels (1)

 

 

Aujourd'hui la peine de mort et les crimes à répétition de la police américaine contre les noirs remplacent les lynchages, les bûchers, les mutilations et autres pendaisons d'hier. Mais derrière la violence raciale se cache l'oppression de classe.

 

Aux États-Unis, 26 États sur 50 appliquent encore la peine de mort. Des centaines de personnes ont été exécutées depuis 1977 (2) . D'autres condamnés attendent dans les couloirs de la mort (Death Row) (3) et on va taire par pudeur la cruauté de ces exécutions.

 

L'arme politique que constitue la peine capitale est essentiellement utilisée contre les classes défavorisées : 95 % des personnes condamnées à mort provenaient de milieux pauvres (4).

Les privilégiés quant à eux, même en commettant les pires crimes, ont tous les moyens d'échapper à la mort.

 

Aux condamnations de classes, s'ajoutent les préjugés de race. La peine de mort constitue un indicateur essentiel du racisme anti-noir qui règne aux États-Unis. Ainsi, 34 % des condamnés sont noirs alors qu'ils ne représentent que 12 % de la population totale (5). 98 % des Procureurs, c'est à dire ceux qui décident réellement de la vie ou de la mort des accusés, sont blancs ! (6).

 

Les crimes perpétrés par la police contre les citoyens noirs et pauvres se succèdent et se ressemblent. Des policiers blancs asphyxient ou tirent à plusieurs reprises sur des noirs désarmés. Les policiers criminels sont très rarement condamnés (7). La condamnation à 22 ans et demi de Derek Chauvin, le policier blanc qui a assassiné George Floyd, est un fait extrêmement rare aux Etats-Unis. Et comme le disait Joe Biden lui-même : "Un tel verdict est également beaucoup trop rare pour un très grand nombre de personnes. Il semble qu'il ait fallu une convergence unique et extraordinaire de facteurs" (8). La complicité du système judiciaire américain avec l'institution policière est totale.

 

L'oppression raciale et l'oppression économique vont de pair. L'oppression raciale sert de justification et de légitimation à l'oppression économique. Pour comprendre cette relation et cette violence extrême exercée sur les noirs et les plus démunis en général, pour mieux les exploiter, il faut remonter aux XVIIème et au XVIIIème siècles avec la création des plantations coloniales qui nécessitaient une main-d’œuvre massive et servile.

 

Après l'extermination des indiens, les anglais et les français ont d'abord utilisé des esclaves blancs venus d'Europe. Mais avec le développement prodigieux des plantations de riz, coton, tabac et autres canne à sucre, le travail des esclaves blancs ne suffisait plus. L'importation d'esclaves africains devenait vitale pour la survie des plantations. L’Afrique est ainsi transformée comme disait Marx «en une sorte de garenne commerciale pour la chasse aux peaux noires» (9). Il fallait absolument fournir ces plantations en force de travail la plus servile et la plus rentable possible :«Les esclaves sont envoyés dans toutes les plantations américaines de Sa Majesté qui ne peuvent subsister sans eux» (10). Aucun planteur n'était encore prêt à embaucher des salariés.

 

Ainsi la richesse fabuleuse accumulée par les planteurs américains était produite, sous le fouet, par des africains arrachés à leur continent par la force et la violence. Combien ont succombé à leurs souffrances dans les champs de coton, de tabac ou de canne à sucre ? Combien ont été castrés, mutilés, lynchés (11), brûlés vif, ou encore pendus ? Nul ne le sait avec précision.

 

A cette époque c'est à dire fin XVIIème et début du XVIIIème siècle, les esclaves blancs et noirs étaient considérés comme une main-d’œuvre servile et rentable, traités par conséquent avec la même violence. Les historiens rapportent même leurs luttes communes contre l'esclavage  : «Parce qu'ils travaillent ensemble dans les mêmes champs, les premiers américains de race noire et de race blanche, à l'exception des aristocrates, ont tissé de puissants liens de sympathie et de réciprocité. Ils se sont révoltés ensemble » (12). L'esclave noir n'était pas considéré comme un être inférieur ou supérieur à l'esclave blanc. Seules comptaient leur productivité et leur rentabilité. On ne trouve dans les écrits des trafiquants d'esclaves de cette époque aucune trace, aucun relent de racisme (13).

 

L'apparition du racisme anti-africain a commencé avec la lutte pour l'abolition de l'esclavage dans un contexte de développement du salariat en Europe et en Amérique du Nord. Pour faire face à cette menace, défendre leurs privilèges et perpétuer l'esclavage, les planteurs, les marchands d'esclaves et les esclavagistes en général ont utilisé des théories pseudo-scientifiques montrant que le noir s'approche davantage du singe que de l'homme (14). Les blancs (les européens) sont donc supérieurs aux noirs (les africains) physiquement et intellectuellement. Le racisme vient ainsi justifier et légitimer l'esclavage. Le concept économique et social de l'esclavage est devenu un concept racial. Le racisme est un produit authentique de l'esclavage.

 

Le racisme anti-noir s'est nettement développé par la suite. Il a fallu toute une guerre civile (guerre de Sécession 1861/1865), dont le rôle des anciens esclaves était décisif, pour mettre un terme au commerce des êtres humains entre l'Afrique et les États-Unis.

 

Si l'esclavage a été aboli, au moins formellement, le racisme quant à lui continue à se développer au grès des vicissitudes du développent du capitalisme. A l'esclavage succède le salariat, nouvelle forme de servitude. Le racisme doit s'adapter à son tour, sans disparaître totalement, à la nouvelle forme d'exploitation pour mieux la servir.

 

Malgré la nouvelle situation, le Sud défait, humilié et ruiné continuait pourtant à s'accrocher à ses valeurs esclavagistes et racistes. La frustration et la haine du noir devenu citoyen, ont créé un climat propice au développement d'organisations terroristes et racistes. La plus connue et la plus violente aussi est certainement le Ku Klux Klan. L'organisation jouissait à ses débuts d'une grande popularité et d'une complicité des autorités politiques (président Andrew Johnson) et judiciaires( codes noirs, lois Jim Krow). Le Klan se présentait comme le défenseur de la suprématie de la race blanche menacée par le péril noir. Sa priorité était de s'attaquer aux noirs affranchis. L'organisation ne reculait devant aucun moyen pour terroriser la population noire: lynchages, bûchers sur les places publiques , pendaisons, assassinats, mutilations, viols etc. Il est difficile de donner un nombre précis des victimes noires du Klan (15).

 

Le Ku Klux Klan a connu plusieurs vies et plusieurs versions différentes de 1865, date de sa création, à aujourd'hui sans jamais abandonner réellement sa doctrine originelle, la suprématie de la race blanche et la haine du noir même si le racisme basé sur la supériorité biologique n'a aucune base scientifique. Le Klan a mené en fait un combat d'arrière garde. Il n'a jamais compris que l'esclavage ne correspondait plus à la réalité d'un capitalisme en plein développement et que le prolétaire avait remplacé l'esclave. De surcroît le prolétaire noir est plus rentable et plus corvéable que le prolétaire blanc.

 

Mais le nouveau Klan tente de s'adapter, avec beaucoup de retard et de difficultés, à la réalité d'aujourd'hui. Car le Ku Klux Klan est toujours utile pour la classe dominante ne serait-ce que pour entretenir et perpétuer, par son agitation et les préjugés raciaux qu'il propage, la division au sein de la classe ouvrière. Le Klan a réussi à transmettre à de nombreuses organisations racistes cette culture de violence et de haine envers la population noire. C'est d'ailleurs l'une de ces organisations, le « New empire knights » se réclamant du Klan, qui a appelé à soutenir Darren Wilson le policier qui a assassiné le jeune noir Michael Brown à Ferguson le 9 août 2014. Pour cette organisation, le policier blanc « n'a fait que son boulot contre le nègre criminel» (16).

 

 

Le racisme, la violence et d'une manière générale l'oppression de classe et de race ne sont que des moyens au service du profit et de l'accumulation du capital. Le racisme a servi dans le passé l'esclavage, il sert aujourd'hui, sous des formes différentes, l'esclavage capitaliste, le salariat. Il est vrai aussi que cette violence revêt une dimension spécifique aux États-Unis du fait du fardeau de l'histoire. Le travailleur noir subit l'exploitation de classe mais aussi l'oppression de race. Pour les travailleurs noirs, la lutte contre le racisme est un combat quotidien, vital. Ils affrontent constamment, entre autres, les brutalités policières et la violence d'un système judiciaire qui les envoie souvent et injustement dans les couloirs de la mort. Mais la lutte des travailleurs noirs, aussi fondamentale soit-elle, ne suffit pas à les libérer des chaînes du capital. L'alliance avec les travailleurs blancs est indispensable pour améliorer leurs conditions quotidiennes d'existence et surtout pour entreprendre ensemble une lutte d'envergure pour l'abolition du salariat source de leurs division et de leur oppression.

 

 

Mohamed Belaali

 

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(1)F.Engels «Le rôle de la violence dans l'histoire». Éditions Sociales, page 37.

(2)https://www.peinedemort.org/usa/executions

(3)https://deathpenaltyinfo.org/death-row/overview/demographics

Voir également : https://www.naacpldf.org/wp-content/uploads/DRUSAWinter2022.pdf

(4)https://www.acatfrance.fr/actualite/peine-de-mort-aux-etats-unis---les-pauvres-en-premiere-ligne

(5)http://www.deathpenaltyinfo.org/documents/FactSheet.pdf

(6)https://files.deathpenaltyinfo.org/legacy/files/pdf/WholivesFrench.pdf

(7)https://www.americanbar.org/groups/crsj/publications/human_rights_magazine_home/human_rights_vol36_2009/spring2009/the_right_to_life_policing_race_and_criminal_injustice/

(8)https://theconversation.com/mort-de-george-floyd-une-condamnation-historique-dans-une-societe-divisee-157164

(9)Le Capital - Livre premier. L'accumulation primitive :

https://www.marxists.org/francais/marx/works/1867/Capital-I/kmcapI-31.htm

(10)Document de la Royal African Company fondée en 1672, cité par S.U. Abramova in «Aspects idéologiques, doctrinaux, philosophiques, religieux et politiques du commerce des esclaves noirs » :

http://unesdoc.unesco.org/images/0012/001236/123654fo.pdf

(11)L'origine du mot « lynchage » est controversée. Certains l'attribuent à William Lynch (1742-1820) , d'autres à Charles Lynch (1736-1796), d'autres encore citent Willy (ou Willie) Lynch auteur présumé d'un texte de 1712 où il explique comment briser la résistances des esclaves noirs. Mais dans tous les cas le terme « lynchage » désigne des exécutions sommaires et barbares se généralisant au sud des États-Unis notamment pour mieux soumettre la population noire.

(12)Lerone Bennett cité par Haïti Infos :

http://www.haitiinfos.net/2012/12/les-origines-du-racisme/

(13)S.U. Abramova, op cit. Voir également sur ce point les travaux de l'historien américain Isaac Saney

(14)Voir entre autres, les travaux de : P. Camper sur l'angle facial :

http://fr.wikipedia.org/wiki/Petrus_Camper

(15)Par contre Equal Justice Initiative a publié récemment une étude sur le Lynchage aux Etats-Unis :

https://eji.org/wp-content/uploads/2019/10/lynching-in-america-3d-ed-080219.pdf

(16)http://www.usatoday.com/story/news/nation-now/2014/08/19/ku-klux-klan-ferguson-police-michael-brown/14275115/

 

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