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18 mars 2023 6 18 /03 /mars /2023 07:00

                                                         «L'histoire ne connaît pas encore d'exemple d'une pareille grandeur!»

                                                                                                                                                          K.Marx

 

Les communards se sont battus héroïquement contre l'une des plus féroces bourgeoisies au monde. Aujourd'hui, Macron est le digne représentant de cette même classe sociale comme l'était Adolphe Thiers hier.

 

«A l'aube du 18 mars, Paris fut réveillé par ce cri de tonnerre : vive la commune !» (1). Mais la Commune de Paris n'a vécu que 72 jours ! Pendant cette éphémère existence, la Commune n'a certes pas fait de miracles, mais elle a réalisé des avancées sociales et politiques qui font encore aujourd'hui l'admiration des peuples du monde entier. Des femmes de Montmartre, qui ont fait barrage de leurs corps pour protéger les canons de la Garde nationale, jusqu'au dernier communard tombé au Père-La chaise le fusil à la main, la Commune s'est battue héroïquement contre toutes les injustices et toutes les aliénations de l'ordre social établi. La commune fut battue mais ses principes restent éternels.

 

 

«Les prolétaires de la capitale, au milieu des défaillances et des trahisons des classes gouvernantes, ont compris que l'heure était arrivée pour eux de sauver la situation en prenant en main la direction des affaires publiques...en s'emparant du pouvoir» disait le manifeste du 18 mars du Comité central. La Commune a d'emblée supprimé deux instruments de domination de classe en abolissant la police et en remplaçant l'armée permanente par le peuple en arme. Les représentants de la Commune étaient non seulement tous élus au suffrage universel, mais surtout responsables et révocables à tout moment. Pour la Commune «les membres de l’assemblée municipale, sans cesse contrôlés, surveillés, discutés par l’opinion, sont révocables, comptables et responsables» (voir l'appel du 22 mars 1871). Quel contraste avec les hommes politiques d'aujourd'hui qui cumulent plusieurs mandats à la fois et n'ont de comptes à rendre à personne une fois élus; il s'agit d'une véritable confiscation du pouvoir ! Les citoyens n'ont aucun contrôle sur leurs représentants qui ne sont absolument pas tenus de respecter leurs promesses. Étrange démocratie où le peuple est réduit à voter à intervalles réguliers pour des «représentants» qui vont immédiatement le trahir. La Commune a instauré un traitement maximum de 6000 francs annuels pour tous les fonctionnaires du haut au bas de l'échelle y compris les juges et les magistrats c'est-à-dire l'équivalent d'un salaire d'ouvrier. Lorsque l'on pense aujourd'hui à ces hommes politiques corrompus qui confondent deniers publics et argent privé, on se rend vite compte combien la démocratie communale était en avance !

 

La majorité des élus de la Commune était naturellement des ouvriers à côté des autres élus du peuple. Aujourd'hui la démocratie bourgeoise ignore totalement dans sa représentation l'existence des ouvriers et des classes populaires en général alors même qu'elles représentent près de la moitié des producteurs de richesses. Qu'elle est jolie la démocratie «représentative» bourgeoise ! Mais ces ouvriers, que la bourgeoisie méprise tant, ont produit avec la Commune l'une des plus belles et des plus originales expériences politiques de l'histoire moderne.

 

La Commune a arraché l'enseignement à l'église et à l’État pour le mettre gratuitement entre les mains du peuple. Elle a banni de l'instruction publique tout «ce qui relève de la conscience individuelle de chacun». Dans «La guerre civile en France», Marx écrivait «La totalité des établissements d'instruction furent ouverts au peuple gratuitement, et, en même temps, débarrassés de toute ingérence de l'église et de l’État. Ainsi non seulement l'instruction était rendue accessible à tous mais la science elle-même était libérée des fers dont les préjugés de classe et le pouvoir gouvernemental l'avaient chargée».

 

Si aujourd'hui Macron et son ministre de l'intérieur Gérald Darmanin organisent la chasse policière aux étrangers, accablent de mille et une misères les travailleurs sans papiers et alimentent contre eux les préjugés les plus répugnants, les portes de la Commune, elles, étaient grandes ouvertes à des milliers de travailleurs du monde entier. Elle a même promu au rang de ministre du Travail un ouvrier hongrois et placé deux généraux polonais pour la défense de Paris dont un est mort sur les barricades. La Commune c'était la République universelle.

 

La colonne Vendôme, symbole des horreurs des guerres napoléoniennes, que le peuple de Paris ne voulait plus voir fut renversée. Ainsi le 12 avril 1871, la Commune vote le décret suivant, sur proposition de Felix Pyat : «La Commune de Paris, considérant que la colonne impériale de la place Vendôme est un monument de barbarie, un symbole de force brute et de fausse gloire, une affirmation du militarisme, une négation du droit international, une insulte permanente des vainqueurs aux vaincus, un attentat perpétuel à l’un des trois grands principes de la République française, la fraternité, décrète : article unique - La colonne Vendôme sera démolie».

 

Au cri «A bas la peine de mort», les citoyens du 11e arrondissement au milieu de la joie populaire, ont brûlé le 6 avril 1871 la guillotine. Il a fallu plus d'un siècle pour que la bourgeoisie concède l’abolition de cette pratique barbare.

Contre la justice marchandise, la Commune a tenté d'établir une justice égale et gratuite pour tous. Eugène Protot délégué à la justice avait proposé le 23 avril 1871 que les huissiers, notaires, commissaires-priseurs et greffiers de tribunaux soient des fonctionnaires appointés (2).

 

Rappelons que toutes les mesures de la Commune sont d'autant plus remarquables qu'elles étaient prises alors que Paris était assiégé par les prussiens et par les versaillais.

 

Même si les hommes et les femmes de la Commune n'ont pas atteint leurs objectifs, la portée de leur expérience reste immense. La beauté de l’œuvre de la Commune n'a d'égal que la laideur de l'ordre bourgeois. La Commune restera à jamais gravée dans la mémoire des ouvriers et des opprimés du monde entier.

 

Mohamed Belaali

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(1)K Marx, La guerre civile en France 1871, éditions sociales, page 59.

https://www.marxists.org/francais/ait/1871/05/km18710530c.htm

(2)https://maitron.fr/spip.php?article136007

 

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8 mars 2023 3 08 /03 /mars /2023 09:33

«l'expérience de tous les mouvements libérateurs attestent que le succès d'une révolution dépend du degré de participation des femmes». Lénine

 

A l'occasion de la journée internationale des femmes, il est peut-être utile de rappeler le travail formidable accompli par cette révolutionnaire durant les premières années de la Révolution russe en faveur des femmes en général et des ouvrières et des paysannes en particulier. L'histoire de la Révolution russe tend à ne retenir que des figures masculines. Or ce sont les grèves des ouvrières de textile de Petrograd (Saint-Pétersbourg aujourd'hui) qui ont enclenché la première révolution le 23 février 1917 (8 mars dans le calendrier Grégorien) qui a emporté le régime despotique des Tsars. En effet, les femmes sont descendues massivement dans la rue le 8 mars, journée internationale des femmes, et ont réussi à renverser un régime multicentenaire, c'est un fait historique sans précédent. Mais les femmes ont également joué un rôle exemplaire dans la révolution d'octobre 1917 qui portait en elle les aspirations et les espoirs les plus simples et les plus grandioses de tout un peuple. Parmi ces révolutionnaires femmes, Alexandra Kollontaï est probablement la plus talentueuse et la plus audacieuse. Certes Kollontaï n'est pas la seule femme qui a joué un rôle majeur dans les premières années de l'Union soviétique. D'autres femmes révolutionnaires comme Nadedja Kroupskaïa, Elena Stassova ou encore Inessa Armand, pour ne citer que celles-là, ont tenu un rôle de premier plan. Mais Alexandra Kollontaï non seulement faisait preuve d'une farouche liberté d'esprit, mais elle a surtout compris, plus que les autres peut-être, les nécessités sociales, politiques et sexuelles des femmes.

 

Élue membre du comité central du parti bolchevik, elle fut également la première femme au monde à occuper un poste ministériel (commissaire du peuple aux affaires sociales) dans le premier gouvernement des Soviets sous la présidence de Lénine. Elle se consacre alors avec détermination à la défense des intérêts des femmes dans un pays pauvre et arriéré où la femme était totalement soumise non seulement à son mari, mais aussi à une morale archaïque héritée de la religion et renforcée par le régime des tsars. Pour Alexandra Kollontaï, la Révolution doit accoucher d'un ordre social nouveau pour la famille et les femmes. Effectivement, c'est ce gouvernement dont elle fait partie jusqu'en mars 1918 qui a aboli toutes les lois tsaristes sur la famille. Ainsi l'infériorité des femmes et le mariage religieux sont abrogés par décrets. L'homosexualité est dépénalisée. Tous les enfants, légitimes ou non, sont égaux devant la loi. L'héritage est aboli. Les adoptions privées sont interdites. Le divorce est accordé sur simple demande de l'un des conjoints. Le travail est rendu obligatoire pour les hommes comme pour les femmes etc. Rarement un pays a fait autant pour les femmes tout du moins sur le plan législatif. C'est une révolution radicale qui a fait dire à Lénine «Nous pouvons le dire avec fierté et sans crainte d'exagération, il n'y a pas un seul pays au monde, en dehors de la Russie des Soviets, où la femme jouisse de tous ses droits et ne soit pas placée dans une position humiliante, particulièrement sensible dans la vie familiale de chaque jour. C'était là une de nos premières et plus importantes tâches » (1).

 

Des mesures importantes ont été prises également dans le cadre du ministère des affaires sociales dirigé par Alexandra Kollontaï. «Les réalisations les plus importantes de notre commissariat du peuple dans les premiers mois après la Révolution d’octobre furent les suivantes : décrets pour améliorer la situation des invalides de guerre, pour abolir l’instruction religieuse dans les écoles de jeunes filles qui dépendaient du ministère (ceci se passait encore avant la séparation générale de l’église et de l’Etat) décrets pour faire passer les prêtres au service civil, pour faire adopter le droit à l’auto-administration des élèves dans les écoles de filles, pour réorganiser les orphelinats les plus anciens en des maisons d’enfants du gouvernement, décrets pour créer les premiers foyers pour nécessiteux et gamins des rues, décrets pour réunir un comité composé de docteurs qu’on allait charger de mettre sur pied un système de santé public et gratuit pour le pays tout entier» (2).

En janvier 1918, elle met en place un Office central pour la protection de la maternité et de l'enfance. Elle a aussi transformé toutes les maternités en maisons gratuites pour dispenser des soins aux mères et aux nourrissons. «Il fallait jeter des bases pour la création d’un vaste complexe gouvernemental pour la protection des mères» disait-elle (3).

Même pendant la guerre civile, des crèches, des cantines publiques, des laveries, des foyers communautaires, des jardins pour enfants etc. ont été développés sous son influence. Il fallait libérer la femme du fardeau des tâches domestiques. Elle pensait que «la « séparation de la cuisine et du mariage » est une grande réforme, non moins importante que la séparation de l'Église et de l'État» (4).

 

Avec l'aide notamment d'Inessa Armand, elle crée le département du parti chargé de l'émancipation des femmes (Jenotdel) dont elle fut la présidente de 1920 à 1922. Les bureaux du Jenotdel étaient présents sur tout le territoire des républiques soviétiques y compris les plus arriérées. Les militantes propageaient courageusement les idées de la Révolution, la stricte égalité entre les hommes et les femmes dans tous les domaines. Elles se battaient pour que les femmes participent comme les hommes à tous les échelons du pouvoir non seulement dans le gouvernement (qui ne comptait que deux femmes dans ses rangs), mais aussi dans le parti, les soviets, les syndicats, l'armée etc. C'était là un combat que Kollontaï avait déjà mené au sein même des soviets :«Partout les Soviets doivent contribuer à ce que l’on considère les femmes sur un pied d’égalité avec les hommes.(...) Nous nous arrangions pour pousser et faire accepter cette motion, mais point sans résistance. Ce fut une victoire immense et durable» (5).

 

Elles prônaient plutôt l'auto-émancipation des femmes que les interventions de l'Etat. Si certains dirigeants bolcheviks étaient contre la création du Jenotdel, Lénine par contre, lui accordait tout son soutien et fustigeait tous ceux qui étaient contre la création d'organismes spécifiques réservés à l'émancipation des femmes (6). Mais le travail formidable du Jenotdel se heurtait non seulement à la résistance des hommes, mais surtout au manque de ressources et à l'état de pauvreté dans lequel se trouvait la Russie de l'époque. Plus tard, en janvier 1930, le Jenotdel est dissous par Staline.

 

Mais pour Kollontaï, l'émancipation des femmes ne s'arrête pas à «la séparation de la cuisine et du mariage» et à la stricte égalité devant la loi entre les sexes; ce combat doit également embrasser des domaines comme la sexualité et l'amour : «Les rapports des sexes sont une partie importante des règles de la vie» pensait-elle (7).

Elle défend alors de nouvelles conceptions sur l'amour libre, l'amour-camaraderie. Elle était persuadée que seule la société socialiste permettrait de créer les bases nécessaires pour la réalisation de ce qu'elle appelle «l'amour libre» : «L' « amour libre » introduit de façon récurrente dans la société de classe existante, au lieu de libérer les femmes des difficultés de la vie familiale, lui ferait porter un nouveau poids. Seul un certain nombre de réformes fondamentales dans la sphère des rapports sociaux – des réformes transférant ces obligations de la famille à la société, à l’État – pourrait créer une situation où le principe de l' «amour libre» pourrait dans une certaine mesure être réalisé» (8).

 

L'amour basé sur la solidarité et la camaraderie devient alors une force sociale et psychique. Les relations amoureuses libres et purgées de toute exclusivité doivent reposer sur des postulats précis : «L'idéal d'amour pour la morale bourgeoise était l'amour d'un couple uni par le mariage légitime.

L'idéal d'amour de la classe ouvrière découle de la collaboration dans le travail, et de la solidarité dans l'esprit et la volonté de tous ses membres hommes et femmes, il se distingue naturellement par sa forme et par son contenu de la notion d'amour d'autres époques de civilisation. Mais qu'est-ce donc que « l'amour-camaraderie  » ? Cela ne signifie-t-il pas que la sévère idéologie de la classe ouvrière, forgée dans une atmosphère de lutte pour la dictature ouvrière s'apprête à chas­ser impitoyablement le tendre Éros ailé ? Non pas. L'idéologie de la classe ouvrière non seulement ne supprime pas « l'Éros aux ailes déployées » mais au contraire, elle prépare la reconnaissance du sentiment d'amour en tant que force sociale et psychique.(...) Dans cette période, l'idéal moral déterminant les relations sexuelles n'est point le brutal instinct sexuel, mais les multiples sensations éprouvées aussi bien par la femme que par l'homme, d'amour-camaraderie. Pour correspondre à la nouvelle morale prolétarienne qui se forme, ces sensations doivent reposer sur les trois postulats suivants :

  1. Egalité des rapports mutuels (sans la suffisance masculine et sans la dissolution servile de son individualité dans l'amour de la part de la femme) ;

  2. Reconnaissance par l'un des droits de l'autre et réciproquement, sans prétendre posséder sans partage le cœur et l'âme de l'être aimé (sentiment de propriété, nourri par la civilisation bourgeoise) ;

  3. Sensibilité fraternelle, art de saisir et de com­prendre le travail psychique de l'être aimé (la ci­vilisation bourgeoise n'exigeait cette sensibilité dans l'amour que chez la femme) (9).

 

Ses écrits sur l'amour et la sexualité sont devenus insupportables pour ses adversaires à l'intérieur comme à l'extérieur de la Russie soviétique. Effectivement, elle a été attaquée même dans sa vie privée et certains universitaires occidentaux l'accusent de «sadisme sexuel», que «son enthousiasme révolutionnaire n'est que la satisfaction de sa nymphomanie» ou encore «qu'elle prônait la satisfaction débridée de l'instinct sexuel» (10). Pour Orlando Figes, Alexandra Kollontai est une « Femme bouillante et émotive, encline à s’énamourer des jeunes gens et des idées utopiques, elle s’était engagée dans la cause bolchevik avec le fanatisme des nouveaux convertis» (11).

Même dans son propre parti, des responsables bolcheviks ne partageaient pas non plus ses opinions et c'est le moins que l'on puisse dire. On lui reproche, entre autres, d'accorder « trop d'importance aux problèmes purement sociologiques» et de donner à «la lutte des sexes plus d'importance qu'à la lutte de classes» (12). Selon certains dirigeants, «L'amour libre» a tourné chez les komsomols et les étudiants, «en fornication phallocratique à tout crin» (13).

«Mes thèses dans le domaine de la morale sexuelle furent combattues avec âpreté. Des soucis personnels et familiaux s’ajoutèrent à cela, et ainsi, en 1922 des mois passèrent sans que je puisse faire un travail fructueux» écrivait-elle simplement dans «But et valeur de ma vie» (14).

Attaquée, stigmatisée et ses idées délibérément déformées, Alexandra Kollontai, s'éloigne et se retire des événements politiques de son parti avant d'accepter le poste d'ambassadrice soviétique en Norvège, devenue là encore, la première femme dans l' histoire à occuper cette fonction.

 

Oubliée aujourd'hui, Kollontaï était pourtant «l'une des premières à affirmer les principes féministes modernes, auxquels le XXI siècle a en partie renoncé, malgré les bruyants cris de victoire autour du mariage homosexuel» (15).

Mais Alexandra Kollontaï était d'abord et avant tout une révolutionnaire pour qui seule la société socialiste est capable de rendre effective l'émancipation de la femme dans sa vie quotidienne et familiale : «La libération de la femme ne peut s'accomplir que par une transformation radicale de la vie quotidienne. Et la vie quotidienne elle-même ne sera changée que par une modification profonde de toute la production, sur les bases de l'économie communiste» (16).

La libération de la femme du fardeau des tâches domestiques qui l'oppriment et l'humilient devrait se traduire par de nouveaux rapports au sein du couple : «Sur les ruines de l’ancienne famille on verra bientôt surgir une forme nouvelle qui comportera des relations toutes autres entre l’homme et la femme et qui sera l’union d’affection et de camaraderie, l’union de deux membres égaux de la société communiste» (17).

 

Mohamed Belaali

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(1)https://www.marxists.org/francais/lenin/works/1919/09/vil19190923.htm

(2)https://www.marxists.org/francais/kollontai/works/1926/07/but.htm

(3)Ibid

(4)https://www.marxists.org/francais/kollontai/works/1921/0a/kollontai_conf_12.htm

(5)https://www.marxists.org/francais/kollontai/works/1926/07/but.htm

(6)C. Zetkin «Mes souvenirs de Lénine », cité par Tariq Ali dans «Les dilemmes de Lénine» Sabine Wespieser éditeur, p.377

(7)https://www.marxists.org/francais/kollontai/works/1923/05/eros.htm

(8)https://www.marxists.org/francais/kollontai/works/1909/00/bases_sociales.htm

(9)https://www.marxists.org/francais/kollontai/works/1923/05/eros.htm

(10)Voir Tariq Ali op. cit. page 378.

(11)«La Révolution russe. 1891-1924, la tragédie d’un peuple», Paris, Denoël, 2007, cité dans Dissidences, La Résurrection d’Alexandra Kollontaï ?

https://dissidences.hypotheses.org/6896#sdfootnote21sym

(12)Paulina Vinogradskaja cité dans https://www.persee.fr/docAsPDF/cmr_0008-0160_1965_num_6_4_1638.pdf

(13)Tariq Ali op. cit. p. 380

(14)https://www.marxists.org/francais/kollontai/works/1926/07/but.htm)

(15)Tariq Ali dans « Les dilemmes de Lénine», Sabine Wespieser éditeur, page 364.

(16)https://www.marxists.org/francais/kollontai/works/1921/0a/kollontai_conf_12.htm

(17)https://www.marxists.org/francais/kollontai/works/1918/11/famille.htm

 

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3 mars 2023 5 03 /03 /mars /2023 07:53

«Si dans 10 ans on existe encore, ça voudra dire qu'on aura perdu», disait Coluche en 1985.

38 ans après, les Restos du cœur non seulement sont toujours là, mais fleurissent un peu partout comme, paradoxalement, la misère qui leur permet d’exister et de se développer. Chaque année, des millions de repas sont distribués par des bénévoles dévoués à des centaines de milliers de pauvres sans parler des milliers de bébés aidés par des «Restos et points Bébés du cœur» (1). Ces chiffres sont en augmentation constante. Il s’agit d’une véritable institution aimée par les grands médias et aidée par l’Etat. Mais c’est aussi et surtout le miroir d’une société qui célèbre, presque dans la joie, année après année la détresse et la souffrance humaine.

 

Des hommes et des femmes attendent sagement alignés derrière une ligne imaginaire, souvent dans le froid et sous la pluie, de recevoir leurs colis alimentaires dans l’indifférence quasi générale. Des femmes seules avec ou sans enfants, retraités avec pension de misère, jeunes précaires, étudiants, travailleurs pauvres, personnes en fin de droit, bénéficiaires des minima sociaux, agriculteurs, SDF, etc. etc. L’afflux massif de retraités aux Restos montre à quel point les pensions sont insuffisantes pour vivre et mourir dignement.

Des hommes et des femmes pauvres dans un pays riche ! Des hommes et des femmes broyés par la machine infernale de l’économie de marché ! Une économie qui produit sans trêve richesse pour les uns et misère pour les autres. Cette misère plonge donc ses racines dans cette recherche sans limites du profit.

De la gestion des situations provisoires, les Restos se sont transformés, sous la pression des politiques ultra-libérales, en une véritable institution condamnée à durer et à se développer. Leur sort est intimement lié au capitalisme. La crise de celui-ci va leur envoyer des bataillons entiers de laissés-pour-compte : «la situation des personnes que l'on accueille s'est aggravée : 60% d'entre elles sont en-deça de la moitié du seuil de pauvreté (qui s'établit à 1102 euros par mois, donc 551 euros)... En trente-sept années d'existence, les Restos du cœur n'avaient jamais connu une telle situation» disait Patrice Douret président de l’association (2). Les Restos du cœur, comme d’ailleurs toutes les associations caritatives, ont un « bel » avenir devant eux !

Ces aspects de la charité sont souvent ignorés par les grands médias notamment la télévision. Les images qu’elle diffuse tendent à occulter les véritables causes de la misère. Par contre, les concerts, spectacles et autres show organisés en faveur des Restos, eux, sont bien montrés. Artistes, sportifs de haut niveau, hommes et femmes politiques…bref, tout ce beau monde est ainsi mobilisé et projeté régulièrement sur la scène médiatique. Cette médiatisation à outrance de la charité permet de mieux exploiter la générosité des bénévoles et des citoyens et d’éviter du même coup tout travail de réflexion sur les racines politiques et économiques de la misère. Cela permet également à l’Etat de se décharger sur les associations caritatives et de remplacer les prestations fondées sur le droit par la charité et la morale avec tous ses préjugés et toutes ses culpabilisations. L’Etat, par le biais de la loi Coluche, offre aux généreux donateurs une réduction d’impôt égale à 75 % du montant du don. Un manque à gagner qui aurait pu contribuer par exemple à la construction des logements sociaux dont les familles et leurs enfants qui errent dans les rues par milliers ont tant besoin. Or «Depuis 1984, l’effort public pour le logement n’a jamais été aussi faible : les aides au logement sont en effet passées de 1,82 % du PIB en 2017 à 1,63 % en 2020» écrit la Fondation Abbé Pierre dans son rapport annuel (3).

Les riches, eux, peuvent se donner bonne conscience à peu de frais en jetant quelques miettes aux plus démunis qui doivent de surcroît «se courber» pour les ramasser. Cette forme de violence sociale, soigneusement masquée par l’idéologie dominante, reste invisible.

 

L’Histoire nous enseigne que les avancées sociales, petites et grandes, n’ont jamais été données par générosité ou par charité, mais toujours arrachées de haute lutte.

 

Mohamed Belaali

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(1)https://www.restosducoeu

r.org/chiffres-cles/

(2)https://www.francetvinfo.fr/sante/alimentation/precarite-alimentaire-nous-n-avons-jamais-connu-une-telle-situation-s-alarme-le-president-des-restos-du-coeur_5482797.html

(3)https://www.fondation-abbe-pierre.fr/sites/default/files/reml_2022_cahier_2_web_-bilan_2017-2022_le_logement_parent_pauvre_du_quinquennat.pdf

 

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24 février 2023 5 24 /02 /février /2023 07:29

Le 24 février 2022 l'armée de la Fédération de Russie a envahi l'Ukraine. Cette intervention militaire va à l'encontre des intérêts des peuples russe et ukrainien. Toutes les guerres entre les peuples sont à bannir. La seule guerre que les peuples doivent mener est la guerre de classe, la guerre contre les oppresseurs, la minorité d'exploiteurs capitalistes à l'intérieur de chaque pays. Ce sont eux qui dressent les peuples les uns contre les autres en exacerbant leurs préjugés nationaux, raciaux, ethniques et religieux afin de maximiser leurs profits et perpétuer leurs privilèges de classe. Mais l'invasion de l'Ukraine s'inscrit dans un rapport de force mondial. L'impérialisme américain et ses alliés européens sont les premiers responsables de cette guerre et portent une lourde responsabilité dans ce conflit armé. Les pays capitalistes ont une longue et terrible tradition dans l'oppression et l'asservissement des peuples. Leur histoire n'est en dernière analyse que pillage des richesses des nations par la violence et la cruauté.

 

Poutine n'est pas un révolutionnaire, loin s'en faut. Il est à la tête d'un Etat capitaliste qui sert les intérêts des plus riches. Son anti-communisme et son nationalisme exacerbé le poussent jusqu'à critiquer Lénine et son Droit des nations à disposer d'elles-mêmes (1). Dans son discours du 22 février 2022, il a déclaré :

 

"Permettez-moi donc de commencer par le fait que l'Ukraine moderne a été entièrement créée
par la Russie, ou plus précisément, par la Russie bolchevique et communiste. Le processus a
commencé presque immédiatement après la révolution de 1917, et Lénine et ses compagnons
d'armes l'ont fait d'une manière très grossière à la Russie elle-même - par la sécession, en
arrachant des parties de ses propres territoires historiques (...)
. En fait,
comme je l'ai déjà dit, la politique bolchevique a abouti à l'émergence de l'Ukraine soviétique,
qui, même aujourd'hui, peut être appelée à juste titre "Ukraine de Vladimir Lénine".
(2)

 

La guerre qu'il mène aujourd'hui en Ukraine est en quelque sorte la faute à Lénine et de sa défense acharnée du droit des peuples à disposer d'eux-mêmes. Dans sa logique nationaliste et réactionnaire, Poutine reproche à Lénine d'avoir inscrit dans la constitution la possibilité pour toutes les républiques de pouvoir quitter l'Union Soviétique. En 1917 Lénine écrivait déjà :

 

"Pas un démocrate, pour ne rien dire d'un socialiste, n'osera contester l'entière légitimité des revendications ukrainiennes. Pas un démocrate, de même, ne peut nier le droit de l'Ukraine à se séparer librement de la Russie. (...) Seule la reconnaissance sans réserve de ce droit peut rompre effectivement, à jamais et complètement, avec le maudit passé tsariste qui a tout fait pour rendre étrangers les uns aux autres des peuples si proches par leur langue, leur territoire, leur caractère et leur histoire" (3).

 

Aujourd'hui Poutine tente par cette guerre, aidé en cela par le gouvernement fascisant de Kiev, de rendre ennemis deux peuples qui ont vécu longtemps ensemble en paix.

Mais cette guerre s'inscrit dans un rapport de force mondial. L'impérialisme américain et ses alliés européens sont les premiers responsables et portent une lourde responsabilité dans ce conflit qui oppose en fait l'OTAN à la Russie. La visite de Biden à Kiev, lundi 20 février 2023, montre clairement que les Etats-Unis et l'OTAN s'engagent massivement dans cette guerre avec toutes les conséquences qui en découlent.

Rappelons pour mémoire que les pays capitalistes ont une longue et terrible tradition dans l'oppression et l'asservissement des peuples. Poussé par la recherche effrénée du profit, l'impérialisme en tant qu'instrument de pouvoir de la bourgeoisie, tente de soumettre tous les peuples de la planète. Esclavage, colonialisme..., leur histoire n'est en dernière analyse que pillage des richesses des nations par la violence, caractéristique fondamentale du capitalisme. Ce système est en guerre permanente. Les Etats-Unis, l'Europe et leurs alliés locaux ont détruit l'Afghanistan, la Yougoslavie, ravagé l'Irak, la Lybie, la Syrie, Bahreïn, le Yémen, la Côte d'Ivoire, etc. etc. Ils imposent à tous les pays qui refusent leur hégémonie et leur despotisme, des embargos et des sanctions les plus violents et les plus inhumains (Cuba, Venezuela, Iran, Irak, Corée du nord ...). Précisons qu' Israël qui occupe militairement des territoires palestiniens ou la Turquie qui a annexé des terres de ses voisins, ces deux pays non seulement n'ont jamais fait l'objet de sanctions, mais ils sont même soutenus par l'impérialisme américain. Les peuples opprimés du monde entier savent que les Etats-Unis et leurs alliés ont soutenu à travers la planète les dictateurs et des dictatures les plus féroces comme Augusto Pinochet au Chili, Soeharto en Indonésie, Hosni Moubarak en Egypte pour ne citer que ces trois exemples tellement la liste est longue. Tous les gouvernements à la botte de l'impérialisme américain ne peuvent survivre sans le soutien financier et militaire décisif de Washington. Partout, l'impérialisme américain est l'ennemi des peuples. C'est ce qui explique peut-être une certaine sympathie des pays du sud envers la Russie de Poutine confondue parfois avec les positions progressistes de L'URSS.

Aujourd'hui, les Etats-Unis grâce à leur supériorité militaire et leur bras armé l'OTAN (Organisation du Traité de l’Atlantique Nord) vont jusqu'à menacer les intérêts vitaux des puissances comme la Chine et la Russie. Rappelons que depuis la disparition de l'Union Soviétique et le Pacte de Varsovie en 1991, l'OTAN, cette machine de guerre totalement dominée par les américains et dirigée contre l'Union Soviétique, n'a cessé, contrairement aux promesses données à Gorbatchev, de s'élargir aux pays de l'Europe de l’Est désormais sous domination américaine (4).

A sa création en 1949, l'OTAN ne comptait que 12 membres. Aujourd'hui il en regroupe 30 dont 14 anciens pays membres du Pacte de Varsovie (5). La Russie se trouve ainsi encerclée.

Washington refuse obstinément de trouver un compromis avec Moscou concernant l'adhésion éventuelle de l'Ukraine à l'OTAN. Cette attitude est directement liée à la nature impérialiste des Etats-Unis.

L'échec des négociations a conduit Poutine à reconnaître l'indépendance de Louhansk et de Donetsk tout en affirmant que les accords de Minsk (6) sont morts avant d'intervenir militairement en Ukraine. “La guerre est la continuation de la politique par d’autres moyens” disait Clausewitz.

L'élargissement voulu par l'impérialisme américain de l'OTAN jusqu'aux frontières mêmes de la Fédération de Russie est une cause déterminante de la guerre en Ukraine. L'impérialisme américain et son bras armé l'OTAN sont en dernière analyse les vrais responsables de cette guerre.

Les Etats-Unis et l'Union européenne ne cherchent absolument pas à trouver une solution pacifique à cette intervention militaire de la Russie en Ukraine. Bien au contraire. Ils intensifient leurs pressions économiques et militaires sur la Russie créant ainsi une situation propice à une guerre entre puissances nucléaires qui remettrait en cause l'avenir même de la société humaine.

En tout état de cause, cette maudite guerre entre l'OTAN et la Russie par Ukraine interposée va à l'encontre des intérêts non seulement des peuples russe et ukrainien, mais aussi de tous les peuples de la planète. Les pays pauvres sont les premières victimes de ce conflit. L'ONU parle déjà de "l'Ouragan de famines" (7). A l'intérieur de chaque pays, ce sont bien évidemment les classes populaires qui vont subir les conséquences de ce conflit. Il va aggraver encore leurs conditions misérables d'existence. Mais en même temps la guerre pourrait créer une situation favorable au soulèvement des masses opprimées contre leurs dirigeants fragilisés par les crises économiques et politiques.

Dans le système capitaliste, les guerres trouvent leurs racines dans la violence des rapports de d'exploitation de l'homme par l'homme. La guerre et la lutte des classes sont tellement imbriquées l'une dans l'autre que l'on ne peut supprimer l'une sans éliminer l'autre. C'est le capitalisme et ses rapports de domination et d'exploitation qu'il faut abolir. "Abolissez l'exploitation de l'homme par l'homme, et vous abolirez l'exploitation d'une nation par une autre nation" disaient Marx et Engels.

 

Mohamed Belaali

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(1)Du droit des nations à disposer d'elles-mêmes (marxists.org)

(2)https://france.mid.ru/fr/presse/intervention_du_president_russie_/

(3)https://www.marxists.org/francais/lenin/works/1917/06/vil19170628.htm

(4)https://nsarchive.gwu.edu/briefing-book/russia-programs/2017-12-12/nato-expansion-what-gorbachev-heard-western-leaders-early

(5)https://www.nato.int/cps/fr/natolive/topics_52044.htm

(6)Minsk II — Wikipédia (wikipedia.org)

(7)https://twitter.com/afpfr/status/1503460961830641664

 

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20 février 2023 1 20 /02 /février /2023 07:48

Douze années déjà ! Le 20 février 2011 les masses populaires au Maroc, comme un peu partout dans le monde arabe, se sont soulevées contre un système archaïque, sclérosé et corrompu qui les opprime, le Makhzen. "Répartition des richesses", "démocratie", "dignité" etc. scandaient à l'unisson les manifestants. Ces cris collectifs jaillissaient des décennies d'esclavage social, d'humiliations et de frustrations.

Le grand mérite du Mouvement du 20 février résidait dans son existence même. Il a ravivé une lutte de classes que le pouvoir croyait révolue. Jamais l'histoire récente du Maroc n'avait connu une période aussi riche et aussi chargée de luttes populaires intenses même si le combat contre le Makhzen ne date pas du 20 février 2011.

Le Mouvement avait libéré la vitalité et la créativité des masses opprimées qui avaient fait preuve d'une grande maturité politique et organisationnelle. Dans la lutte, elles avaient aussi appris à relever la tête et à se dresser contre leur ennemi de classe. Les contestataires n'avaient plus peur d'exposer à la face du régime leurs revendications et leurs buts. Ces «damnés de la terre» savaient que le pouvoir ne lâcherait rien sans combat et sans sacrifices.

Des hommes et des femmes, poussés par les injustices et les humiliations insupportables, ont été jusqu'à mettre le feu à leur propre corps se transformant ainsi en torches humaines. Le souvenir de Mohamed Bouazizi est toujours vivant dans la mémoire collective et individuelle.

Face au Mouvement, se dressaient, en plus du Makhzen et son appareil répressif et médiatique, toute une kyrielle de partis politiques anciens et nouveaux, tous domestiqués par le Palais depuis longtemps : le Parti de l'Istiqlal (conservateur), l'Union Socialiste des Forces Populaires (social-démocrate), le Parti de la Justice et du Développement (islamiste), le Parti du Progrès et du Socialisme (ancien parti communiste) et un ensemble de partis créés de toutes pièces par le Makhzen au gré des élections qu'il fabrique régulièrement depuis l'indépendance politique du Maroc en 1956. Contrairement à la Tunisie de Ben Ali ou à l'Égypte de Moubarak qui ont éliminé ou poussé à la clandestinité les organisations politiques (en dehors des Frères Musulmans en Égypte), le régime marocain, lui, multiplie le nombre de partis qui servent ses intérêts, consolidant ainsi son hégémonie et sa domination de classe.

Le Mouvement a été également combattu par les Etats-Unis, la France et les monarchies pétrolières du Golfe. Le soutien de ces forces ennemies du progrès et de la démocratie au Makhzen est total.

En France par exemple, le Maroc était présenté comme un modèle à suivre. Les aspirations du peuple marocain à la démocratie et à la modernité ne pèsent pas lourd face aux intérêts économiques de la bourgeoisie française dans ce pays. Les médias bourgeois occidentaux, quasiment tous entre les mains d'industriels et de financiers, et Al Jazeera propriété du «grand démocrate», l'émir du Qatar, se taisaient lamentablement sur les manifestations pacifiques qui se déroulaient depuis plus d'un an non seulement au Maroc, mais aussi à Bahreïn, au Yémen, en Jordanie, en Arabie Saoudite etc.

Le Mouvement du 20 février avait montré aux masses populaires que la lutte contre le Makhzen ne suffisait pas si elle n'était pas accompagnée par un combat anti-impérialiste. L'impérialisme est partout l'ennemi des peuples et du progrès. Il a tenté d'écraser les soulèvements authentiques des peuples du monde arabe contre des régimes d'un autre âge, soit pour maintenir au pouvoir ces régimes, qui servent ses intérêts, soit pour renverser des gouvernements qui ne lui sont pas totalement soumis. Ainsi il a écrasé dans le sang la révolte du peuple de Bahreïn par l'intermédiaire d'une «grande démocratie», l'Arabie Saoudite. Il a détruit tout un pays, la Libye pour y installer un nouveau pouvoir lui permettant de pomper allègrement le pétrole du peuple libyen.

Le Mouvement du 20 février avait également accordé une large place dans ses revendications à l'émancipation de la femme notamment dans le domaine économique et scolaire. Dans le Maroc d'aujourd'hui, l'accès des femmes au marché du travail reste faible (28 femmes contre 84 hommes) et plus de la moitié d'entre elles ne sait ni lire ni écrire. Leur revenu est quatre fois inférieur à celui des hommes.

Ces événements politiques majeurs non seulement au Maroc, mais dans tout le monde arabe sont loin de constituer une histoire achevée. Bien au contraire, ils ouvrent une ère nouvelle de contestations dans toute la région. La flamme de la résistance à l'oppression allumée par Mohamed Bouazizi est toujours vivante. Du Maroc au Soudan, des vagues de révoltes font encore trembler les régimes en place. Cette contestation toujours renouvelée est née et a grandi sur le sol de la misère économique et du despotisme politique. On peut toujours la réprimer et même l'écraser, mais elle renaîtra tel un phénix de ses cendres.

 

Malgré ses faiblesses et sa défaite, le Mouvement du 20 février reste un événement majeur dans l'histoire des luttes de classes au Maroc. Il a pu courageusement tenir tête à tous ses ennemis, à commencer par le puissant Makhzen. Les masses populaires opprimées n'espéraient pas de miracles du Mouvement. D'autres étapes et d'autres combats l'attendent. Elles savent que la lutte sera dure et la marche vers cette forme de vie supérieure sera longue. Mais elles savent également que le processus de changement et de transformation sociale est enclenché. Par ses manifestations hebdomadaires massives et pacifiques pour une société meilleure, le Mouvement du 20 février a redonné considération, dignité et espoir à toutes celles et ceux qui, hier encore, étaient sans espoir.

 

Mohamed Belaali

 

 

 

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2 février 2023 4 02 /02 /février /2023 08:19

 

 

Deux classes aux intérêts diamétralement opposés s'affrontent ouvertement. D'un côté des millions d'hommes et de femmes, soutenus par une large majorité de leurs concitoyens, qui défendent leur retraite durement acquise et refusent de travailler toujours plus plus, de l'autre, une classe minoritaire, corrompue et parasite mais disposant de tous les pouvoirs et s'accrochant à ses privilèges.

cette classe ne peut comprendre que de simples ouvriers peuvent lui tenir tête en sacrifiant des journées, voire parfois des semaines de salaires. Ses représentants au gouvernement, eux, attendent tranquillement et cyniquement l'essoufflement de la révolte en usant de la propagande et de la répression physique, psychologique et idéologique. Un combat inégal !

La classe dominante ne reculera devant rien pour défendre ses intérêts si le mouvement populaire perdure. Toute l'histoire de luttes de classes le montre.

Quelle que soit l'issue du conflit, les salariés en général et les ouvriers en particulier ont déjà gagné, non seulement sur le plan moral en se battant massivement contre une «réforme» réellement injuste, mais surtout ils ont pris conscience que l'État, le parlement, la police, les médias etc. sont contre eux et, partant, sont au service des patrons qui les exploitent tous les jours. La lutte dans l'unité leur a permis d'identifier clairement leurs ennemis de classe et le caractère bourgeois de la démocratie. Leurs intérêts et ceux de la classe dominante sont en contradiction totale. Ce combat de classe à classe dépasse, de ce fait, le cadre syndical et devient un combat politique.

 

Mohamed Belaali

 

Addenda

 

Deux classes irréconciliables que tout sépare:

 

Ils sont les exploiteurs

Nous sommes les exploités

 

Ils sont les oppresseurs

Nous sommes les opprimés

 

Ils sont les dominants

Nous sommes les dominés

 

Ils sont les bourgeois

Nous sommes les prolétaires

 

Ils sont le capital

Nous sommes le travail

 

Ils ont le profit

Nous avons le salaire

 

Ils gagnent sans travailler

Nous travaillons sans gagner

 

Ils sont les parasites

Nous sommes les travailleurs

 

Ils sont une petite minorité

Nous sommes la grande majorité

 

Ils défendent la société de classes

Nous luttons pour une société sans classe

 

Ils sont le passé

Nous sommes l'avenir

 

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17 janvier 2023 2 17 /01 /janvier /2023 07:51

 

Benyamin Netanyahou malgré ses affaires de corruption remporte les élections législatives du 1er novembre 2022. Avec une nouvelle coalition qui totalise 64 sièges sur 120 à la Knesset, il est à nouveau premier ministre d'Israël. Son parti, le Likoud obtient 32 sièges et les partis d'extrême droite totalisent 32 sièges également (1). La caractéristique essentielle de tous ces partis est la négation absolue des droits du peuple palestinien sur sa terre. Leur obsession est de faire de la Palestine l'Etat exclusif du "peuple juif". C'est une "Promesse" divine faite au peuple élu. Tous les dirigeants israéliens, religieux ou laïcs, de droite, d'extrême droite ou de gauche instrumentalisent ce mythe pour mieux escamoter l'histoire réelle du sionisme qui est avant tout un projet colonialiste. Mais un colonialisme qui ne ressemble à aucun autre.

La déclaration Balfour reconnue par La Société des Nations (SDN) plaçait en effet les palestiniens dans une situation bien particulière. Ils doivent faire face à la fois aux britanniques et aux sionistes. Les premiers étaient chargés de préparer la colonisation de la Palestine par les seconds. Comme disait l'écrivain Arthur Koestler, "une nation a solennellement promis à une seconde le territoire d’une troisième." (2)

Contrairement à toutes les autres colonisations, le rapport de force ici est triangulaire. Dans le régime colonial classique, le colonisé, l'opprimé affronte directement le colonisateur, l'oppresseur. En Palestine, la partie ne pouvait se jouer qu'à trois. Les palestiniens n'avaient d'autres choix que de se dresser, dans un combat très inégal, contre la Grande-Bretagne puissance mandataire et contre la colonisation sioniste qui cherche à les déposséder de leur terre et à les remplacer. Les dirigeants arabes, quant à eux, sont restés spectateurs et se sont contentés de demander aux anglais de jouer les arbitres.

Mais pour mieux comprendre l'essence du colonialisme sioniste et son exclusivisme, il faut peut-être se référer à un leader sioniste nettement moins hypocrite que la plupart des dirigeants israéliens. Il s'agit de Vladimir Jabotinsky (1880-1940), le fondateur du courant "révisionniste". Dans un article intitulé "Le mur d'acier" publié dans la revue Rassviet le 4 novembre 1923, Jabotinsky écrit :

" (...) Peu importe les mots. La colonisation porte en elle sa propre définition, totale et inéluctable. Elle est comprise par chaque juif et par chaque Arabe. La colonisation ne peut avoir qu'un seul objectif. Pour les Arabes palestiniens, cet objectif est inadmissible. Telle est la nature des choses. Changer cette nature est impossible. La colonisation ne peut être menée que contre la volonté des Arabes palestiniens. La colonisation sioniste, même la plus restreinte, doit ou bien cesser, ou bien être menée contre la volonté de la population indigène. Par conséquent, cette colonisation ne peut continuer et se développer que sous la protection d'une force indépendante de la population locale, d'un mur d'acier que la population locale ne peut forcer. Telle est, in toto, notre politique envers les Arabes. La formuler d'une autre manière relève de l'hypocrisie. (...) Tout cela ne signifie pas qu'un accord soit impossible. C'est l'accord volontaire qui est impossible. Tant qu'ils auront une lueur d'espoir de pouvoir se débarrasser de nous, ils ne vendront pas cette lueur pour n'importe quelles douces paroles ou quelques friandises, parce que ce ne sont pas des grippe-sous, mais une nation, peut-être quelque peu dépenaillée, mais encore vivante. Un peuple vivant ne fait de concessions aussi énormes sur des questions aussi importantes que lorsqu'il ne lui reste plus aucun espoir. C'est seulement lorsque aucune brèche ne sera laissée dans notre mur d'acier que les groupes extrémistes perdront leur empire et que l'influence passera du côté des groupes modérés. Et c'est alors seulement que ces groupes modérés pourront venir à nous avec des propositions de concessions mutuelles sur des questions pratiques, telle une garantie contre l'expulsion ou une égalité avec une autonomie nationale... Mais la seule voie pour parvenir à un tel accord est le mur d'acier, c'est-à-dire le renforcement, en Palestine, d'un gouvernement sur lequel les Arabes n'auront aucune influence, d'aucune sorte, d'un gouvernement contre lequel les Arabes lutteront. En d'autres termes, pour nous, la seule voie qui mène à un accord est le refus absolu de toute sorte d'accord."(3)

Ce texte a au moins le mérite d'être clair et sans hypocrisie sur le but final du sionisme : la colonisation doit se poursuivre d'une manière implacable contre la volonté des palestiniens à l'abri d'un "mur d'acier".

Si le courant "révisionniste" était minoritaire et peu influent à ses débuts, aujourd'hui il domine et détermine largement la politique israélienne fondée sur la stratégie du "mur d'acier". Tous les dirigeants sionistes, à un degré ou à un autre, sont acquis aux conceptions de Jabotinsky. Rappelons que le père de Benyamin Netanyahou était membre de l’Union mondiale des sionistes révisionnistes et un fervent adepte de Jabotinsky dont il était le secrétaire personnel. Benzion Netanyahou a élevé ses enfants dans la fidélité des idées de Jabotinsky (4).

Cet héritage idéologique familial, Netanyahou l'applique avec un zèle singulier. Son nouveau gouvernement multiplie déjà les provocations contre les palestiniens et proclame haut et fort le droit inaliénable et exclusif du "peuple juif" sur toute la terre palestinienne. C'est un gouvernement de continuité et non de changement ou de rupture. C'est un produit authentique du sionisme. Le visage sans fard du sionisme que les gouvernements successifs de gauche arrivaient plus ou moins à masquer, apparaît avec la nouvelle coalition au grand jour.

Avec ce gouvernement, les démolitions de maisons, les expulsions, la colonisation de ce qui reste des terres palestiniennes vont probablement s'accélérer. Car l'existence même du peuple palestinien est incompatible avec leur rêve du "Grand Israël". La haine du palestinien qui constitue un obstacle vivant à leur projet exclusiviste et la violence que cela implique s'inscrivent dans cette longue tradition du sionisme en général et des révisionnistes en particulier. La Haganah, l'Irgoun et le Betar sont intimement liés à Jabotinsky et son "mur d'acier" (5).

 

Le poète palestinien Tawfik Zayyad dont la poésie se confond avec cette "terre violée" de la Palestine ressentait, peut être plus que les autres poètes palestiniens, la tragique histoire de la Palestine et de son peuple qui lutte toujours pour sa survie. Dans un de ces poèmes (6) il écrivait :

Ici nous resterons

Gardiens de l'ombre des orangers et des oliviers

Si nous avons soif nous presserons les pierres

Nous mangerons de la terre si nous avons faim mais nous ne partirons pas !!

Ici nous avons un passé un présent et un avenir

 

Mohamed Belaali

 

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(1)https://www.gov.il/en/departments/units/25-election-commitee/govil-landing-page

(2))https://www.monde-diplomatique.fr/publications/manuel_d_histoire_critique/a53242

(3) Cité par Lotfallah Soliman, " Pour une histoire profane de la Palestine". La Découverte, 1989 page 34.

(4)https://www.monde-diplomatique.fr/1996/11/VIDAL/5873

(5)https://ujfp.org/lextreme-droite-dans-le-monde/

(6)https://www.belaali.com/2022/05/un-poete-palestinien-tawfik-zayyad.html

 

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3 janvier 2023 2 03 /01 /janvier /2023 07:57

Nous publions aujourd'hui, après d'autres écrits, une partie des conférences données par Marx devant le Conseil Général de l'Association Internationale des Travailleurs (AIT) les 20 et 27 juin 1865 en réponse à John Weston, membre influent de l'AIT et représentant des travailleurs anglais (1). Weston affirmait qu'une augmentation générale des salaires ne pouvait améliorer la situation des salariés. Selon lui, toute augmentation du niveau des salaires se traduirait par une hausse du prix moyen des marchandises et par conséquent le pouvoir d'achat des travailleurs resterait le même. Une hausse générale du taux du salaire, précise-t-il, n'a donc aucune utilité pour les ouvriers car "les prix des marchandises sont déterminés ou réglés par les salaires".

Marx tout en réfutant les conceptions de Weston, montre "qu'une hausse générale des salaires entraînerait une baisse générale du taux du profit, mais qu'elle serait sans effet sur les prix moyens des marchandises".

La théorie de Weston et des économistes bourgeois constituait et constitue encore aujourd'hui non seulement une arme efficace entre les mains des patrons contre les ouvriers, mais aussi une justification théorique de leur exploitation. Elle correspond aux intérêts des capitalistes dont l'une des priorités reste la compression des salaires.

Macron serviteur zélé de la classe dominante refuse obstinément d'augmenter les salaires. La loi sur le pouvoir d'achat du 16 août 2022 en est un exemple éloquent. De son côté, le patron des patrons, Geoffroy Roux de Bézieux va dans le même sens en affirmant qu' "une augmentation des salaires, c'est aussi une augmentation des prix". Le gouverneur de la Banque de France, François Villeroy de Galhau, tient lui aussi le même discours.

La réfutation par Marx des conceptions de Weston est non seulement très acuelle, mais constitue aussi une véritable arme entre les mains de la classe ouvrière éclairée face aux attaques quotidiennes des exploiteurs capitalistes. "La tendance générale de la production capitaliste, écrivait Marx, n'est pas d'élever le niveau moyen des salaires, mais de l'abaisser, c'est-à-dire de ramener, plus ou moins, la valeur du travail à sa limite la plus basse".

Mais au-delà du combat pour arracher aux capitalistes des hausses de salaires, Marx incite les travailleurs non seulement à combattre les conséquences inévitables du système, mais surtout à s'attaquer en même temps au régime du salariat qui lui est lié : "Les trade-unions agissent utilement en tant que centres de résistance aux empiétements du capital. Elles manquent en partie leur but dès qu'elles font un emploi peu judicieux de leur puissance. Elles manquent entièrement leur but dès qu'elles se bornent à une guerre d'escarmouches contre les effets du régime existant, au lieu de travailler en même temps à sa transformation et de se servir de leur force organisée comme d'un levier pour l'émancipation définitive de la classe travailleuse, c'est-à-dire pour l'abolition définitive du salariat".

 

Voici le chapitre 14 des conférences regroupées dans " Salaires, prix et profit" :

 

"La lutte entre le Capital et le Travail et ses résultats"

 

"Après avoir montré que la résistance périodiquement exercée de la part de l'ouvrier contre la réduction des salaires et les efforts qu'il entreprend périodiquement pour obtenir des augmentations de salaires sont inséparablement liés au système du salariat et sont provoqués par le fait même que le travail est assimilé aux marchandises et soumis par conséquent aux lois qui règlent le mouvement général des prix; après avoir montré, en outre, qu'une hausse générale des salaires entraînerait une baisse générale du taux du profit, mais qu'elle serait sans effet sur les prix moyens des marchandises ou sur leurs valeurs, maintenant il s'agit finalement de savoir jusqu'à quel point, au cours de la lutte continuelle entre le capital et le travail, celui-ci a chance de l'emporter.

Je pourrais répondre de façon générale et vous dire que le prix du marché du travail, de même que celui de toutes les autres marchandises, s'adaptera, à la longue, à sa valeur; que, par conséquent, en dépit de toute hausse et de toute baisse, et quoi que fasse l'ouvrier, il ne recevra finalement en moyenne que la valeur de son travail, qui se résout dans la valeur de sa force de travail, laquelle est déterminée, à son tour, par la valeur des moyens de subsistance nécessaires à sa conservation et à sa reproduction, et dont la valeur est finalement réglée par la quantité de travail qu'exige leur production.

 

(...) Ces quelques indications suffiront à montrer que le développement même de l'industrie moderne doit nécessairement faire pencher toujours davantage la balance en faveur du capitaliste contre l'ouvrier et que, par conséquent, la tendance générale de la production capitaliste n'est pas d'élever le niveau moyen des salaires, mais de l'abaisser, c'est-à-dire de ramener, plus ou moins, la valeur du travail à sa limite la plus basse. Mais, telle étant la tendance des choses dans ce régime, est-ce à dire que la classe ouvrière doive renoncer à sa résistance contre les atteintes du capital et abandonner ses efforts pour arracher dans les occasions qui se présentent tout ce qui peut apporter une amélioration temporaire à sa situation ? Si elle le faisait, elle se ravalerait à n'être plus qu'une masse informe, écrasée, d'êtres faméliques pour lesquels il n'y aurait plus de salut. Je pense avoir montré que ses luttes pour des salaires normaux sont des incidents inséparables du système du salariat dans son ensemble, que, dans 99 cas sur 100, ses efforts pour relever les salaires ne sont que des tentatives pour maintenir la valeur donnée au travail, et que la nécessité d'en disputer le prix avec le capitaliste est en connexion avec la condition qui l'oblige à se vendre elle-même comme une marchandise. Si la classe ouvrière lâchait pied dans son conflit quotidien avec le capital, elle se priverait certainement elle-même de la possibilité d'entreprendre tel ou tel mouvement de plus grande envergure.

En même temps, et tout à fait en dehors de l'asservissement général qu'implique le régime du salariat, les ouvriers ne doivent pas s'exagérer le résultat final de cette lutte quotidienne. Ils ne doivent pas oublier qu'ils luttent contre les effets et non contre les causes de ces effets, qu'ils ne peuvent que retenir le mouvement descendant, mais non en changer la direction, qu'ils n'appliquent que des palliatifs, mais sans guérir le mal. Ils ne doivent donc pas se laisser absorber exclusivement par les escarmouches inévitables que font naître sans cesse les empiétements ininterrompus du capital ou les variations du marché. Il faut qu'ils comprennent que le régime actuel, avec toutes les misères dont il les accable, engendre en même temps les conditions matérielles et les formes sociales nécessaires pour la transformation économique de la société. Au lieu du mot d'ordre conservateur: "Un salaire équitable pour une journée de travail équitable", ils doivent inscrire sur leur drapeau le mot d'ordre révolutionnaire: "Abolition du salariat".

Après cet exposé très long et, je le crains, bien fatigant, mais qu'il me fallait faire pour traiter de façon satisfaisante mon sujet, je conclurai en proposant d'adopter la résolution suivante:

  1. Une hausse générale du niveau des salaires entraînerait une baisse générale du taux des profits, mais ne toucherait pas en somme au prix des marchandises.

  2. La tendance générale de la production capitaliste n'est pas d'élever le salaire normal moyen, mais de l'abaisser.

  3. Les trade-unions agissent utilement en tant que centres de résistance aux empiétements du capital. Elles manquent en partie leur but dès qu'elles font un emploi peu judicieux de leur puissance. Elles manquent entièrement leur but dès qu'elles se bornent à une guerre d'escarmouches contre les effets du régime existant, au lieu de travailler en même temps à sa transformation et de se servir de leur force organisée comme d'un levier pour l'émancipation définitive de la classe travailleuse, c'est-à-dire pour l'abolition définitive du salariat."

 

Karl Marx, Salaire, prix et profit.

Source : https://www.marxists.org/francais/marx/works/1865/06/km18650626.htm

 

Mohamed Belaali

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(1) Ces conférences n'ont jamais été publiées du vivant de Marx. C'est sa fille Eleanor qui les a publiées en 1898 sous le titre Value, Price and Profit avec une préface d'Edward Aveling.

 

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13 décembre 2022 2 13 /12 /décembre /2022 07:58

En janvier 2007, Nicolas Sarkozy disait : "Je veux changer la pratique de la République. Je veux une République irréprochable" (1). Aujourd'hui l'ancien président de la République est jugé pour toute une série "d'affaires" (Bygmalion, financement libyen, «Azibert», Karachi etc...). Il a même été condamné deux fois à de la prison ferme dans deux affaires différentes. C'est historique ! Et plusieurs autres "affaires" attendent encore Nicolas Sarkozy devant les tribunaux. Mais ce passage à répétition devant les juges n'est que l'arbre qui cache la forêt. Le nombre d'hommes et de femmes politiques impliqués, à un degré ou à un autre, dans les "affaires" est impressionnant. Voici une liste non exhaustive qui ne doit pas masquer le caractère récurrent et structurel de la corruption qui règne dans toutes les sphères de l’État. Sans remonter aux diamants centrafricains de Giscard, on peut citer pêle-mêle à titre d'exemple seulement quelques responsables politiques :

 

Raymond Barre, Jacques Médecin, Michel Mouillot, Christine Boutin, Christian Blanc, Christian Estrosi, Alain Joyandet, Eric Worth, Jérôme Cahuzac, Alain Juppé, André Santini, Claude Guéant, le couple Balkany, Serge Dassault, Jean-Michel Baylet, Jean-Noël Guérini, Jean-François Copé, Edouard Balladur, Jacques Chirac, Jean-Pierre Bechter, Maryse Joissains, Gaston Flosse, Jacques Mellick, Charles Pasqua, Pierre Bedier, Aquilino Morelle, Alain Carignon, Bernard Tapie, Thomas Thévenoud, Georges Tron, François Léotard, François Fillon, Léon Bertrand, François Bayrou, François de Rugy, Richard Ferrand, Laura Flessel, Jean-Paul Delevoye, Sylvie Goulard, Marielle de Sarnez, Françoise Nyssen, Alexis Kohler, Jean-Christophe Lagarde, Caroline Cayeux etc. etc.

 

D'autres noms viendront allonger cette liste déjà longue. Car ces "affaires" et ces scandales sont intimement liés au fonctionnement même du système capitaliste qui les produit et reproduit de manière permanente. Il ne s'agit pas ici d'une affaire de morale, républicaine ou non, mais la conséquence d’un système économique dont les intérêts de classes constituent le fondement matériel. Nicolas Sarkozy et Emmanuel Macron ne disaient-ils pas : "Nous conjurerons le pire en remettant de la morale dans la politique" (2) par "une vraie stratégie de moralisation de la vie publique" (3).

 

"La moralisation de la vie publique" (4), "la nécessité d'une lutte implacable contre les dérives de l'argent" (5) etc. ne sont en réalité que de grossiers mensonges derrière lesquels la classe dirigeante tente de dissimuler ses pratiques mafieuses pour mieux leurrer les classes populaires. Invoquer la morale dans le cadre du système actuel est non seulement une illusion, mais par dessus le marché une grande hypocrisie.

 

Aujourd'hui, en guise de la république "irréprochable" et "exemplaire", on a plutôt une république corrompue livrée, pieds et poings liés, au capital, aux cabinets de conseils, aux ministres millionnaires qui la violent chaque jour sous le regard stupéfait des plus démunis. Les travailleurs découvrent que ces corrompus, qui de surcroît cachent souvent leur magot dans les paradis fiscaux pour échapper à l'impôt, possèdent des patrimoines sans commune mesure avec leurs propres salaires. Combien de siècles de labeur et de souffrance au travail faut-il à un smicard par exemple pour atteindre le patrimoine déclaré et non déclaré de ces ministres? Et ce sont ces mêmes possédants qui exigent des salariés de travailler toujours plus et leur imposent toujours plus de sacrifices. Le cynisme et le mépris pour le peuple de ces hommes et de ces femmes corrompus n'ont d'égal que leur soumission aux puissants. Qu'elle est belle la république bourgeoise !

 

On peut adopter les lois que l’on veut contre la corruption, les affaires et les privilèges, mener toutes les enquêtes possibles, on peut même diminuer et limiter leur importance, mais on ne peut pas les éliminer. Car leur existence et celle du capitalisme sont tellement imbriquées l’une dans l’autre que l’on ne peut supprimer l’une sans éliminer l’autre. Les lois et les mesures prises pour lutter contre la corruption ne sont que des paravents derrière lesquels la bourgeoisie dissimule ses forfaits. Le problème n’est donc pas l’existence de la corruption, des scandales financiers, des affaires et autres privilèges, mais celle du capitalisme qui les engendre. Il y a eu dans le passé des scandales, il y a aujourd’hui des scandales et il y aura dans l’avenir d’autres scandales tant que ce système existe. Le véritable scandale, c’est le capitalisme lui-même.

 

Mohamed Belaali

 

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(1)https://www.lemonde.fr/idees/article/2012/04/26/la-republique-irreprochable-pour-memoire_1691151_3232.html

(2)https://www.lemonde.fr/idees/article/2012/04/26/la-republique-irreprochable-pour-memoire_1691151_3232.html

(3).https://www.dailymotion.com/video/x5do11u

(4)https://www.vie-publique.fr/loi/20774-loi-confiance-dans-la-vie-politique-moralisation-de-la-vie-publique

(5)https://www.vie-publique.fr/discours/187662-francois-hollande-10042013-moralisation-de-la-vie-politique-fraude

 

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24 octobre 2022 1 24 /10 /octobre /2022 07:36

A l'époque où le journalisme est devenu une vulgaire marchandise soumise aux vicissitudes du marché et un instrument de propagande entre les mains des puissants, il est utile de montrer à travers l'exemple de John Reed que cette profession peut être aussi un moyen efficace au service des luttes sociales sans renoncer pour autant à la vérité du terrain.

 

Le 17 octobre 1920 est décédé à Moscou, à l'âge de 33 ans, le journaliste révolutionnaire John Reed. L'auteur des "Dix jours qui ébranlèrent le monde" est né dans une riche famille à Portland, en Oregon, le 22 octobre 1887. Son grand-père a fait fortune dans le commerce des fourrures, son père dans la vente à grande échelle de matériel agricole. Diplômé de Harvard qu'il quitte en 1910, il rejoint en 1913 The Masses, magazine progressiste à la fois politique et culturel. Il couvre alors une série de grèves ouvrières comme celle des travailleurs de la soie dans la ville de Paterson dans le New Jersey. Dans «Guerre à Paterson», il écrit : "Il y a la guerre à Paterson. Mais c'est une sorte de guerre curieuse. Toute la violence est l'œuvre d'un seul côté - les propriétaires de l'usine" (1).

Ses témoignages sur les combats ouvriers lui ont valu des séjours répétés dans les prisons fédérales.

Cette première rencontre avec des travailleurs en grève lui a au moins permis de comprendre que le journalisme peut être un moyen efficace au service des luttes sociales non seulement aux États-Unis mais partout à travers le monde.

Quelques temps après, John Reed part pour le Mexique afin de couvrir pour Metropolitan Magazine de New York la révolution mexicaine menée par Pancho Villa. Le témoignage de Reed sur ce soulèvement populaire porte sur une courte période (quatre mois). Mais c'est peut-être la période la plus intense, la plus chargée d'espoir où Pancho Villa est considéré déjà comme une légende vivante. Dans ses chroniques, Reed mêle à la fois le souci d'une information objective et sa profonde sympathie pour les insurgés mexicains. En 1914 John Reed fait paraître "Le Mexique insurgé", somme d'articles et chroniques de cette expérience mexicaine. Une adaptation partielle du livre de Reed est portée à l'écran en 1973 par Paul Leduc : "Reed, Mexico Insurgente" (2).

En juillet 1914 toujours dans Metropolitan, Reed publie une longue lettre "The Colorado War" où il décrit avec minutie la grève et le massacre de Ludlow dans le sud du Colorado. Vingt-six ouvriers et leurs familles ont été abattus à la mitrailleuse par la garde nationale et les hommes de Rockefeller. L'historien Howard Zinn dit de cette grève des mineurs qu'elle fut "l'un des plus durs et des plus violents conflits entre les travailleurs et le capital industriel de l'histoire des États-Unis" (3).

Mais c'est surtout sa rencontre avec la révolution d'octobre 1917 qui va révéler les qualités journalistiques de Reed. Dans son magnifique livre les "Dix jours qui ébranlèrent le monde", il décrit avec passion et enthousiasme les événements historiques qui vont changer la face du monde. Il a su capter et transmettre les revendications et les aspirations humaines les plus simples et les plus fondamentales des ouvriers, des soldats et des paysans russes : "la paix, la terre, le pain, la fraternité, tout le pouvoir aux soviets...". Voici comment Reed décrit les premiers moments de la Révolution : «Quelque chose s’était brusquement éveillé en tous ces hommes. L’un parlait de la révolution mondiale en marche, un autre de l’ère nouvelle de fraternité, où tous les peuples ne seront plus qu’une grande famille (…) Mus par une commune impulsion, nous nous trouvâmes soudain tous debout, joignant des voix dans l’unisson et le lent crescendo de l’Internationale. Un vieux soldat grisonnant sanglotait comme un enfant. Alexandra Kollontaï rentrait ses larmes. Le chant roulait puissamment à travers la salle, ébranlant les fenêtres et les portes et allant se perdre dans le calme du ciel" (4).

 

Reed ne se contente pas seulement de rapporter des faits au jour le jour, il prend résolument partie pour les révolutionnaires. Il est à la fois témoin consciencieux et acteur de cette immense révolution: "Au cours de la lutte, mes sympathies n'étaient pas neutres écrit-il. Mais, en retraçant l'histoire de ces grandes journées, j'ai voulu considérer les événements en chroniqueurs consciencieux, qui s'efforce de fixer la vérité" (5).

Dans la préface du livre de Reed, Lénine écrivait : "Après avoir lu avec un immense intérêt et la même attention jusqu'au bout le livre de John Reed, Dix jours qui ébranlèrent le monde, je recommande du fond du cœur cette œuvre aux ouvriers de tous les pays. Je voudrais que ce livre soit répandu à des millions d'exemplaires et traduit dans toutes les langues, car il donne un tableau exact et extraordinairement vivant d'événements qui ont une si grande importance pour comprendre ce qu'est la révolution prolétarienne, ce qu'est la dictature du prolétariat»"(6).

La vie de Reed et les "Dix jours qui ébranlèrent le monde" sont portés à l'écran en 1981 par Warren Beatty. «Reds», ce passionnant film avec Diane Keaton et Jack Nicholson, entre autres, a largement contribué à faire connaître au grand public le journaliste et révolutionnaire John Reed.

 

Le 17 octobre 1920, John Reed le journaliste, le révolutionnaire et l'internationaliste s'est éteint à l'hôpital Marinski de Moscou emporté à l'âge de 33 ans par le typhus. Il repose à coté d'autres révolutionnaires sur la Place Rouge contre le mur du Kremlin. Sur sa tombe on peut lire "John Reed, délégué à la IIIe Internationale, 1920».

 

Mohamed Belaali

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(1)https://www.marxists.org/archive/reed/1913/masses06.htm

(2)https://fr.wikipedia.org/wiki/John_Reed,_Mexico_insurgente

(3)Howard Zinn, « Une histoire populaire des États-Unis », Agone, 2002, p. 403

(4) «Dix jours qui ébranlèrent le monde. Éditions Tribord, 2010, pages 228/229

(5) John Reed, «Les dix jours qui ébranlèrent le monde», page 33

(6)John Reed, « Dix jours qui ébranlèrent le monde », page 25.

 

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