Benyamin Netanyahou malgré ses affaires de corruption remporte les élections législatives du 1er novembre 2022. Avec une nouvelle coalition qui totalise 64 sièges sur 120 à la Knesset, il est à nouveau premier ministre d'Israël. Son parti, le Likoud obtient 32 sièges et les partis d'extrême droite totalisent 32 sièges également (1). La caractéristique essentielle de tous ces partis est la négation absolue des droits du peuple palestinien sur sa terre. Leur obsession est de faire de la Palestine l'Etat exclusif du "peuple juif". C'est une "Promesse" divine faite au peuple élu. Tous les dirigeants israéliens, religieux ou laïcs, de droite, d'extrême droite ou de gauche instrumentalisent ce mythe pour mieux escamoter l'histoire réelle du sionisme qui est avant tout un projet colonialiste. Mais un colonialisme qui ne ressemble à aucun autre.
La déclaration Balfour reconnue par La Société des Nations (SDN) plaçait en effet les palestiniens dans une situation bien particulière. Ils doivent faire face à la fois aux britanniques et aux sionistes. Les premiers étaient chargés de préparer la colonisation de la Palestine par les seconds. Comme disait l'écrivain Arthur Koestler, "une nation a solennellement promis à une seconde le territoire d’une troisième." (2)
Contrairement à toutes les autres colonisations, le rapport de force ici est triangulaire. Dans le régime colonial classique, le colonisé, l'opprimé affronte directement le colonisateur, l'oppresseur. En Palestine, la partie ne pouvait se jouer qu'à trois. Les palestiniens n'avaient d'autres choix que de se dresser, dans un combat très inégal, contre la Grande-Bretagne puissance mandataire et contre la colonisation sioniste qui cherche à les déposséder de leur terre et à les remplacer. Les dirigeants arabes, quant à eux, sont restés spectateurs et se sont contentés de demander aux anglais de jouer les arbitres.
Mais pour mieux comprendre l'essence du colonialisme sioniste et son exclusivisme, il faut peut-être se référer à un leader sioniste nettement moins hypocrite que la plupart des dirigeants israéliens. Il s'agit de Vladimir Jabotinsky (1880-1940), le fondateur du courant "révisionniste". Dans un article intitulé "Le mur d'acier" publié dans la revue Rassviet le 4 novembre 1923, Jabotinsky écrit :
" (...) Peu importe les mots. La colonisation porte en elle sa propre définition, totale et inéluctable. Elle est comprise par chaque juif et par chaque Arabe. La colonisation ne peut avoir qu'un seul objectif. Pour les Arabes palestiniens, cet objectif est inadmissible. Telle est la nature des choses. Changer cette nature est impossible. La colonisation ne peut être menée que contre la volonté des Arabes palestiniens. La colonisation sioniste, même la plus restreinte, doit ou bien cesser, ou bien être menée contre la volonté de la population indigène. Par conséquent, cette colonisation ne peut continuer et se développer que sous la protection d'une force indépendante de la population locale, d'un mur d'acier que la population locale ne peut forcer. Telle est, in toto, notre politique envers les Arabes. La formuler d'une autre manière relève de l'hypocrisie. (...) Tout cela ne signifie pas qu'un accord soit impossible. C'est l'accord volontaire qui est impossible. Tant qu'ils auront une lueur d'espoir de pouvoir se débarrasser de nous, ils ne vendront pas cette lueur pour n'importe quelles douces paroles ou quelques friandises, parce que ce ne sont pas des grippe-sous, mais une nation, peut-être quelque peu dépenaillée, mais encore vivante. Un peuple vivant ne fait de concessions aussi énormes sur des questions aussi importantes que lorsqu'il ne lui reste plus aucun espoir. C'est seulement lorsque aucune brèche ne sera laissée dans notre mur d'acier que les groupes extrémistes perdront leur empire et que l'influence passera du côté des groupes modérés. Et c'est alors seulement que ces groupes modérés pourront venir à nous avec des propositions de concessions mutuelles sur des questions pratiques, telle une garantie contre l'expulsion ou une égalité avec une autonomie nationale... Mais la seule voie pour parvenir à un tel accord est le mur d'acier, c'est-à-dire le renforcement, en Palestine, d'un gouvernement sur lequel les Arabes n'auront aucune influence, d'aucune sorte, d'un gouvernement contre lequel les Arabes lutteront. En d'autres termes, pour nous, la seule voie qui mène à un accord est le refus absolu de toute sorte d'accord."(3)
Ce texte a au moins le mérite d'être clair et sans hypocrisie sur le but final du sionisme : la colonisation doit se poursuivre d'une manière implacable contre la volonté des palestiniens à l'abri d'un "mur d'acier".
Si le courant "révisionniste" était minoritaire et peu influent à ses débuts, aujourd'hui il domine et détermine largement la politique israélienne fondée sur la stratégie du "mur d'acier". Tous les dirigeants sionistes, à un degré ou à un autre, sont acquis aux conceptions de Jabotinsky. Rappelons que le père de Benyamin Netanyahou était membre de l’Union mondiale des sionistes révisionnistes et un fervent adepte de Jabotinsky dont il était le secrétaire personnel. Benzion Netanyahou a élevé ses enfants dans la fidélité des idées de Jabotinsky (4).
Cet héritage idéologique familial, Netanyahou l'applique avec un zèle singulier. Son nouveau gouvernement multiplie déjà les provocations contre les palestiniens et proclame haut et fort le droit inaliénable et exclusif du "peuple juif" sur toute la terre palestinienne. C'est un gouvernement de continuité et non de changement ou de rupture. C'est un produit authentique du sionisme. Le visage sans fard du sionisme que les gouvernements successifs de gauche arrivaient plus ou moins à masquer, apparaît avec la nouvelle coalition au grand jour.
Avec ce gouvernement, les démolitions de maisons, les expulsions, la colonisation de ce qui reste des terres palestiniennes vont probablement s'accélérer. Car l'existence même du peuple palestinien est incompatible avec leur rêve du "Grand Israël". La haine du palestinien qui constitue un obstacle vivant à leur projet exclusiviste et la violence que cela implique s'inscrivent dans cette longue tradition du sionisme en général et des révisionnistes en particulier. La Haganah, l'Irgoun et le Betar sont intimement liés à Jabotinsky et son "mur d'acier" (5).
Le poète palestinien Tawfik Zayyad dont la poésie se confond avec cette "terre violée" de la Palestine ressentait, peut être plus que les autres poètes palestiniens, la tragique histoire de la Palestine et de son peuple qui lutte toujours pour sa survie. Dans un de ces poèmes (6) il écrivait :
Ici nous resterons
Gardiens de l'ombre des orangers et des oliviers
Si nous avons soif nous presserons les pierres
Nous mangerons de la terre si nous avons faim mais nous ne partirons pas !!
Ici nous avons un passé un présent et un avenir
Mohamed Belaali
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(1)https://www.gov.il/en/departments/units/25-election-commitee/govil-landing-page
(2))https://www.monde-diplomatique.fr/publications/manuel_d_histoire_critique/a53242
(3) Cité par Lotfallah Soliman, " Pour une histoire profane de la Palestine". La Découverte, 1989 page 34.
(4)https://www.monde-diplomatique.fr/1996/11/VIDAL/5873
(5)https://ujfp.org/lextreme-droite-dans-le-monde/
(6)https://www.belaali.com/2022/05/un-poete-palestinien-tawfik-zayyad.html