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4 mai 2010 2 04 /05 /mai /2010 10:43

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Il n'est pas un jour qui passe sans entendre les hommes politiques, les institutions internationales, les économistes, les dirigeants d'entreprises, les ONG, les grands médias etc. vanter les mérites du microcrédit, du commerce équitable et du développement durable.    De quoi s'agit-il ? Selon les tenants de ce paradigme, il s'agit de lutter contre la pauvreté, de rémunérer équitablement le producteur et de préserver les besoins des générations présentes et à venir. Mais en réalité, il ne s'agit là que d'un maquillage idéologique pour mieux masquer et perpétuer la brutalité des rapports sociaux de production de la société capitaliste.

 

Pour Jacques Attali, symbole vivant de l'opportunisme et du cynisme, ancien conseiller de Mitterrand et ami de Sarkozy, la lutte contre la pauvreté passe par le microcrédit. Attali le riche veut ainsi aider les pauvres! Il fonde alors PlaNet Finance, une ONG internationale aux ramifications multiples et obscures, soutenue par une kyrielle de patrons et d'hommes politiques. Dans son conseil d'administration on trouve pêle-mêle Henri Lachmann Président du Conseil de Surveillance de Schneider Electric, Anne-Claire Taittinger Ancienne Présidente du Directoire du Groupe Taittinger, Bertrand Lavayssière Directeur Général de Global Financial Services ( Capgemini), Bernard Kouchner, Rachida Dati etc. Et comme présidents d'honneurs de ce groupe à but non lucratif, on peut citer Muhammad Yunus, Edouard Balladur, Thierry Breton, Michel Rocard etc. PlaNet Finance reçoit l'aide de multiples fondations dont celle de Bill Gates.

Jacques Attali, avec tout ces bourgeois derrière lui, peut « résoudre le problème de la pauvreté en généralisant la microfinance aux 500 millions d'entrepreneurs qui n'ont pas accès au crédit» (1). Pour éradiquer la misère, il faut transformer les pauvres en entrepreneurs, par la magie du microcrédit. Banquiers, experts et conseillers en microcrédit sont envoyés aux quatre coins de la planète pour accomplir cette noble mission. Mais ces études et ces conseils ne sont pas toujours prodigués gratuitement. Jacques Attali, en bon bourgeois, a réalisé en 1997 une lucrative étude sur le microcrédit pour le gouvernement angolais qui lui a rapporté 200 000 dollars. Il faut préciser que Pierre Falcone, poursuivi et condamné dans l'affaire Angolagate, n'est pas étranger à cette fameuse étude sur le microcrédit dans un pays en pleine guerre civile !

Jacques Attali est également président «d'Attali et Associés» célèbre et rentable cabinet de conseil international spécialisé dans l'ingénierie financière. Il est difficile de distinguer les deux structures. Car PlaNet Finance est, elle aussi, spécialisée dans le conseil aux fonds internationaux de micro crédit et dans la notation des organismes de microcrédit. On ne sait pas vraiment quand s'arrête le conseil payant et quand commence l'aide gratuite.

Mais le pape du micro crédit reste quand même Muhammad Yunus prix Nobel de la paix. Sa Grameen Bank est, elle aussi, soutenue par les multinationales comme Danone par exemple. L'engouement des grands groupes pour le microcrédit est réel. Car celui-ci est non seulement rentable, mais il est aussi et surtout au service du capital. Comme le précise Muhammad Yunus lui même «Le social-business est la pièce manquante du système capitaliste. Son introduction peut permettre de sauver le système» (2). Il s'agit donc de sauver le capitalisme! Comment? En exploitant les pauvres, de plus en plus nombreux, par le biais du crédit et des taux d'intérêt élevés. En effet ceux-ci varient entre 15 et 20 % et parfois beaucoup plus. Ces taux sont donc supérieurs à ceux appliqués par les banques traditionnelles. A l'asservissement du pauvre au patron, s'ajoute l'asservissement au banquier. Celui-ci n'hésite pas à pousser le pauvre, dans l'incapacité d'honorer sa dette, à contracter de nouveaux emprunts pour rembourser les premiers avec des taux encore plus élevés. L'exploitation n'a pas de limites! Sur-exploité et sur-endetté, le pauvre au lieu de devenir petit entrepreneur, devient plus pauvre encore. Traqué par ses créanciers et ne pouvant plus rembourser, il va utiliser le suicide comme ultime moyen de protestation. C'est ainsi que des milliers de paysans indiens ont été poussés au suicide, entre autres, à cause du sur-endettement lié à des taux usuriers du microcrédit (3).


Alors pour éviter ces cas extrêmes et pour améliorer le sort des producteurs pauvres des pays du sud, on leur propose le commerce équitable. Il s'agit de rendre équitables les échanges internationaux, dans le cadre du capitalisme bien sûr. Comment ? «En garantissant les droits des producteurs et des travailleurs marginalisés, tout particulièrement au Sud de la planète»(4). ONG caritatives et humanitaires, organismes de labellisation, grands groupes de distribution et multinationales du Nord, dans un formidable élan de générosité, vont secourir les producteurs du Sud. Quelle époque formidable!

Nestlé, MacDonald’s, Carrefour, Leclerc etc. dont la violence sociale exercée sur leurs propres salariés est assumée ouvertement, sont eux aussi solidaires des petits producteurs! Mais derrière cette «solidarité» se cache le profit. Pour les responsables des magasins Leclerc «le commerce équitable ne constitue qu’un marché émergent. Avec les volumes, les fournisseurs vont pouvoir écraser leurs coûts de production et nous pourrons ainsi augmenter nos marges» (5). «Le commerce équitable, c'est d'abord du commerce», rappelle Catherine Gomy directrice qualité et développement durable chez Leclerc avant d'ajouter «On paie plus cher la matière première mais, pour nous, la marge est la même. C'est le consommateur qui paie la différence» (6).

Les grands groupes exploitent ainsi les sentiments altruistes des consommateurs pour s'engraisser un peu plus. Le commerce équitable leur permet également de redorer leur blason bien terni par la brutalité des rapports sociaux qu'ils entretiennent avec leurs employés.

Et le producteur du Sud que ces multinationales, ONG et autres organismes caritatives ou humanitaires du Nord veulent, vaille que vaille, aider que gagne-t-il dans ce commerce de l'équitable? Pas grand-chose. Il doit se contenter de quelques miettes et supporter de surcroît toute une série de frais imposés par une horde d'intermédiaires parasites qui, comme des vampires, lui pompent ses maigres ressources. Au final, on arrive à cette étrange situation où «ceux qui travaillent ne gagnent pas et que ceux qui gagnent ne travaillent pas» (7).


Mais pour continuer à s'enrichir et pour perpétuer son système, la bourgeoisie exploite également et sans retenue la misère humaine et la misère écologique. Elle a inventé le concept du développement durable ou soutenable pour justement soutenir et faire durer son propre système, le capitalisme, premier et dernier responsable de la destruction de l'homme et de la nature : «un développement qui répond aux besoins des générations du présent sans compromettre la capacité des générations futures à répondre aux leurs »(8).

Grâce à sa puissance économique, elle impose sa vision sociale et écologique du monde : faire du profit tout en faisant croire qu'elle travaille à la sauvegarde des intérêts des générations actuelles et futures. Là encore les entreprises, petites et grandes, les gouvernements, les collectivités locales, les ONG, l'Union Européenne, l'ONU et ses institutions etc. tentent, chaque jour qui passe, de nous convaincre que la lutte contre la pauvreté et le salut de notre planète passent par le développement durable. Séminaires, colloques, conférences, rencontres internationales, forums, expositions, bref des manifestations en tout genre et en tout lieu se multiplient à travers la planète pour promouvoir le développement durable. Le Conseil mondial des entreprises pour le développement durable (WBCSD) qui regroupe 175 entreprises internationales participe lui aussi au «développement durable par la croissance économique, l’équilibre écologique et le progrès social». Global 100, un cabinet américain de conseil en investissement spécialisé dans la gestion des risques non traditionnels, sélectionne et classe les 100 multinationales les plus engagées dans le développement durable. Il publie un rapport à l'occasion du forum économique mondial de Davos (9).

Toute cette agitation n'a qu'un seul but, masquer l'horrible réalité d'un système dont les lois et les mécanismes sont en profonde contradiction avec l'homme et son environnement. Et pendant que l'on s'agite autour du développement durable, plus d'un milliard d'êtres humains selon la FAO souffrent de la faim alors même que la production des richesses atteint des niveaux jamais égalés dans l'histoire de l'humanité (10). La finance globalisée spécule sur le blé, le riz, le maïs et autres denrées de première nécessité transformées en produits financiers permettant aux spéculateurs parasites de s'engraisser toujours plus. Les grands groupes industriels et bancaires distribuent sans scrupules dividendes et bonus par dizaines, par centaines de milliards d'euros à leurs actionnaires et «collaborateurs» tout en continuant à licencier par milliers leurs salariés.

Le saccage de la nature et sa destruction systématique par les multinationales avides de profit et qui participent en même temps avec enthousiasme à la promotion du développement durable, se poursuivent inlassablement.


Microcrédit, commerce équitable et développement durable ne sont pour le système que des instruments qui lui facilitent grandement la réalisation de son seul et unique but, le profit. Ils lui permettent également de se perpétuer en le présentant paré de toutes les vertus : un capitalisme à visage humain ! Il ne s'agit en fait que d'un vulgaire maquillage sur un visage hideux, un masque derrière lequel se cache toute la laideur et toute la brutalité du capitalisme.


Mohamed Belaali


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(1) http://www.challenges.fr/magazine/coulisses/0171.023397/?xtmc=attali&xtcr=2


(2) Muhammad Yunus, «Vers le nouveau capitalisme», J C Lattès, 2008


(3) http://w3.cerises.univ-tlse2.fr/download/down/microfinance%20et%20lib%E9ralisme.pdf


(4) Voici la définition «offocielle»du commerce équitable élaborée par quatre structures internationales ( (FLO, IFAT, NEWS, EFTA) : «Le commerce équitable est un partenariat commercial fondé sur le dialogue, la transparence et le respect, dont l'objectif est de parvenir à une plus grande équité dans le commerce mondial. Il contribue au développement durable en offrant de meilleurs conditions commerciales et en garantissant les droits des producteurs et des travailleurs marginalisés, tout particulièrement au Sud de la planète. Les organisations du commerce équitable (soutenues par les consommateurs) s'engagent activement à soutenir les producteurs, à sensibiliser l'opinion et à mener campagne en faveur de changements dans les règles et pratiques du commerce international conventionne».


(5) Cité par Christian Jacquiau « Max Havelaar ou les ambiguïtés du commerce équitable», in Le Monde Diplomatique, seprembre 2007.


(6) http://www.lefigaro.fr/conso/2008/04/26/05007-20080426ARTFIG00005-des-tetes-de-gondole-equitables.php


(7) Manifeste du Parti Communiste, K Marx et F Engels.


(8) Définition de la Commission mondiale sur l’environnement et le développement dans le Rapport Brundtland.


(9) Voir la liste http://www.global100.org/


(10) Rapport 2009 de la FAO ( Food and Agriculture Organization)

ftp://ftp.fao.org/docrep/fao/012/i0876f/i0876f00.pdf





























 

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2 mai 2010 7 02 /05 /mai /2010 14:49

Travailler plus pour gagner plus, travailler jusqu’à 70 ans, travailler le dimanche, le lundi, le mardi et tous les autres jours, travailler jour et nuit avec des heures supplémentaires et plus de trente cinq heures par semaine ! Les hommes et les femmes (et bientôt peut-être les enfants) sont ainsi réduits à l’état de machine à produire sans trêve du travail.


 temps-de-travail.jpg

Dans la nuit, celle du vendredi à samedi pendant le week-end de la Toussaint, les députés ont adopté, au détour de l’examen du projet de loi de financement de la Sécurité sociale pour 2009, une mesure permettant aux employeurs de faire travailler les salariés « volontaires » jusqu’à 70 ans. Le ridicule de la justification contraste tristement avec les conséquences de la mesure : « Vous savez depuis combien de temps on en parle de ce dossier ? Depuis le départ du professeur Montagnier. Parce que le professeur Montagnier était trop âgé pour chercher et pour trouver en France, mais il ne l'était pas assez pour aller aux Etats-Unis et avoir des succès aux Etats-Unis. (…) L'an dernier, même chose, Guy Roux. Guy Roux trop âgé pour rester en activité, pour entraîner. Alors on s'était dit qu'il fallait faire bouger les choses...» (1)

Il faut préciser qu’à 35 ans l’espérance de vie d’un ouvrier, par rapport aux autres catégories sociales, n’est que de 41 ans c'est-à-dire il ne pourra profiter, en moyenne, de sa retraite que quelques années et dans des conditions matérielles et sanitaires déplorables, cumulant ainsi vieillesse et misère. Pire, son espérance de vie, toujours à 35 ans, mais sans incapacité n’est que de 24 ans (sur les 41) contre par exemple 34 pour un cadre (2).

Avant cette retraite très tardive, la vie du salarié se confond presque avec sa force de travail. Son temps libre ou libéré du travail salarié se réduit de plus en plus. De moins en moins il aura du temps à consacrer à sa famille, à ses amis, à la lecture, à l’écriture, au sport, à la pêche à la vie politique et associative, bref à la vie tout simplement. Le travail salarié tend à le priver de toutes ses fonctions sociales indispensables à son développement physique et intellectuel. Il lui laisse tout de même  le temps, après une journée de travail bien chargée, de se « divertir » notamment devant le petit écran (qui le poursuit un peu partout) en regardant des émissions aussi médiocres que vulgaires. Les mots et les images qu’il reçoit, en plus des spots publicitaires, forment son cerveau à des représentations légitimant l’ordre établi.

Pour l’idéologie dominante, le travail salarié est présenté comme source de tout développement et de tout épanouissement physique et psychique.

Mais les statistiques, elles, montrent une réalité bien différente. Ainsi l’épidémie de troubles musculo-squelettique (TMS)  provoquée par des gestes répétitifs a quasiment doublé entre 2000 et 2006 (3). Les accidents mortels du travail continuent à tuer beaucoup de salariés (537 exactement  en augmentation de 13,3 % en 2006)  notamment sur les chantiers (4).

4 à 8,5 %  des décès par cancer sont imputables à l’activité professionnelle selon le Plan national santé-environnement 2004. Le travail reste, hélas, en tête des facteurs des risques de cancer. L’amiante, entre autres substances toxiques et cancérigènes, continue à faire des victimes. Le travail salarié génère également des souffrances psychiques (harcèlement, humiliations, stress, dépression, etc.) et pousse parfois le salarié, ouvrier ou cadre, à commettre l’irréparable. La multiplication des cas de suicides sur le lieu de travail ou lié au travail est une réalité dramatique mais qui tend, malheureusement, à se banaliser.

Pour la classe dominante, le temps libéré pour vivre n’est que paresse, mère de tous les vices. La « fainéantise » est le péché …capital. Les chômeurs par exemple ne sont que rarement  présentés comme des victimes des lois et des mécanismes implacables du capitalisme. Ils sont, par contre, souvent montrés comme des paresseux qui ne cherchent pas et ne veulent pas travailler. Les chômeurs sont donc seuls responsables de leur triste sort. Or le chômage, en exerçant une pression à la baisse sur les salaires, constitue une véritable aubaine pour les entreprises. Ainsi non seulement il faut faire travailler le salarié plus longtemps, mais sa rémunération doit être la plus faible possible.


Derrière ce fétichisme pour le travail se cache le capital, le vrai, c'est-à-dire ce rapport social qui permet d’exploiter le travail. L’une des caractéristiques de ce capital là, est qu’il a une passion sans bornes pour le travail. Car c’est le seul et l’unique moyen qui lui permet de faire du profit sans lequel il lui est impossible de survivre. Le capital ne s’inquiète guère de la santé des salariés, ni de leurs souffrances au travail. Toutes les avancées sociales dont bénéficient aujourd’hui les travailleurs lui ont été arrachées de haute lutte.

« Le capital est du travail mort, qui semblable au vampire, ne s’anime qu’en suçant le travail vivant, et sa vie est d’autant plus allègre qu’il en pompe davantage »(5).

 

Mohamed Belaali

 

 

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(1) http://www.marianne2.fr/Travail-jusqu-a-70-ans-la-faute-a-Guy-Roux-!_a92946.html

(2) http://www.ined.fr/fichier/t_publication/1341/publi_pdf1_441.pdf

(3) 4e enquête européenne sur les conditions de travail, citée par Alternatives Economiques hors série n° 78 page 44.

(4) http://www.travail-solidarite.gouv.fr/IMG/pdf/Chap_19-2.pdf

(5) K. Marx, Le Capital. Livre I, chapitre X.

 

 

 

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30 avril 2010 5 30 /04 /avril /2010 16:08

brutalite-patronale.jpg

 

«L'histoire de toute société jusqu'à nos jours n'a été que l'histoire de lutte de classes.(...) Oppresseurs et opprimés, en opposition constante, ont mené une guerre ininterrompue, tantôt ouverte, tantôt dissimulée». (1)

«Qu'est ce que c'est que cette histoire d'aller séquestrer les gens ? (...) Je ne laisserai pas faire les choses comme ça» menaçait N. Sarkozy» (2). De leur côté, les organisations patronales s'inquiètent de la multiplication de cette forme de lutte sociale : «La CGPME, le MEDEF et l’UPA sont préoccupés par l’évolution du débat sur les séquestrations de dirigeants ou de collaborateurs d’entreprises»(3).

«Plutôt crever que de satisfaire les salariés» déclarait brutalement Didier Leroy, directeur de Toyota France. (4)

«Ils ne comprennent pas que ça fait cinq semaines qu'on est gentils, qu'on ne dit rien, qu'on se retient. Ils ont eu des moutons, et maintenant ils ont des lions» disait Xavier Mathieu délégué CGT de Continental (5).

«Toutes mes propositions ont pour objectif d'associer les salariés et les actionnaires à la destinée des entreprises(...). Cette coopération permettrait de mettre fin à l'esprit de lutte des classes» pense très sincèrement Serge Dassault (6).

N'en déplaise au chef de l'Etat et aux patrons, la lutte des classes est bel et bien une réalité.

 

 

Séquestrations, occupations d'usines, grèves et autres manifestations se succèdent et se développent au rythme des licenciements et des fermetures de sites. Capital contre travail, exploiteur contre exploité, profit contre salaire, violence sociale ouvrière contre violence sociale patronale !


Mais la violence patronale est masquée, invisible; elle est même légale. Licencier les salariés pour motif économique par exemple est une disposition inscrite dans le code du travail : «Constitue un licenciement pour motif économique le licenciement effectué par un employeur pour un ou plusieurs motifs (…) résultant d'une suppression ou transformation d'emploi consécutives notamment à des difficultés économiques ou à des mutations technologiques»(article L 321-1).

 

La violence salariale, elle, est montrée, visible, médiatisée et de surcroît rendue illégale. «Les salariés de Continental saccagent la sous-préfecture de Compiègne» titrait en gros le journal Le Monde(7). «La colère explose chez les salariés de Continental» annonce de son côté Le Dauphiné Libéré (8). Et toute «entrave à la liberté de travailler» est punie par la loi. Ainsi le17 avril 2009, dix-neuf salariés de l'entreprise Caterpillar ont été traînés devant la justice et condamnés pour ce motif (9). Le 22 avril le premier ministre François Fillon menaçait les salariés de Continental de «poursuites judiciaires». Combien de salariés ont été et seront traduits devant les tribunaux alors qu'ils ne demandent justement qu'à travailler ? «On pourrait travailler. La fermeture, c'est pour mettre une pression supplémentaire», a déclaré à l'AFP un salarié de Continental (10). Mais pour les patrons, «liberté de travailler» signifie avant tout liberté de licencier !


Le vocabulaire utilisé n'est pas innocent non plus: plan de restructuration, plan social, licenciement, chômage partiel etc. ne sont pas en eux-même des termes violents même s'ils masquent des réalités terribles pour les salariés. Par contre des mots comme séquestrations, occupations et blocages d'usines, piquets de grève etc. évoquent une certaine violence même s'il ne s'agit, le plus souvent, que de moyens symboliques utilisés par les ouvriers pour se défendre justement contre la violence sociale patronale. Elle constitue une réaction à la violence sociale des employeurs. Il serait plus juste de parler de résistance ouvrière contre brutalité patronale. C'est peut-être l'une des raisons qui explique qu'elle est comprise voire soutenue par une majorité de citoyens. Les salariés sont contraints et poussés par le fonctionnement même du capitalisme à se défendre, à se révolter. Ils refusent cette situation aliénante qu'on leur impose. Ils sont conscients de leur existence inhumaine. La bourgeoisie, elle, ne voit dans cette situation que les signes de sa puissance et de sa domination. Cet état lui donne l'illusion d'une existence humaine. Elle se complaît dans sa propre aliénation ! Elle est inconsciente des ravages qu'elle engendre. Cette classe est condamnée par l'histoire. Seule la classe des travailleurs est porteuse d'espoir.


Aujourd'hui, les salariés sont sur la défensive. Leur lutte contre le capital ne vise pas à arracher de nouveaux droits sociaux, mais, dans la plupart des cas, se battent pour garder leurs emplois ou obtenir de meilleures conditions pour les quitter.


Offensive ou défensive, le combat des salariés contre leurs employeurs reste permanent. Les lois et les mécanismes du système basés sur l'exploitation du travail salarié, les intérêts contradictoires des deux classes qu'il engendre, ne peuvent que produire et reproduire cette guerre de classes. Celle-ci n'est cependant pas toujours menée ouvertement.mais toujours présente et, somme toute, brutale nonobstant les apparences. Ici, les salariés et les patrons se transforment en «partenaires sociaux». Ils se rencontrent, discutent, dialoguent, signent des accords, lisent ensemble des communiqués de presse etc. Ils donnent l'impression de s'entendre, que leurs intérêts sont, à quelques nuances près, les mêmes. Ils représentent «les forces vives de la nation» qui travaillent main dans la main au maintien de la paix sociale. Classes et lutte de classes seraient désormais des mots du passé , des vieilleries d'un autre âge. La lutte des classes est ter-mi-née( pour paraphraser Orwell). Souvent, elle est feutrée, voilée, maquillée,


Mais la réalité est têtue. Elle s'impose à tout le monde malgré l'intense propagande de l'idéologie dominante pour la dissimuler. La guerre livrée sans pitié aux ouvriers par les patrons continue à faire ravage dans les usines, dans les ateliers, sur les chaînes de montage et partout où le profit impose sa loi : licenciements collectifs, précarité, flexibilité, chômage partiel et heures supplémentaires souvent non payées, cadences infernales, humiliations, harcèlement en tout genre, etc.

A l'extérieur de l'entreprise, l'Etat prend la relève : démantèlement du droit du travail, remise en cause des trente-cinq heures, atteinte au droit de grève, suppression de l'autorisation administrative de licenciement et de l'indexation des salaires sur les prix. En même temps, L'Etat accorde des milliards et des milliards d'euros aux patrons des banques et de de l'automobile, réduit la TVA dans la restauration, supprime la taxe professionnelle et l'impôt forfaitaire annuel, diminue les cotisations sur les bas salaires, en particulier la fameuse «ristourne Juppé» et «Réduction Fillon». La liste des exonérations et des cadeaux fiscaux octroyés aux employeurs est trop longue pour pouvoir la reproduire ici.

La lutte des classes est donc menée par ceux-là même qui la nient !


Les salariés qui luttent pour sauvegarder leurs emplois, pour l'augmentation des salaires ou pour l'amélioration générale de leur situation, doivent comprendre aussi qu'ils se battent contre les effets et non contre les causes de ces mêmes effets. Ce combat est indispensable s'ils veulent éviter de tomber encore plus bas dans la misère. Mais cela ne suffit pas. Il faut qu'ils s'attaquent également aux racines du mal c'est à dire au capitalisme lui-même.


Mohamed Belaali



 

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(1) K. Marx, F Engels. Manifeste du parti communiste


(2) http://www.lefigaro.fr/politique/2009/04/07/01002-20090407ARTFIG00493-sequestrations-des-patrons-sarkozy-ne-laissera-pas-faire-.php


(3) http://www.medef92nord.fr/main/core.php?pag_id=138275

(4) http://www.usinenouvelle.com/article/toyota-onnaing-usine-debloquee-apres-14-jours-de-greve.162890


(5) Le Monde Diplomatique, mai 2009 p.15.

(6)http://www.lefigaro.fr/debats/20061109.FIG000000038_la_gestion_participative_pour_en_finir_avec_la_lutte_des_classes.html


(7) http://www.lemonde.fr/economie/article/2009/04/21/les-salaries-de-continental-deboutes-sur-tous-les-points_1183615_3234.html


(8) http://www.ledauphine.com/la-colere-explose-chez-les-salaries-de-continental-deboutes-par-le-tribunal-de-sarreguemines-@/index.jspz?article=122669


(9) http://www.ledauphine.com/justice-dix-neuf-salaries-condamnes-caterpillar-a-eu-gain-de-cause-@/index.jspz?article=121114&chaine=14


(10)http://www.google.com/hostednews/afp/article/ALeqM5gvJpKM23DQXorzDAMFCN_ZzvpMJw

 

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29 avril 2010 4 29 /04 /avril /2010 19:52

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« Les Irlandais devront revoter » déclarait avec force Nicolas Sarkozy le 15 juillet 2008 après le rejet par le peuple irlandais du Traité de Lisbonne qui  reprenait l’essentiel d’un autre traité  rejeté lui aussi par les français et les néerlandais en 2005. Les peuples lorsque les gouvernements les consultent doivent voter non pas  pour exprimer leur propre volonté mais celle de « leurs » dirigeants. Mais il ne s’agit là que d’un exemple parmi tant d’autres, montrant  que la démocratie bourgeoise n’est qu’un concept creux sans réel contenu. Les classes dominantes l’utilisent comme instrument idéologique au service de leurs seuls intérêts de classes.

 

Effrayés par le « Non » français et néerlandais (les seuls peuples consultés par référendum) au Traité instituant une Constitution pour l’Europe (TCE), les dirigeants européens ont signé  le 13 décembre 2007 à Lisbonne un traité qui ressemble étrangement à celui qui vient d’être rejeté. Pendant que les chefs d’Etats ou de gouvernements sabraient le champagne dans le splendide monastère des Hiéronymites, des centaines de milliers de manifestants scandaient dans les rues de la capitale portugaise des slogans hostiles à cette Europe  libérale qui se fait contre la volonté des peuples. Ce contraste rappelle un peu une scène de la Ferme des Animaux  de G. Orwell où la majorité des animaux regardaient ébahis  les cochons faire la fête « (…) et les chopes furent vidées avec entrain. Mais alors que les animaux observaient la scène du dehors, il leur parut que quelque chose de bizarre était en train de se passer. » (1).

 

La rencontre de Lisbonne n’avait pour ainsi dire qu’un seul objectif : faire passer le nouveau traité sans consulter les peuples concernés. Chaque Etat doit alors se « débrouiller » pour trouver le moyen qui lui permet de faire avaler à sa propre population, sous des apparences démocratiques, la potion très amère d’un traité entièrement au service d’une minorité de nantis. Un seul pays ne pouvait le faire, l’Irlande dont la constitution exige un référendum pour chaque traité européen. Les irlandais furent donc consultés le 12 juin 2008 et comme les français et les néerlandais, ils ont à leur tour rejeté le nouveau traité.

 

Mais les dirigeants européens méprisent la volonté des peuples. Ils sont d’abord là pour gérer les intérêts de la classe qu’ils représentent. Traités, accords et autres directives doivent, vaille que vaille, passer. Les irlandais doivent donc revoter et re-revoter tant que le « Oui » n’est pas obtenu. Le vote n’a qu’une seule fonction ici, soumettre le peuple à la volonté et aux intérêts de la classe qui l’organise. Il ne faut pas que le peuple déçoive la confiance des dirigeants. Bertolt Brecht disait dans un de ses poèmes « (…) Le peuple avait par sa faute perdu la confiance du gouvernement et que seul un travail redoublé lui permettrait de la reconquérir. Ne serait-il pas encore plus simple que le gouvernement dissolve le peuple et en élise un autre?».(2).

 

Le fonctionnement « très démocratique » de l’Union Européenne n’est, hélas, pas le seul exemple ; l’omniprésence voire l’omnipotence du président de la république et l’absence quasi-permanente du premier ministre des affaires politiques en est un autre. Or L'article 21 de la Constitution du 4 octobre 1958 stipule « Le Premier Ministre dirige l'action du Gouvernement » et l’article 20 de la même constitution précise « Le Gouvernement détermine et conduit la politique de la Nation ». Force est de constater que ces deux articles sont violés au quotidien par l’omni président Sarkozy. C’est une situation singulière où Mr. Fillon, le premier ministre fantôme, n’est que l’ombre de son maître. Il est réduit à faire quelques apparitions ici ou là pour « radoter » des décisions déjà prises et connues par tout le monde avant de disparaître à nouveau ! Fin décembre 2008, le Premier ministre a « choisi » d’être absent physiquement et politiquement, et ce, pour une durée indéterminée. Il a décidé de prolonger ses vacances de luxe, déjà longues, dans la station balnéaire de Charm el-Cheikh en Egypte.

On est à mille lieux de la constitution, loi suprême source de la légalité et de la légitimité comme disent les juristes. Loi suprême, légalité et légitimité sont des mots qui n’ont de sens que par rapport aux intérêts de la classe dominante qui, seule, possède le pouvoir de les transgresser en toute impunité.

Mr. Sarkozy, lui, décide de tout, nomme les ministres (encore une autre violation de la constitution), marginalise gouvernement et  parlement, empiète sur le pouvoir judiciaire, contrôle les grands médias, nomme le président de France Télévisions, surveille tout grâce à sa police et à ses innombrables fichiers, déplace préfets et commissaires  sans se soucier le moins du monde des règles et procédures tout simplement parce que le président était chahuté par des manifestants en colère contre sa politique etc. etc.

Ainsi le principe sacré de la séparation des pouvoirs, cher à Montesquieu et garanti par la constitution, celui de la liberté de la presse etc. sont, chaque jour, profanés.

 

La société française s’enfonce lentement, dans le cadre d’un capitalisme mondialisé et en crise, dans un régime qui n’a de démocratique que la forme, qui paupérise des franges de populations de plus en plus larges, étouffe petit à petit le peu de libertés qui  restent encore aux citoyens et réprime toute velléité de résistance.

Mais M. Sarkozy n’est pas seul responsable de cette situation. Il est le fruit des circonstances et des rapports sociaux engendrés par la lutte des classes aujourd’hui en France. Peut-être M. Sarkozy a su profiter de ces circonstances dont il n’est que l’agent inconscient.

 

Victor Hugo parlait de Napoléon (le petit) en ces termes : « M. Louis Bonaparte a réussi. Il a pour lui désormais l’argent, l’agio, la banque, la bourse, le comptoir, le coffre-fort, et tous ces hommes qui passent si facilement d’un bord à l’autre quand il n’y a à enjamber que de la honte »(3). Sévère réquisitoire ! Mais un réquisitoire  qui reste essentiellement moral. Victor Hugo attaquait Louis-Napoléon lui-même rendu responsable de tous les malheurs. Marx, lui, raisonne en termes de classes et de luttes des classes : « je montre comment la lutte des classes en France créa des circonstances et une situation telle qu’un personnage médiocre et grotesque put faire figure de héros » (4).

La France d’aujourd’hui n’est pas celle de 1851 et Nicolas Sarkozy n’est pas Louis-Napoléon Bonaparte. Mais toute tentative d’analyse doit tenir compte du rapport de force actuel.

 Les masses populaires, même s’il faut rester très prudent, ont montré à plusieurs reprises quelles sont mûres pour affronter ce pouvoir qui les méprise. La belle  et imposante manifestation du 29 janvier 2009 est un signe  fort envoyé à la classe dominante. Alors que la situation économique et sociale des plus démunis devient chaque jour plus dramatique,   M. Sarkozy, comme à son habitude, à opposé aux revendications des millions de manifestants mépris et arrogance. Par contre, au patronat (une petite minorité), il a, une fois de plus, prodigué quelques milliards d’euros tout en appauvrissant gravement les caisses des collectivités locales (suppression de la taxe professionnelle). Reconnaissante, Mme. Parisot, présidente du MEDEF, s’est félicitée de ce nouveau cadeau : «Bien sûr, c'est une bonne mesure, très compliquée à mettre en œuvre, mais c'est une bonne mesure à condition qu'elle ne soit pas remplacée par un autre impôt qui va pénaliser le même secteur d'activité». (5)

Les classes populaires, elles, avaient bien compris qu’il n’y avait rien à attendre de ce pouvoir

de classes qui se présente pourtant comme le représentant de tous les français. Elles « appellent à poursuivre la mobilisation »(6). Seront-elles entendues par les directions syndicales et politiques ?

 

Ces quelques exemples montrent que la démocratie bourgeoise, même si elle est utile sur le chemin de l’émancipation de l’esclavage du salariat, non seulement sert les intérêts de la classe dominante, mais surtout permet de les perpétuer en donnant l’illusion qu’elle est la clef  de tout changement, capable de réaliser les aspirations les plus profondes de l’immense majorité de la population. Or elle n’est qu’un paravent à la domination économique et, partant, politique.

 

Mohamed Belaali

 

 

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(1)G. Orwell : « La ferme des animaux ». Gallimard. Folio. Page 150.

(2) Bertolt Brecht « La solution ».

(3) Victor Hugo : « Napoléon le Petit ». Réédité chez Actes Sud (2007) par Jean-Marc Hovasse.

(4) K. Marx. Le dix-huit brumaire de Louis Bonaparte, préface de 1869, p.60

(5)                      http://www.boursorama.com/international/detail_actu_intern.phtml?num=34d97b560c26b72ebca47ef6709eaa7c

(6) http://www.humanite.fr/Ce-que-veulent-les-Francais-apres-le-29-janvier-notre-sondage-exclusif#nb1

 

sondage-exclusif#nb1

 

 

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28 avril 2010 3 28 /04 /avril /2010 20:44

 

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Le capitalisme s'enfonce profondément dans la crise. Ses places financières sont désorientées. La panique s'empare de ses institutions. Le profit et la croissance sont en baisse. Le chômage et la misère sont en hausse. La nature est saccagée et l'espèce humaine menacée. Ses experts, ses théoriciens et politiciens ne savent plus à quel saint se vouer.

Économique, sociale, écologique et morale, la crise du capitalisme est totale. Créé par l'homme, ce système est en train de se retourner contre lui comme les puissances maléfiques se retournent contre leurs magiciens. Les hommes et les femmes, qui ont fait et font leur histoire, paraissent, déroutés, désenchantés et dépassés. Ils assistent impuissants à leur lente destruction ainsi que celle de leur environnement. Ils constatent effarés, malgré l'idéologie dominante qui tente de masquer la réalité, les ravages du capitalisme. Mais les hommes qui ont produit ce système sont également capables de se dresser contre lui et le dépasser.

 

«Tous les indicateurs arrivent au même résultat : la crise est beaucoup plus profonde que prévu » titrait le journal Le Monde(1). Parmi ces indicateurs la destruction d'emplois par les entreprises qui licencient à tour de bras demeure la première et la plus angoissante de toutes les préoccupations. Plans de restructuration, plan sociaux, chômage partiel, chômage technique et chômage tout court, cette richesse dans le vocabulaire masque une misère insoutenable pour des millions d'hommes et de femmes. Suicides, dépressions, désespoirs, angoisses et souffrances sont les conséquences directes de cette crise.

Dans ce système, l'individu est réduit à l'état de marchandise qui se vend et s'achète sur le marché du travail. Thomas Hobbes dans son Léviathan disait «la valeur d'un homme, son estimation, est, comme pour toutes les autres choses, son prix, c'est à dire exactement ce qu'on en donne pour l'usage de sa force» (2). On peut ajouter pour l'usage de sa force de travail. Mais celle-ci, la seule qui intéresse le capitaliste, est soumise aux aléas de l'économie. On peut donc s'en passer lorsque son usage devient inutile. On la jette comme on a jeté les salariés de la Camif, de Texas Instrument, de Sanofi, de la Redoute, de Total, de Sony, de Continental, de Rhodia et tous les licenciés de toutes les entreprises et de tous les pays. Le salarié c'est à dire le producteur et tout ce qu'il représente, est ainsi réduit au prix de sa force de travail. Le capitalisme méprise l'homme, le rabaisse à l'état d'article de commerce. Il est nié, il n'a pas de place dans ce système. Seule compte la réalisation maximale du profit. L'homme est ainsi amené, par ce processus de déshumanisation, à servir l'économie dont il n'est finalement qu'un simple rouage.


Un système qui méprise l'homme ne peut respecter la nature.

La course effrénée au profit, le fonctionnement même de ce système sont en profonde contradiction avec la nature. Les problèmes écologiques sont donc inséparables du mode de production capitaliste. Celui-ci est basé sur l'exploitation de l'homme et de la nature : «La production capitaliste ne développe donc la technique et la combinaison du procès de production sociale qu’en épuisant en même temps les deux sources d’où jaillit toute richesse; la terre et le travailleur» (3).

L'homme évidemment fait partie de la nature tout en se distinguant d'elle. Il la transforme pour satisfaire ses besoins. L'homme par son activité transforme les matières fournies par la nature pour les rendre utiles à son propre usage. Mais dans le système capitaliste, la transformation de la nature n'a pas pour objet la satisfaction des besoins humains par la création des valeurs d'usage (valeur utile), mais la production de marchandises destinées à être échangées entre elles (valeur d'échange) pour réaliser un profit maximum. Il faut préciser que le profit est non seulement la raison d'être de ce système, mais aussi une fin en soi. Le procès de production peut donc se répéter à l'infini. Or les ressources naturelles ou tout du moins une partie d'entre elles sont finies.

Les problèmes écologiques sont intimement liés au mode de production capitaliste.

Ce n'est pas un hasard si les patrons des secteurs, entre autres, de la chimie, de la construction automobile, de l'agroalimentaire, de la pêche industrielle, etc. sont systématiquement et farouchement hostiles à tout accord sur l'environnement mettant en cause, même partiellement, leurs marges bénéficiaires.

Détacher ces problèmes de leur contexte économique, social, et historique est une chimère et par-dessus le marché une absurdité.

Aucune conférence, aucun accord, aucun forum, aucune convention ni aucun protocole ne peut mettre fin au «massacre» de l'environnement sans remettre en cause le système lui-même. C'est ce qui explique d'ailleurs, et dans une large mesure, l'échec de ces rencontres et engagements internationaux. Le dernier en date est le Forum mondial de l'eau qui s'est achevé à Istanbul le 22 mars 2009. Ce Forum a réuni 25 000 participants de 192 nationalités. Tout le monde ou presque était présent : entreprises privées, délégations ministérielles, ONG, organisations internationales, associations agricoles etc. etc. Eh bien tout ce beau monde, après de longues palabres, a laissé derrière lui une déclaration finale qui satisfaisait les participants, mais vide de tout sens. Un échec de plus ! (4). Il y aura d'autres protocoles, d'autres accords, d'autres rencontres et...d'autres échecs.

Le «développement durable» ou «soutenable» n'est, lui aussi, qu'un gadget qui permet de faire durer le système et de le soutenir. L'ancien PDG de Renault, Louis Schweitzer, ne déclarait-il pas dans le mensuel «Enjeux Les Echos» en décembre 2004, «le développement durable n'est ni une utopie ni même une contestation, mais la condition de survie de l'économie de marché». Par économie de marché il faut entendre le capitalisme. Il n'est qu'un simple slogan publicitaire rentable pour les entreprises.


En crise totale, le capitalisme donne et continue à donner de belles leçons à celles et ceux qui cherchent encore dans ce système une quelconque morale. Il suffit de voir dans quel état de déconfiture et de faillite sont toutes les valeurs de la bourgeoisie aujourd'hui sans revenir aux guerres terribles, aux crimes innombrables et aux scandales multiples du passé. Des principes comme la démocratie, les droits de l'homme, la séparation des pouvoir, la liberté de la presse etc. s'effondrent les uns après les autres sinon en théorie du moins dans la pratique(5).

Le capitalisme foule aux pieds chaque jour qui passe toute la morale bourgeoise c'est à dire cette immense hypocrisie parée de toutes les vertus. Or comme disait Aristote il y a très longtemps «la richesse, loin d'être la récompense de la vertu, dispensait d'être vertueux» (6).

La crise économique a fait sortir de l'ombre les pratiques les plus sordides et les a projetées dans la lumière la plus éclatante. Parachutes dorés, retraites chapeau, actions gratuites, primes, bonus et autres stock-options sont ainsi distribués allègrement aux dirigeants des entreprises en contre partie des licenciements des salariés et des millions voire des milliards d'euros offerts généreusement par le gouvernement Sarkozy !

Au moment même où des millions d'hommes et de femmes criaient leur colère dans la rue contre le chômage et la baisse de leur pouvoir d'achat, fruit de la politique de classe de ce gouvernement, l'Assemblée nationale a reconduit pour 2009 le bouclier fiscal et a écarté toute taxation des hauts revenus. C'était le 19 mars 2009, le jour de la grève générale!

Il faut préciser que les contribuables les plus riches ( patrimoine de plus de 15,5 millions d'euros), ont reçu au titre de 2008 comme restitution d'impôt, grâce à ce bouclier fiscal, un chèque moyen de 368 261 euros du fisc (7). Mais ce bouclier n'est qu'un cadeau pour les riches parmi tant d'autres. La loi du 21 août 2007 en faveur du travail, de l'emploi et du pouvoir d'achat, dite loi «TEPA» ou «paquet fiscal» prévoit d'autres offrandes à «la divinité patronale» : diminution de l’impôt de solidarité sur la fortune (ISF), allègement des droits de succession etc. Concernant l'ISF, le gouvernement s'achemine progressivement vers sa suppression purement et simplement(8).

La fraude fiscale n'est pas en reste.Total, Michelin et Adidas font l'objet d'une enquête pour blanchiment de fraude fiscale». Selon Le Parisien, ils possèderaient des «comptes au Liechtenstein détenus par des Fondations liées aux trois groupes français»(9). Ainsi va la morale bourgeoise!

Ce qui est vrai pour la France est également valable pour tous les pays ou règne cette ardente et insatiable soif du profit. Car il s'agit d'un fonctionnement «naturel» du capitalisme. Les lois et mesures adoptées par les Etats pour le «moraliser et le moderniser», comme le décret Fillon par exemple, non seulement sont ridicules, mais permettent de renforcer le capitalisme en donnant l'illusion qu'il est «réformable».




Mais, un léger vent d'espoir souffle sur la planète. Des hommes et des femmes relèvent la tête et se mettent en mouvement contre ce système. Des luttes éclatent un peu partout. De Pointe-à-Pitre au Caire, de Mexico à Tokyo en passant par Athènes et Berlin. En France, et sans parler des combats quotidiens menés par les salariés contre leurs patrons,des millions de citoyens se sont mobilisés, entre autres, contre le chômage, c'est à dire le produit le plus authentique de la crise et, partant, du capitalisme.

Au sommet du G20 à Londres, très nombreux étaient les citoyens qui manifestaient au cœur du quartier des affaires et devant la Banque d'Angleterre. Tout un symbole ! Malheureusement un homme est mort dans cette contestation anticapitaliste. La police veille et protège les banques et les banquiers bras financier de ce système ! Sarkozy, lui, est «heureux», et trouve que le sommet a été «au-delà de ce que nous pouvions imaginer»(10).

«Nous allons mettre au défi le capitalisme. Nous voulons montrer qu’il y a de meilleurs moyens de faire marcher le monde. Parce qu’ils ont complètement déconné. Le capitalisme se meurt, il se ronge lui-même» déclarait un manifestant de Londres(11).

A Strasbourg, ville assiégée, les citoyens ont massivement manifesté contre cette organisation guerrière, bras armé du capital.

Partout où les représentants de ce système se présentent, ils trouvent en face d'eux des hommes et des femmes déterminés à lutter contre le capitalisme. Autant les premiers se terrent dans leur bunker, autant les seconds se montrent au grand jours.


En ce début du 21ème siècle, le monde connaît un niveau de développement scientifique, technique, médical etc. jamais atteint dans l'histoire de l'humanité. Pourtant, ce système créé par les hommes mais qui se situe au-dessus d'eux, provoque encore leur malheur et peut être leur perte. Mais ce système est en crise totale et de plus en plus contesté. C'est une occasion historique offerte aux hommes pour qu'ils songent à le remplacer.




Mohamed Belaali




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(1) Le Monde du 21 mars 2009, page10.

(2) T. Hobbes «Léviathan», cité par K Marx dans «Salaire, Prix et Profit».

(3) K. Marx, Le Capital. Tome 1, livre premier, section IV.

(4) Le Monde du 24 mars 2009

(5) Mohamed Belaali, «L'illusion d'une démocratie». http://www.legrandsoir.info/article8006.html

(6) Cité par P. Lafargue dans «Le déterminisme économique de Marx». 1909.

(7) Les Echos http://www.lesechos.fr/patrimoine/impots/300337773-impots---le-bouclier-fiscal-est-maintenu.htm

(8) http://www.lemonde.fr/economie/article/2009/04/03/une-baisse-de-l-isf-serait-envisagee-pour-ceux-qui-investissent-dans-des-pme_1176083_3234.html

(9) http://www.leparisien.fr/faits-divers/michelin-elf-et-adidas-dans-le-collimateur-de-la-justice-31-03-2009-460351.php

(10) http://www.lemonde.fr/la-crise-financiere/article/2009/04/02/g20-plus-de-1-000-milliards-de-dollars-pour-la-relance-et-l-aide-aux-institutions-financieres

(11) http://fr.euronews.net/2009/04/01/g20-londres-capitale-de-la-contestation/


 

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27 avril 2010 2 27 /04 /avril /2010 20:30

 

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Une fois encore le cas de Haïti vient de démontrer d'une manière éclatante combien l'humanitaire est au service du capital. Tous les pays impérialistes, grands et petits, se sont précipités comme des vautours, au nom de l'humanitaire, sur la tragédie de ce petit pays.


Que voit-on sous nos yeux? D'un côté l'armée américaine, avec ses boys surarmés, qui se déploie dans les rues de Port-au-Prince, qui contrôle l'aéroport de la capitale haïtienne et tous les axes stratégiques. De l'autre, des survivants, hommes, femmes et enfants hagards, affamés et assoiffés qui errent à la recherche d'un introuvable point d'eau, d'une introuvable nourriture. Les uns cherchent à occuper le pays, les autres tentent,vaille que vaille, à survivre au milieu des cris des blessés et des cadavres jonchés à même le sol ou enfouis sous des bâtiments effondrés. Si les troupes américaines sont arrivées dès les premières heures du séisme, la population, elle, attend toujours dans des conditions inhumaines cette fameuse «aide humanitaire». Huit jours après le séisme, des centaines de milliers de sans-abris vivent dans des campements improvisés ou comme le dit l'Organisation Internationale pour les Migrations (OIM) « dans des abris de fortune, sans accès à des réseaux d’eau». La rapidité des vols des avions et la rotation des hélicoptères militaires contraste avec la lenteur des secours. Dans les petites villes avoisinantes de la capitale haïtienne, «l'aide humanitaire» est totalement absente.

Et c'est la population elle- même, à mains nues puisqu'elle manque de tout, qui a procédé aux secours d'urgence loin des caméras et du battage médiatique hypocrite. C'est cette même population c'est à dire des rescapés, dans le dénuement total, qui luttent contre la mort, qui sont traités par les grands médias occidentaux de pillards, de bandits, d'émeutiers etc. Ce sont peut-être ces «émeutiers» des quartiers populaires que les américains et leurs caniches européens craignent le plus. Car l'émeute peut se transformer en révolte et celle-ci en résistance à l'occupant.

Barack Obama en compagnie de Bill Clinton et même de Bush promet au peuple haïtien de rester à ses côtés «aujourd'hui, demain et à l'avenir». Les GI ne sont donc pas prêts à quitter le sol de ce pays qu'ils occupent au nom de l'humanitaire mais en toute illégalité.

ONG, entreprises multinationales, artistes, sportifs de haut niveau, hommes et femmes politiques sont ainsi enrôlés dans cette sinistre opération coordonnée par un commandement militaire. «La coopération s’opère à tous les niveaux sous la conduite du Pentagone, seul capable d’assurer le rôle de leader(...) le contrôle est laissé au militaire, subordonnant l’acteur civil et humanitaire» disait Stéphane Sisco membre du Conseil d’administration de Médecins du Monde(1). Aujourd'hui à Haïti rien n'échappe à l'œil vigilent du Pentagone. C'est lui qui contrôle, coordonne, dirige et refoule; il est le maître de la situation.10 000 soldats, des navires de guerre dont un porte-avion nucléaire, des hélicoptères en tout genre une base militaire permanente au nord de Port-au Prince etc. sont à la disposition du général Ken Keen qui n'est que l' exécutant des ordres du pentagone.

L'aide humanitaire est évidemment la mission officielle de cette armada : «Notre mission est de fournir une assistance humanitaire", déclarait à L'AFP le colonel Pat Haynes. C'est d'ailleurs le président de l'USAID, agence gouvernementale américaine d'aide au développement, qui a accompagné samedi 16 janvier 2010 Hillary Clinton dans son voyage à Haïti pour accomplir cette noble mission humanitaire. «Nous travaillons de concert avec la constellation d'organisation non gouvernementales qui s'efforcent depuis des années d'améliorer la vie du peuple haïtien.(...) L'argent afflue à la Croix-Rouge et dans d'autres organisations humanitaires» soulignait de son côté Barack Obama président des États-Unis dans un texte publié par Newsweek et Le Monde du 20 janvier 2010.

Les multinationales dont la brutalité exercée sur leurs propres salariés est quotidienne( exploitation, conditions de travail insupportables etc) se métamorphosent en entreprises philanthropiques et envoient, dans un élan de générosité, des millions d'euros ou de dollars aux pauvres haïtiens. Ainsi des banques comme la Société Générale ou le Crédit Agricole, après avoir distribué à leurs dirigeants et «collaborateurs» de substantiels bonus et autres stock options, se sont engagées à envoyer 1 million d'euros aux sinistrés du tremblement de terre. France Telecom, dont la direction des relations humaines a poussé au suicide nombre de ses salariés, a lancé par le biais de sa filiale Orange et en collaboration avec les autres opérateurs Mobile une campagne de récolte de dons par SMS. EADS, célèbre groupe aéronautique pour ses scandales financiers, prête à l'association Action contre la faim un gros porteur A 340 pour porter secours aux haïtiens.

Pour ces entreprises et pour bien d'autres qui participent à cette grande messe humanitaire, le drame haïtien est utilisé, avec beaucoup de cynisme, comme opération de relations publiques. L'humanitaire constitue, pour elles, une aubaine qui leur permet, à peu de frais, d'améliorer leur image de marque bien ternie par des scandales multiples et par leur attitude inhumaine vis à vis de leurs propres salariés.

Quant aux grands médias, notamment la télévision, la tragédie haïtienne est un show rentable qui permet d'augmenter l'audimat et d'engranger des recettes publicitaires en exploitant, eux-aussi, la compassion et la générosité des téléspectateurs. Elle leur permet, par ailleurs, de ne pas parler ou de ne pas montrer les luttes sociales qui éclatent ici ou là.

L'humanitaire sert de paravent aux visées hégémoniques impérialistes. Il exploite cyniquement les sentiments altruistes et de solidarité des citoyens pour servir, en dernière analyse, les intérêts d'une classe sociale minoritaire, mais qui possède tous les pouvoirs.


Mohamed Belaali


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(1) Mohamed Belaali « L'humanitaire au service du capital»:http://www.legrandsoir.info/L-humanitaire-au-service-du-capital.html


























 

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26 avril 2010 1 26 /04 /avril /2010 12:46

 

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« nous avons les meilleures relations avec les ONG, qui sont un tel multiplicateur de forces pour nous, une part si importante de notre équipe de combat. (...) Car [nous] sommes tous engagés vers le même but singulier, aider l’humanité, aider chaque homme et chaque femme dans le monde qui est dans le besoin, qui a faim (...), donner à tous la possibilité de rêver à un avenir qui sera plus radieux » disait Collin Powell (1). «Les Etats démocratiques doivent se mobiliser et exiger ce qui n'est au fond que le début de la démocratie, que des personnels humanitaires d'autres pays puissent porter secours à des populations innocentes» renchérit Nicolas Sarkozy à l'occasion du 90ème anniversaire de la Croix Rouge (2).« Ensemble pour l’humanité : 90 ans et au-delà » lui répond Juan Manuel Suárez del Toro son président. Bernard Kouchner, lui, parle de «l'idéologie occidentale des droits de l'homme» et du «droit d'ingérence humanitaire ». Mais ce droit n'est, en fait, que le droit du plus fort c'est-à-dire du non droit. L'humanitaire, quelques soient sa forme et ses acteurs, sert de prétexte et de couverture à des visées hégémoniques et impérialistes. Il est strictement au service du capital et des classes dominantes.



 

Hier on envoyait les missionnaires pour civiliser les «sauvages» en leur apportant lumière et civilisation, aujourd'hui on « s'ingère humainement » pour leur offrir démocratie et liberté. L'humanitaire a remplacé le missionnaire.

Un homme comme Bernard Kouchner, principal promoteur du «droit d'ingérence humanitaire», symbolise très bien l'hypocrisie, le cynisme et la violence de cette vision «humanitaire» du monde utilisée par les pays riches. Il est l'incarnation vivante de ce que représente ce droit. Payé par Total, il rédige un rapport niant, si l'on peut dire, totalement le travail forcé et les traitements inhumains infligés par le groupe pétrolier aux ouvriers birmans. Kouchner l'humanitaire, était également un farouche partisan de la guerre contre l'Irak (3) dont le nombre de victimes dépasse le million de morts. Kouchner, après Bush et Sarkozy, préparait aussi le monde au «pire» c'est-à-dire à «la guerre» contre, cette fois, l'Iran (4).Son amour pour l'humanitaire n'a d'égal que son admiration pour la guerre!

L'humanitaire et la guerre sont deux moyens contradictoires mais complémentaires avec un seul objectif :servir les intérêts des classes dominantes. Il est difficile de distinguer clairement l'humanitaire du militaire tellement les deux instruments sont imbriqués l'un dans l'autre. On fait la guerre au nom de l'humanitaire et on invoque l'humanitaire pour justifier la guerre. Mais l'humanitaire reste souvent subordonné au militaire comme le rappelle Stéphane Sisco membre du Conseil d'administration de Médecins du Monde, «La coopération s'opère à tous les niveaux sous la conduite du Pentagone, seul capable d'assurer le rôle de leader. Comme nous le voyons en Irak les forces armées fixent l'ordre des priorités et maîtrisent le déroulement de la mission, du pré-déploiement à la sortie de crise (exit strategy). Le contrôle est laissé au militaire, subordonnant l'acteur civil et humanitaire»(5). Idem en Afghanistan : «La militarisation de l’aide, les ERP [Equipes de reconstruction provinciales dirigées par l’Organisation du Traité de l’Atlantique nord, OTAN], le trop grand nombre de services de sécurité et la confusion croissante des rôles ont contribué à réduire l’espace humanitaire et à véhiculer de fausses images sur le travail des ONG », confiait à l'IRIN (un département d'informations humanitaires des Nations Unies) Ashley Jackson, chercheur pour Oxfam à Kaboul(6). Les mêmes raisons engendrent les mêmes comportements au-delà des convictions des militants.

C'est au nom du droit d'ingérence humanitaire que les pays occidentaux (États-Unis,Union Européenne notamment) souvent avec l'aide de l'OTAN, leur bras armé, que le Kurdistan irakien fut envahi en 1991, l'opération «Restore hope» menée en Somalie en 1992, ou l’envoi d’une force d’intervention de l’OTAN au Kosovo en 1999 etc. Quant à l'opération «Turquoise» menée par la France au Rwanda en 1994, toujours au nom de l'humanitaire, après le génocide des Tutsi auquel elle a largement contribué , voilà ce qu'en pensent les prêtres catholiques rescapés de cette tragédie humaine: «Les responsables du génocide sont les soldats et les partis politiques du MRND et de la CDR, à tous les échelons, mais plus particulièrement aux échelons supérieurs, appuyés par la France qui a entraîné leurs milices. C’est pourquoi nous considérons que l’intervention soi-disant humanitaire de la France est une entreprise cynique» (7).

Ainsi le droit d'ingérence, sous des prétextes humanitaires, permet et facilite l'ingérence impérialiste. Le droit d'ingérence est le droit du plus fort. Seuls les États les plus puissants peuvent intervenir et envahir militairement les pays pauvres sous la bannière humanitaire pour mieux piller leurs richesses. C'est pourquoi les pays du sud ont rejeté ce «droit d’intervention humanitaire» à la Havane en 2000 lors du sommet du G77(qui représente tout de même environ les 4/5 de l'humanité).

Les pays capitalistes ne font appel au droit d'ingérence humanitaire que pour mieux servir leurs propres intérêts. Dans le cas contraire, ils invoquent le droit de non ingérence dans les affaires intérieures des États souverains. Cette vision sélective de l'humanitaire conduit ces États à intervenir massivement par exemple au Kosovo et à rester passif face aux massacres perpétrés par l'armée israélienne à Gaza. C'est de l'humanitaire à géographie variable!

Les Organisations Non Gouvernementales (ONG) et autres associations liées à l'humanitaire, quelque soit par ailleurs la sincérité de leurs militants, ne peuvent que se mouvoir dans les limites de ce cadre général tracées par les intérêts économiques des classes dominantes. La plupart des ONG humanitaires dépendent financièrement de leurs propres États, des instances européennes comme le service d’aide humanitaire de la Commission Européenne (DG-ECHO) ou des institutions internationales. Ainsi par exemple Save the Children USA, International Rescue Committee et World Vision ont reçu un financement de 2 millions de dollars de USAID, l’agence américaine pour la coopération et l’aide humanitaire, pour «soulager» la population irakienne(8). C'est le cas également des ONG humanitaires scandinaves, belges et hollandaises où la part du financement public reste prédominante (9). Et même lorsque ces ONG et associations sont financées essentiellement par des fonds privés comme c'est le cas de Médecins sans frontières(MSF), Médecins du monde(MDM), La Fédération internationale de la Croix-Rouge, Action contre la Faim etc(10), l'influence de l'État reste déterminante ne serait-ce qu'à travers les très généreuses exonérations d'impôts liées aux dons.

La collecte de dons justement (fundraising comme elles disent) devient, de plus plus, l'une des priorités pour ne pas dire la priorité des grandes associations humanitaires. Pour atteindre cet objectif vital pour elles, les ONG humanitaires recourent aux mêmes techniques de gestion que les entreprises privées. Pour séduire le généreux donateur, toute une panoplie de techniques est utilisée: marketing (humanitaire?), publicité commerciale, recours aux agences spécialisées dans les techniques de communication, alliance avec les fondations comme celle du milliardaire bill Gates par exemple et surtout avec les multinationales (on dit partenariat cela fait plus moderne) qui à leur tour instrumentalisent ces associations pour améliorer leur image de marque etc.(11).

Mais au-delà de ces techniques, ce qui est frappant c'est cette marchandisation croissante et sans scrupules des principes même de l'humanitaire. Celui-ci, là encore, se révèle un outil intéressant au service de l'entreprise et, partant, du capital.

Les entreprises se servent volontiers également de la loi du 4 février 1995 sur le congé de solidarité internationale qui leur permet d'envoyer leurs salariés en mission humanitaire à l'étranger. Le Crédit Agricole , le Club Méditerranée, Price Waterhouse Coopers, IBM, L'Oréal, SFR, Areva etc.(12) ont bien compris l'intérêt de cette opération de relations publiques qui leur permet, à peu de frais, de redorer leur blason bien terni par des scandales sociaux, écologiques et éthiques liés à leur recherche effrénée du profit.

L'humanitaire et les grands médias notamment la télévision entretiennent des relations intimes, voire incestueuses. La misère du monde est régulièrement projetée sur la scène médiatique non pas pour expliquer aux citoyens ses véritables causes et dénoncer ses responsables, pourtant connus, mais pour augmenter l'audimat en exploitant les bons sentiments altruistes du téléspectateur. La souffrance humaine se transforme en spectacle. Artistes, sportifs de haut niveau, hommes et femmes politiques etc. sont ainsi utilisés dans ce show médiatique. Le malheur des autres, l'émotion, la détresse humaine attirent le public et, par conséquent, augmentent les recettes publicitaires des chaînes télévisuelles.

Les acteurs de l'humanitaire, eux, avec leur rationalité capitaliste de gestion, tentent de «vendre» les souffrances des victimes, à travers les médias, aux précieux donateurs qui sont en quelque sorte leurs «clients».


L'humanitaire ne fait que soulager, dans le meilleur des cas, très momentanément la détresse humaine. Il ne s'attaque pour ainsi dire jamais aux racines des malheurs des hommes c'est-à-dire au capitalisme et son fonctionnement. Dans ce sens, il est non seulement au service de l'ordre établi, mais il le perpétue. L'humanitaire dans un système inhumain, est donc une illusion pour ne pas dire une absurdité.


Mohamed Belaali


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(1) Conférence à Washington, 26 octobre 200, cité par Rony Brauman «Mission civilisatrice, ingérence humanitaire» in Le Monde diplomatique de septembre 2005:

(2) http://www.francesoir.fr/politique/2009/05/04/nicolas-sarkozy-defend-l-ingerence-humanitaire.html

(3) http://www.rue89.com/2007/08/22/kouchner-en-2003-facile-detre-contre-la-guerre

(4) voir l'AFP du 16 septembre 2007.

(5) http://www.infosentinel.com/info/article_09_sisco.php

(6) http://www.irinnews.org/fr/ReportFrench.aspx?ReportId=85779

(7) African Rights, Death, Despair, 1142. http://www.voltairenet.org/article8056.html

(8) http://www.grip.org/bdg/g2050.html

(9) «Les organisations non gouvernementales (ONG) : un acteur incontournable de l'aide

humanitaire», Philippe Ryfman

(10) Voir les sites officiels de ces ONG/Associations notamment leurs rapports financiers.

(11) Pour plus de développements sur cet aspect du sujet, voir le travail de Zsuzsa Ferenczy «Les ONG humanitaires, leur financement et les médias». Institut Européen des Hautes études Internationales. Comme exemple de ce marketing «humanitaire», voir l'affiche d'Action contre la Faim http://www.culture-buzz.fr/blog/Street-Marketing-Humanitaire-261.html

(12) Pour plus de détails, voir le site de Planète Urgence http://www.planete-urgence.org/


 

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24 avril 2010 6 24 /04 /avril /2010 22:26

Najialali1

Trois cent soixante-cinq jours sont passés et la tragédie est encore dans toutes les mémoires.

Le responsable ? Un État, mais un État qui ne ressemble à aucun autre. Un État fondé sur une immense injustice. Face à lui, un peuple qui subit chaque jour les pires persécutions et les pires humiliations mais qui est toujours debout.

 

Il s'agit d'un État au-dessus de toutes les lois.

Un État qui tue froidement hommes et femmes, enfants et vieillards, filles et garçons.

Un État qui viole tous les jours le droit international et toutes les résolutions de l'ONU.

Un État où le racisme est érigé en institution.

Un État qui défie tous les peuples et tous les autres États du monde.

Un État dirigé par un gouvernement d'extrémistes et de fanatiques.

Un État qui au nom du droit à l'existence d'un peuple est déterminé à exterminer un autre peuple. Un État qui dresse un mur de quelques 700 Kilomètres de longueur et de plusieurs mètres de hauteur et fait construire par, gouvernement interposé, un autre mur souterrain entièrement en acier de 20 à 30 mètres de profondeur pour assiéger et étouffer toute une population.

Un État qui sème des check-points un peu partout pour briser tout mouvement libre de l'autre peuple.

Un État qui fait inlassablement la guerre au nom de la paix.

Un État qui capture les enfants et les rend la nuit à leur famille le corps recousu du menton à l'abdomen et vidé de ses organes vitaux.

Un État qui bombarde sans scrupules écoles, hôpitaux, ambulances, maisons d'habitation et lieux de culte.

Un État qui pratique des crimes de guerre en toute impunité.

Un État sans véritable opposition interne ni réelle pression externe.

 

Face à cet État oppresseur, se dresse un peuple opprimé.

Un peuple qui a été arraché à sa terre comme on a arraché ses vignes, ses oliviers, ses citronniers et ses orangers.

Un peuple dont on a effacé jusqu'aux noms de ses villages détruits et sur leurs ruines on a élevé kibboutz et colonies.

Un peuple qui, transformé en exilé et en réfugié, est réduit à errer à travers le monde et à survivre dans des camps de concentration sous des tentes .

Un peuple qui continue à payer de son sang et de sa chaire la complaisance, l'hypocrisie et la lâcheté de ce que l'on appelle encore la communauté internationale.

Un peuple dont le nom évoque irrésistiblement les massacres les plus cruels et les plus horribles qu'aient connu le XX et ce début du XXI siècle.


Mais aujourd'hui à l'intérieur même de cet État, quelques bourgeons ici et là éclatent. Ils fleurirons peut-être demain sur l'ensemble de cette terre martyre. Ouvriers solidaires, soldats désobéissants, religieux ouverts, pacifistes humanistes, journalistes, intellectuels et universitaires courageux s'opposent de toute leur énergie à la barbarie de leur propre État.

De son côté, la résistance, comme ces petites fleurs sauvages qui traversent les murs les plus solides, ira rejoindre celle, encore embryonnaire, de ces hommes et de ces femmes admirables qui refusent et rejettent avec courage ce monstre/ État qui se place au-dessus de tout.

De leur lutte commune naîtra un autre État et un autre peuple formé des deux peuples qui, auparavant, s'opposaient et s'entretuaient. Ils démentiront et remplaceront par leur existence même le mensonge qui a fait couler trop de sang :« une terre sans peuple pour un peuple sans terre».

Ensemble, ils mettront un terme à des décennies de drames, de souffrances et de malheurs.

 

Mais le chemin à parcourir est encore long, très long. Des morts viendront s'ajouter à d'autres morts. Des tragédies succéderont à d'autres tragédies.

Cependant cet État très singulier et très puissant n'est pas invincible; car élevé sur les cadavres et les terres d'un autre peuple.

Les puissances qui l'ont porté à bout de bras des décennies durant ne sont plus aujourd'hui les maîtres absolus du monde. D'autres États contestent de plus en plus ouvertement cet État devenu anachronique.

Cet État n'a plus en face de lui comme avant des armées régulières qu'il peut vaincre en quelques jours, mais des hommes et des femmes armés qui sont partout et nulle part qui le harcèlent en permanence. Incapable de leur venir à bout, il retourne alors sa puissance de feu démesurée contre des civils innocents.

Des citoyens de plus en plus nombreux, de toutes nationalités, de toutes professions et de toutes confessions, boycottent les activités économiques et culturelles de ce régime d'apartheid. C'est un phénomène ancien dans son principe mais nouveau par son ampleur. Il se nourrit de la résistance armée en même temps qu'il la consolide.

 

Des fissures fines et minuscules encore apparaissent sur le visage hideux de ce monstre/État. Il faut les élargir pour que cette terre tant aimée et tant disputée devienne ce qu'elle a toujours été, une terre de paix.

Les murs tomberont et le soleil pourra alors «passer sans que les soldats lui tirent dessus» comme le disait le poète Salim Jabrane.

 

Mohamed Belaali

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

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23 avril 2010 5 23 /04 /avril /2010 19:02

 

 

nicolas-sarkozy.1218183177.jpg

 

 

«La France dont je rêve est une France qui ne laisse tomber personne, une France qui est comme une famille où le plus faible, le plus vulnérable, le plus fragile a droit à autant d’amour, autant de respect, autant d’attention que le plus fort» affirmait Sarkozy le 22 avril 2007. Cette belle déclaration contraste violemment avec la réalité de la France d'aujourd'hui :chômage de masse, paupérisme, suicides au travail et dans les prisons, destruction systématique du service public, répression des mouvements sociaux, contrôle et surveillance des citoyens, propagande nationaliste, grande souffrance infligée aux sans papiers, népotisme, médias aux ordres, etc. etc.

 

En deux ans et demi de pouvoir quasi absolu de Sarkozy, la situation économique, sociale et politique de la France s'est nettement dégradée et va continuer, hélas, à s'aggraver : «on s'attendait au pire, ce fût pire» disait un anonyme.

Mois après mois, année après année le chômage poursuit inlassablement son ascension. Le salarié, devenu chômeur, perd toute existence et toute reconnaissance sociale. Fragilisé et sans ressources matérielles suffisantes, il accepte toute offre d'emploi pour survivre. Cette insécurité sociale fait de lui un être totalement soumis aux exigences du capital. C'est là l'une des fonctions essentielles du chômage: créer des conditions objectives permettant la soumission du travail au capital.

La flexibilité, la précarité, le démantèlement du code du travail et la remise en cause du droit de grève n'ont d'autres objectifs que de soumettre totalement le salarié au patron. Poussé par la bourgeoisie qui l'a hissé à la tête de l'État, Sarkozy s'attaquera systématiquement à tout ce qui protège de près ou de loin le salarié, le livrant ainsi sans défense aucune au patronat.

A l'usine comme au bureau, le salarié doit donc subir le despotisme du profit : produire toujours plus dans un laps de temps de plus en plus réduit. Pour atteindre cet objectif, c'est-à-dire pour intensifier le travail humain, les propriétaires du capital vont pousser le salarié jusqu'aux limites extrêmes de ses facultés physiques et intellectuelles en s'appuyant sur une horde de directeurs, managers et autres collaborateurs armés de «new management». Stress, dépressions et autres violences psychologiques vont se multiplier et s'accélérer. Le salarié ainsi pressuré, méprisé, humilié, atomisé et isolé va utiliser le suicide comme ultime moyen de protestation contre le capital. Les victimes des accidents du travail, elles, sont tout simplement considérées par Sarkozy comme des privilégiés. Il faut donc taxer leurs maigres indemnités. Cette mesure a été adoptée par l'Assemblée Nationale le 13 novembre 2009. Les économies ainsi réalisées sur le dos d' hommes et de femmes que le travail a amputé d'une partie d'eux-mêmes, seront certainement prodiguées aux banquiers, aux industriels et autres bourgeois créateurs d'emplois, n'est-ce-pas ?

Le salarié est ainsi cerné de toute part. Occupant un emploi, il subit le diktat d'un patronat en position de force à cause du chômage de masse et protégé de surcroît par un État que Sarkozy a entièrement mis à sa disposition. Chômeur, il survit avec une indemnité de plus en plus faible ce qui accentue sa dépendance vis à vis du capital d'autant plus qu'il livre en même temps une concurrence acharnée à tous les autres chômeurs.

Mais notre salarié peut également devenir travailleur pauvre alternant activité et chômage avec des salaires et des indemnités de misère. Chômeur ou travailleur, il est de plus en plus pauvre. Face à lui se dresse une insolente et puissante richesse, celle d'une minorité de possesseurs du capital, qui le domine. Cette paupérisation du salariat est une caractéristique fondamentale du capitalisme.

Appauvri et menant une existence précaire, notre salarié tombe malade. Il hésite,comme des millions de ses concitoyens, à se faire soigner tellement les frais qui restent à sa charge sont lourds. Il sait par exemple qu'il doit payer sur chaque boîte de médicaments 0,50 euros, que la liste des médicaments qui étaient jusqu'alors remboursés à 100 % et qui ne le sont plus est de plus en plus longue et que les honoraires des médecins ne cessent d'augmenter. Il constate également que l'État abandonne progressivement l'hôpital public au profit des cliniques privées dont l'unique but est de faire du profit. Sarkozy est également déterminé à vouloir fermer les blocs opératoires réalisant moins de 1500 interventions chirurgicales par an et les maternités qui pratiquent moins de 100 actes chirurgicaux. La chirurgie est un acte médical coûteux que les plus démunis ne peuvent s'offrir dans les cliniques privées. Seul l'hôpital public leur reste accessible. En fermant une partie des blocs opératoires du public, Sarkozy force les patients à se diriger vers le privé. Or plus de 80 % des chirurgiens des cliniques commerciales sont en secteur 2 c'est-à-dire en dépassement d'honoraires souvent très importants. Sarkozy compte aussi, à partir de 2010, augmenter le forfait hospitalier qui passera de 16 à 18 euros par jour somme qui, ajoutée aux autres frais restant à la charge des patients, exclut la partie de la population qui a le plus besoin de soins, comme notre salarié, car plus vulnérable que les autres catégories sociales.

De tout cela, notre salarié ressent une profonde injustice et un vague sentiment de révolte le traverse. Craintif, il ne veut pas perdre son emploi en affrontant par exemple la direction. Il reste néanmoins admiratif de ses camarades qui, pour crier leur colère contre cette injustice et pour améliorer leur triste sort, sacrifient régulièrement une partie de leur salaire déjà faible en se mettant des journées entières en grève. Il sait aussi que Sarkozy, pour défendre les intérêts de la classe qu'il représente, utilise systématiquement la force brutale pour étouffer la moindre manifestation et la moindre contestation. Même lorsqu'il se déplace, il exige des préfets et des responsables de la police, sous peine de sanctions, d'éloigner le plus possible les citoyens mécontents de sa politique et de leur confisquer tracts, pancartes et autres banderoles. En vrai autocrate, il ne supporte aucune contestation populaire. Si la plupart des présidents de la République aimaient et cherchaient même le contact avec la population, ne serait-ce que pour soigner leur image dans l'opinion publique, Sarkozy, lui, a peur des citoyens. Contre eux, il mobilise tout l'appareil répressif de l'État.

Combien de manifestants ont été brutalisés, humiliés et traduits devant les tribunaux pour avoir crié leur indignation et leur colère contre les dérives d'un homme qui concentre tous les pouvoirs entre ses mains? On se souviendra longtemps de ce professeur de philosophie arrêté et trainé devant le tribunal de police pour avoir simplement crié...«Sarkozy, je te vois»! Combien de syndicalistes, de militants associatifs, de défenseurs de sans papiers ou de simples citoyens qui refusent de courber l'échine n'ont pas été confrontés à la violence policière depuis que Sarkozy est au pouvoir?

Sarkozy utilise également la technologie la plus moderne pour contrôler et surveiller les citoyens. La vidéosurveillance par exemple est devenue l'obsession et «la priorité absolue» de son gouvernement(1). «la priorité absolue» n'est donc pas de lutter contre le chômage ou contre la misère qui ronge une frange de plus en plus grande de la population, mais de surveiller les citoyens! Ainsi 20 000 caméras sont déjà installées dans les rues de France et Sarkozy espère atteindre les 60 000 en 2011. La surveillance et le contrôle des mouvements des citoyens s'étendront même «aux parties communes des habitations, transport, commerce» etc.(1). D'autres pratiques se généralisent et se banalisent comme les prélèvements d'ADN, la surveillance du Net ou encore le fichage de la population. Car le contrôle doit être total !

Mais cette véritable guerre que la bourgeoisie mène sans répit contre le reste de la population n'est que le reflet de cette lutte de classes qu'elle nie obstinément tout en l'exerçant au quotidien.

Pour se consoler, notre salarié sait qu'il y a des situations pires encore que la sienne. Il pense plus particulièrement aux travailleurs sans-papiers, même s'il avoue qu'il lui arrive de les considérer comme des concurrents. Parfois il sent même qu'il est attiré par les idées de ses ennemis de classe( xénophobie, racisme etc.), mais il sait au fond de lui même qu'un travailleur même sans- papiers reste un travailleur. Et c'est en côtoyant Moussa, Nadia et Mamadou, travailleurs sans-papiers, qu'il est devenu sensible à leur drame. C'est alors qu'il a appris que les Sarkozy, Hortefeu, et autres Besson reconduisaient manu militari les sans-papiers afghans dans leurs pays en guerre, arrachaient «les enfants, qui hurlaient de terreur(...)à leurs parents pour obliger ces derniers, qui s'y refusaient, à sortir des locaux d'hébergement du centre de rétention» (2), traquaient les enfants de sans-papiers à l'intérieur comme à l'extérieur des écoles maternelles etc. etc. Combien de vies humaines Sarkozy et son clan ont-ils brisées? Sarkozy, Hortefeu et Besson auront-ils un jour le courage de publier ces statistiques comme ils publient régulièrement et fièrement celles des expulsions?

En écrivant ces lignes, on apprend qu'un travailleur sans-papiers Mohamed Ida, s'est suicidé mardi 17 novembre 2009 dans sa cellule de la maison d’arrêt de Borgo en Corse (3).

Mais Sarkozy doit éprouver un singulier plaisir à caresser les idées d'une frange de la population xénophobe et raciste en infligeant cette grande souffrance à des hommes et des femmes sans défense. Cette lâcheté n'a d'égal que les voix de celles et de ceux dont l'acte politique se réduit à la haine de l'autre. Et pour entretenir cette partie de la population, qui ne bénéficie d'ailleurs aucunement de la politique de Sarkozy mais utile au moment du vote, la bourgeoisie utilise en ce moment toute la puissance de l'État pour mener une véritable propagande nationaliste, baptisée «Grand débat sur l'identité nationale» qui rappelle les moments les plus sombres de l'histoire de France.

Épuisé après une journée de travail bien chargée, notre salarié s'assoit devant le petit écran pour se détendre. Il voit défiler devant lui une avalanche d'images et de commentaires sur le mur de Berlin diffusées depuis plus d'une semaine. Il commence alors à douter de la sincérité de cette forme particulière d 'information. En la répétant inlassablement, celle-ci devient une plate tautologie et se transforme par la suite en une vulgaire et grossière propagande à la gloire de l'ordre établi. La classe dominante cherche par le biais des grands médias à dresser de véritables murs dans le cerveau des gens les empêchant ainsi de voir et de réagir au-delà des limites de la propagande. Ces images à répétition lui rappellent celles de l'affaire Clearstream, de Grégory, du colon de Johnny, du décès de Michael Jackson, de la grippe A, des matchs de foot et leurs résultats, de la météo, d'une liste interminable de faits divers et bien sûr de la figure omniprésente de Sarkozy. Il constate également une quasi-absence d'images et de commentaires sur les murs que la bourgeoisie construit un peu partout dans le monde, comme celui de Ceuta, celui installé par les États-Unis à la frontière avec la Mexique, celui qui sépare les chiites des sunnites en Irak ou encore celui qui encercle la population palestinienne et enferme, paradoxalement, la société israélienne. Le même silence s'abat sur les luttes sociales, sur la souffrance des chômeurs, les suicides dans les prisons, la brutalité légale et illégale pendant les gardes à vue dans les commissariats, le drame des sans-papiers etc.

Le zèle que les journalistes des grands médias déploient pour propager les idées de la classe dominante qui les emploie contraste tristement avec le mutisme qu'ils opposent à toute résistance et toute contestation de l'ordre établi. Leur soumission au pouvoir économique et politique incarné à la tête de l'État par Sarkozy n'a jamais été aussi totale.

Sous le régime de Sarkozy, produit de la lutte des classes aujourd'hui en France, la domination et la répression sont plus directes et plus brutales. Le seul mérite de Sarkozy , si l'on peut dire, c'est d'avoir démystifié l'État républicain, la démocratie, la liberté de la presse, la séparation des pouvoirs, les droits de l'homme et bien d'autres concepts de l'idéologie bourgeoise dont la fonction principale est de masquer la violence des rapports d'exploitation capitaliste.


Mohamed Belaali


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(1) Le Monde du 13 novembre 2009

(2) http://www.midilibre.com/articles/2009/11/04/NIMES-Des-Georgiens-renvoyes-de-force-en-Pologne-984849.php5

(3)http://www.ldh-france.org/Suicide-d-un-sans-papier-a-la




 

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22 avril 2010 4 22 /04 /avril /2010 10:48

« C’est toujours nous les travailleurs qui payons » disait une manifestante grecque. « Même s’ils nous terrorisent, les mesures ne passeront pas » scandaient les grévistes. Qu’est ce qui se trame contre la classe ouvrière et les couches populaires en Grèce ? Les mesures d’austérité décidées par le gouvernement grec et adoptées par le parlement sont approuvées par la Commission européenne, la Banque Centrale Européenne, le FMI, les agences de notation et saluées par l’ensemble des gouvernements européens. Ce plan est dirigé contre les classes populaires grecques. Par contre les industriels, les banquiers et autres parasites financiers c’est à dire les vrais responsables de la crise économique que connaît la Grèce, ne sont nullement concernés par ce plan dit d’austérité.

L’aristocrate Christine Lagarde tenait absolument à saluer les décisions prises par le gouvernement grec : « Je rends hommage à la lucidité et au réalisme du gouvernement grec et au caractère tangible du dispositif mis en place. [...] Si ça n’avait été que des mesures marginales ou structurelles probables, on aurait pu être sceptique, mais là c’est du dur, c’est du tangible ». « C’est un signal très important envoyé aux marchés pour qu’ils regagnent confiance dans la Grèce mais aussi dans l’euro » renchérit Angela Merkel [1].

Les bourgeoisies européennes et leurs institutions se congratulent et se félicitent mutuellement pour avoir réussi à faire adopter par le Pasok ( le Parti socialiste grec dirigé par Georges Papandréou au pouvoir) un plan économique intitulé « mesures d’urgence pour faire face à la crise financière » destiné à réaliser près de 5 milliards d’euros sur le dos des classes populaires. La TVA, qui passe de 19 à 21 %, est un impôt sur la consommation payé essentiellement par les pauvres qui ne peuvent épargner. Les plus riches ne sont donc pas vraiment concernés par cette hausse. Le parti socialiste au pouvoir va également réduire de 30 % le 13ème mois et de 60 % le 14ème mois de salaire des fonctionnaires. Ce sont toujours les salaires et jamais les profits qui sont touchés. Le plan prévoit également le gel des pensions de retraite du privé comme du public. Le carburant qui a connu une hausse de près de 25 centimes par litre en février, augmente à nouveau de 8 centimes pour le litre d’essence et de 3 centimes pour celui du diesel. Seules les couches populaires vont supporter les conséquences dramatiques de ces mesures injustes. C’est une véritable guerre que le gouvernement déclare non pas à la dette comme il le prétend, mais à l’ensemble des classes populaires. Les marchés financiers, eux, se frottent les mains : « le soulagement est évident sur les marchés monétaires depuis que la Grèce a annoncé ses mesures d’austérité supplémentaires » déclare un spécialiste du Crédit Agricole [2].

La réponse de la population fut immédiate et massive : en moins d’une semaine, le 5 et le 11 mars, deux journées de grève générale dans tout le pays sans parler des grandes manifestations du 23 et 24 février 2010. Ouvriers, employés, enseignants, retraités, infirmières, marins, journalistes, étudiants, se sont retrouvés côte à côte dans les rues d’Athènes et des autres villes grecques pour crier leur colère contre ce plan d’austérité. Les services publics étaient paralysés, les avions cloués au sol, les trains bloqués à la gare, les navires étaient à l’ancre, les banques travaillaient au ralenti etc. Face à cette résistance populaire, le gouvernement n’a offert comme seule et unique réponse, la répression ! Une véritable lutte de classe se déroule sous nos yeux en Grèce. D’un côté une minorité de riches menée par le parti socialiste au pouvoir soutenu par toutes les bourgeoisies européennes et leurs institutions, de l’autre, le peuple grec guidé par la classe ouvrière et ses organisations légitimes. Les premiers, responsables de la ruine du pays, s’accrochent à leurs privilèges, les seconds c’est à dire l’immense majorité de la population se battent pour maintenir leur niveau de vie et leurs acquis sociaux qu’ils ont arraché de haute lutte. Le combat que mène en ce moment le peuple grec est riche d’enseignements. Il met en exergue le fait que les intérêts des classes populaires sont diamétralement opposés à ceux du gouvernement et du parlement. Cette lutte a une portée qui dépasse largement le cadre grec. Elle concerne l’ensemble des travailleurs européens. De l’issue de la résistance grecque dépendra celle des travailleurs des autres pays de l’Union qui ne vont pas tarder à subir à leur tour des plans similaires. Car la situation grecque ne diffère pas vraiment de celle de l’Espagne, du Portugal, de l’Irlande etc. Les événements qui se déroulent aujourd’hui en Grèce, se développeront peut-être demain sur tout le continent.

Le combat du peuple grec jette une lumière éclatante sur les sombres objectifs de l’Union Européenne. Il s’agit d’une construction au service exclusif des entreprises, des banques, des compagnies d’assurance, bref au service du capital. Les bourgeoisies européennes sont unies contre la classe ouvrière et déterminées à lui faire supporter tout le fardeau de la crise du capitalisme dont elles sont responsables. Mais les politiques économiques récessives qu’elles sont amenées à appliquer risquent d’aggraver davantage la situation économique, exigeant de nouvelles mesures encore plus dures. La confrontation avec les couches populaires devient, dans ces conditions, inévitable. La classe ouvrière européenne doit se préparer à ces nouveaux combats. Les gouvernements européens au solde de la bourgeoisie, eux, ne reculeront devant rien pour imposer leur volonté et briser la résistance populaire. L’ unité de la classe ouvrière est donc une nécessité vitale.


Mohamed Belaali


 

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